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Etats-Unis : peine de mort, un assassinat légal au service d’un ordre social barbare

La chambre à gaz ou l’injection chimique ? Tel est le choix que l’Etat de l’Arizona a offert aux deux frères LaGrand comme à tous ceux qu’il a condamnés à mort avant 1992. " Je ne connais personne qui soit sain d’esprit et qui puisse choisir comment il veut être tué. Ils veulent me faire porter ce fardeau, mais j’ai porté assez de fardeaux ". Ayant ainsi refusé de choisir, Walter LaGrand a été assassiné légalement le 4 mars dans une chambre à gaz pour un meurtre commis avec son frère en 1982 et jugé en 1984. L’agonie a duré dix-huit minutes sous le regard de plusieurs dizaines de personnages qui ont assisté au barbare cérémonial.

Cette double exécution a provoqué un tollé, notamment en Allemagne. Les deux frères étaient allemands, or la justice américaine a violé tous les conventions internationales, leur refusant l’assistance du Consul d’Allemagne à laquelle ils avaient droit. Tous les recours, y compris l’intervention du gouvernement allemand ou de la Cour internationale de justice, ont été rejetés par les autorités américaines. " La manière dont la peine de mort est célébrée en Arizona est infecte. Apparemment, elle sert à la réélection des gouverneurs et des procureurs des Etats " a déclaré la ministre allemande de la Justice.

Mais l'application de la peine de mort ne vise pas seulement à assurer la réélection de ces politiciens arrivistes. Les Etats-Unis se trouvent dans le peloton de tête mondial des exécutions et des incarcérations. En 1997, il y avait 1,7 million de personnes sous les verrous aux Etats-Unis, ce nombre a triplé entre 1980 et 1996. Plus de 60 % des prisonniers appartiennent à des minorités ethniques, donc à la fraction la plus pauvre de la population. Depuis 1976, date du rétablissement de la peine de mort, il y a eu 467 exécutions, le nombre d’exécutions par année n’a cessé d’augmenter pour atteindre le record de 74 en 1997, ce qui place les USA au 4° rang mondial des exécutions après les dictatures chinoise, iranienne et saoudienne. Depuis 6 ans, c’est un condamné à mort qui est exécuté en moyenne par semaine. De plus, 8 mineurs au moment du crime ont été exécutés depuis 1990. Et aujourd’hui, 3500 personnes dont 43 femmes attendent, comme Mummia Abu-Jamal, dans les couloirs de la mort des prisons des Etats-Unis.

40 % des condamnés à mort sont noirs, alors que les Noirs ne représentent que 13 % de la population totale du pays. D’après une étude américaine, le risque d’être condamné à mort est quatre fois plus grand pour un Noir que pour un Blanc, car être noir est une circonstance aggravante, surtout si la victime est blanche, et aussi parce que nombre de procureurs récusent plus facilement les jurés noirs.

En réalité, c’est une véritable guerre contre les pauvres que l’Etat américain mène avec une brutalité féroce. Le pays le plus moderne du monde, celui qui nous montre toutes les possibilités ouvertes par les progrès techniques et qui prétend incarner le progrès, l’avenir, la modernité, est en même temps ravagé par la guerre sociale. Les inégalités sociales sont plus criantes que jamais, plus de 40 millions de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. L’Etat américain affirme par la violence son autorité implacable contre les pauvres, sa morale c’est la loi du plus fort, son droit de tuer légalement ceux qui troublent l’ordre établi des riches et de la propriété.

La presse a transmis quasi en direct l’exécution des frères LaGrand aux Etats-Unis et à travers le monde. Au Moyen-Age, les exécutions se produisaient sur la place publique afin de terroriser les pauvres, et de leur montrer la toute-puissance de l’autorité. La technique a fait des bonds prodigieux, mais la société d’oppression produit toujours la même barbarie.

