La guerre dans l’ex-Yougoslavie



 Les tâches de ceux qui sont contre la guerre et contre ce gouvernement qui la mène

Aujourd'hui, le piège inextricable dans lequel la montée des nationalismes, déclenchée par l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, sous la pression des grandes puissances démantelant l'ancien bloc de l'Est formé au lendemain de la deuxième guerre mondiale, en résultat du rapport de forces entre l'URSS et l'impérialisme, crée une situation dont la complexité déroute plus d'un travailleur.

Le drame de ces enfants, de ces femmes, de ces hommes, rassemblés dans des files interminables qui fuient la purification ethnique de Milosevic comme les bombardements de l'OTAN, suscite la révolte mais aussi crée dans les consciences, le plus souvent, un désarroi qui recherche une issue.

La confusion résulte de ce que la haine légitime à l'égard de la dictature de Milosevic semble entrer en contradiction avec le refus de la guerre menée par les grandes puissances. La confusion résulte de ce que les cerveaux sont pris en otage par la propagande officielle qui place l'opinion publique devant un faux choix, ou le soutien à la dictature de Milosevic ou le soutien à l'intervention de l'OTAN. C'est un faux choix et un piège politique dans lequel le gouvernement de guerre de Jospin voudrait enfermer tous ceux qui le soutiennent jusqu'à les faire abdiquer de toute critique, les plier à sa politique, celle de l'impérialisme français, allié à l'ensemble des puissances impérialistes. Face à ce chantage politique, il n'y a qu'une issue, refuser cette fausse logique pour affirmer le point de vue des opprimés, le point de vue des travailleurs, pour défendre face aux faux choix dans lesquels la bourgeoisie voudrait nous enfermer, notre propre choix de classe.

Il ne manque pas de militants honnêtes et bien intentionnés qui voudraient trouver une réponse immédiate au drame créé par la barbarie du nationalisme engendrée par les grandes puissances. Ces pacifistes condamnent l'OTAN mais espèrent trouver une solution concrète soit en réclamant une conférence balkanique sous l'égide de l'ONU, soit en revendiquant l'indépendance du Kosovo, ou d'autres solutions diplomatiques ou militaires qui restent dans le cadre de la politique des grandes puissances.

Le mouvement ouvrier n'a pas de réponse à apporter au drame des Balkans, sauf d'intervenir directement avec ses propres armes dans le débat pour imposer le droit des peuples à l'autodétermination, seul garant d'une paix démocratique.

Sans intervention consciente et indépendante des travailleurs pour défendre les intérêts des peuples, l’idée même du droit à l'autodétermination reste l'affirmation d'une bonne volonté démocratique ou peut même devenir le paravent politique démocratique servant à masquer les manœuvres des grandes puissances.

Est-ce à dire qu'il n'y a rien à faire ? Non, au contraire, il y a des tâches éminemment plus concrètes pour les militants du mouvement ouvrier que de laisser croire qu'il pourrait exister un bon mot d'ordre qui résoudrait les drames des populations de l'ex-Yougoslavie. Cette tâche, c'est de faire en sorte que le parti de ceux qui condamnent la guerre, et combattent le gouvernement qui la mène, se donne les moyens de s'affirmer en toute clarté, en toute indépendance politique.

Notre tâche est d'expliquer patiemment pour aider les travailleurs à s'y retrouver dans une situation que la propagande officielle rend incompréhensible, laissant la révolte sans autre choix que de s'engager dans l'impasse des bons sentiments et de la morale en se détournant de la lutte politique. Il nous faut, autour de nous, expliquer au jour le jour les manœuvres des puissances impérialistes et du gouvernement de ce pays, éclairer leurs actes à la lumière des faits passés, apprendre aux travailleurs à ne pas être dupes de la propagande officielle, à comprendre de leur propre point de vue de classe l'ensemble de la politique, pour affranchir leur conscience des préjugés et illusions bourgeois et ainsi les armer pour leur combat contre leur propre bourgeoisie.

