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Les crises financières et monétaires ne peuvent trouver de solution, c’est leur fondement même, la prééminence des intérêts privés, qui doit être éradiquée

Les crises asiatique, russe et brésilienne ayant eu comme cause immédiate une dépréciation brutale de la monnaie, certains politiciens et économistes ont beaucoup parlé ces derniers temps de réformer le système monétaire international, et il est de plus en plus question de la mise en place de monnaies uniques, à l’image de l’euro, dans chaque continent.

Il n’y a plus aucune stabilité monétaire depuis que l’Etat américain a mis fin, en 1971, à la convertibilité du dollar en or. C’était la seule monnaie, à la fin de la deuxième guerre mondiale, qui le soit encore, et c’est sur elle que se réglaient toutes les autres monnaies, suivant un taux de change fixe.

Depuis, le cours du dollar, et celui de toutes les autres monnaies, varient au jour le jour, permettant aux financiers de spéculer sur ces fluctuations monétaires, et ces spéculations sont d’autant plus ravageuses que c’est une masse de capitaux toujours plus considérable qui ne trouve pas à s’employer directement dans la production, mais parasite celle-ci par le biais des opérations financières et de la spéculation. Alors que dans les années 60, les échanges mondiaux de capitaux correspondaient presque dans leur intégralité à des échanges de marchandises réelles, ces derniers ne représentent plus aujourd’hui que 2 % des opérations financières dont le montant quotidien est évalué à 1500 milliards de dollars. Depuis le début des années 90, ces capitaux se déplacent librement dans le monde entier.

Pour dissuader les spéculations monétaires, la plupart des pays pauvres ont alors tenté d’arrimer leur monnaie au dollar, en établissant avec celui-ci un lien fixe, le " peg ", qu’ils n’ont pu tenir qu’au prix de lourds sacrifices pour leur population, et tant qu’ils sont restés des champs d’investissements pour les capitaux des pays riches.

Or depuis deux ans, ces capitaux ont commencé à se détourner de ces pays qui ne permettent plus les mêmes profits, en même temps que le cours du dollar, en conséquence, a augmenté de près de 30 %. Et cela a provoqué la cascade de dépréciations monétaires qui est à l’origine des crises survenues en Asie, en Russie, et tout dernièrement au Brésil.

A la suite du décrochage de la monnaie brésilienne, le président argentin Menem a avancé l’idée de l’adoption du dollar comme monnaie unique non seulement pour l’Argentine, mais pour l’ensemble du continent. Avec la dépréciation du réal, en effet, les exportations brésiliennes deviennent moins chères et concurrencent la production de l’Argentine. Le même phénomène se produit dans les trois zones régionales du monde, dont les pays font l’essentiel de leur commerce entre eux. Ainsi la Chine, qui a maintenu jusqu'à présent le lien de sa monnaie avec le dollar, se trouve défavorisée par rapport à ses concurrents du sud-est asiatique, dont les monnaies se sont dépréciées.

Une monnaie unique pour tout un continent, comme l’euro pour une partie de l’Europe, serait plus en mesure de faire face aux spéculations monétaires, appuyée qu’elle serait sur les réserves de plusieurs pays. Elle empêcherait aussi les fluctuations monétaires qui gênent les échanges commerciaux dans une même zone, et les dévaluations compétitives qui pénalisent les pays à monnaie forte.

Mais la constitution d’unions monétaires continentales, vers laquelle une tendance se fait jour aujourd’hui, est bien incapable d’enrayer l’anarchie économique actuelle qui est due au pouvoir de l’oligarchie financière. Elle ne mettrait pas fin à l’existence de la pléthore de ses capitaux en quête de profits, mais elle porterait à un niveau plus élevé la concurrence, la guerre économique qui se dessine entre les trois ensembles continentaux que sont l’Amérique, l’Europe et l’Asie, dont les pays les plus pauvres seraient pour ainsi dire annexés aux puissances impérialistes de chaque zone : USA pour l’Amérique, Japon pour l’Asie, France-Allemagne pour l’Europe.

Dans chaque ensemble continental, comme c’est le cas avec l’euro, ce sont les populations, en premier lieu celles des pays les plus pauvres, qui seraient encore appauvries pour que l’économie de leur pays soit suffisamment " saine " du point de vue capitaliste, c’est-à-dire capable de payer aux financiers le tribut de leur dette, pour ne pas affaiblir la monnaie unique de l’ensemble continental, et pour faire face aux deux autres concurrents. La guerre économique ne fera que se renforcer, et pourrait conduire à plus long terme à une guerre tout court.

