" ... jusquaujourdhui, toutes les contradictions historiques
entre les classes exploiteuses et exploitées, dominantes et
opprimées trouvent leur explication dans cette même
productivité relativement peu développée du travail
humain. Tant que la population qui travaille effectivement est tellement
accaparée par son travail nécessaire qu'il ne lui reste plus
de temps pour pourvoir aux affaires communes de la société,
- direction du travail, affaires de lEtat, questions juridiques, art,
science, etc.,- il a toujours fallu une classe particulière, qui,
libérée du travail effectif, puisse pourvoir à ces
affaires ; ce qui ne la jamais empêchée dimposer
à son propre profit aux masses travailleuses une charge de travail
de plus en plus lourde. Seul, lénorme accroissement des forces
productives atteint par la grande industrie permet de répartir le
travail sur tous les membres de la société sans exception,
et par là, de limiter le temps de travail de chacun de façon
quil reste à tous suffisamment de temps libre pour prendre part
aux affaires générales de la société, -
théoriques autant que pratiques. Cest donc maintenant seulement que toute classe dominante et exploiteuse est devenue superflue, voire un obstacle au développement social, et cest maintenant seulement quelle sera impitoyablement éliminée, si maîtresse quelle soit encore de la " violence immédiate ". Engels - Anti-Dühring 1878 |
A la Recette Principale de Bordeaux, de nouvelles restructurations de services sont en préparation. Comme à chaque fois, il s'agit pour la direction de supprimer des postes. En mai, c'est le service Messagerie qui doit être démantelé et " réorganisé " sous la forme d'Etablissement de livraison de colis (ELC). Du personnel titulaire serait muté et remplacé par des collègues en contrats précaires pour être au final moins nombreux.
A la distribution du courrier, c'est la réduction du nombre de tournées qui se profile pour la fin de l'année, mais la direction reste silencieuse là-dessus.
C'est dans ce contexte que les accords pour les 35 heures sont proposés. La direction y parle de recrutement, mais partout nous voyons bien que ce sont des réductions d'effectifs qui se font.
Des réunions sont organisées par la CGT et nous sommes plus nombreux à nous y retrouver pour discuter (entre 20 et 30). Les responsables disent que le projet de la direction va dans le bon sens et qu'il dépend de notre mobilisation qu'il soit mieux, et de fait ils parlent moins des attaques que contient ce projet. Ces ambiguïtés renforcent le sentiment général d'inquiétude et de méfiance dans des directions syndicales qui sont prêtes au compromis avec la direction. Mais entre nous, nous discutons des attaques qui se préparent, des cadences de tri qui seraient augmentées (de 1300 à 1500 lettres par heure), du temps imparti aux tâches quotidiennes qui serait réduit et donc de la même quantité de travail que nous aurions à effectuer en moins de temps. Une copine se demandait où était l'avancée s'il n'y a pas d'embauches. Une autre disait que le tract CGT pour la consultation du personnel n'était pas clair à ce sujet.
Des camarades souhaiteraient s'opposer aux plans de la direction, mais nous sommes conscients que cela signifierait créer un autre rapport de force et discuter largement entre les différents bureaux. Même si les directions syndicales ne s'y préparent pas, ces réunions nous permettent de nous poser ces problèmes et de retrouver des perspectives.
A la Poste comme ailleurs, accord Aubry, accord pourri
Début février, la direction de la Poste a présenté son projet daccord sur les 35 heures. Strauss-Kahn et certains représentants syndicaux se sont félicités de telles propositions en mettant en avant le recrutement de 20 000 personnes sur deux ans. Mais lorsque lon regarde de plus près, la réalité est moins rose. Seulement 6000 emplois sur les 20 000 seront des créations demplois de fonctionnaires. Dautre part, si lon enlève les 20 000 départs naturels prévus, on se rend compte quil y a zéro création demplois. Au contraire le solde reste négatif en terme demplois sous statut à temps plein.
Les emplois sous contrats ne seront pas réduits. Il est prévu dembaucher 2000 jeunes en contrats dapprentissage. Ils seront toujours sous contrat et sous-payés ! La moitié des 35 000 agents contractuels se verrait proposer un temps plein mais restent sous contrat. La Poste se targuait de vouloir en finir avec la précarité à loccasion du passage aux 35 heures, mais on voit quil nen est rien !
