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" La force du prolétariat tient en premier lieu à un facteur qui est indépendant de notre action : son nombre et son rôle économique, deux facteurs auxquels l'évolution économique donne une importance sans cesse croissante et qui font de la classe ouvrière celle qui joue un rôle toujours plus déterminant dans la société. Par ailleurs, deux autres facteurs importants fondent la puissance de la classe ouvrière, facteurs que l'ensemble du mouvement ouvrier s'efforce de développer : le savoir et l'organisation. De sa forme première, la plus simple, le savoir est cette conscience de classe qui, progressivement, permet d'accéder à la compréhension de l'essence du combat politique, de la lutte de classe, de la nature du développement capitaliste. La conscience de classe du travailleur le libère de la dépendance intellectuelle vis-à-vis de la bourgeoisie, son savoir politique et social lui permet de briser la supériorité intellectuelle de la classe dominante ; il ne reste plus à celle-ci que la force matérielle brutale. Chaque jour, l'histoire nous montre à quel point l'avant-garde du prolétariat dépasse déjà sur ce plan la classe dominante. "
Anton Pannekoek, Action de masse et révolution, 1912


Privatisation d’Air France : l’équipage Jospin au service de la finance

Le gouvernement Jospin, marathonien des privatisations (France Télécom, Thomson-CSF, CNP, et bientôt Aerospatiale et Crédit Lyonnais), vole une fois de plus au secours des capitaux désœuvrés à la recherche d’entreprises à parasiter. C’était donc au tour d’Air France d’être en partie privatisé.

Ruée sur les actions

Tout s’est très bien passé, puisque plus de 40 millions d’actions vendues par l’Etat se sont arrachées, au point que pour leur valeur de 4 milliards, c’est jusqu’à 100 milliards qui ont été proposés ! Gayssot et Strauss-Kahn, qui se défend d’avoir fait un cadeau aux financiers, ont partagé la plume pour faire un communiqué commun exprimant leur satisfaction. Lundi, " L’Humanité ", pour qui est bien loin le temps des pétitions contre les privatisations, essayait de mettre en avant que l’Etat possédait encore la majorité du capital et que les petits actionnaires avaient été servis en priorité.

22 millions de titres de propriété avaient été réservés à ces fameux petits actionnaires que la grande bourgeoisie fait flatter par ses médias pour mieux les plumer lors des krachs, et la demande a été telle (2,4 millions d’acheteurs individuels) que chaque " petit porteur " a eu au maximum 10 actions, l’équivalent de 900 F chacun. Les banques, les assurances et les groupes financiers (" investisseurs institutionnels ") se sont eux partagés 20 millions de titres. Lundi et mardi, plus de 17 millions de titres ont changé de main, la demande faisant passer l’action de 91 F à 116 F, soit une hausse de 27,5 % en deux jours !

Des salariés capitalistes ?

A les entendre, une des plus grosses satisfactions du PDG et des porte-parole des financiers serait que 11,5 % du capital appartiendrait à terme aux salariés, soit le taux le plus élevé de toutes les entreprises françaises. Un gérant du groupe disait : " Les salariés et les pilotes sont très intégrés à l’actionnariat du groupe et on les voit mal se tirer une balle dans le pied ". En clair, l’espoir des dirigeants est que soient finies les grèves, tant des pilotes comme avant la coupe du Monde de football, que des personnels au sol, comme la grève récente à la maintenance.

Et tous de ressortir le vieux mythe d’un bon capitalisme de participation, dans lequel la lutte des classes serait rangée aux oubliettes, puisque le salarié serait un peu aussi le patron et le propriétaire de son entreprise… La réalité, c’est que actionnaires ou pas, les 55 000 salariés d’Air France vivent de leur travail et que les gros actionnaires parasitent le service produit collectivement : l’exploitation est toujours là.

Une privatisation inscrite dans la logique du marché

Le gouvernement fait un beau cadeau aux groupes financiers, d’abord par le prix des actions, mais aussi parce que l’Etat avait investi 20,5 milliards dans Air France en 1994. Enfin parce que ce secteur est en pleine restructuration.

