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Bordeaux : succès de la Conférence ouvrière régionale LCR-VdT

Samedi dernier, se déroulait sur Bordeaux, à l'initiative de la section girondine de la LCR et de Voix des Travailleurs, une conférence destinée à débattre des questions qui se posent aujourd'hui aux militants du mouvement ouvrier. Près de 200 personnes y ont participé. Ouverte à 14 heures par un meeting, " quelles réponses apporter à l'offensive du patronat et à la politique du gouvernement Jospin ", la conférence s'est poursuivie de 15 heures à 19 heures autour de huit débats portant sur la diminution du temps de travail, la précarité, la lutte des sans-papiers, le mouvement des chômeurs, l'éducation, les services publics, le mouvement syndical ou les euro-luttes. Elle s'est terminée par une assemblée plénière dans laquelle furent résumés les différents débats avant qu'un des représentants de chaque tendance ne conclue. Chacun s'est réjoui de ce large débat qui s'est déroulé dans une ambiance de grande courtoisie et fraternité permettant de définir le plus clairement possible les divergences mais aussi bien évidemment tout ce qui nous unit dans la volonté commune de défendre les intérêts des salariés. Cette conférence était une première. Son succès indique à quel point le regroupement des forces d'extrême-gauche n'est pas une vue de l'esprit, que la recherche de l'unité et de la démocratie suscite beaucoup de sympathie. Cette conférence s'est joyeusement terminée par un repas fraternel.
Soyons sûrs que les militants de la LCR comme ceux de VDT auront à cœur de concrétiser dans les mois qui viennent le pas qui vient d'être franchi, en jetant les bases, au-delà de la campagne pour les européennes, d'un parti du mouvement social, le parti des luttes.


Gironde : succès de la grève des instituteurs, mécontents des prévisions pour la rentrée 99 et inquiets de la réforme de l'école

Vendredi dernier, à l'occasion de la réunion du Comité Départemental de l'Education Nationale, l'ensemble des syndicats de Gironde appelaient à la grève contre les prévisions pour la rentrée 99, les suppressions et les blocages de classes. L'Inspection a annoncé la création de 20 postes sur le département alors que les effectifs vont augmenter l'an prochain d'environ 480 élèves, une moyenne de 26 élèves par classe créée. Ces soi-disant créations de postes ne sont en réalité que des redéploiements, puisqu'ils sont supprimés sur les autres départements de l'académie.

L'annonce des suppressions et blocages de classes, le maintien des moyens sans augmentation, déjà largement insuffisants puisque la Gironde est l’avant-dernier département pour l'encadrement des élèves, a provoqué un profond mécontentement qui s'est traduit par une participation massive à la grève. Plus de 85 % des instits se sont mis en grève, près de 60 % des écoles avaient fermé leurs portes, et nous nous sommes retrouvés à plus d'un millier dans la rue, la plus grosse manifestation depuis décembre 95.

Les syndicats avaient organisé des entrevues de délégations comprenant des parents d'élèves, qui furent reçues à tour de rôle par l'Inspecteur et pour certaines écoles, les suppressions étaient tellement aberrantes au vu des effectifs, que ce dernier a été obligé de reculer sur quelques-unes... en parole ! Mais pour la majorité, pas question de reculer, et certains parents se donnaient déjà rendez-vous pour occuper leurs écoles à la rentrée !

Nous étions tous très contents de nous retrouver aussi nombreux dans la rue, de dire notre ras-le-bol, et nous avons largement discuté de nos problèmes, faisant le constat que d'année en année, il nous est de plus en plus difficile de faire face à l'aggravation de la situation : les difficultés croissantes des enfants liées à la dégradation des conditions sociales des familles, l’aggravation de l’échec scolaire, la violence qui se développe au sein de l'école… Et chaque année, les moyens sont en diminution !

La situation est devenue catastrophique. Beaucoup d’absences ne sont plus remplacées, parfois durant plus de 15 jours. La semaine dernière, 200 classes de Gironde sont restées sans remplaçants. On nous annonce la création dérisoire d'une quinzaine de postes de remplaçants pour la prochaine rentrée, mais 7 avaient été supprimés l'an dernier et 26 l'année précédente, les créations se faisant depuis plusieurs années au détriment des équipes de remplacement.

