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" Alors viendra la révolution qui secouera tout dans ses tempêtes. Le sexe qui se dit fort cessera de commander à celui qu'il croit flatter en le qualifiant de beau sexe et qui est réduit aux armes des esclaves : la ruse, la domination occulte. L'égalité entre les deux sexes sera reconnue et cela fera une fameuse brèche dans la bêtise humaine. Alors l'homme et la femme pourront marcher la main dans la main. "

Louise Michel (1830-1905), Mémoires



Le 8 mars, journée internationale des femmes

Mettre la femme sur un piédestal ou la fouler aux pieds, procède d'un même mouvement : l'éloigner pour éviter d'en faire une partenaire. "
(Monique Hébrard, Le féminisme et ses enjeux)

La " Journée de la Femme " a été l’occasion pour les politiciens au pouvoir, particulièrement les socialistes, de rivaliser d’hypocrisie. Alors qu’ils tentent de s’approprier cette journée à leur profit en la vidant de tout caractère subversif, il est bon d'en rappeler l’origine. C’est une journée de lutte instaurée sur proposition de Clara Zetkin, dirigeante du Parti socialiste allemand, au congrès de 1910 de la IIème Internationale, au temps où les socialistes étaient révolutionnaires, voulaient renverser le système capitaliste et non pas le gérer comme ils le font aujourd’hui. Pour les militants socialistes de cette époque, la lutte des femmes pour leurs droits faisait partie intégrante du combat de la classe ouvrière pour libérer la société toute entière. Le 8 mars 1917, les ouvrières de Pétrograd se mirent en grève et furent à l’origine du soulèvement qui balaya le tsarisme. Pour tous ceux qui continuent toujours à se battre contre les injustices sociales, cette date du 8 mars n’est pas seulement une commémoration des combats passés mais l’occasion de rappeler tous les combats qui restent à mener pour les femmes dans le monde. Car l’égalité entre les hommes et les femmes est loin d’être conquise, dans le monde et en France, contrairement à ce que voudraient faire croire les discours d’autosatisfaction des gouvernants.

Loi sur la parité : feuille de vigne et faux débat pour masquer les vrais problèmes

Les sénateurs les plus ringards et machistes ont fini par céder et ont adopté le 5 mars la révision de la Constitution afin d’y inscrire le principe de la parité politique. La faible représentation des femmes dans les principales assemblées élues est effectivement scandaleuse. Il n’y a que 13,1 % de femmes députées dans le monde, moyenne encore inférieure en France avec à peine 11 % à l’Assemblée nationale et même pas 6 % au Sénat. Le fait même de devoir recourir à une loi pour obliger à une égalité dans le domaine politique montre le chemin qui reste à parcourir. Elle favorisera peut-être l’accession de certaines femmes de milieux plus aisés mais elle ne réglera pas le problème de fond. Car principe de parité ou pas, l’accès à la représentation politique ou à l’activité politique est le plus souvent bouché pour les femmes, non pas parce qu’elles sont moins capables mais tout simplement parce que les contraintes de la vie quotidienne le leur interdisent. Quand une femme travaille et qu’elle doit en plus élever ses enfants, il lui est bien difficile de trouver encore le temps pour militer dans une association, son quartier, un parti politique, une mairie etc… La loi sur la parité ne coûte rien au gouvernement.

Et surtout cette loi ne change rien à la réalité économique qui accentue les inégalités.

Les inégalités entre hommes et femmes s’accroissent

Le rapport que vient de publier le conseil d’analyse économique (CAE) montre bien que les femmes (comme les jeunes) sont les premières victimes des attaques du patronat et du gouvernement dans cette période de crise. La progression du chômage et de la précarité touche plus durement les femmes : 13,8 % des femmes sont au chômage contre 10,2 % des hommes. Elles constituent la majorité des travailleurs pauvres : 80 % des salaires inférieurs à 3600 F sont touchés par des femmes. Le travail à temps partiel subi et non choisi les frappe à 80 %. A travail équivalent, elles sont payées 25 % de moins que les hommes. Enfin, dans un pays riche comme la France, 80 % du travail domestique est encore, en moyenne, à la charge des femmes.

Pour conquérir une véritable égalité, les femmes travailleuses et chômeuses doivent se battre avec l’ensemble des salariés pour mieux vivre. Leur lutte pour le droit au travail rejoint le combat de la classe ouvrière contre les licenciements, pour la création de tous les emplois à temps plein, en CDI, nécessaires jusqu’à résorption totale du chômage. Leur lutte pour le temps libre passe aussi par une véritable réduction du temps de travail. Et pour profiter du temps libre, il faut de l’argent donc des salaires suffisants.

