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Fusion d’Usinor avec Cockerill : les capitalistes de l’acier se renforcent en licenciant

" Usinor se renforce en Europe avec Cockerill pour aborder le monde ", écrit le journal économique La Tribune et le PDG d’Usinor se réjouit de la fusion d’Usinor et de Cockerill en disant : " Voyez Mercedes et Chrysler. Cette fusion a été le catalyseur d’un mouvement qui était pressenti depuis longtemps et qui va se déployer rapidement. Ces changements de taille ne seront que le début de la concrétisation du " nouveau monde " économique ". Usinor va signer l’achat de ce grand groupe sidérurgique belge pour 6 milliards de francs, en laissant au gouvernement wallon 25 % du capital de celui-ci. Cette fusion en fera un géant de la sidérurgie européenne ; le groupe habillerait ainsi une carrosserie d’automobile sur trois et ferait l’emballage d’une canette sur quatre en Europe.

Cette fusion a pour but d’atteindre des gains de productivité supérieurs dans le cadre d’une concurrence accrue qui pousse les capitalistes européens à constituer des blocs de plus en plus grands face aux Etats-Unis et au Japon. Pour cela, le PDG du groupe, Francis Mer, voudrait se débarrasser des branches de production qui ne lui paraissent pas assez rentables et licencier, dans un secteur saigné par les licenciements, où les effectifs sont passés de 160 000 à 58 000 de 1979 à 1992 et où les licenciements se sont poursuivis depuis. Après les coupes sombres dans les effectifs de la production qui ont sinistré la région, il veut faire augmenter de 30 % par an la productivité dans les services de comptabilité, trésorerie et informatique en les transformant en des " unités de services partagés " c’est-à-dire en des services tournants dont les employés travailleraient davantage à la demande de l’entreprise, des services dont " les gens se sentent responsables, suivent leurs clients, mesurent leur création de valeur ". Cela se traduirait par le licenciement de 3000 à 4000 personnes sur 3 ou 4 ans, avec la possibilité de licenciements secs comme sur le site de Fos-sur-Mer, la direction ayant déjà prévu 1,2 milliards de francs pour " couvrir les frais sociaux " de cette restructuration.

Aussitôt la nouvelle connue, la Bourse a affiché sa satisfaction en faisant monter les titres d’Usinor de 4,7 % !

 

Le Havre, recette principale de la Poste : après deux semaines de grève, les postiers sont toujours là

C’est le service de nuit qui a engagé la grève à 100 %, sans préavis, dans la nuit du 3 au 4 février, contre un projet de la direction qui veut supprimer leurs 25 postes et les redéployer, en particulier dans le cadre de l’application de la Loi Aubry sur les 35 heures, qui se ferait ainsi à moyens constants, voire avec des suppressions de postes, les agents " redéployés " pouvant se voir proposer un poste dans tout le département. Dès le lendemain, la grève s’est étendue à presque tous les services avec des taux de grévistes importants, jusqu’à 100 % pour le service de nettoyage menacé de privatisation et dont les contractuels risquent purement et simplement le licenciement. Les autres postiers se sentent tout autant concernés que ceux de nuit par la " réorganisation " à la sauce de la direction. Son projet : changer les horaires actuels. Les postiers devraient ainsi commencer plus tôt ou finir plus tard, et au passage, le repos du samedi une fois sur deux serait supprimé pour tous ceux qui travaillent en " brigade " (une fois le matin, une fois l’après-midi). Ces nouveaux horaires perturberaient la vie familiale et la vie tout court des travailleurs, à tel point que les médecins de la prévention se sont même prononcés contre. Tous les postiers se sentent donc concernés et le lundi 8 février, en assemblée générale, la grève illimitée a été votée par la majorité des 300 postiers de la recette principale du Havre, soutenus par les trois syndicats, CGT, FO et SUD-PTT. Face à la détermination des grévistes, la direction locale a mis en place un centre de tri parallèle. En riposte, les syndicats ont assigné la Poste en justice pour atteinte au droit de grève. De toute façon, bien peu de courrier passe : au départ comme à l’arrivée pour le Havre, le courrier passe par le centre de tri de Rouen et les travailleurs du centre de tri de Rouen refusent, depuis lundi 8, de trier le courrier en provenance ou à l’arrivée pour le Havre, en solidarité avec les grévistes. La direction est obligée de le faire passer par Béthune, un détour de 300 kilomètres qui doit lui coûter cher. Mardi 16, la " justice " a rendu son jugement sur le référé déposé par les syndicats : le centre de tri parallèle est légal car la direction doit faire face à une grève jugée illégale, puisque démarrée sans préavis. Un jugement sans surprise pour bien des postiers qui savent de quel côté sont les juges et les lois. Cela a son importance, malgré tout, car la direction a maintenant le feu vert pour remplacer les positions des grévistes par des contractuels, comme elle l’a fait lors de précédents conflits, et elle pourra davantage faire pression sur les camarades du tri de Rouen. Pour elle, l’enjeu, c’est à l’occasion de la loi Aubry, de revenir sur les acquis de dizaines d’années de lutte, en particulier de la grande grève de 1974. Mais en face, les postiers sont tout aussi déterminés et comptent avant tout sur leurs propres forces. A la demande de leurs collègues des dix bureaux de l’agglomération du Havre, des grévistes de la recette principale sont allés à leur rencontre pour leur expliquer de vive voix les raisons de leur grève et l’accueil a été très favorable. Mardi 16, trois bureaux les ont rejoints dans la grève pour une journée, ce qui est bien, vu qu’en cette période de vacances, ce sont surtout des contractuels qui travaillent dans les bureaux et que la pression est très forte sur eux. Ces postiers des bureaux ont rejoint leurs camarades grévistes à l’assemblée générale de la recette, et après avoir mis au clair leurs revendications, ont participé à la manifestation qui a regroupé 150 postiers dans les rues du Havre, accompagnés de quelques militants d’AC ! La journée du mercredi 17 sera déterminante : après 13 jours de grève, la possibilité pour la direction de faire appel à des contractuels inquiète certains postiers, mais face à ce coup classique de la direction, les grévistes du Havre ont déjà pris les devants en appelant les travailleurs du centre de tri et de la recette principale de Rouen à les rejoindre pour une manifestation devant la direction départementale ce mercredi 17. La direction de la Poste n’est donc pas au bout de ses peines.

