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Après l’arrestation d’Öcalan, répression accrue contre les Kurdes en Turquie

Après son arrestation au Kenya, Öcalan, le chef du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), a été transféré en Turquie et incarcéré dans une île au large d’Izmir. L’île-prison a été vidée de tous ses autres prisonniers et elle est surveillée par des navires de guerre. Öcalan est tenu au secret, ses avocats européens ont été refoulés à la frontière turque et cinq avocats kurdes qui ont proposé de le défendre ont été arrêtés. Öcalan a été exhibé comme une bête féroce devant les médias du pays : il était menotté et bâillonné devant un immense drapeau turc. Son " interrogatoire " a commencé, en vue d’un procès qui ne sera qu’une parodie de justice. Désigné comme " l’ennemi public n°1 " et le chef " d’une organisation terroriste sanguinaire ", Öcalan est menacé ouvertement de la peine de mort. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union Européenne " s’inquiètent " du sort d’Öcalan et demandent " un procès équi-table "… Il est en effet bien temps que les grandes puissances européennes, complices au même titre que les Etats-Unis de l’arrestation d’Öcalan et solidaires depuis toujours de l’Etat turc dans sa guerre contre le peuple kurde, " s’inquiètent ".

Alors que partout en Europe, notamment en Allemagne, des milliers de Kurdes ont exprimé leur révolte en manifestant, en prenant d’assaut des ambassades ou des bâtiments officiels, en affrontant durement les polices des " démocraties occidentales ", en Turquie même, les Kurdes et leurs organisations subissent, depuis mardi dernier, une terrible répression visant à écraser toute mobilisation et manifestation. Le quartier kurde d’Istanbul, où des émeutes ont lieu chaque soir depuis une semaine, est encerclé par l’armée et complètement coupé du reste de la ville. L’armée tire à vue. Dans plusieurs grandes villes du Kurdistan, dont Diyarbakir et Batman, plusieurs manifestants ont été tués. Au moins 2 000 militants du HADEP (Parti de la démocratie du Peuple), seul parti légal défendant le peuple kurde, ont été arrêtés. Les locaux de ce parti ont été saccagés, les documents saisis. Les militants craignent une nouvelle interdiction de leur parti alors que les élections législatives sont prévues pour le 18 avril. L’armée turque a lancé une nouvelle offensive contre les bases arrières du PKK dans le nord de l’Irak.

L’objectif de l’Etat turc est clair : liquider définitivement le mouvement nationaliste kurde, que ce soit sur le plan militaire ou politique, et ainsi avoir les mains libres dans sa politique d’oppression du peuple kurde. L’armée espère en finir une bonne fois pour toutes avec la guérilla nationaliste du PKK qui est à bout de forces. Ce n’est pas parce que ses combattants se découragent face à un ennemi trop puissant. Bien au contraire, la haine et le désespoir mêlés nourrissent la détermination des combattants, des milliers de jeunes qui prennent les armes chaque année. Mais aujourd’hui, il devient de plus en plus difficile de remplacer ceux qui tombent. Car depuis 1984, c’est tout un peuple qui a été martyrisé (plus de 30 000 morts), déplacé (des centaines de milliers de Kurdes contraints de vider leur village et de s’exiler dans les grandes villes), torturé, affamé, maintenu dans des conditions de vie dégradantes.

L’arrestation d’Öcalan n’est pas fortuite. Elle est la conséquence d’un rapport de forces : le soulèvement armé du PKK, certes porté par la résistance de tout un peuple, est en train d’être maté.