Ceux qui font la guerre contre les peuples sont les mêmes que ceux qui font la guerre contre les travailleurs. La politique impérialiste vise à assurer aux bourgeoisies la plus grande part possible des richesses produites par les exploités et les opprimés, en soumettant les travailleurs et les peuples. Elles se partagent ces richesses entre elles au prix d'une bataille acharnée en fonction des rapports de forces tant économiques que diplomatiques ou militaires. Depuis plus d'un siècle, les peuples des Balkans sont victimes de vivre dans une zone où se déroule cette lutte d'influence acharnée. L'histoire est là pour nous rappeler que si cette lutte d'influence broie les peuples, elle peut aussi embraser l'ensemble du monde dans sa folie guerrière.

Il n'y a qu'une force pour enrayer cette folie guerrière, là aussi l'histoire est là pour le prouver, la seule force démocratique et pacifiste, la seule qui puisse garantir le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, c'est-à-dire à définir eux-mêmes le modus vivendi qui permettra leur cohabitation, ou mieux aidera à créer les conditions de leur fructueuse coopération dans le cadre d'une fédération démocratique.

Désarmée par des décennies de trahisons et de reniements de la social-démocratie et du stalinisme, cette force aujourd'hui n'est pas immédiatement à même d'intervenir avec sa propre politique pour influer sur le cours des événements. Mais c'est à cela qu'il faut la préparer, il n'y a pas d'autre issue, il n'y a pas d'autres espoirs si ce n'est de vaines illusions moralistes, c'est notre tâche.

  

 Les Balkans, divisés et ruinés par les affrontements entre les empires prenant les peuples en otage

La nouvelle guerre dans les Balkans se présente dans un contexte nouveau où le bloc soviétique s’est effondré au cours des dix dernières années et où le système capitaliste mondial révèle d’autant plus ses contradictions qu’il peut agir ou plus exactement détruire les emplois et gaspiller les richesses sans que rien ne le freine ou n’amortisse ses effets dévastateurs. De ce point de vue il s’agit déjà d’une guerre du XXIème siècle. Mais elle éclate dans une région où les fractures sociales et nationales sont d’autant plus vives depuis des siècles qu’elle a été une zone privilégiée d’affrontements permanents entre les grandes puissances, de façon directe ou par peuples interposés.

La réouverture de toutes les plaies de l’histoire

Tout le fatras des luttes religieuses et ethniques depuis le Moyen Age a pu être réactivé par tous les démagogues nationalistes des Balkans parce qu’aucun problème n’a pu être résolu à la satisfaction d’aucun peuple. Les références historiques les plus archaïques et les plus absurdes peuvent continuer à servir de justification à toutes sortes d’exactions à l’aube de l’an 2 000. Le prototype en est la référence des nationalistes serbes actuels à la bataille perdue par un prince serbe en 1389 face aux Ottomans pour justifier leur droit historique " sacré " à dominer le Kosovo où s’est déroulée cette bataille.

Pendant plusieurs siècles, la péninsule balkanique qui s’étend entre la Slovénie au nord, la Grèce au sud et la partie européenne de la Turquie, a été un espace de confrontations brutales entre trois empires : l’empire ottoman musulman, l’empire tsariste russe orthodoxe et l’empire catholique des Habsbourg autrichiens. Cette longue période a été marquée pour les peuples par des migrations volontaires ou forcées, par des répressions impitoyables contre tous ceux qui se révoltaient contre le joug de ces trois grandes puissances, par des luttes sanglantes entre peuples utilisés les uns contre les autres mais aussi par une interpénétration et parfois une cohabitation de ces peuples confrontés à une misère semblable et à l’humiliation de ne pas pouvoir disposer de leur sort.

L’empire ottoman ne sera chassé de la région que par les Guerres balkaniques de 1912-1913. L’empire tsariste ne le sera qu’au cours de la Première guerre mondiale, balayé lui-même par la révolution de 1917, et l’empire d’Autriche-Hongrie ne décrochera qu’en 1918 par la victoire des Alliés qui provoquera sa disparition.