Les accords entre les compagnies se multiplient. Star Alliance et One World, regroupant des compagnies américaines, asiatiques et européennes sont déjà constituées et dominent le marché. Air France était à la traîne et prépare l’alliance World Wings avec KLM, Northwest Airlines, Alitalia et Air China. Pour l’instant, cela reste essentiellement au stade d’alliances commerciales qui ne sont pas encore des fusions ou des rachats entre compagnies. Mais le but est le même : constituer des positions de monopoles, faire des économies de personnel en réduisant les réseaux commerciaux, etc... Bref, en faisant face au durcissement de la concurrence dû à la crise, les compagnies se mettent en position de dégager toujours plus de profits.

Plus de profits… il était impensable que Air France ne puisse en faire profiter des actionnaires.

Turboméca (Tarnos, près de Bayonne) : débrayages pour l’embauche des C.D.D.

C’est l’annonce faite à un camarade de la réparation, en C.D.D depuis 18 mois, qu’il ne serait finalement pas embauché, qui a provoqué l’indignation dans les ateliers. La direction craignant sans doute des réactions, le lui a fait savoir seulement une semaine et demi avant la fin de son contrat ! Tout le monde trouve ça révoltant.

Mercredi 17, jeudi 18 et vendredi 19, nous avons fait des arrêts de travail d’une heure qui continueront tous les jours la semaine prochaine. L’usine de Bordes, près de Pau, doit aussi rejoindre le mouvement. Nous demandons la transformation de tous les C.D.D en C.D.I.

Il y a 3 semaines, suite à un arrêt de travail largement suivi sur les 3 usines (Tarnos, Bordes et Mézière), pour l’embauche des C.D.D, la direction avait envoyé une lettre à tous les salariés. Dans cette lettre de 4 pages, elle expliquait les raisons pour lesquelles tous les C.D.D ne seraient pas embauchés. C’est toujours la même chanson : la concurrence acharnée, le coût de la main d’œuvre trop élevé, etc… Finalement elle concluait sa lettre en disant que 18 mois passés chez Turbo font une bonne expérience…

En plus du problème des embauches, viennent se rajouter le problème des salaires et celui des pré-retraites progressives (PRP). La direction donne 1 % d’augmentation générale plus 0,8 % d’augmentation individuelle pour 99 et cela alors que Turbo affiche des profits records et un carnet de commandes plein jusqu’en 2005-2006 !

Lors du dernier plan social de juillet 96, la direction avait mis en place les PRP. Les pré-retraités travaillent à mi-temps et payent leur cotisation retraite au prorata de ce qu’ils touchent. La direction s’était engagée à payer le reste de la cotisation salariale au régime général retraite. Or, dans les contrats PRP signés par les salariés individuellement, tout est formulé pour tromper. En fait, dans ces contrats, la direction ne dit nulle part clairement qu’elle fera le complément. Au bout du compte, les salariés concernés vont se retrouver avec une retraite amputée de 500 F par mois. La direction a annoncé, après coup, qu’elle entend ainsi économiser plus de 11 millions de F sur 5 ans. Pour tout le monde c’est un coup dans le dos.

Avec sa politique, la direction est en train de convaincre tous les C.D.D qu’il leur faudra se battre s’ils sont embauchés. D’ailleurs, un certain nombre sont déjà dans la bagarre un mois à peine après leur embauche.

 

Sextant Le Haillan : la direction prépare de nouvelles attaques mais doit remballer son questionnaire " Travaillons Autrement "

Sextant Avionique est une entreprise qui fabrique des équipements électroniques pour l’aéronautique civile et militaire. Jusqu’à la fin de 1998, Sextant était une filiale à 50 % Thomson-CSF et 50 % Aérospatiale. En février 99, Thomson-CSF a racheté les parts de l’Aérospatiale dans le cadre de la réorganisation de l’industrie aéronautique française. Aujourd’hui, Sextant fait donc partie intégrante de Thomson-CSF qui vient d’être privatisé et qui annonce 4 000 licenciements dont 3 000 en France. Cela suscite bien des inquiétudes, car le PDG de Thomson, D. Ranque, annonce clairement la couleur : " créer de la valeur pour nos actionnaires, dégager de la marge, répondre aux attentes des marchés financiers, nous remettre en cause continuellement pour être toujours plus rentables et compétitifs, sont des notions naturelles pour la société privée que nous sommes ".