Un autre problème préoccupe l'ensemble des instituteurs et n'a malheureusement pas pu s'exprimer lors de cette journée, que les syndicats avaient limitée à la rentrée prochaine et à la négociation individuelle des écoles avec l'Inspecteur, c'est celui de la soi-disant " rénovation de l’école ", la " charte du XXIème siècle ". Dans toutes les écoles, des discussions vont bon train sur cette réforme, annoncée par Allègre, qui prévoit l'introduction dans l'école, sous prétexte " d'innovation pédagogique et des rythmes scolaires ", d'équipes " d'intervenants extérieurs ", payés par les communes, emplois-jeunes ou autres personnels précaires, dont les instituteurs deviendraient les animateurs d’équipes, les coordonateurs, voire les formateurs... Il est clair pour tout le monde que la réforme prépare l'introduction massive de la précarité à l'école, un surcroît de travail pour les instits qui ne veulent pas être, comme le disait un collègue, de " nouveaux patrons " ou des " petits chefs ", l'évolution vers une école d’élite, dans les communes " riches " qui pourront payer les activités sportives ou culturelles qui deviendront de plus en plus à leur charge, et une " école des pauvres " dans les communes qui n’en auront pas les moyens.

Beaucoup de collègues reprochent aux syndicats de ne pas avoir " une position claire sur la Charte ", de ne pas la dénoncer clairement comme une attaque contre l’école que nous voulons, une école pour tous, bénéficiant des moyens nécessaires. Et pour beaucoup, " Allègre n’a pas encore gagné ".

Nous nous sommes donné rendez-vous à la prochaine journée nationale de grève, le 15 mars, en espérant que lycées et collèges nous rejoindront, pour en faire une journée de contestation et de révolte de toute l’Education Nationale.

Où en est le mouvement des enseignants ?

Une grande manifestation à Paris, suivie d'une beaucoup plus petite (du fait entre autres de l'absence des instituteurs), un décalage entre Paris et la province, des syndicats qui freinent et d'autres qui tentent de mobiliser, sans y parvenir, en faveur de la réforme : où en est le mouvement des enseignants ?

Les mobilisations et le mot d'ordre de démission d'Allègre qui émerge d'une partie des manifestants et qui structure le collectif anti-Allègre mettent le gouvernement mal à l'aise, au point que la majorité de ses amis politiques semble souhaiter la démission d’Allègre. Le gouvernement, l'œil déjà rivé sur les résultats des européennes, craint donc un " vote sanction " de la part de son électorat le plus fidèle et même s’il peut espérer récupérer à droite des électeurs séduits par sa démagogie sécuritaire ou par sa politique anti-ouvrière, Jospin a besoin d'un large soutien électoral pour continuer à imposer une politique qui sera de plus en plus difficile à supporter pour la population.

Les syndicats eux-mêmes semblent anticiper sur une mobilisation plus importante puisque quelques actions sont prévues pour la rentrée jusqu'à une journée nationale le 15 mars.

Jusque-là, ce sont des initiatives très diverses et surgies " à la base " qui ont lancé le mouvement. En région parisienne, l'idée des " coordinations " s'est imposée d'elle-même face à l'inertie ou à l'hostilité des syndicats, et s'est réalisée d'autant plus vite, que la grève du 93 l'an dernier avait déjà créé les liens humains et les réseaux. En province, les enseignants qui veulent se mobiliser parlent aussi de la nécessité de se coordonner ne serait-ce qu'à l'échelle de l'académie ou d'une ville, mais le processus est plus lent à se mettre en place. Il faut se donner le temps de s’affranchir de l’habitude de se reposer sur l'initiative du syndicat-qui-organise-tout, et se prendre en main : mais l'idée fait son chemin et dans plusieurs villes de province des AG sont prévues à la rentrée, inter-établissements, pour discuter et faire le point. On apprend parfois après coup qu'un établissement voisin s'est mobilisé ou a fait grève : un peu partout, des AG ont eu lieu - souvent impulsées par des enseignants d'extrême-gauche conscients de la complicité entre Allègre et le SNES. Des initiatives très locales et ponctuelles, bien difficiles à comptabiliser. C'est la phase de maturation d'un mouvement qui se cherche, commence à s'organiser, autour d'une forte minorité, très politisée, constituée de militants d'extrême-gauche ou de jeunes enseignants qui refusent tout autant la réforme que toute la politique anti-ouvrière du gouvernement dans laquelle elle s'inscrit.