Un double échec qui explique le drame des Balkans : celui d’une révolution démocratique bourgeoise et celui d’une révolution prolétarienne, l’une et l’autre sabotées par les Etats impérialistes occidentaux

Le destin des peuple balkaniques s’est joué une première fois, au cours du XIXème siècle jusqu’à la guerre de 1914-1918. Dans cette période, la présence des trois empires dont l’un d’eux, l’empire ottoman, était en pleine décomposition, a été un obstacle au développement de bourgeoisies locales fortes, susceptibles de moderniser la société et de lui assurer un certain nombre de progrès en prenant la tête d’une révolution démocratique s’appuyant sur les paysans pauvres. Les investissements capitalistes venaient de l’étranger et ne touchèrent que la Slovénie, la Croatie, dominées par l’Autriche-Hongrie et à la fin du XIXème siècle, un peu la Serbie. Les cliques dynastiques balkaniques s’entre déchiraient, empêchant la coalition des peuples contre la domination des empires. Mais l’intervention des Etats impérialistes occidentaux, principalement la France, l’Allemagne et l’Angleterre, sous forme d’intrigues diplomatiques ou d’appuis militaires à telle ou telle monarchie, renforçait les couches sociales réactionnaires et faisait barrage à l’émancipation des peuples. Ils jouaient les protecteurs des classes privilégiées balkaniques à qui ils promettaient leur appui dans leurs conquêtes territoriales pour réaliser la " Grande Serbie ", la " Grande Bulgarie " ou la " Grande Roumanie " et contrôlaient au passage les richesses de ces pays. Malgré leur indépendance formelle, obtenue pour la Serbie, au travers d’insurrections et de guerres, les Etats balkaniques étaient en fait des colonies.

Les Etats impérialistes, vainqueurs en 1918, misèrent sur la royauté serbe pour créer un Etat yougoslave dominant les peuples slovène, croate et monténégrin. Comme l’Etat bulgare, cet Etat yougoslave à leur dévotion devait servir de tampon et d’instrument de répression face à la contagion de la révolution russe de 1917 et à l’espoir qu’elle avait levé dans le mouvement ouvrier et dans la paysannerie pauvre des Balkans. Les frontières des nouveaux Etats avaient été savamment dessinées par les puissances alliées pour qu’elles incluent de nombreuses minorités sur lesquelles les impérialistes pouvaient s’appuyer le cas échéant pour rendre plus dociles ces Etats. Tout avait été conçu pour attiser les rancoeurs et les haines entre peuples et pour affaiblir les liens entre les classes ouvrières de la région.

La Yougoslavie de Tito, une parenthèse de quarante ans qui a permis la cohabitation entre les peuples sans permettre leur émancipation

L’échec de la révolution prolétarienne en Europe, dans les années vingt et trente, n’a pas permis l’émancipation des peuples balkaniques. Elle seule pouvait y parvenir. Le mouvement de libération nationale regroupant les peuples yougoslaves conduit par Tito et son appareil stalinien pendant la seconde guerre mondiale ne pouvait la réaliser. Mais malgré la forme dictatoriale et bureaucratisée du pouvoir titiste, le mouvement des masses populaires yougoslaves contre les troupes de Mussolini et de Hitler, mais aussi contre les nationalistes croates Oustachis et les nationalistes serbes Tchetniks, a permis pour la

première fois dans l’histoire des Balkans que des peuples qui s’affrontaient, coopèrent ensemble jusqu’à un certain point. Ce statu-quo qui durera près de quarante ans a permis quelques progrès sociaux, même si les différences de niveau de vie restèrent importantes (entre la Slovénie et le Kosovo notamment).

