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Renault Cléon : nouveau débrayage contre les 35 heures façon Renault

Mardi 3 mars, la direction de Renault-Cléon est rentrée dans le vif du sujet concernant la mise en place de la loi Aubry : elle a donné son appréciation de la notion de " temps de travail effectif " introduite par cette loi. La direction calcule que le personnel en 2 x 8 (la moitié des effectifs) fera… 34 h 34 par semaine et ceux de la normale… 35 heures.

Pour arriver à ces chiffres fantaisistes, la direction considère que pour les équipes, nous ne faisons déjà que 38 heures 10 minutes par semaine : elle a enlevé depuis 1986 deux heures trente, l’équivalent du temps de repas, qui sont comptabilisées à part sur le bulletin de paie et elle ne tient pas compte des 21 minutes de travail supplémentaire par jour qu’elle nous a imposées depuis 1997. Donc pour obtenir ces 34 h 34 à la montre du patron, le calcul est le suivant : 38 h 10 moins 1 h 30 de réduction du temps de travail, moins 20 minutes de pauses par jour, moins 27 minutes de formation professionnelle (c’est-à-dire les 20 heures annuelles de formation fractionnées), alors que la grande majorité des ouvriers de Cléon ne va jamais en formation !

Si on refait les calculs à l’inverse à la montre de l’ouvrier en additionnant le tout : nous faisons 42 h 25 à l’usine. Une chose est sûre pour les ouvriers de Cléon, c’est que les calculs de la direction ressemblent à de l’arnaque. Car si on part des 39 heures hebdomadaires légales pour aller jusqu’aux 35 heures, c’est quatre heures de travail qu’il faut enlever et non 1 h 30 de réduction de temps de travail.

Et ça, tout le monde l’a compris, ce qui fait que la direction a du mal à faire passer le message par le canal du petit encadrement qui rechigne et n’approuve guère les 35 heures sauce Renault.

En résumé, le passage aux 35 heures ne se traduirait que par 9 jours de congés supplémentaires par an. En réalité, chez Renault, la direction n’envisage pas de réduction du temps de travail à la journée ou à la semaine mais préfère donner l’équivalent en jours annualisés.

Les syndicats, eux, estiment ce nombre à 22, soit 13 jours de travail gratuit par salarié dans la poche du patron.

Ces jours seront pris individuellement (2 jours) ou collectivement (7 jours) sur décision du patron qui pourra ainsi gérer à sa guise les variations de production. C’est le principe de l’annualisation du temps de travail qui s’instaure.

Dans ces conditions, l’appel de la CGT et de la CFDT à un débrayage de deux heures le jeudi 2 mars contre les projets de la direction sur la réduction du temps de travail a été bien suivi : 1 100 grévistes (il y en avait eu 600 le 18 février sur le même problème). 20 % des travailleurs des secteurs des Méthodes et des Services ont débrayé, dont certains pour la première fois de leur vie. Renault prévoit l’éclatement des " bureaux " vers des postes en production et la Maintenance est, elle aussi, menacée de fusionner avec la Fabrication.

Cette journée d’action sur l’ensemble du groupe a rassemblé selon la CGT environ 10 000 grévistes. Le mécontentement est grand aussi à cause de la dégradation des conditions de travail et le passage aux 35 heures ne risque pas d’améliorer les choses.

Si, pour l’instant les syndicats CGT et CFDT font " l’unité ", cela ne veut pas dire qu’ils veuillent aller plus loin dans le sens d’une riposte d’envergure des travailleurs contre Renault et le gouvernement. Ils continuent depuis plusieurs semaines à participer à un simulacre de " négociations " et certains responsables syndicaux, CGT comme CFDT, se disent toujours prêts à signer " un bon accord chez Renault ". Le sujet des embauches était à l’ordre du jour des négociations du mardi 9 mars. La direction y a confirmé qu’il n’y aurait pas moins de 9 600 départs étalés jusqu’en 2003 pour ceux qui auront 57 ans, sur un effectif Renault de 44 000 personnes. En contrepartie, ose-t-elle dire, il y aura 1 700 embauches liées aux 35 heures et 3 300 dans le cadre du rajeunissement des effectifs. Cela fait 5 000 embauches en tout, donc un solde négatif de 4 600. Dans cette même réunion, la direction a évoqué la possibilité de journées de 10 à 12 heures sur les périodes de haute activité qui ne devraient pas excéder 4 mois. Déjà, dans les usines de Sandouville, Douai, Flins, de tels horaires existent. A Cléon, la variabilité des horaires d’une telle amplitude est aussi à l’ordre du jour.

Une fois bouclé l’accord central sur les 35 heures, Renault envisagerait de rediscuter des horaires de travail usine par usine dès la fin avril. D’ici là, le mécontentement des travailleurs de Cléon risque de s’accroître et venir perturber le bel ordonnancement des négociations chez Renault.

