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Allemagne : les métallos inquiètent Shröder et le patronat

Les négociations salariales de branche ont commencé en Allemagne dans l’ensemble des régions. Celles qui ont lieu dans la métallurgie sont particulièrement importantes car elles donnent le ton pour les autres secteurs de l’industrie. A cette occasion, les métallurgistes allemands, 3,4 millions au total, montrent leur mécontentement et exigent leur dû. Depuis un an, leur pouvoir d’achat diminue alors que la santé financière des entreprises et des principaux groupes industriels n’a jamais été si bonne. Certains ont battu des records de bénéfices en 98 et la Bourse a enregistré des gains spectaculaires. " Des profits gras et des salaires maigres " peut-on lire sur les affiches syndicales. Malgré tout, non seulement les patrons de la métallurgie ne veulent pas augmenter les salaires, mais ils veulent presser encore davantage les revenus des salariés. Ils ont en projet de conditionner une part des augmentations salariales au résultat de chaque entreprise, comme la prime de Noël ou le bonus de 0,5 %. C’est une remise en cause des conventions collectives en Allemagne ; cela revient à lier les salariés et les syndicats aux résultats et à ce que les patrons se donnent le droit de supprimer des revenus jusqu’alors acquis. Cela a exaspéré les métallos : mardi 9 février, des dizaines de milliers de métallurgistes débrayaient dans près de 400 entreprises. Mercredi, plusieurs centaines de milliers de salariés se sont mobilisés. Les manifestations ont été nombreuses dans plusieurs villes du pays.

L’I.G. Metall, puissant syndicat de la métallurgie (deux millions d’adhérents) est lui aussi responsable de cette situation puisque depuis cinq ans il modère les revendications. Les dirigeants syndicaux ont même accepté de signer des baisses de salaires pour maintenir l’emploi. En fait, le chômage a augmenté. Mais les dirigeants syndicaux de la métallurgie ont été contraints de sortir de leur " modestie salariale ", poussés par le vent de contestation de la base. Ils réclament une hausse de salaire de 6,5 % alors que le patronat ne veut pas aller au-delà de 2,3 %. Pour les patrons, l’enjeu est important. Ils savent que s’ils cèdent dans la métallurgie, ce sera un encouragement pour tous les salariés du pays à se battre à leur tour. Jeudi 10 février, les négociations entre patronat et syndicat en Rhénanie du Nord Westphalie ont échoué. Va-t-on vers une épreuve de force ?

Les dirigeants du syndicat devaient se réunir pour envisager dans quel secteur géographique la grève serait lancée. Car en Allemagne, avant de démarrer la grève, il faut d’abord une consultation des salariés, prévue entre les 22 et 24 février. Ensuite, la grève pourrait commencer le lundi suivant, 1er mars, si les trois-quarts se prononcent pour. Mais à la finale ce sont les dirigeants d’IG Metall qui choisissent le lieu (le Bade Wurtemberg serait évoqué). Mais ceux-ci sont plutôt discrets sur leurs intentions. Klauss Zwickel, président de l’IG Metall, dit qu’il fera tout pour parvenir à un compromis dans les prochains jours tout en poursuivant les préparatifs de la grève. Les patrons de la Gesamtmetall ont proposé l’intervention d’un médiateur et Zwickel a estimé qu’il fallait tenter " la médiation de la dernière chance " avant mercredi 17 février minuit. Tout ceci est manigancé en accord avec le gouvernement Schröder dont sont proches les dirigeants d’IG Metall ( le nouveau ministre du Travail est l’ancien numéro deux de l’IG Metall). Ils savent qu’un conflit d’envergure n’arrangerait pas du tout les affaires du gouvernement Schröder, au moment où celui-ci engage les concertations tripartites (patronat, gouvernement, syndicats) sur le Pacte pour l’emploi, soi-disant pour lutter contre le chômage, en fait des mesures à la Aubry, emplois jeunes, embauches sous contrat, etc… C’est aussi le moment où il a beaucoup de soucis avec les Verts, le nucléaire, les lois sur la nationalité et où il vient d’essuyer un revers électoral en Hesse.

Il reste à savoir si les métallurgistes, secteur décisif de la classe ouvrière, se laisseront freiner par tous les calculs des dirigeants syndicaux et gouvernementaux ou s’ils trouveront les forces d’engager la bataille contre un patronat aux dents longues qui rêve de s’en prendre à tous leurs acquis.

 

Ex-Yougoslavie : les grandes puissances usent de leur pouvoir à disposer des peuples

Dans les négociations de Rambouillet visant à désamorcer le caractère explosif du conflit au Kosovo, les Etats-Unis tiennent la bride serrée aux négociateurs français et britanniques et ne manquent pas une occasion de montrer qu’ils sont les vrais maîtres et les seuls capables de peser dans ce dossier. Depuis dimanche dernier, le secrétaire d’Etat américain multiplie les menaces de bombardements sur les positions serbes si le chef d’Etat serbe Milosevic ne ratifie pas l’accord ficelé par le Groupe de contact, à savoir les USA, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et la Russie.

Si la pression s'exerce dorénavant surtout sur la partie serbe, c'est parce que les négociateurs kosovars semblent avoir cédé sur un point essentiel au cours de la deuxième semaine de négociation, disons plutôt de séquestration par les grandes puissances au château de Rambouillet. A l'issue d'une période intérimaire de trois à cinq ans " d'autonomie substantielle " du Kosovo, les nationalistes kosovars réclamaient l'organisation d'un référendum sur l'indépendance. Etant donné que la population du Kosovo est albanaise à 90 % au moins, le résultat d'un tel référendum serait facile à prévoir.

