éditorial



Le gouvernement prépare ses attaques contre les salariés du secteur public par une campagne de calomnies, tout le monde est visé et doit se donner les moyens de riposter

Le gouvernement vient de déclencher une campagne d’opinion contre les salariés du secteur public. Cette campagne prépare une série d’attaques de grande ampleur contre les travailleurs de ce secteur. Le gouvernement Jospin veut faire ce que celui de Juppé rêvait de faire mais n’avait réussi à mettre en application que très partiellement. Il veut s’en prendre à leurs horaires, à leurs conditions de travail, à leurs statuts, à leurs salaires, à leurs retraites et à leur droit de grève.

Le gouvernement de la gauche plurielle qui n’est qu’un instrument, un jouet docile dans les mains de la bourgeoisie, prépare donc le terrain avec son hypocrisie coutumière. Oh, ce n’est pas tel ou tel ministre qui déclare brutalement que les salariés du secteur public sont des " nantis " qui travailleraient fort peu et jouiraient de toutes sortes de " privilèges ". Allègre l’a déjà fait en parlant de dégraisser le mammouth de l’Education nationale mais on lui a dit de la mettre en veilleuse à cause de la mobilisation des enseignants qui risque de prendre de l’ampleur.

Non, le gouvernement pense très fort que les fonctionnaires, les hospitaliers, les cheminots ou les employés de la Sécurité sociale sont trop nombreux et se la coulent douce, mais il le fait dire par d’autres : par des " experts " grassement rémunérés, comme Roché, à qui le gouvernement a commandé des rapports. Après leurs enquêtes bâclées fourmillant de chiffres et de graphiques tendancieux, ces flics du monde du travail avec des préjugés anti-ouvriers déposent des conclusions montrant comme une évidence la nécessité de s’attaquer aux salariés du public.

La grande presse n’a plus ensuite qu’à sortir la grosse artillerie des arguments démagogiques qui plaisent tant au patronat et à tous les privilégiés de cette société. Ces gens-là sont d’autant plus enclins à hurler contre " ces fainéants de fonctionnaires et de cheminots " qu’eux-mêmes vivent en parasites du travail d’autrui.

Le rapport Roché sur la Fonction publique, comme celui commandé par la direction de la SNCF, ont pour but de fabriquer une opinion publique hostile à des travailleurs qui ont montré leur combativité, de créer la discorde entre ceux du public et ceux du privé, de culpabiliser les salariés du public et de les dissuader de se défendre. Le gouvernement veut avoir le meilleur rapport de force possible contre les salariés avant d’entamer les négociations sur les 35 heures dans le secteur public.

Pour traiter avec les syndicats de ce secteur sur l’application des 35 heures, le gouvernement ne s’embarrasse même pas d’un baratin sur le fait que " cela devrait créer des emplois ". Au contraire, il annonce fièrement qu’il n’est pas question d’en créer un seul. Le but affiché est d’augmenter la rentabilité financière des services publics. Il veut ainsi disposer de davantage d’argent pour subventionner le patronat et rendre les services publics attractifs à l’introduction pleine et entière du capital privé. En sabrant dans les salaires et dans les emplois par le biais du passage aux 35 heures, le gouvernement prépare de nouvelles privatisations. Il veut rendre précaires un maximum de travailleurs pour redonner un coup de fouet aux profits des capitalistes.

Dans le secteur privé, la loi sur les 35 heures est tout autant une escroquerie. Selon les chiffres officiels auxquels il serait ridicule de croire, la loi Aubry aurait permis de créer 21 246 emplois en sept mois ! Dans la réalité, elle a permis d’en supprimer beaucoup en introduisant, là où elle a été appliquée, la flexibilité, l’annualisation du temps de travail et souvent le blocage des salaires. Quel magnifique progrès… pour les patrons ! Pour que les 35 heures permettent éventuellement de créer des emplois, il faudrait déjà commencer par interdire tous les licenciements et toutes les suppressions de postes par le patronat et par l’Etat.

C’est une des mesures vitales que le monde du travail devra imposer dans la réalité, sans se laisser freiner par les directions syndicales ou les politiciens amis avec le gouvernement. De même qu’il aura à répartir le travail entre tous pour faire disparaître la précarité et le chômage. Evidemment, cela signifie que nous, travailleurs, nous devons nous préparer à contrôler les comptes des capitalistes et à nous en prendre à leur propriété privée. Notre contre-offensive devra aller jusque là.