Enfin, nont pas été abordées encore toutes les contreparties exigées qui sont autant de problèmes qui fâchent et qui seront négociées localement par établissement. Elles sont déjà mentionnées dans les documents remis aux organisations syndicales. On peut y lire des phrases comme : " La mise en uvre de la RTT doit conduire majoritairement à la mise en place de cycles de travail et à un allongement de la durée journalière de travail. " Il y est clairement dit par exemple que le samedi sera un jour travaillé comme les autres. Fini donc un samedi libre sur deux, et il faudrait accepter de travailler le samedi après-midi. La direction de la Poste se prépare aussi à étendre la plage horaire, faire commencer plus tôt, finir plus tard, rendre les horaires encore plus invivables. Il est question par exemple, à la R.P. de Rouen, de faire commencer à 4 h 30 du matin au lieu de 6 heures actuellement la brigade du matin ! Peu importe sil ny a pas de transport en commun à cette heure. Peu importe si tout le monde na pas une nourrice insomniaque pour prendre les enfants à des heures pareilles. Dans certains établissements, la direction locale comme celle de la R.P. du Havre a voulu mettre en place de tels horaires, ce qui a déclenché la grève du personnel depuis le 5 février (suivie à 100 % en nuit et à 83 % au service général). Partout, les facteurs verront leur charge accrue, les tournées doublées, etc Enfin est incluse dans laccord, comme partout, la " modération salariale ", terme ampoulé destiné à masquer la perte de pouvoir dachat sans augmentation de salaires dans les années à venir.
Certains dirigeants syndicaux comme ceux de FO avaient déjà sorti le stylo pour signer avant même que les négociations commencent. Ceux de la CFDT y sont sans doute prêts aussi. Les deux syndicats majoritaires à la Poste, CGT et SUD, disent quils ne signeront pas. Mais de toute façon, la Direction de la Poste veut imposer des gains de productivité à tout prix, même si les syndicats signataires ne sont pas du tout représentatifs. Seule la mobilisation des postiers peut empêcher quon touche à leurs horaires et à leur week-end. Elle seule peut imposer les embauches nécessaires au statut et à temps plein pour combler le manque criant deffectifs partout ! Dans bien des établissements, postes, tris postaux, chèques postaux, éclatent déjà des grèves, se tiennent des assemblées générales. La réduction du temps de travail à la mode Aubry apparaît nettement aux yeux des postiers comme un moyen de sattaquer à leurs acquis. Que la direction ne se réjouisse donc pas trop vite, son accord ne va pas passer comme une lettre à la Poste !
Les 35 heures à Leroy Sommer (Angoulème) : Les syndicats signent et cautionnent le patron, les travailleurs sont méfiants et mécontents
Le patron a fait signer aux syndicats le protocole daccord sur les 35 heures qui doivent être mises en place en septembre prochain. Les discussions avec la direction duraient depuis des mois en petit comité quand, à loccasion des négociations annuelles, celle-ci a présenté son texte fin janvier en demandant de le ratifier dès le jeudi 4 février. Ce sont FO et la CGC qui ont gagné la course à la signature en y allant la veille, la CFDT et la CGT ont suivi le lendemain
Les syndicats ont sorti des tracts pour expliquer tout le bien quils pensaient de laccord. Au point que des travailleurs se demandaient : " on voit bien le bon côté, mais où est le mauvais ? ". Ils exprimaient par là leur profonde méfiance vis-à-vis de ce qui était proposé. " Si le patron est si pressé de faire signer, cest que ça larrange ! " entendait-on à la Fonderie notamment.
Et à juste titre, car tout est flou et vague dans le texte patronal. Bien sûr, le patron a évité les provocations grossières : il annonce le maintien du salaire, il nest pas question dannualisation des horaires Il dit aussi quil va embaucher, et cela faisait dire à certains que cet accord est " le moins pire qui pouvait arriver ". Pourtant, à bien y regarder, le pire nest pas loin.
Les salaires sont maintenus ?
Ça reste à vérifier, mais surtout la compensation de la réduction de 10 % des horaires est obtenue par linstauration dune " prime compensatrice " et non pas par le relèvement du taux horaire de base ! Ce qui laisse planer toutes les menaces pour lavenir. Avantage supplémentaire de ce système pour le patron, cela lui permet de sous-payer les heures supplémentaires, les primes liées au salaire et les intérimaires.
Des emplois sont créés ?
Oui, mais il sagit essentiellement de contrats précaires. Sur les 180 emplois compensant le passage aux 35 heures, 150 au moins seront des contrats " en alternance " (apprentissage ou CQP) de deux ans, payés au dessous du SMIC. Quant aux emplois de remplacements pour maintenir les effectifs pendant deux ans comme la loi le prévoit, le patron dit quil sagira de 100 à 150 personnes par an, embauchées en CDI, mais aussi en CDD et même en intérim en cas de surcroît de travail ! Et, comme il nest jamais aussi bien servi que par lui-même, il a prévu que ces travailleurs ne toucheront pas au départ la prime compensatrice de 10 % et devront attendre 3 ans pour arriver à la même paie que nous sils sont encore là, naturellement !
