éditorial



Avec les enseignants, pour la démission d’Allègre, et pour dire non à toute la politique libérale du gouvernement Jospin !

Il s’est fait tout petit ministre, Allègre, invité di manche sur Canal Plus, pour présenter sa réforme  de l’Education nationale. Lui qui attaquait de front les enseignants en parlant de " dégraisser le mammouth ", se veut aujourd’hui humble, tout en disant qu’il ne " reculerait pas ", car voyez-vous, ce n’est que pour le bien de tous, enseignants, élèves et parents, qu’il prend des risques et brave l’impopularité.

Hier, il agressait pour intimider, aujourd’hui, il prend un ton mielleux pour faire passer une réforme dont l’objectif est de chercher par tous les moyens, comme cet allégement des horaires des élèves, à diminuer le nombre de postes de professeurs, là où il faudrait l’augmenter pour en finir avec les classes trop chargées.

C’est ce que demandaient les milliers de jeunes descendus dans la rue en octobre dernier, et c’est ce qu’exigeront aussi, au-delà de la démission d’Allègre, les enseignants qui feront grève le 15 mars et manifesteront à Paris le 20 mars, avec, il faut le souhaiter, la participation du plus grand nombre possible de jeunes, de parents, de travailleurs.

Oui, les enseignants ont raison de demander la démission d’Allègre. Sa politique, c’est la politique libérale de l’ensemble du gouvernement Jospin. Allègre l’a dit lui-même dimanche : Jospin " me soutient totalement "... et quand il était ministre de l’Education nationale, il " se heurtait déjà au conservatisme de certains, car sa volonté de réformes était la même que la mienne aujourd’hui, et qui est la sienne comme Premier ministre ".

Personne ne se souvient plus de ce qu’a fait Jospin à cette époque, mais nous savons tous ce qu’il fait aujourd’hui, contre le monde du travail, dans l’intérêt des grands groupes de la finance et de l’industrie, et ce qu’il prépare.

La loi Aubry sur les 35 heures, cette " grande avancée sociale ", ce n’est qu’une arme supplémentaire offerte aux patrons pour qu’ils puissent annualiser les heures de travail, flexibiliser les horaires, faire stagner voire diminuer les salaires, tout en empochant des milliards de subventions.

C’est sous couvert de " justice ", d’ " égalité " entre le privé et le public, que le gouvernement s’apprête à allonger la durée de cotisation pour la retraite de tous les salariés, pour la porter à 42,5 ans. Le gouvernement est complice du patronat pour qui, comme l’a dit le vice-président de son organisation, le MEDEF, " il faut mettre fin à l’illusion de la retraite à 60 ans. "

C’est en se targuant de traquer les " abus " et les " privilèges " que le gouvernement, par le biais de rapports sur commande, comme le rapport Roché, s’attaque aux salariés de la Fonction publique, accusés de travailler déjà moins que les 35 heures hebdomadaires - jusqu'à " 29 heures " !

Ce qui est " moderne ", pour Jospin, comme pour Allègre ou les autres ministres du gouvernement, c’est la privatisation des entreprises publiques, vendues pour une bouchée de pain aux grands groupes capitalistes, la " rentabilité " des services publics, avec suppression de postes, fermetures d’hôpitaux, subordination de l’école et des universités aux entreprises, et à terme le démantèlement de toute la protection sociale, avec pour les retraites, l’introduction des " fonds de pension à la française ", et pour la Sécurité sociale, celle des assurances privées, par le biais de la Couverture maladie universelle.

Ce qu’ils veulent, les uns et les autres, c’est supprimer toutes les entraves, tous les freins, à la rapacité du patronat, pour que celui-ci abaisse encore le " coût du travail ", fasse pression sur l’ensemble des salaires, grâce au chômage, et aux petits boulots auxquels sont condamnés les jeunes, et le seront, dans quelques années, nombre de travailleurs âgés de plus de 60 ans.

Pour y parvenir, Jospin use de la même méthode qu’Allègre : il ouvre la discussion à laquelle se prêtent des directions syndicales conciliantes, pour opérer les " réformes " indispensables et " modernes ", il fait faire des rapports qui sont de véritables déclarations de guerre contre les salariés, tout en feignant de laisser la discussion ouverte, le temps que sa propagande, largement amplifiée par la presse, destinée à culpabiliser les travailleurs, qualifiés de " conservateurs ", et à les diviser, fasse son effet, les démoralise, et les paralyse, du fait en particulier de la complicité des directions syndicales.

Mais la méthode ne marche plus, les enseignants, qui constituaient pourtant la base la plus fidèle du gouvernement socialiste, sont en train de rompre avec lui, les grèves et manifestations du 15 et 20 mars, sont le résultat de la mobilisation et de l’organisation de nombre d’entre eux, qui savent qu’ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour organiser la riposte nécessaire.

Leur mouvement remet en cause, au-delà de la seule démission d’Allègre, toute la politique du gouvernement qui, dans sa fuite en avant libérale pour satisfaire l’avidité de quelques milliardaires, menace de ramener la société des dizaines d’années en arrière.