Bien des grèves, des débrayages ou des manifestations de salariés dans l’enseignement, à la Poste, chez Peugeot-Citroën ou dans des petites entreprises indiquent que le mouvement ouvrier est en train de reprendre confiance dans ses capacités. Une force politique nouvelle est en train de prendre conscience d’elle-même et de se construire dans les entreprises et les quartiers, une force socialiste, communiste et révolutionnaire, qui nous permettra de renverser le rapport des forces en notre faveur.

 

L’arrestation d’Öcalan, derrière le masque de la démocratie, la solidarité des grandes puissances avec le terrorisme contre le peuple kurde au profit des dictateurs

Le dirigeant du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Abdulah Öcalan, a été arrêté au Kenya où il était réfugié dans l’ambassade de Grèce. Refoulé par toutes les " démocraties " européennes, depuis qu’il était arrivé en Italie, en novembre dernier, il avait été contraint de s’installer clandestinement au Kenya avec l’aide bien fragile de la Grèce. Il a suffi que, sous la pression des Etats Unis qui se sont dits " très satisfaits ", la Grèce le livre aux autorités du Kenya et que celles-ci refusent de le garder sur leur territoire, pour qu’il soit, en toute illégalité, enlevé à Nairobi pour être emprisonné en Turquie, à Ankara. Il est menacé de la peine de mort.

Le premier ministre turc, Bülent Ecevit, s’est réjoui de cette " opération secrète " déclarant : " nous avions dit que nous le capturerions où qu’il soit dans le monde. Nous avons tenu cette promesse de l’Etat... ". Toute la communauté kurde a ressenti cette arrestation, dont se vante avec une jubilation cynique celui qui n’aurait rien pu contre Öcalan sans le soutien des gouvernements occidentaux, comme une provocation visant à les humilier, à les briser, à leur déclarer une guerre sans merci. En effet, cette arrestation est le résultat du choix qu’avait fait Öcalan de sortir de la clandestinité pour poser sur la scène politique mondiale la question kurde en proclamant unilatéralement un cessez-le-feu tout en proposant des négociations sur l’autonomie, de la partie kurde du territoire turc.

Les gouvernements occidentaux, au lieu d’obliger la Turquie à s’engager dans des négociations, ont été des acteurs directs sans lesquels rien n’aurait été possible pour Ankara. Elles sont directement responsables de cette humiliation du peuple kurde auquel la Turquie, la Syrie, l’Irak, l’Iran, avec leur complicité, refusent tout droit.

Le désespoir du peuple kurde, condamné à l’humiliation permanente sous le terrorisme d’Etat ou le mépris des grandes puissances, a éclaté violemment à travers toute l’Europe. Les tentatives de s’immoler par le feu de dizaines de manifestants expriment la profondeur de ce désespoir de femmes et d’hommes qui se sentent bafoués, rejetés, brisés, poussés à bout au point de recourir à l’ultime forme de protestation, le suicide politique. Face à cette vague de colère, les gouvernements n'ont pas hésité à faire donner leur police. Les policiers israéliens qui protégeaient leur ambassade ont eux tiré sur les manifestants, en tuant trois d'entre eux, en blessant des dizaines.

La guerre que mène l’Etat turc contre le peuple kurde alimente le terrorisme dont il accuse Öcalan, de la même façon que l'Etat israélien enferme le peuple palestinien dans un piège que seule la violence peut rompre. Le dirigeant kurde n’a pas réussi à obliger les démocraties pourries d’Europe à imposer à leur serviteur turc de négocier. Elles ont préféré attiser les haines, au risque de relancer le terrorisme anti-occidental. Mais il leur faudra bien juger Öcalan, ce procès sera celui du régime malade de la Turquie et de ses soutiens européens. Et même s’ils lui refusent le moindre droit de se défendre, les souffrances du peuple kurde restent une plaie qui accusent en permanence ce monde qui humilie les faibles, les brise, incapable de tolérer la démocratie et de respecter les droits des peuples. Même si la dictature turque impose une défaite militaire et politique à la guérilla nationaliste, il ne pourra venir à bout de la lutte des opprimés auxquels elle n’apportera aucune réponse. La lutte saura alors trouver d’autres voies que l’impasse nationaliste, pour que les opprimés kurdes puissent forger l’alliance nécessaire avec leurs frères de Turquie, d’Iran, d’Irak ou de Syrie.