Mais cest la question des horaires qui a fait le plus discuter
Le protocole du patron prévoit bien les systèmes de travail - normale, faction, 3x8 ou continu - mais ne dit rien des heures dembauches et de débauches, des pauses, du nombre de jours de travail par semaine, qui sont " à négocier dans les départements ". Les travailleurs voulaient savoir tout ça avant que laccord ne soit signé. Car tout le monde se méfie des conséquences que peut avoir un nouvel horaire sur les conditions de travail ou la paie. A Champniers, un département de lusine, les travailleurs en faction du soir ont pris les devants en débrayant à une quinzaine pour aller voir le patron et en refusant lassistance des délégués syndicaux accourus voir ce qui se passait !
Laccord signé par les syndicats laisse les mains libres au patron pour organiser la production et rentabiliser
Il pourra profiter de la modulation des horaires et faire faire des semaines de 44 heures sil le juge nécessaire. Il aura aussi loccasion de se remplir les poches : les primes de lEtat - largent de nos impôts - lui seront généreusement versées. 27 millions de francs la première année représentant 9 000 francs par an et par salarié de LS, puis 8 000 F, 7 000 F, 6 000 F et 5 000 F par salarié chacune des 4 années suivantes. Un vrai pactole mis à sa disposition pour rentabiliser et recommencer à faire baisser les effectifs, passé le délai légal de deux ans !
Le PDG a sorti une note pour se féliciter - on le comprend - de laccord. On lit : " Le passage aux 35 heures ne doit pas se traduire par des surcoûts, sous peine de compromettre gravement lintéressement et lemploi des jeunes ". Et, après la menace, il ajoute : " Il nous faut atteindre une productivité globale bien supérieure à ce que nous avons fait ces dernières années " ! Au moins cest clair : les 35 heures, cest fait pour rapporter du fric aux patrons et aux actionnaires.
Les syndicats, ont montré leur vraie nature en signant un chèque en blanc au patron. Mais nous, travailleurs, ne sommes liés par rien vis-à-vis du patron et nous pouvons nous faire respecter : les camarades de Champniers, en débrayant, nous disent comment !
Bilan dun an demplois-jeunes : le gouvernement se félicite du développement de la précarité des jeunes dans les entreprises publiques et les collectivités
Martine Aubry a remis le 3 février le bilan dun an dapplication des emplois-jeunes par le gouvernement de gauche en se félicitant davoir réussi son objectif : 158 000 conventions signées entre octobre 1997 et décembre 1998 sur un objectif de 350 000 emplois-jeunes dici lan 2000. Ils sont satisfaits davoir créé des emplois précaires pour les jeunes alors que le chômage les touche en priorité, en particulier les jeunes femmes de 25-35 ans. Ces contrats auraient abouti à lembauche fin 1998 de 120 000 jeunes de moins de 26 ans pour 5 ans renouvelables tous les ans. Sur ces 158 000 emplois-jeunes, 85 201 ont été embauchés dans des associations, des collectivités locales, les hôpitaux ou les réseaux de HLM, de transports, 65 000 dans lEducation Nationale et 8250 dans la Police. Ces " emplois " étaient censés ne pas remplacer des postes dagents existant déjà et " conduire vers un métier " avec une formation de 200 heures à la clé. Mais il ny a aucune garantie dembauche puisque les contrats sont renouvelables tous les ans, ce renouvellement annuel reposant même comme une épée de Damoclès sur la tête des jeunes, leur rappelant leur situation précaire, différente de celle des employés statutaires. Les jeunes réclament au moins 600 heures de formation, 30 % dentre eux étant embauchés sans qualification, un tiers avec bac ou plus. Ils remplacent de fait des agents en nombre insuffisant, quils soient employés comme personnels hospitaliers, surveillants ou occupés tant bien que mal en tant qu'" agents dambiance ", aides-maternelles, animateurs, ATOSS, employés comme renfort aux contrôleurs de la RATP ou encore en soutien à des patrouilles de police. Ces jeunes font ainsi un apprentissage précoce et accéléré de lexploitation que le patronat, conjointement avec lEtat, veulent leur imposer dès leur entrée dans le monde du travail. En fait dembauches, il ne sagit en réalité que de palliatifs destinés à faire diminuer, dans les statistiques seulement, le chômage des jeunes qui aurait ainsi reculé de 15 % depuis juin 1997. Les travailleurs de la Fonction publique en sont conscients qui, dans les hôpitaux, à la Poste, à la SNCF ou lEducation Nationale, ont affirmé à plusieurs endroits la nécessité de lembauche des emplois-jeunes, de leur formation, pour empêcher le développement de la précarité financée par lEtat et organisée par le gouvernement de gauche, pour de vraies embauches dans les entreprises publiques et les collectivités.