Aux origines de l’éclatement de la Yougoslavie, les appétits des couches privilégiées locales et les pressions des Etats impérialistes

Il a été finalement brisé au cours des années quatre-vingts par la conjonction des appétits des couches privilégiées locales et des pressions des Etats impérialistes conduisant à faire exploser la Yougoslavie. Le cas de la Slovénie qui prit son indépendance en 1991 est significatif. Depuis des années, les couches dirigeantes slovènes cherchaient à faire bande à part économiquement en multipliant les accords d’échanges avec l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie. La Slovénie transformait les produits de base des autres républiques de la fédération yougoslave en produits finis revendus à l’étranger, tout en cherchant à contribuer le moins possible au budget de la fédération. Son détachement a de fait contribué à l’appauvrissement des autres régions yougoslaves et en particulier du Kosovo. Sous leurs airs de démocrates encourageant le Kosovo à prendre lui aussi son indépendance, les dirigeants slovènes contribuaient à pousser les autres régions dans l’impasse du nationalisme avec des atouts économiques faibles et amoindris. Leur belle audace indépendantiste reposait sur l’appui sans réserve de l’Allemagne Fédérale ! Elle légitimait ensuite toutes les revendications nationalistes venant de la Croatie ou de la Macédoine. De nouveaux Etats, avec donc de nouvelles frontières, ont commencé à surgir dans les Balkans avec la complicité de l’Allemagne, de la France et des Etats-Unis. Comme quoi le refus constant de ces Etats d’accorder son indépendance au Kosovo " pour ne pas modifier les frontières " relève du cynisme et de la complaisance à l’égard de Milosevic.

Quand Milosevic maintenait l’ordre avec la complicité des grandes puissances

Milosevic a bénéficié pendant tout un temps de la " compréhension " des occidentaux et tout spécialement de la France à l’époque de Mitterrand. Il a joué sur deux tableaux pour être à la tête d’un Etat incontournable dans la région. Comme dirigeant de la fédération Yougoslave, Milosevic se donnait la pose internationale avantageuse d’être un homme d’Etat s’opposant aux " séparatismes irresponsables " et maintenant un ordre cohérent dans la région. Derrière ce masque fédérateur, il aspirait à construire une " grande Serbie " avec les massacres et les purifications ethniques qu’impliquait ce projet, tout comme celui de la " grande Croatie " de Tudjman.

Derrière leurs protestations hypocrites, les dirigeants occidentaux ont contribué constamment à renforcer la position de Milosevic, y compris contre le peuple serbe. De février à Septembre 1998, ils lui ont laissé la possibilité d’écraser l’UCK et de pratiquer la purification ethnique au Kosovo. Puis, ils ont essayé de l’endiguer.

Une guerre sans trêve contre les peuples

Au-delà de la tentative de recadrage de leur homme de main qu’était Milosevic, les dirigeants impérialistes veulent terroriser tous les peuples de la région. Dans sa logique ultra nationaliste, Milosevic ne pouvait accepter la clause de Rambouillet prévoyant un déploiement de troupes de l’OTAN au Kosovo. Le diplomate occidental le plus obtus ne pouvait l’ignorer. La guerre actuelle est donc bien une aventure d’une portée plus vaste, provoquant un gâchis maximum dont les contre-coups sont imprévisibles.
Les Balkans sont redevenus une zone de fracture dangereuse à l’échelle internationale du fait de l’implication des puissances de l’OTAN. Cette zone est le théâtre d’une guerre qui peut s’éterniser et s’étendre à l’Albanie, à la Macédoine et au Monténégro. Elle peut être dans l’avenir le point de départ d’une autre guerre contre les peuples les plus proches en Europe orientale, en Turquie ou en Russie.

La seule façon efficace d’empêcher de tels développements est de reconstruire un mouvement ouvrier offensif à l’échelle internationale. La classe ouvrière unie et consciente est la seule force qui garantira aux peuples des Balkans la paix et la liberté, en détruisant le système capitaliste.