ACH : face au plan-anti social des patrons, il faut un plan d’action d’urgence des travailleurs

400 licenciements dès fin mai, puis 87, puis 240, puis 170… jusqu’à la fermeture en octobre 2000, les patrons ont programmé le chômage pour les 1125 travailleurs des ACH. Et pour bien d'autres aussi : autour des ACH, il y a les emplois des sous-traitants, entreprises extérieures, la réparation navale, et enfin, tout ce qu’on appelle les emplois induits, soit 2500 à 3000 emplois. C’est une catastrophe sociale qui est programmée pour le monde du travail au Havre, déjà fortement marqué par la crise et les attaques patronales, les fermetures d’usines ou les " dégraissages " de centaines de travailleurs comme ce fut le cas il y a peu pour les dockers. Face à ce plan anti-ouvrier, ce serait évidemment un plan d’urgence ouvrier, un véritable plan d’action qui s’imposerait. Pour bloquer les comptes et les activités du groupe Bolloré tout d’abord, dont la filiale Delmas-Vieljeux est actionnaire à 33 % des ACH, Bolloré qui grâce à ses exploits financiers passés a gagné pendant 18 mois 5 millions de francs par jour. Cela pourrait permettre de réinjecter de l’argent frais dans l’entreprise, même si de toutes façons il ne peut pas être question de la laisser à ses propriétaires actuels : par leur incompétence, ils l’ont menée à la faillite industrielle. Pas question de faire confiance non plus à l’Etat. Celui-ci a déjà payé plusieurs fois les ACH par ses subventions et une nationalisation ne serait pas aberrante loin de là, mais seulement pour servir de couverture légale à un contrôle permanent par les travailleurs des choix industriels et financiers de l’entreprise.

Tous ceux à qui on a demandé leur avis jusqu’à présent ont causé des dégâts. Les travailleurs voient les choses lucidement quand ils disent : " on dirait que l’Etat fait le maximum pour fermer le chantier ", quand depuis longtemps ils ne croyaient pas à la livraison du 3ème chimiquier, quand ils ne se laissaient pas duper par le récent mirage d’un éventuel repreneur.

La CGT et les militants du Parti communiste, eux, entretiennent la confusion. Certes, ils dénoncent les 500 licenciements d’intérimaires et de CDD, déjà effectués en silence et qui n’ont fait l’objet d’aucun reclassement, ils ont refusé de discuter pacifiquement avec la direction lors du Comité d’entreprise du 5 et ont incité les salariés à débrayer ce jour-là. Mais ils cultivent des mirages quand ils parlent de Kaverner, le repreneur possible, oubliant d’ailleurs qu’ils militent pour une navale " à la française " et que Kaverner est un groupe norvégien. C’est le syndicalisme " raisonnable ", incapable d’imaginer qu’il faille s’en prendre à la propriété des capitalistes et pour lequel les mouvements doivent être aussi " raisonnables " : il faut plaire à messieurs les capitalistes éventuels repreneurs, finir le 1er chimiquier dans les délais prévus, et donc être en colère, mais d’une colère raisonnable : 2 heures de débrayage et on repart au travail ! Et puis il ne faut pas compliquer le travail des élus de la gauche plurielle, qui dans cette volonté de dialogue avec les patrons, trouvent leur place de bons avocats aux plaidoiries larmoyantes. Les militants CGT des ACH sont prisonniers de cette chaîne politique de solidarité qui conduit à la servilité et à la résignation face aux patrons. Les dockers ont payé cher une telle politique : des centaines de licenciements dans le plus grand silence et maintenant un contrat qui les enchaîne aux patrons et leur intime de respecter la paix sociale pendant 3 ans ! Bien des travailleurs ont rompu avec une telle logique, ils sont prêts pour la lutte. Mais ils n’ont pas encore trouvé et façonné une équipe militante à leur image, qui se sentirait responsable, non pas vis-à-vis du pouvoir, mais vis-à-vis des travailleurs. Peut-être que le message envoyé par les militants CGT de la SNCM de Marseille contribuera à rendre les choses plus claires : " les espoirs des travailleurs et des sans-emploi qui ont amené au pouvoir la gauche plurielle sont anéantis par une politique de libéralisme économique ", écrivent-ils. Voir la réalité en face et en tirer un plan d’action d’urgence pour les luttes des travailleurs, pour la nationalisation sans indemnité ni rachat sous contrôle ouvrier, cela devient une question vitale. Les travailleurs des ACH sont de nouveau en grève mercredi 10 mars.

CREAPHARM :les 35 heures pour les intérimaires : 35 h payées 35 !