Ne pas perdre les droits conquis

La France n’a jamais été à la pointe du progrès dans les droits des femmes. Il a fallu attendre 1944 pour qu’elles aient le droit de vote. Il a fallu toutes les luttes menées dans les années 60/70 pour imposer la contraception et obtenir la liberté de l’avortement. Ces droits conquis, certains voudraient les anéantir. Il faut donc les défendre contre tous les réactionnaires anti-IVG et anti-PACS qui voudraient imposer un retour à l’ordre moral.

Il n’y a pas de liberté sans liberté pour les femmes

Actuellement sur la planète, pour les plus pauvres en général, l’oppression prend des formes brutales et destructrices dont sont victimes particulièrement les femmes et les enfants. Dans certains pays s’ajoute à la misère et à la difficulté de survivre, la terreur exercée par les intégristes religieux. En Algérie par exemple, les terroristes du FIS assassinent des centaines de femmes parce qu’elles prennent la liberté de sortir la tête ou les bras nus. Ailleurs, d’autres réactionnaires religieux, catholiques, comme en Pologne, refusent aux femmes le droit à la contraception et à l’avortement et veulent maintenir eux aussi les femmes dans l’esclavage domestique.

Partout dans le monde, des femmes luttent pour leur liberté, par elles-mêmes, se méfiant de tous ceux qui leur tressent des couronnes pour mieux les écarter.

Affaire Dumas : le pouvoir et le fric ou les gigolos de la République

Les dernières déclarations de Christine Deviers-Joncour, l'ancienne compagne de Roland Dumas, mise en examen pour avoir bénéficié de sommes consistantes provenant d'Elf, dont elle aurait largement fait bénéficier l'ancien ministre des affaires étrangères de Mitterrand, pourraient bien amener la justice à rouvrir le " dossier Dumas ". Accusée de corruption dans cette affaire pour laquelle elle a passé 5 mois en prison, Christine Deviers-Joncour semble vouloir se venger aujourd'hui d'avoir joué seule les boucs-émissaires, en accusant son ancien protecteur qu'elle avait jusque-là couvert. Elle a fait à la presse et à la justice de nouvelles révélations qui établiraient la complicité de Dumas, contre qui, jusque-là, la justice n'avait pu établir aucune preuve.

Elle vient de révéler qu'en 1990, elle avait fait cadeau à Dumas de statuettes grecques antiques pour une somme de 264 000 F, payées avec de l'argent provenant d'Elf, et que Dumas était parfaitement au courant de l'origine des fonds. Elle révèle également que c'est Dumas lui-même qui, ministre de Mitterrand en 1989, avait appuyé son embauche à Elf.

A la suite de son retournement, Deviers-Joncour, d'accusée de tentative de corruption d'un haut fonctionnaire d'Etat se transforme donc en simple intermédiaire, rouage secondaire dans les relations qu'entretient Elf avec l'Etat et ses hauts fonctionnaires, faites de pots-de-vins appelés pudiquement " commissions " pour l'obtention de juteux contrats pour le trusts...

Le démenti de Dumas aux accusations de son ex-compagne est en lui-même un aveu des " privilèges du pouvoir " : il a déclaré lui avoir fait aussi de nombreux cadeaux coûteux, dont un dessin de Picasso d'une valeur estimée entre 800 000 et 1 million de francs. L'enquête de la justice avait déjà estimé et révélé qu'en plus des rentrées officielles de son cabinet d'avocat pendant la période où il n'était plus ministre, Dumas aurait en moyenne sur cinq ans disposé d'au moins 40 millions d'anciens francs par mois pour vivre, l'équivalent de 80 fois le SMIC... Quant au silence gêné et à l'empressement des politiciens à soutenir Dumas, " présumé innocent " tant que sa culpabilité n'est pas prouvée, il révèle la complicité des milieux politiques, de la droite à la gauche, jusqu'au Parti communiste. Tous retournent les " méthodes nauséabondes ", " le déballage " de ces milieux dans cette affaire contre les journalistes, qui ont l'inconvenance de mettre sur la place publique les mœurs corrompues, les " trafics d'influences " et le parasitisme des dirigeants de l'Etat. Tous ces hommes publics cherchent à cacher leurs comptes en banque, bien remplis des largesses et " commissions " diverses versées par les grands trusts, derrière le " respect des affaires privées " : " Ce déballage d'affaires privées " ne constitue pas " un problème politique en soi " a déclaré le ministre de l'agriculture Glavany. " Tout cela n'est pas bon pour la démocratie et participe d'un climat nauséabond " a déclaré Hue, partageant la même solidarité de pouvoir.