Les bases arrières du PKK en Irak se réduisent. Öcalan a été " lâché " par la Syrie qui l’hébergeait depuis 15 ans : pour le gouvernement syrien, aider la guérilla kurde en Turquie (tout en réprimant sa propre population kurde) était une des manières de faire pression sur son puissant voisin, notamment par rapport au problème crucial de l’eau : les barrages turcs sur le Tigre et l’Euphrate assoiffent toute la région. Mais ces derniers temps, Damas s’est effrayé des menaces turques de faire parler les armes et a fini par expulser Öcalan. La politique des nationalistes kurdes a toujours consisté à chercher des appuis, non pas chez les populations kurdes des autres pays, ni parmi les opprimés de leur propre pays, mais auprès des dictateurs voisins. Cette alliance contre nature, s’est toujours retournée contre les nationalistes kurdes : Öcalan, se retrouve aujourd’hui la première victime de cette politique qu’il a menée. Et à chaque fois, le peuple kurde en a payé très cher le prix.

Le terrain de la guérilla, et plus généralement du nationalisme, se trouve être une impasse pour les espérances du peuple kurde. La lutte des Kurdes pour leur émancipation doit se forger une autre politique, une politique qui permette l’unité des opprimés kurdes de chaque côté des frontières turques, irakiennes, iraniennes, syriennes et à l’intérieur de ces pays, l’unité avec l’ensemble des classes opprimées. Alors que des millions de Kurdes sont dispersés dans toute la Turquie, formant les couches les plus pauvres des travailleurs des grandes villes, côtoyant chaque jour d’autres travailleurs non kurdes partageant les mêmes conditions de vie et la même haine à l’égard de l’Etat et des privilégiés qui les oppriment, cette politique doit trouver son chemin.

Par peur d’une explosion sociale, le gouvernement roumain veut briser le mouvement des mineurs

En janvier dernier, les mineurs roumains en marche sur la capitale, Bucarest, s’étaient affrontés très violemment à l’armée. Les blessés avaient été du côté des gendarmes et la population roumaine avait manifesté son appui aux gueules noires. Le gouvernement, pour éviter l’épreuve de force, avait dû négocier. Les mineurs avaient interrompu leur marche sur la promesse de 35 % d’augmentation de salaire et la non fermeture de deux mines menacées.

Un mois plus tard, la situation sociale est toujours aussi tendue. Le gouvernement roumain a repris ses négociations avec le FMI le 15 février. Celui-ci accordera un prêt de 540 milliards en échange d’une extrême rigueur budgétaire. Cela veut dire que le gouvernement de Constantinescu, jouet des puissances financières mondiales, veut continuer à pressurer tout le pays déjà miné par le chômage et la misère. Les augmentations de salaire promises aux mineurs ne sont plus accordées et la restructuration du secteur minier, c’est-à-dire les fermetures de mines, vont continuer. Il y avait 45 000 mineurs dans la vallée du Jiu. Il en reste 20 000 environ. Mais ceux qui restent savent qu’il n’y a pas de travail ni dans le Jiu ni ailleurs. Ils ont vu que ceux qui sont partis sont aujourd’hui au chômage, qu’il ne leur reste rien de la somme d’argent donnée à leur départ il y a deux ans. Ils se battent donc pour leur survie. L’annonce de la condamnation de leur leader Cozma à 18 ans de prison n’a fait qu’exaspérer encore leur colère. Le gouvernement roumain ne le condamne pas pour son appartenance à un groupe d’extrême-droite mais pour le fait qu’il a été à la tête d’une marche en 91 qui avait renversé le premier ministre de l’époque, Roman. Il ne lui pardonne pas la nouvelle marche des mineurs de janvier qui pouvait entraîner un soulèvement populaire plus vaste. En s’attaquant à Cozma, il marque son intention de briser tous les mineurs, leur combativité, leur popularité, leur détermination.