Mais les Etats occidentaux comme les Serbes ne voulant pas entendre parler de l'indépendance du Kosovo qui modifierait les frontières et les rapports de forces dans cette région des Balkans, ils ne veulent pas davantage se lier les mains en promettant un tel référendum, même pour dans cinq ans. On verra dans les jours qui viennent si les nationalistes kosovars renoncent définitivement à leur revendication d'un référendum mais, visiblement, la manifestation de 20 000 Albanais à Rambouillet le samedi 23 février visait surtout à montrer que la délégation kosovar, composée de politiciens nationalistes en concurrence, était " unie " et jouissait d'un même soutien de la part des Albanais de l'immigration, plutôt qu'à exiger coûte que côute l'indépendance.

De leur côté les dirigeants serbes, ayant la garantie que le Kosovo restera une de leurs provinces, ne s'opposent pas à un statut du Kosovo qui, après tout, avait existé à partir de 1974 sur décision de Tito et avait été supprimé en 1989 par Milosevic par surenchère nationaliste. Ils ne s'opposent qu'à une des dispositions de l'accord qui prévoit le déploiement au Kosovo de 30 000 soldats de l'OTAN, essentiellement par les pays européens pour garantir son application. Les troupes des puissances impérialistes sont déjà très nombreuses en Macédoine pour empêcher que le conflit du Kosovo ne fasse tâche d'huile et en Bosnie pour appliquer les accords de découpage de Dayton.

Il n'est pas impossible que les rodomontades de Milosevic soient suivies par une acceptation du règlement de Rambouillet qui, après tout, est davantage favorable à Milosevic qu'aux Kosovars. D'un autre côté, il peut toujours jouer sur le fait que la tension permanente consolide son pouvoir, lui permet d'asservir ou de museler ses opposants et de maintenir la population serbe dans une misère grandissante.

C'est aussi pourquoi les grandes puissances ont agité la promesse d'une aide économique importante à la Serbie pour faire avaler la pilule. Mais quelle que soit l'issue des pourparlers à la fin de la semaine (accord signé, prolongation des discussions ou bombardements sur des positions serbes), les intérêts des peuples de la région seront bafoués. Ils ne pourront accéder à la liberté pleine et entière et à des conditions de vie décentes qu'en unissant leurs forces contre les brigands des puissances impérialistes et en s'affranchissant de la tutelle de tous les politiciens nationalistes.

 

Papon : l’accusation de diffamation se retourne contre lui, le procès révèle ses mensonges et ses crimes

Le procès en diffamation intenté par Papon à Jean-Luc Einaudi, l’écrivain qui a dénoncé la responsabilité de l’ancien préfet de police de Paris dans le massacre de dizaines d’Algériens, lors de la manifestation du 17 octobre 1961 dans son livre " La bataille de Paris ", se retourne contre lui. Le substitut du procureur a été obligé de reconnaître que ces événements, gardés sous silence par tous les régimes complices jusqu’à aujourd’hui, furent un " massacre " et a reconnu la responsabilité de Papon, ne réclamant qu’une peine de principe contre Jean-Luc Einaudi, qui aurait dû, selon lui, éviter de dire dans son livre que les forces de l’ordre avaient agi " sous les ordres de Maurice Papon ", mais parler plutôt de " responsabilité " de Papon.

Grâce à la ténacité et au combat acharné de Jean-Luc Einaudi pour la vérité, l’Etat, la justice, tous sont obligés de reconnaître les massacres perpétrés par les forces de l’ordre. " Il y a eu un nombre important de morts " a reconnu la justice, alors que le nombre officiel restait de deux tués, " dans la rue et dans les centres d’identification, certains des tueurs portaient des uniformes ".

La justice n’a pourtant pas mis directement en accusation Papon qui, selon elle, n’était " ni le seul ni le premier responsable ", retournant la responsabilité sur les exécutants, " les meurtriers eux-mêmes, qui ont vu jaillir le sang sous leurs coups ", expliquant avec cynisme qu’une " houle de haine a submergé les hommes sur le terrain " et qu’il " n’y avait malheureusement besoin ce soir-là ni d’ordres ni d’instructions ". Pour masquer les crimes de l’Etat contre les Algériens de Paris et le peuple algérien tout entier dans la sale guerre qu’il menait pour s’opposer à son indépendance, la justice voudrait faire croire aux débordements d’une police prise de peur, retournant sa haine contre les Algériens, prétextant les attentats perpétrés par le FLN contre des policiers. Mais le déchaînement de violence et de haine, la sanglante répression, ne furent que le produit de la politique de l’Etat, mise en œuvre par Papon, de brutalités et de répression quotidienne des Algériens, de tortures dans les " centres d’interrogatoires ", de terreur exercée par la force auxiliaire de police créée par Papon et composée de harkis chargés des " basses besognes " de liquidation des militants. Pour l’avocat de Jean-Luc Einaudi, " toutes les conditions étaient réunies en 1961 pour qu’il y ait un massacre ".

Jean-Luc Einaudi s’étonne de la contradiction de la justice qui reconnaît le massacre de 61 en même temps qu’elle demande sa condamnation. Mais si la justice ne peut plus s’opposer aujourd’hui à la réalité des faits, révélant les mensonges de Papon, elle tente par un nouveau mensonge de masquer les crimes de l’Etat contre les opprimés.