L'affaire Dumas soulève un coin du voile sur les liens existants entre les grands trusts comme Elf et l'Etat à leur service dans la course aux profits capitalistes, qui ne peuvent qu'engendrer la corruption du pouvoir et des milieux politiques, et Deviers-Joncour, qui s'était elle-même qualifiée de " putain de la République ", est du même monde que ceux qui n'en sont que les " gigolos ".

Une nouvelle affaire de " foulard islamique " dans la Drôme : le combat contre l'intégrisme ne peut se mener sur le seul terrain de l'école

Une majorité d'enseignants du collège Lapassat de Romans (Drôme) était en grève le 4 mars. Ils protestent contre l'absence de réaction de l'Inspection académique, alors qu'ils sont confrontés à une nouvelle affaire de " foulard islamique " que deux adolescentes portent depuis début janvier à l'école comme à la ville.

Le mécanisme de la provocation est désormais bien huilé. Les activistes islamistes poussent une ou deux familles (en l'occurrence il s'agit de deux sœurs) à défier l'interdiction, à refuser tout compromis jusqu'à un affrontement médiatisé, sans aucune considération pour l'intérêt des jeunes filles qui, consentantes ou pas, sont rapidement prises dans un engrenage qui les dépasse.

Depuis quelques années, dans le quartier de la Monnaie, habité essentiellement par des immigrés et proche du collège, l'influence des religieux intégristes se fait sentir. Le voile, qui n'était porté que par quelques femmes âgées, a gagné du terrain parmi les plus jeunes. Il ne saurait se ramener à une manifestation de foi religieuse, ou à une simple coutume : il est un déni de l'émancipation de la femme, dont la vue doit être réservée à l'homme qui en est maître et possesseur. Le fondamentalisme musulman se situe sur le même plan que celui des milieux catholiques réactionnaires qui organisent les commandos contre les centres d'IVG.

Mais s'il trouve un terreau dans une population immigrée dont, jusqu'à ces dernières années, la pratique religieuse se limitait souvent à quelques rites et aux fêtes traditionnelles, c'est avant tout pour des raisons sociales et politiques, au même titre que le Front National a pu, avec un discours trompeur, exploiter la détresse d'une partie de la population française. Le Front National et les islamistes sont des frères jumeaux : le premier attise la haine raciale, les deuxièmes retournent le discours et, s'appuyant sur l'exclusion bien réelle dont les immigrés sont victimes, prêchent un repli communautaire dont l'Islam serait le fondement.

De là, l'énorme difficulté à laquelle se heurtent les enseignants, au collège Lapassat comme ailleurs. A juste titre, ils ne veulent faire aucune concession à l'oppression des femmes, ni voir arborer des signes ostentatoires d'appartenance religieuse. Pourtant, exclure des adolescentes du collège, comme cela s'est passé à Flers, et les confiner dans leur milieu familial réactionnaire et borné ne fait pas progresser d'un iota la cause de l'émancipation féminine. L'obligation scolaire, y compris pour les femmes, est aussi un acquis à défendre. D'où leur adresse à l'Inspecteur d'académie et, au-delà, au ministre, pour qu'ils sortent de leur lâche silence et leur indiquent la marche à suivre.

Mais ils ne peuvent recevoir aucune réponse satisfaisante de ces dignes représentants de l'appareil d'Etat. Il n'y en a pas si l'on se situe sur le seul terrain de la défense de la neutralité de l'institution scolaire.

Comment la jeunesse immigrée pourrait-elle se reconnaître dans des " valeurs de la République " auxquelles on la somme de s'intégrer, quand elle les voit partout bafouer, qu'elle est victime des pires discriminations ? Le pire serait qu'aux yeux de ces jeunes l'école, dont les activistes islamistes leur susurrent qu'elle est bien plus tolérante envers le prosélytisme des aumôniers catholiques, apparaisse comme une institution hostile, raciste, au même titre que la police et la justice. C'est au mouvement ouvrier qu'il appartient de combattre les islamistes, de faire reculer l'influence qu'ils ont développée au sein de la population immigrée, de gagner des travailleurs et des jeunes immigrés aux idées socialistes, et notamment des jeunes femmes qui, alors, ne se laisseront plus imposer le port du voile et lutteront consciemment pour son abolition.

Dans ce combat politique, les enseignants peuvent jouer un rôle déterminant s'ils ne se cantonnent pas à des incantations laïques mais apparaissent comme d'authentiques défenseurs des valeurs démocratiques, en lutte au côté des jeunes et de leurs parents contre l'exploitation, le racisme et l'oppression.