D’ailleurs, la nouvelle tentative de plusieurs centaines de mineurs de la vallée du Jiu de se rendre à Bucarest en car pour protester contre l’arrestation de leur leader, mercredi 17 février, s’est heurtée à une répression extrêmement brutale. Le gouvernement et ses bras armés de la police et de l’armée ont voulu se venger de la défaite subie en janvier. En plus de la gendarmerie, ont été appelées des troupes spéciales en renfort qui ont chargé les mineurs à Stoenesti (220 km à l’Ouest de Bucarest) faisant un mort, des dizaines de blessés. 350 mineurs ont été interpellés. Le gouvernement a voulu frapper fort à la mesure de la peur qu’il a eue. Mais la répression ne suffira pas forcément à endiguer le mécontentement grandissant. Elle peut aussi l’approfondir encore davantage.

Le capitalisme ravage la planète

La chute du mur de Berlin et l’effondrement du stalinisme devaient ouvrir une ère de paix, de prospérité et de démocratie, avec le rétablissement du marché capitaliste sur l’ensemble de la planète. La propagande de la bourgeoisie et des médias anticommunistes chantant les louanges de la prospérité capitaliste retrouvée après les dizaines d’années " d’économie dirigée " et de dictatures dans les pays de l’ex-bloc soviétique, a fait long feu. La planète, promise à un avenir de paix et de prospérité, s’enfonce dans la misère, les guerres et les violences. Depuis 1989, 60 conflits armés ont éclaté dans le monde, selon une publication du " Monde " sur les conflits mondiaux, faisant des centaines de milliers de morts et 17 millions de réfugiés fuyant les violences, la misère et la mort. " L’ère du chaos généralisé ne cesse de s’élargir... " explique cette étude, " les convulsions ne sont pas seulement militaires. D’autres guerres ont lieu à l’échelle d’une planète où le fossé des inégalités ne cesse de se creuser et où de nouveaux acteurs globaux (les grands groupes transnationaux) élargissent sans cesse le cercle de leur puissance ". La propagande mensongère de la bourgeoisie sur la prospérité capitaliste est démentie par l’aggravation de la misère, à l’origine des conflits qui éclatent dans nombre de pays pauvres mais qui s’étend aussi dans les pays riches. Le capitalisme, qui livre la planète aux appétits d’une minorité d’intérêts privés, est incapable d’assurer à l’humanité les conditions de son développement, y compris dans ses bastions les plus riches : aux Etats-Unis mêmes, 40 millions de personnes se retrouvent sans couverture médicale, 45 millions vivent en dessous du seuil de pauvreté et le pays compte 52 millions d’illettrés. L’Europe prétendument prospère compte 50 millions de pauvres et 18 millions de chômeurs.

Alors que la pauvreté est le lot de l’immense majorité, des individus sont aujourd’hui plus riches que des Etats : les 225 plus grosses fortunes du monde possèdent l’équivalent du revenu annuel de 47 % des plus pauvres de la population mondiale, soit 2,5 milliards de personnes. Et les inégalités ne cessent de se creuser : " En 1960 les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu 30 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres, en 1995, leur revenu était de 82 fois supérieur ! ". Près de 3 milliards d’hommes, la moitié de l’humanité, vivent avec moins de 10 F par jour.

L’effondrement de l’URSS a libéré la voie pour l’exploitation accrue des peuples dans la fuite en avant capitaliste pour le profit, qui impose la déréglementation des marchés, leur ouverture forcée et sans limites aux capitaux privés. Des régions entières, jugées " non rentables " par le capital, sont abandonnées à la misère, comme l’Afrique noire, aux dictatures et aux guerres. La planète livrée par le capitalisme à la concurrence et à l’exploitation, génère la violence et la guerre. La secrétaire d’Etat américaine, Madeleine Albrigth, en a fait l’aveu : " Nous consacrons quatorze fois moins d’argent que du temps du secrétaire d’Etat Marshall à la promotion de la démocratie et du développement outre-mer. Parmi les pays industrialisés, nous nous classons en proportion de la taille de notre économie, bon dernier pour ces contributions. "

Un aveu exprimé bien sûr en langage diplomatique, et chacun comprendra que " la promotion de la démocratie " signifie, derrière l'aide au développement, le soutien aux dictatures.