 

SNCF : une campagne contre les cheminots pour leur faire avaler la flexibilité des 35 heures

Après les enseignants, les fonctionnaires, c’est au tour des cheminots d’être au centre des critiques et des attaques, toujours les mêmes : trop payés, fainéants, travaillent quand ça les arrange, dilapident les fonds publics - vos impôts que ces bons à rien vous volent -, etc.

A en croire certains, la SNCF, c’est mieux que le Club Méditerranée. Dommage qu’on n’y embauche plus ! Quelques chiffres pour répondre à ce flot de calomnies : le salaire moyen est de 8500 F, bien loin des 15 000 ou 20 000 F annoncés. Pour la retraite, c’est au maximum 65 % du salaire et non pas 85 ou 90 %. Ce qui n’est pas dit, c’est que pour un trafic en augmentation, ce sont 50 000 postes de cheminots qui ont disparu en 10 ans. La productivité, on connaît. C’est ce qui a permis d’engraisser les banques de plus de 14 milliards par an. Ces sommes qui sont des remboursements d’emprunts, pour construire entre autres les lignes TGV, ont permis à Alstom, Bouygues et bien d’autres d’accumuler les profits.

Le Figaro du 15 février prétend tirer ses informations d’un soi-disant " rapport secret ". Or ce rapport de l’ANAT a été réalisé et communiqué aux organisations syndicales il y a plus de six mois. Il est aussi secret que le sont les rapports de justice sur les détournements de fonds par les partis politiques. On les sort quand on veut couper des têtes…

Les têtes à couper sont, pour l’heure, les cheminots qui, en fin d’année dernière, un peu partout, ont fait grève pour des embauches et ont eu le culot de refuser les sanctions qu’on voulait leur infliger pour fait de grève. Ces cheminots dérangent. Depuis novembre 95, ils se battent, (" responsables de 40 % des heures de grève en 98 ! " hurle le Figaro), imposent au gouvernement des reculs et ne semblent pas prêts à accepter de celui-ci ce qu’ils ont refusé du précédent. Pire, cette fierté est comprise, voire appréciée par une bonne partie de la classe ouvrière. C’en est trop, il faut leur casser le moral.

Le gouvernement prétend réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Il incite la direction de la SNCF, comme tous les patrons du privé et du public, à se servir de la loi Aubry sur la " Réduction du Temps de Travail " pour imposer aux cheminots plus de travail et moins de salaire. La direction présente une note salée : mise en cause des roulements fixes, menaces et magouilles sur les repos et les compensations de nuit pour les roulants, généralisation du travail de nuit ou du dimanche " en fonction des besoins ", pour les sédentaires. Et pour tout le monde annualisation et blocage des salaires, suppression des garanties d’avancement à l’ancienneté, etc. Le tout ne se traduirait par aucune création de postes. Au contraire, en jouant sur les départs en retraite, les CDD et le travail à temps partiel, la SNCF se retrouverait avec moins de cheminots et moins d’emplois sur le terrain.