  

 Le droit à l'autodétermination du Kosovo, et à son indépendance, un droit que les puissances impérialistes refusent ou dévoient

En même temps que l’offensive militaire est renforcée, les pays impérialistes commencent à discuter des conditions qui seront imposées à la population du Kosovo dans le cadre du nouveau rapport de forces découlant de la guerre. Lundi 12, les ministres des Affaires étrangères des 19 pays engagés dans la guerre se sont réunis pour se mettre d’accord entre eux sur le sort qu’ils réservent à la population albanaise du Kosovo. Les discussions diplomatiques, tout comme l’intervention militaire, se mènent en mettant en avant les mêmes prétextes mensongers de souci de la situation des réfugiés, dont il s’agirait de permettre le retour dans leur pays, et l’aide qu’il s’agirait d’apporter à ceux qui ont été déplacés à l’intérieur du pays. Leur préoccupation est de chercher à trouver un règlement à la situation contre les peuples de la région, qu’ils puissent imposer à la fois à Milosevic et à la population kosovar. Ils justifient le droit qu’ils s’arrogent à décider du sort des peuples et à imposer leur ordre mondial par la recherche d’un règlement au nom d’" un accord-cadre politique conforme au droit international et à la charte des Nations unies ". Mais que ce soit l’Otan qui bombarde les populations, ou l’Onu qui tranche autoritairement l’avenir des populations, dans les deux cas, il s’agit avant tout de préserver, comme dans le passé, la domination des Etats impérialistes sur les populations d’un pays pauvre et leur rôle de gendarmes du monde dans la région.

Il semble que les ministres se soient prononcés pour un " protectorat international " sur le Kosovo qui signifierait la présence d’une force internationale sur place matérialisant le fait que la Serbie de Milosevic n’a plus aucun droit à revendiquer le Kosovo. Qui dit protectorat dit, bien évidemment, domination d’un côté et dépendance de l’autre. Ce qu’il adviendrait de la situation de la minorité serbe, qui représente environ 10 % de la population, n’a pas été abordé lors des débats des ministres et pour cause. Comme n’ont été envisagées ni l’autonomie, ni l’indépendance du Kosovo, ce que la presse fait semblant d’envisager comme des possibilités remises à plus tard. Comme si les Etats impérialistes, principaux responsables de la déstabilisation dans la région, pouvaient en quoi que ce soit garantir un règlement démocratique de la situation qu’ils ont contribué à exacerber et à rendre invivable pour des populations qui ont su cohabiter dans le cadre de la fédération yougoslave.

Ce que préparent, sur le plan diplomatique, les puissances impérialistes est un nouveau rapport de forces imposé sur la base du rapport de forces créé par l’intervention militaire. Il leur faut trouver sur place une solution qui maintienne le Kosovo sous leur dépendance, en essayant de trouver des relais qui seront chargés de faire accepter autoritairement, si nécessaire, leur rapport de forces. Pour cela, ils chercheront vraisemblablement à promouvoir dans ce rôle l’UCK, qui s’est prononcée pour une " grande Albanie " sur une base ethnique et qui est entièrement solidaire de l’intervention militaire de l’Otan dont elle espère une aide pour vaincre au Kosovo. Un protectorat sur le Kosovo signifierait l’impossibilité pour la minorité serbe de continuer à y vivre du fait des persécutions dont elle serait victime, comme cela a déjà été le cas, en 1997, en Bosnie. Cela signifierait aussi, pour l’ensemble de la population albanaise, une situation de parias dans des frontières qui seraient garanties par la présence d’une force d’interposition étrangère qui ne pourrait que se rendre odieuse aux yeux de tous ceux qui n’auraient pas d’intérêt immédiat à défendre du côté des puissances impérialistes. Pour celles-ci, cela signifierait mettre un pied de façon durable dans cette région du monde et être en situation de pouvoir intervenir directement pour imposer leur ordre par rapport à d’autres populations.