Il y a encore loin à la mise en place de cet éventuel système monétaire yen-dollar-euro, mais la seule évocation de celui-ci est l’expression que l’économie ne peut se développer qu’à une échelle autrement plus large que l’échelle nationale. Les bourgeoisies, ou plutôt l’oligarchie financière des grands pays impérialistes parlent aujourd’hui à l’échelle continentale, mais c’est pour se donner les moyens de faire triompher leurs intérêts face à leurs concurrents. Loin d’atténuer les crises, elles ne feraient que les porter à un degré supérieur. L’humanité n’a pas d’autre avenir qu’une économie unifiée à l’échelle mondiale, qui ne peut être que la libre association des producteurs.

Sans-papiers de Bordeaux : tentative d’expulsion de la Préfecture

Après la grève de la faim de 82 jours de novembre dernier, 10 sans-papiers qui n’ont pu être régularisés avaient obtenu une autorisation provisoire de séjour jusqu’au rétablissement de leur santé. Le 8 février dernier, deux de ces camarades, bulgares, viennent de recevoir un arrêté de reconduite à la frontière. Le comité de soutien s’est aussitôt remobilisé et, après une conférence de presse où sont venus de nombreux journalistes, nous avons préparé, avec une avocate, la défense de ces camarades.

Vendredi dernier, un recours a été déposé au Tribunal Administratif. Et malgré l’heure incommode, lundi dernier à 13 heures, nous étions plus de 70 à remplir la salle du Tribunal. L’avocate a montré l’incohérence du Préfet qui n’a même pas pris la peine de faire constater que l’état de santé de ces deux camarades est loin d’être rétabli. De plus, elle a rappelé que malgré le refus de l’OFPRA de leur accorder le droit d’asile, ils seraient en grand danger s’ils étaient expulsés vers la Bulgarie, surtout l’un d’eux qui est d’origine kurde.

Le représentant de la Préfecture, qui semblait très gêné d’avoir tout ce monde derrière lui, s’est exprimé d’une voix inaudible. Mais ce qui a semblé gêner le juge, qui a demandé une suspension de séance, c’est que l’avocate a démontré que le Préfet n’avait même pas pris la peine de respecter les règles et d’envoyer les convocations au domicile de nos camarades.

Le juge a rejeté l’arrêt d’expulsion, en précisant qu’il motiverait plus tard ce refus. Aujourd’hui ces camarades sont donc pour l’instant hors de danger, mais nous savons bien que le préfet ne va pas renoncer et qu’il va reformuler son arrêté.

C’est pourquoi le comité de soutien appelle à un rassemblement Samedi 20 février à 15 h, Place de la Victoire à Bordeaux.

 

Régularisation de sans-papiers en Italie : une politique qui correspond aux intérêts du patronat italien

Face aux expulsions qui se multiplient, manifestation européenne pour la régularisation de tous les sans-papiers

Le gouvernement italien vient de décider la régularisation de près de 250 000 travailleurs immigrés, ceux ayant un travail, un logement, un casier judiciaire vierge et pouvant justifier leur présence en Italie avant mars 1998. Près de 308 000 sans-papiers, essentiellement albanais, nord-africains et asiatiques, ont déposé une demande de régularisation, faisant parfois la queue plusieurs jours d’affilée et dormant dans la rue devant les préfectures et les commissariats dans l’espoir d’obtenir un permis de séjour.

Jusqu’à présent, l’Italie a eu une politique particulièrement répressive vis-à-vis des clandestins, expulsant systématiquement les immigrés fuyant la misère. 54 000 clandestins ont été expulsés dans la seule année 1998 et le gouvernement a d’ores et déjà annoncé que ceux dont la régularisation sera refusée seront expulsés après un séjour de deux mois maximum dans des " camps d’accueil ".

Les travailleurs immigrés représentent 2,6 % de la population italienne, alors que la moyenne européenne est de 5 %. Et les centaines de milliers de clandestins que le gouvernement vient finalement de décider de régulariser ont tous un travail et sont indispensables au patronat italien, en particulier dans les petites entreprises et pour les travaux saisonniers où les conditions de travail sont particulièrement pénibles et les salaires très bas. D’autant que, comme l’a rappelé la presse italienne, " d’ici 2020, le taux de vieillissement de la population dépassera de 3 % la moyenne européenne et une immigration sérieusement contrôlée peut jouer un rôle déterminant "…