C'est justement cet aspect qui peut constituer la force du mouvement car, contrairement à d'autres mobilisations passées, les enseignants mobilisés sur la réforme sont révoltés par une politique qui dépasse largement le cadre de l'Education nationale. Chacun est concerné, - ne serait-ce qu'en tant que parent d'élèves, car c'est tout le fonctionnement de l'école qui est en jeu -, mais aussi en tant que travailleur, car les attaques d'Allègre sont similaires à celles qui visent l'ensemble du monde du travail. La revendication " anti-Allègre ", si elle fait consensus, n'épuise pas le sujet… c'est ce que ressent une minorité sans pourtant avoir trouvé encore la politique pour aller plus loin. Cela suppose bien sûr de se dégager du cadre " syndical " de pensée pour tout simplement se poser les problèmes comme ils sont, et réussir ce qui a été raté pendant le mouvement lycéen : la jonction entre les préoccupations des enseignants et tous ceux qui sont concernés par cette lutte. Cela suppose de se considérer comme une fraction du monde du travail, pour concrètement se lier aussi bien aux travailleurs que sont les parents d'élèves, qu’aux jeunes ou à cette fraction de la jeunesse qui peuvent rejoindre consciemment ce camp si on leur en ouvre les portes. Les enseignants ont cette perspective devant eux : s’adresser à tous ceux qui peuvent constituer des alliés, se faire les porte-parole d'une exaspération qui dépasse largement le problème de l'école. C'est maintenant que peut se dégager un pôle offensif contre le gouvernement, dans lequel les enseignants ont toute leur place… s'ils veulent la prendre. Les jeunes ressentent le marasme d'une société qui fait naufrage sans entrevoir aucun radeau, leurs parents font face à la montée du chômage ou à la dégradation de toutes leurs conditions de travail, c'est ensemble que nous pouvons constituer la force capable de s'opposer efficacement à cette politique et proposer des réponses offensives.

 

 Le gouvernement brade Aérospatiale au marchand de canons Lagardère

Le gouvernement a officiellement annoncé les modalités de la fusion Aérospatiale-Matra, prévue depuis juillet dernier. La négociation aurait été conclue ce week-end lors d’une réunion entre Jospin, Strauss-Kahn et Lagardère. Celui-ci est gagnant sur toute la ligne : c’est lui qui va prendre le contrôle d’un groupe au moins trois fois plus gros que le sien, financé sur les deniers publics. Lagardère détient désormais 33 % du nouveau groupe et sera président du conseil de surveillance qui prendra les décisions essentielles et le directeur financier de son groupe, Camus, devient directeur général du groupe Aérospatiale et numéro deux du directoire chargé de mettre en œuvre la privatisation.

Pour en arriver là, le gouvernement a considérablement sous-évalué Aérospatiale : les deux banques-conseils, qui avaient étudié la fusion pour l’Etat, avaient estimé que le groupe Lagardère ne représentait que 20 % du nouveau groupe et qu’il devrait payer cinq milliards de francs s’il voulait en posséder 33 % des parts. En réalité, c’est en déboursant seulement 850 millions de francs que Lagardère prend le contrôle du groupe. Le reste, 1,2 milliard, ne sera versé que si l’action descend de 8 % par rapport au CAC 40.

Lagardère a obtenu satisfaction dans les moindres détails : le nouveau groupe reprendra le système du groupe Lagardère pour les stock-options, ces paquets d’actions qui rapportent des dizaines de millions de francs aux principaux dirigeants des entreprises. Il continuera de bénéficier aussi dans le cadre du nouveau groupe d’un système féodal propre au groupe Lagardère : des redevances que les autres sociétés du groupe reversaient à Lagardère pour les services rendus par le siège social. Cet accord conclu pour quatre ans représente des centaines de millions.

Lagardère, comme l’autre marchand de canons, Dassault, dont il a été ingénieur pendant dix ans, ont toujours soumis l’Etat à leur intérêts. Déjà en 81, sous le gouvernement Mauroy, Lagardère avait obtenu que son groupe ne soit que partiellement nationalisé et il en avait gardé la direction. En 92, quand la Cinq, qui lui appartenait, avait coulé, c’étaient trois banques publiques qui étaient venues à son secours. Comme toutes ces familles de grands bourgeois, les Dassault, les Bouygues, les Peugeot, les Michelin, Lagardère privatise ses profits et fait payer ses pertes à l’Etat qui ne lui refuse jamais le moindre cadeau, quelle que soit l’étiquette du gouvernement en place.

Et tandis qu’au sommet de l’Etat et chez Lagardère, on se congratule, que Chirac, Jospin et Strauss-Kahn tricolorent sur la création d’un " grand groupe aéronautique français, cinquième groupe mondial ", tandis que les millions et les milliards valsent dans tous les sens et surtout vers les comptes en banque de Lagardère, les milliers de travailleurs des deux groupes, pas plus que les syndicats, n’ont été tenus au courant de rien. Le sort de milliers d’hommes se décide ainsi dans la discrétion des conseils d’administration et des cabinets ministériels sans qu’ils aient même le droit de savoir ce qu’il adviendra d’eux.

Les travailleurs d’Aérospatiale ont seulement eu le droit d’apprendre ces derniers jours que la direction du groupe n’envisage de passer aux 35 heures dans la division Avions qu’en 2002 et qu’en attendant, elle imposera deux heures supplémentaires par semaine et de nouvelles formes de flexibilité, le travail en quatre jours avec des journées de plus de neuf heures déjà mis en application dans certains secteurs, et une nouvelle forme de flexibilité qui inclurait le travail du samedi. Tout cela pour augmenter les profits et les actions de la famille Lagardère !