Sur le site du Haillan, dans la banlieue bordelaise, nous vivons dès aujourd’hui les conséquences de cette logique. Des collègues de Thomson Micro-électronique de Pessac, qui va fermer au mois de juin, travaillent actuellement avec nous, sans savoir s’ils vont être réembauchés par Sextant ou licenciés. Ces camarades sont touchés par un plan social antérieur aux 4 000 licenciements annoncés par Thomson. Et d’ores et déjà, ce sont nos collègues intérimaires qui vont se retrouver au chômage, sous le prétexte que Sextant doit réembaucher en priorité le personnel de Thomson.

Les bénéfices par contre se portent très bien, ils sont supérieurs à ceux de 97. Nos augmentations de salaire pour 98 sont, elles, inférieures à celles de 97.

C’est dans ce contexte que la direction prépare le terrain pour de nouvelles attaques. En 1997, le volet offensif de la loi de Robien a été appliqué à Sextant : 10 % de baisse du temps de travail, 10 % d’embauches, exonérations de charges sociales, introduction de la flexibilité. Aujourd’hui la direction lance un nouveau projet " Travaillons Autrement ", dont l’objectif est " la maîtrise du temps de travail afin de concilier le respect des horaires, le maintien de la rentabilité et la satisfaction de nos clients ". Un questionnaire nominatif a été remis à tout le personnel. La direction prend un ton protecteur " Répondez franchement, en toute confiance… il s’agit peut-être pour vous d’exprimer des choses que vous gardiez en vous jusqu’à présent… décrivez votre équipe telle qu’elle est et non telle que vous voudriez qu’elle soit… ". Et bien sûr le secret est garanti ! Tout y était pour réussir… à déclencher la méfiance puis la colère avec des questions : " Parmi vos tâches, quelles sont celles qui pourraient être supprimées ? Combien d’heures pourriez-vous gagner par jour, par semaine, par mois, par an ? Parmi vos tâches quelles sont celles qui pourraient être transférées vers une autre personne (uniquement si elle le ferait de façon plus efficace) A qui ? " Il était clair pour tout le monde que ce questionnaire, quelles que soient nos réponses, ne vise qu’à justifier les prochaines attaques de la direction, et cela en notre nom. Devant l’hostilité que nous avons été nombreux à manifester en disant aux chefs qu’il n’était pas question que l’on réponde quoi que ce soit, les syndicats sont intervenus auprès de la direction, et elle a été obligée de remballer son questionnaire.

Nous étions tous satisfaits de ce recul. Mais nous restons vigilants, bien conscients que la direction n’en restera pas là, puisque son objectif c’est de faire passer " la marge d’exploitation de 5,5 % à 7 % " comme le PDG de Thomson l’a promis aux actionnaires.

Loi Aubry : les députés PS en demandent encore plus pour les patrons !

Réunis en séminaire à l’Assemblée nationale, les députés socialistes ont voulu faire passer un " message très clair " au gouvernement : ils lui enjoignent " de faire connaître la nouvelle architecture des cotisations patronales au moment de la présentation de la deuxième loi sur les 35 heures en juillet, avec le souci d’apporter une aide aux entreprises à bas salaires ". Quelle harmonie entre les préoccupations du gouvernement et les députés de sa majorité : dans la perspective de la deuxième loi sur les 35 heures, les services du ministère de l’Emploi élaborent un projet qui prévoit un allégement dégressif des charges patronales jusqu’à deux fois et demie le SMIC !

Le coût de cette mesure n’a pas été rendu public mais ce sont encore des dizaines de milliards qui vont finir dans les poches des patrons et s’ajouteront aux 60 milliards de francs de dégrèvement de charges sociales actuellement prévus dans le cadre de la première loi.

Dans le même temps qu’il orchestre une campagne contre les salariés de la Fonction publique accusés de gagner trop et de ne pas travailler assez, le gouvernement prévoit d’octroyer de nouveaux milliards de subventions aux patrons. Cela a au moins le mérite de montrer clairement dans quel camp il se situe, à l’heure où les dirigeants syndicaux de tous bords veulent faire croire aux travailleurs qu’il est possible de faire pression sur le gouvernement pour qu’il infléchisse en leur faveur la deuxième loi sur les 35 heures !