Le problème qui se pose pour les populations du Kosovo est celui de pouvoir contrôler elles-mêmes leur propre Etat si elles souhaitent se donner les moyens de vivre à l’intérieur de ses frontières, dans des relations d’amitié avec les autres populations de la région. Cela veut dire une solution qui vienne d’en bas, qui soit discutée et décidée, démocratiquement avec la minorité serbe que côtoie la population albanaise. Dans cette région, la plus pauvre de l’Europe, les peuples ne pourront satisfaire leurs aspirations à la liberté et à la démocratie qu’en se donnant les moyens de vivre en bonne intelligence dans un cadre fédératif où les intérêts des plus pauvres, des classes ouvrières, ne soient pas dévoyés sur le terrain du nationalisme, terrain qui permet à des dirigeants nationalistes d’enrôler les populations et aux puissances impérialistes de diviser pour régner.

  

 " On est au gouvernement et on veut y rester. C'est déjà une indication " (Robert Hue) - Une indication claire pour tous les sympathisants et militants du PC qui sont contre la guerre

Invité au Club de la presse d'Europe 1, Robert Hue a affirmé sans la moindre ambiguïté sa solidarité pleine et entière avec le gouvernement, c'est-à-dire bien évidemment avec sa politique. Utilisant sa bonhomie naturelle et son jésuitisme longuement façonné au cours de longues années de servilité stalinienne, il a déployé tout son talent pour préparer le ralliement de son parti à une politique qu'il soutenait de fait mais qu'il faisait semblant de condamner, si ce n'est de combattre. Il s'est défendu de se livrer à un " anti-américanisme primaire ". Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Mais surtout il a minimisé ses propres critiques contre la guerre. En fait, d'ailleurs, il n'est pas vraiment contre la guerre si l'on comprend bien. A vrai dire, il est bien incapable de proposer une autre politique que celle de son gouvernement, mais il voudrait bien que la guerre ne soit pas la guerre et que les hypocrites ne le soient pas non plus, ou du moins que ça ne se voit pas. Difficile exercice de style !

Pour progressivement vaincre les réticences des militants, Hue sait céder la place à de zélés va-t-en-guerre du genre Herzog. Au sein du PC, la voix des militants ouvriers est étouffée au nom de la démocratie et du débat avec les politiciens favorables au gouvernement et à la participation du PC dont ils tirent bénéfice.

L'essentiel pour Robert Hue, ce sont les préoccupations électorales et politiciennes. C'est avec beaucoup de sérieux qu'il a dénoncé " l'unité de façade " de la liste de son ami et néanmoins concurrent François Hollande pour vanter cette diversité qui ferait la richesse de sa propre liste. Pour préciser : " le débat améliore la cohésion ". On peut comprendre que Robert Hue, vieux stalinien, apôtre du monolithisme reconverti à l'économie de marché se fasse un malin plaisir de condamner le monolithisme du PS pour vanter sa toute nouvelle diversité. Mais cela n'empêchera pas ses propres militants ou sympathisants de s'apercevoir que quand Robert Hue n'a plus la fermeté du monolithisme stalinien, il n'est plus qu'un homme à faire toutes les politiques. Sa liste plurielle, où partisans de la guerre et prétendus pacifistes se retrouvent dans une cacophonie générale, suscite de plus en plus de méfiance, une méfiance légitime. De plus en plus nombreux sont les travailleurs ou les militants proches du Parti communiste qui affirment leur volonté de voter pour la seule liste qui dénonce la guerre comme le gouvernement qui la mène, la liste d'Arlette Laguiller et d'Alain Krivine. Ils ont bien raison. A nous de faire tout pour aider ces camarades à aller plus loin pour prendre conscience de la nécessité de s'atteler à la tâche de la construction d'une nouvelle force politique anticapitaliste et anti-impérialiste.