CREAPHARM, entreprise pharmaceutique de la banlieue de Bordeaux sous-traitante de Sanofi, applique la loi de Robien adoptée sous le gouvernement Juppé depuis 2 ans. Après cette loi de " droite ", elle doit appliquer la loi d’incitation et d’orientation sur la réduction du temps de travail, loi dite des 35 heures. Ces deux lois, l’une de " droite ", l’autre de " gauche " (cherchez la différence) font que l’annualisation et la flexibilité sont imposées à tous les salariés : embauchés et intérimaires.

Cette entreprise, comme beaucoup d’autres, utilise des intérimaires, jusqu’à un cinquième du personnel. Cette fameuse loi des 35 heures s’applique de fait aux intérimaires qui doivent s’adapter aux conditions de travail et d’horaire. Mais le problème, c’est que pour les intérimaires la rémunération des semaines travaillées est comptabilisée en heures c’est-à-dire 35 heures payées 35. Résultat : 4 heures perdues sur le salaire. Pour les embauchés, la loi prévoit la récupération des journées travaillées en heures supplémentaires de 35 heures jusqu’à 42 heures maximum, les intérimaires, eux, sont payés en heures supplémentaires au delà de 40 heures. Mais quand la direction décide que tout le personnel récupère ces heures supplémentaires, personne ne doit venir sur une journée y compris les intérimaires, ce qui fait une journée non payée : c’est encore moins sur le salaire à la fin du mois !

Et s’il arrive que la semaine passe à moins de 35 heures (ce qui ne s’est encore jamais vu !) jusqu’à 28 heures minimum, encore une fois les intérimaires payent l’addition : ils ne seront payés que 28 heures ou licenciés…

Les 35 heures de droite ou de la gauche plurielle, ce sont des attaques contre tous les travailleurs et encore plus de précarité pour les intérimaires. Mais les patrons eux, touchent des subventions publiques sans condition : pour eux, c’est tout profit !

La contamination par l’amiante continue à faire des victimes, un second procès ouvert contre Everite

13 salariés contaminés par l’amiante ont saisi le Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de la Gironde contre la société Everite de Bassens, spécialisée dans les matériaux en fibro-ciment, qui a fermé en 1987. Ces travailleurs attaquent cette société après 9 autres salariés qui avaient obtenu de la condamner pour " faute inexcusable " et de percevoir ainsi des indemnités pour maladie professionnelle de la part de la CPAM. Leur contamination par l’amiante a entraîné une incapacité temporaire de travailler de 5 à 30 %. Agés de 49 à 71 ans, ils sont tous atteints d’asbestose, une grave affection du poumon. Ces travailleurs avaient manipulé pendant des années des sacs d’amiante transportés à dos d’homme et à mains nues dans des nuages de poussière blanche, sans protection individuelle ou masques alors que les risques de l’amiante étaient connus depuis le début du siècle. En décembre 1997, à Dijon, puis en octobre 1998, c’était la première fois que des patrons de l’amiante étaient condamnés, mais la partie n’est pas gagnée car Everite a fait appel, en prétextant que dans les années 50-60 les connaissances scientifiques sur l’amiante étaient insuffisantes, en s’appuyant sur le rapport du médecin du travail de l’entreprise qui déclarait en 1980 un " état satisfaisant des risques " et en faisant croire que le délai de prescription de 2 ans ne commençait qu’à partir du moment où le médecin expert de la CPAM a fait un premier constat médical et non à partir du moment où les travailleurs se sont aperçus que leur maladie était due à leur travail. La CPAM s’est dégagée en affirmant : " on ne peut pas faire supporter à la collectivité la faute d’une entreprise " et en affirmant avec l’accord d’Everite que si la loi de financement de la Sécurité Sociale instaurée par Aubry en décembre 1998 permet la réouverture des dossiers prescrits en fixant un nouveau délai de 2 ans à partir de janvier 1999, ce texte de loi ne doit servir qu’à reconnaître les maladies professionnelles et non à condamner à payer des indemnités. Face au patron et à la CPAM, l’avocat des salariés a affirmé : " les entreprises qui tuent, blessent ou polluent sont des entreprises délinquantes " en rappelant que sur les 100 anciens salariés d’Everite contaminés et qui ont engagé une procédure devant le TASS, une dizaine sont morts ces derniers mois, dont dernièrement un travailleur de 60 ans qui avait obtenu la condamnation d’Everite en octobre 1998. Il a parlé de la " catastrophe sanitaire " que signifie la contamination par l’amiante, les experts prévoyant plus de 10 000 morts d’ici 10 ans. Et la Préfecture de la Gironde a été contrainte de demander en janvier 1999 la réhabilitation du site d’Everite à Bassens qui " fait toujours courir des risques ".