La " guerre de la banane " : signe d’une aggravation de la guerre commerciale entre les principaux pays capitalistes sur fond de récession économique, de recul du commerce mondial et d’attaques contre les travailleurs

Les USA viennent de mettre en place des taxes douanières de 100 % sur 500 millions de dollars de marchandises européennes importées, pour protester contre les limitations des exportations en Europe des bananes en provenance d’Amérique centrale, contrôlées par trois multinationales américaines : Dole, Chiquita et Del Monte. En prenant l’initiative d’imposer de telles taxes en vertu d’une loi américaine, " l’article 301 ", sans attendre le jugement que doit prononcer l’OMC (l’Organisation Mondiale du Commerce, qui est aux relations commerciales ce que le FMI est aux relations financières), les USA ont voulu faire un geste pour montrer que, réglementation internationale ou pas, c’était eux qui donnaient le ton.

Les dirigeants européens ont poussé les hauts cris : ils ont convoqué une réunion exceptionnelle de l’OMC et le représentant de l’Union européenne a même eu l’hypocrisie d’évoquer le sort des pays producteurs de bananes en Afrique et dans les Caraïbes, qui risqueraient de devenir " des plates-formes pour trafic de drogues " si leur activité était remise en cause. Sans résultat : les USA ont maintenu leurs sanctions douanières. Les dirigeants européens ont beau jeu de mettre en évidence la brutalité des USA, mais ils procèdent de même, et les uns et les autres sont parfaitement cyniques d’évoquer le sort des travailleurs surexploités des plantations de bananes à qui gros planteurs et compagnies multinationales imposent des conditions dignes des colonies, que les pays d’Amérique centrale, d’Afrique ou des Caraïbes n’ont jamais cessé d’être.

Mais la " guerre de la banane " n’est pas le seul terrain commercial où l’Union européenne et les USA sont en conflit. Dans cette guerre entre brigands pour le contrôle des marchés, tous les coups sont bons. Les USA qui demandent aux autres pays d’ouvrir leurs frontières sont les premiers à prendre des mesures protectionnistes : ils ont ainsi imposé des taxes variant entre 25 et 71 % aux aciers japonais et brésilien, baptisées " taxes antidumping ". Quant aux capitalistes des pays européens, ils utilisent les mêmes méthodes, mettant en avant des problèmes sanitaires pour refuser les importations de bœuf aux hormones américain ( ce qui n’a pas protégé les consommateurs européens de la " vache folle ") ou les problèmes d’environnement pour interdire de vol les vieux modèles d’avions américains qui seraient trop bruyants.

Le durcissement de cette guerre commerciale reflète l’accentuation de la concurrence entre les différents blocs capitalistes, USA, Europe et Japon entre lesquels se fait l’essentiel du commerce mondial. Si les gouvernants américains ne cessent de vanter le taux de croissance de leur économie, le déficit du commerce extérieur américain ne cesse de se creuser : il a été de 170 milliards de dollars en 98 et le déficit des échanges avec les pays de l’Union européenne a augmenté de 65 %. La récession des pays asiatiques, suivie des crises russe et brésilienne, a affecté l’économie américaine. La dévaluation des monnaies asiatiques ou brésilienne a rendu les produits de ces pays plus compétitifs, ils gagnent des marchés aux USA qui protestent parce qu’ils sont les " importateurs en dernière instance ", reprochant au Japon et à l’Europe de ne pas contribuer à la relance de l’économie mondiale en achetant les produits de ces pays ! Les mesures protectionnistes américaines ne font à leur tour qu’accentuer la crise des pays exportateurs et menacent l’ensemble du commerce mondial d’un recul important.

Pour le moment, cette guerre des taxes ne touche que des secteurs relativement peu importants de l’économie mais elle a déjà des répercussions catastrophiques pour les travailleurs qui sont les premiers à en payer les frais. Dans les secteurs directement visés comme celui de la banane, les conséquences risquent d’être dramatiques. Les planteurs martiniquais prennent prétexte de la concurrence des multinationales américaines et menacent de délocaliser leur activité à Sainte Lucie ou à la Dominique où les conditions d’exploitation sont pires. Ce serait une catastrophe pour les travailleurs martiniquais car près de 60 000 personnes sur les 350 000 habitants de l’île vivent directement ou indirectement de l’activité bananière.