  

Incurie criminelle et manœuvres des grandes puissances devant le drame des réfugiés

Oui, l’afflux de réfugiés était prévisible. Les déplacements forcés de population ont marqué toutes les guerres qui, ces dernières années, ont ravagé l’ex-Yougoslavie, et il était évident que le déclenchement des frappes aériennes n’allait pas calmer, bien au contraire, la " purification ethnique " au Kosovo. L’été dernier, au plus fort des affrontements entre l’armée fédérale et la guérilla de l’UCK, des dizaines de milliers de Kosovars avaient déjà dû fuir leurs villages incendiés par les troupes serbes. Mais quand bien même le nombre de ceux qui ont cherché refuge en Albanie et en Macédoine aurait dépassé les prévisions, rien ne saurait excuser l’incurie des grandes puissances. On a vu la population de ces pays, qui sont les plus pauvres d’Europe, ouvrir ses maisons et partager ses maigres ressources. On a vu, en France comme dans tous les pays européens, les travailleurs manifester leur solidarité en contribuant aux collectes de nourriture et d’argent réalisées par les organisations caritatives. On a vu la mobilisation des organisations humanitaires s’efforçant de répondre à l’urgence, et les reportages des premiers jours ont montré le désarroi et la colère de ces équipes de secours devant le retard de l’aide internationale.

Face aux besoins d’abris, de nourriture, de soins médicaux et de moyens de transport qui s’accroissaient chaque jour, seule une intervention massive des pays riches pouvait répondre à la situation. Mais les gouvernements occidentaux, capables de dépenser des fortunes en armes sophistiquées, capables d’envoyer chaque jour des dizaines de bombardiers frapper au cœur des villes serbes, n’ont pas jugé utile de déployer immédiatement les moyens nécessaires. Et quand après plus de dix jours, il est devenu patent que ni l’Albanie ni la Macédoine ne pouvaient plus faire face à la situation, ils se sont enfin préoccupés d’aide alimentaire et médicale, mais les sommes qu’ils ont décidé d’y consacrer représentent à peine le prix de quelques uns de leurs missiles et autres engins de mort.

Le résultat est que des centaines de réfugiés sont morts faute de soins, que la plupart sont encore parqués dans des abris de fortune. Ceux qui ont pu être accueillis par la population locale ne reçoivent aucune aide et sont totalement à la charge de gens aussi démunis qu’eux-mêmes. Tous se retrouvent pris en otages. Le gouvernement macédonien les tolère mais les surveille étroitement, songeant avant tout à son propre " équilibre ethnique ". Les stratèges occidentaux ne cherchent qu’à les utiliser au mieux de leurs propres intérêts. Les images dramatiques que montrent les télévisions leur servent à justifier leur intervention militaire, à préparer l’opinion à une offensive terrestre.

Les réfugiés sont maintenus sur place, évacués vers d’autres camps ou envoyés vers d’autres pays sans que personne ne leur demande leur avis, ne se préoccupe du traumatisme supplémentaire que constitue la dispersion des familles. Là encore, les préoccupations stratégiques : leur permettre de trop s’éloigner du champ de bataille serait faire le jeu de Milosevic, ils doivent pouvoir rentrer prochainement dans leur pays. Tant pis si la situation s’éternise : les Palestiniens ont bien connu les camps pendant des dizaines d’années. Tant pis pour ceux dont les maisons ont été détruites : en Bosnie, les réfugiés de Srebrenica et d’autres régions ravagées par la guerre vivent depuis 5 ans dans les faubourgs de la ville de Tuzla, logés dans des baraquements, sans autre ressource que l’aide humanitaire. Et surtout pas question pour eux d’espérer s’installer dans des contrées plus prospères. Si l’attitude de Jospin a indigné à juste titre, les autres gouvernements européens ont tous insisté sur le caractère provisoire de l’accueil offert à un nombre par ailleurs contingenté de Kosovars.

La politique criminelle de Milosevic, les exactions des miliciens et de la police serbe qui ont chassé des centaines de milliers de Kosovars de leur pays sont évidemment à l’origine du drame, mais le cynisme, mêlé de fausse compassion, des dirigeants occidentaux ne vaut guère mieux. La guerre agit ainsi comme un révélateur d’une politique impérialiste faite de mépris des peuples, alors que c’est du côté des opprimés que se trouvent l’humanisme et la solidarité. Arrêt de l’intervention militaire, aide massive aux réfugiés, ouverture des frontières à ceux qui le souhaitent, sont les exigences indissociables que le mouvement ouvrier et démocratique se doit d’adresser à Jospin et Chirac comme à leurs homologues d’Europe et d’Amérique.