Un simulacre de procès qui ne lavera pas les responsables politiques de leurs crimes

La Cour de Justice de la République a rendu son arrêt dans l’affaire du sang contaminé : Fabius et Dufoix sont relaxés. Le seul condamné est Hervé sans qu’aucune peine ne lui soit appliquée.

Une parodie de procès

D’un bout à l’autre ce procès a révolté les victimes, les familles des victimes et l’opinion publique. L’arrêt attendu ne peut que les écœurer encore un peu plus. Fabius non seulement est lavé de tout soupçon mais il s’en sort avec les félicitations. La conclusion a été en effet que " l’action de Fabius a contribué à accélérer la prise de décision " dans le dépistages des donneurs de sang. Dufoix est disculpée et félicitée elle aussi pour avoir réglé rapidement les aspects financiers de la mise en œuvre des mesures gouvernementales. Hervé a été condamné mais de façon tellement légère et tellement peu crédible que cela ne calmera pas la colère légitime des victimes. La peine a été retenue pour deux cas de victimes alors qu’en 85, 4 000 hémophiles et transfusés ont contracté le virus du SIDA et que près de la moitié d’entre eux sont morts.

Jusqu’à présent, les hommes politiques dans l’exercice de leurs fonctions étaient protégés et ne pouvaient pas être jugés sauf pour haute trahison. L’action tenace et déterminée des victimes, de leurs familles, des associations de lutte contre le SIDA ont abouti à faire comparaître, quinze ans après les faits, trois responsables politiques en justice. Mais les dirigeants au pouvoir se sont arrangés pour que cette Cour de Justice, créée en 1993, soit sur mesure et étudiée tout spécialement pour les innocenter. En effet, elle est composée pour une bonne part de députés et de sénateurs désignés à la proportionnelle des groupes politiques à l’Assemblée. Fabius, président de cette Assemblée peut y compter des amis. Ce sont des gens du même monde que les ministres. Ces douze jurés, parlementaires de droite ou de gauche, étaient très motivés pour ne pas leur causer d’ennuis. Car, parmi les hommes politiques de tout bord ayant été " aux affaires " ces dernières années, nombreux sont ceux qui ont un cadavre dans le placard, un petit ou un gros scandale à cacher. Alors il faut bien s’aider. Barrau, un des parlementaires du Parti socialiste argumentait de la façon suivante auprès d’un juré de droite un peu récalcitrant : " Imagine qu’à la place de Fabius, Dufoix, Hervé, on doive juger Juppé, Seguin, Barzach. Moi, tu vois, je les jugerais également innocents ". D’autre part, le procureur qui a mené l’accusation avait déjà requis un non lieu en 97 et en 98 pour éviter que le procès ne se tienne. Tout le monde a relevé également dans la presse les incohérences du Président de cette Cour, Le Guhenec, ses gaffes, ses approximations, ses libertés prises avec le droit. Les périodes 83/84 ont été passées sous silence. Certains témoignages ont été éliminés. Enfin et surtout le plus scandaleux, les victimes n’ont pas été admises comme parties civiles mais seulement comme témoins. Elles assistaient au procès mais bâillonnées, comme elles l’ont dit. Certaines n’ont pas pu tenir jusqu’au bout. Mais à vouloir trop en faire, les trucages ont été trop visibles et il n’est pas sûr que les accusés sortent blanchis et grandis de cette tragi-comédie.

Les faits sont têtus

Les mesures de sélection chez les donneurs de sang, préconisées dès juin 83, par une circulaire de la Direction générale de la santé, n’ont pas été organisées avant que n’existe le test de dépistage, alors que l’on savait, deux ans avant les faits jugés, qu’il y avait risque de contamination. En Europe, des précautions de sélection des donneurs parmi " les sujets à risque " ont été prises très tôt, alors qu’en France les collectes de sang se sont poursuivies tardivement dans les prisons ou dans les rues comme celles des quartiers chauds de Paris. Mais les gouvernants de l’époque ont laissé faire. Ils ont même retardé l’autorisation d’un test de dépistage mis au point par un laboratoire américain (Abott) pour laisser le temps à l’entreprise française Pasteur de sortir le sien.

Des ministres responsables d'être au service de la logique du fric

Personne n’accuse les trois ministres d’avoir voulu la mort des victimes du sang contaminé. Mais c’est bien sous leur responsabilité que, pour des raisons financières, le risque a été pris de laisser écouler des lots de sang non contrôlés et non chauffés. C’est bien sous leur responsabilité qu’a été prise la décision criminelle de retarder l’utilisation d’un test qui aurait permis d’éviter la contagion. Le mépris de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir est tel vis-à-vis de la population qu’ils n’ont même pas jugé bon de rappeler les transfusés contaminés pour éviter les contaminations secondaires.

Faire passer la logique du profit avant le souci de santé publique conduit à de telles tragédies. Elles cesseront quand enfin, la population exercera elle-même son contrôle sur l’économie et les élus, afin de mettre toutes les ressources humaines, financières, scientifiques, au service exclusif des intérêts et des besoins de tous.