Cette mesure ne correspond donc en rien à un geste " humain " comme certains politiciens ont voulu le présenter, mais à une nécessité pour le patronat italien lui-même. Et, pour dissiper toute ambiguïté, le ministre de l’Intérieur italien a réaffirmé sa volonté de lutter contre " l’afflux de clandestins " et a annoncé de nouvelles mesures de lutte contre les passeurs. Ce qui n’a pas empêché l’opposition réactionnaire de droite d’agiter l’épouvantail d’un " regain de criminalité " dans " une société multiraciale "…

Les autres gouvernements européens se sont bien gardés de commenter ces régularisations, tenant par contre à réaffirmer leur politique répressive. Chevènement s’est contenté de dire que " la situation de l’Italie n’est pas la nôtre ". Le gouvernement anglais a annoncé un durcissement de sa législation sur le droit d’asile et de nouveaux moyens pour " traquer les clandestins ". Et en Belgique, où plusieurs centaines de sans-papiers occupent à tour de rôle des églises depuis le mois d’octobre, le gouvernement continue à refuser toute régularisation des 40 000 travailleurs clandestins. Dans tous les pays européens, les expulsions de travailleurs immigrés vont donc probablement s’amplifier, ce qui est déjà le cas en France où 60 000 sans-papiers ont été déboutés et où les préfectures multiplient les arrêtés de reconduite à la frontière.

Face à cette politique commune des gouvernements européens, les collectifs de sans-papiers, des syndicats et plusieurs organisations et associations appellent à une manifestation européenne le 27 mars à Paris pour exiger la régularisation de tous, le retour en Europe des expulsés et la fermeture des camps et des centres de rétention.

 

A travers le projet de couverture maladie universelle, Aubry prépare de nouvelles attaques

Ces jours-ci, la campagne contre le dérapage des dépenses d’assurance-maladie s’intensifie, parallèlement avec la campagne contre les fonctionnaires et les retraites. Le gouvernement prépare de nouvelles attaques tous azimuts contre la population et le projet de " couverture maladie universelle ", qu’Aubry doit présenter le 3 mars au Conseil des ministres, fait partie de la poudre aux yeux censée nous abuser sur une mesure qui se veut favorable à ceux qui, parce qu’ils sont privés de tout remboursement de Sécurité sociale, sont privés de tout accès aux soins. Sous prétexte de couverture universelle, c’est un service minimum que le gouvernement s’apprête à mettre en place avec l’accord de Spaeth, président CFDT de la Cnam. Il n’y a rien de surprenant à la solidarité de la CFDT qui, déjà, était favorable au plan Juppé. Il y a actuellement 6 millions de personnes précarisées au point de ne bénéficier d’aucune couverture sociale et le gouvernement continue à fabriquer la précarisation en supprimant des postes dans la Fonction publique et en encourageant les patrons à licencier à tour de bras.

Le gouvernement, au lieu de prendre en charge les 9 milliards de francs estimés pour l’accès au remboursement à 100 % de ceux qui n’ont aucun droit, va faire appel en partie au financement par les mutuelles, c’est-à-dire par les salariés qui ont encore les moyens de compléter les 75 % de remboursement du régime de base de la Sécurité sociale en payant une cotisation à une mutuelle. Le complément sera financé par l’Etat qui supprime l’aide médicale complémentaire financée par les départements et qui s’appropriera les 5 milliards qu’elle représentait. Autant dire que cette couverture maladie universelle prend la place de ce qui existait déjà et, qu’au passage, le gouvernement en profite pour récupérer les sommes consacrées à l’aide médicale.

Avec son projet de couverture maladie universelle, Aubry compte faire passer des mesures de restrictions d’accès aux soins. Elle revient à la charge concernant les sanctions prévues pour les médecins accusés de trop prescrire et d’être des acteurs de la soi-disant surconsommation des médicaments. Elle prévoit une enveloppe globale de 630 milliards de francs pour les dépenses d’assurance-maladie et compte remettre sur la sellette la possibilité de sanctionner collectivement les médecins au cas où il y aurait dépassement. Selon elle, les médecins seront " sanctionnés " mais aussi " conseillés ". En même temps, il est question de revoir le taux de remboursement de l’ensemble des médicaments et, bien sûr, il est prévisible que ce sera à la baisse puisque les économies prévues par cette mesure sont, d’ores et déjà, estimées à 4 milliards de francs.

La couverture maladie universelle est pour le gouvernement l’occasion de nouvelles attaques contre l’ensemble de la population en rendant plus difficile l’accès aux soins et en faisant un tour de passe-passe en supprimant l’aide médicale.