La mondialisation, ce n’est pas la fin du protectionnisme, c’est la loi de la jungle capitaliste, la possibilité pour les plus forts, et en premier lieu les USA mais aussi l’Union européenne, de se tailler des marchés pour leur économie menacée de récession, au prix des souffrances et de la misère des peuples. Mais elle crée aussi une arène plus large pour leur révolte et pour leurs luttes.

Quelques chiffres en bref

121

C’est le nombre de contrats à durée déterminée que la Poste a imposés à un salarié du Tri de la Rochelle depuis le 12 mai 1995. Cela fait en moyenne un contrat tous les dix jours, vacances, dimanches et fêtes compris. Après lui avoir refusé l’un des deux emplois à temps plein créés sur le Centre, les responsables de la Poste avaient réduit les horaires de ses derniers contrats de trente-neuf à vingt-cinq heures. Le tribunal des prud’hommes de la Rochelle a requalifié les CDD en contrat à durée indéterminée et condamné la Poste à verser 10 000 F de dommages et intérêts et 2 000 F au titre des frais de procédure.

-1,28 %

C’est le montant des réductions de salaires sur 10 mois que l’accord de branche signé dans le secteur des " hôpitaux privés à but non lucratif " veut imposer aux 148 000 salariés de ce secteur . C’est le premier accord de branche qui, dans le cadre de la loi Aubry, prévoit des réductions de salaires. L’accord n’a été signé que par la seule CFTC : dans un secteur qui était presque entièrement sous le contrôle des associations caritatives chrétiennes dont les directions d’établissement actuelles sont les héritières, c’est vraiment un syndicat maison ! La demande d’agrément de l’accord a été demandée à Aubry.

900 millions de francs

C’est le profit que devrait annoncer la Seita pour l’année 98. Elle avait fait 827 millions de profits en 1997.

Elle vient d’acheter une entreprise américaine, la Consolidated Cigar Holdings, qui en fait le premier fabricant de cigares mondial et envisageait, en collaboration avec l’entreprise espagnole Tabacalera, d’acheter tout ou partie des actifs d’un des plus grands trusts mondiaux du tabac, Reynolds International, qui a finalement été acheté pour 8 milliards de dollars par une firme japonaise.

La direction de la Seita a décidé de fermer les usines de Tonneins et Morlaix condamnant des centaines de travailleurs au chômage.

225 milliards de francs

C’est l’estimation du montant de la fraude fiscale faite par le Syndicat National Unifié des Impôts pour l’année 97. Elle était estimée à 195 milliards en 1992. Comme les salariés ne peuvent rien cacher de leurs revenus, pas difficile de savoir à qui cela profite. Et pourtant, les plus riches ont tellement de moyens de ne pas payer d’impôts, même Pinault, en toute légalité, ne payait pas l’impôt sur la fortune !

Le cadeau de Chirac-Jospin à Aznar, l’arrestation de six militants basques

L’accolade d’Aznar à Chirac, pour la venue du président du gouvernement espagnol à Paris, avait la franchise d’une totale collaboration policière, tellement bien rodée qu’elle se permet le luxe de bassesse policière de livrer au chef d’Etat espagnol six militants de l’ETA réfugiés à Paris dont " Kantauri ", présumé chef militaire de l’organisation armée de l’ETA.

Ce succès policier, s’il réjouit les gouvernants, a bien peu de chances de renforcer l’image d’Aznar comme de la France " socialiste " vis-à-vis de la population basque. Bien au contraire, elle apporte une nouvelle preuve, s’il en était besoin, que l’Etat espagnol n’a aucune solution au problème basque, si ce n’est de faire taire ceux qui l’expriment, quoi qu’on pense de leur méthode de lutte.

Les élections municipales ont lieu dans trois mois au Pays Basque. Elles seront sûrement un camouflet pour cette Europe des polices d’Aznar-Chirac-Jospin, une condamnation du terrorisme d’Etat contre les peuples.