Voilà ce que le gouvernement et la direction de la SNCF veulent imposer aux cheminots. Cette aggravation des conditions de travail n’arrangera rien, et surtout pas le service public. Mais pour le gouvernement, il ne s’agit pas de la satisfaction des besoins du transport pour l’ensemble de la population. Il s’agit de satisfaire les appétits des trusts ferroviaires ou du bâtiment et travaux publics. Et surtout, il s’agit d’infliger une défaite à un des secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière. Mais le projet de la direction, bien que soutenu par les directions syndicales, et notamment la CGT, ne passe pas sur le terrain. La réponse est unanime : " si les 35 heures c’est ça, on n’en veut pas. Les syndicats ne doivent pas accepter un accord aussi pourri. "

 

Grève d’une semaine a l’atelier AM2 de Grande Paroisse (Grand-Quevilly,76)

L’atelier AM2 compte une cinquantaine de personnes sur un effectif total d’un peu moins de 800. Il fabrique l’ammoniac nécessaire à d’autres secteurs de l’usine, et les rejets de la fabrication comme le CO2, sont utilisés dans des usines de l’agglomération, comme celle d'Oissel. Il a été fermé 132 jours suite à un incident majeur qui aurait pu être grave. Pendant l’arrêt, seuls trois salariés restaient dans l’atelier, les autres étant dispatchés dans le reste de l’usine. Se retrouvant pour le redémarrage de l’atelier, ils supportaient mal la dégradation de leurs conditions de travail et le manque d’effectif. C’est pourquoi ils ont rédigé un cahier de revendications, déposé à la direction le 2 février, mais laissé sans réponse. Devant cette attitude de la direction, ils ont décidé de se mettre en grève le 8 février en stoppant les manœuvres de démarrage.

Ce qui a déclenché leur colère, c’est qu’alors qu’ils n’étaient pas assez nombreux, la direction veuille leur imposer une surcharge de travail. Le personnel de production doit assurer le chargement et le déchargement de l’ammoniac arrivé et expédié par bateaux ou wagons, tâche assurée auparavant par un autre service. Autre sujet de mécontentement : les pompiers auxiliaires. La sécurité est en partie assurée par des pompiers auxiliaires qui sont des salariés de l’entreprise. Les travailleurs veulent que ces pompiers soient volontaires et non pas désignés d’office, qu’ils soient remplacés à leur poste de travail quand ils sont appelés, et qu’ils soient mieux rémunérés, à savoir 200 F par mois au lieu de 700 F annuels actuellement. Ils demandent aussi une revalorisation de tous les coefficients, un effectif suffisant. Ils ont voulu remettre à leur place une hiérarchie méprisante : que celle-ci leur réponde en temps, par exemple, à leur demande de congés, quand ils prennent des récupérations ou autres. C’est la moindre des choses pour des salariés postés, travaillant en continu, et qui ont déjà du mal à préserver un minimum de vie privée.

Jusqu’à vendredi, la direction n’a rien voulu céder. Elle s’est beaucoup plainte de l’argent qu’elle perdait à cause de la grève, mais satisfaire les revendications lui aurait coûté moins cher. La grève était partie pour durer jusqu’au C.E. extraordinaire convoqué le lundi 15 au matin. Mais durant le week end, la direction a mis la pression maximum, bien aidée par certains syndicalistes de la CFDT, pour faire reprendre le travail, car elle craignait que la production de toute l’usine soit bloquée par le manque d’ammoniac si la grève se poursuivait. Les grévistes ont été appelés un par un au téléphone, chacun s'entendant dire que les autres étaient prêts à arrêter la grève. Et ainsi un mouvement de reprise s’est fait durant le week-end alors que des grévistes étaient prêts à continuer. On en a tiré la conclusion, pour la prochaine fois, que le seul moyen d’empêcher les manœuvres en tout genre, c’est de bien se coordonner, se réunir pour bien décider ensemble, et démocratiquement.

Finalement, ce qui a été obtenu ne l’aurait pas été sans la grève, mais c’est loin des exigences des grévistes : la prime de pompier auxiliaire passe à 83,33 F par mois, ce qui est loin des 200 F demandés, mais elle concerne toute l’usine. La direction, consciente que ce problème des pompiers était sensible partout, a voulu ainsi le désamorcer. Par contre, le principe du volontariat n’a pas été obtenu. Quelques salariés obtiennent enfin le coefficient qu’ils devaient avoir depuis longtemps. Bien des problèmes soulevés par les grévistes et communs à toute l’usine ne sont pas résolus : la surcharge de travail, les effectifs et les coefficients. Pour faire céder la direction là-dessus, il faudra s’y mettre à plus nombreux. Mais c’était important déjà de réagir pour mettre un frein à la dégradation des conditions de travail, dangereuses à tout point de vue, et à l’arrogance de la hiérarchie.

Correspondants LCR-VDT