  

La guerre, l'occasion pour l’Europe impérialiste de tenter de s'affirmer sous la pression et la direction des USA

Parmi les critiques portées contre la guerre actuelle en ex-Yougoslavie, il en est une qui revient souvent, c’est le fait que celle-ci serait voulue et imposée par l’impérialisme américain. Beaucoup de travailleurs la reprennent, parce qu’elle a été émise par plusieurs dirigeants politiques, dont ceux du PC. Alors que gouvernement et journalistes déversent leur propagande humanitaire pour culpabiliser tous ceux qui ne sont pas d’accord avec la guerre, c’est une façon de légitimer leur opposition à la guerre, et d’exprimer leur méfiance.

C’est tout autre chose dans la bouche des politiciens.

Certes, c’est l’impérialisme américain qui a pris, et l’initiative de la guerre, et la direction des opérations militaires puisque les armées de l’OTAN, composées de troupes de plusieurs pays, sont sous le commandement unique d’un général américain, mais cela ne veut pas dire que les Etats Européens se sont pour autant fait forcer la main. Ils étaient depuis longtemps impliqués dans le " règlement des conflits " en Yougoslavie, en particulier en Bosnie, avant de l’être au Kosovo, et un article du journal "Le Monde" rapportait, au début de la guerre actuelle, que Chirac avait, au mois de janvier dernier, envisagé un plan d’intervention terrestre à proposer aux autres Etats européens.

L’impérialisme américain n’avait d’ailleurs pas un intérêt propre, autre que celui de gendarme de l’ordre impérialiste mondial, pour intervenir lui-même dans ce guêpier. A vrai dire, il s’en serait même passé, si les Etats européens occidentaux, auxquels il aurait laissé volontiers ce rôle de gendarme en Europe, avaient été capables d’avoir une politique commune à propos de l’ex-Yougoslavie. Or, celle-ci a éclaté précisément sous la pression des nationalismes rivaux, encouragés et soutenus par l’une ou l’autre des puissances européennes, soucieuse d’asseoir son influence contre les autres, plus particulièrement la France en Serbie, et l’Allemagne en Slovénie et en Croatie. C’est à cause de ces mêmes rivalités, par lesquelles, sur le fond, l’incendie de la guerre civile a été allumé en ex-Yougoslavie, que les puissances européennes ont été incapables de prendre ensemble l’initiative d’y intervenir pour remettre au pas le dictateur Milosevic, devenu à leurs yeux trop indiscipliné.

Les réticences que la plupart des politiciens ont exprimées au début de la guerre, dans le souci de s’en démarquer aux yeux de l’opinion publique, en se servant du rôle prépondérant des Etats-Unis, ne portaient que sur la forme : l’ONU n’avait pas été consultée, ni l’Assemblée nationale, etc. Mais aussi bien en France que dans les autres pays d’Europe occidentale, la fraction dirigeante de la bourgeoisie est pour l’intervention de ses troupes militaires, pour ne pas se laisser écarter au profit de ses rivales. Jospin-Chirac en France, Schroëder et Fischer en Allemagne, où la guerre a servi d’occasion pour imposer la première intervention de soldats dans un conflit militaire depuis la deuxième guerre mondiale, rivalisent de détermination guerrière.

Actuellement, c’est autour de la question de la conduite par la France et l’Europe de cette guerre que se dessinent, en France, les trois courants politiques qui se sont déjà manifestés autour de la question de l’euro.

La majorité des politiciens de droite et de gauche s’est ralliée à la guerre : les réticences de départ devant le rôle prépondérant des Etats-Unis, sont devenues le constat de l’incapacité de l’Europe à avoir une politique et une défense communes, à laquelle, selon eux, il faut remédier en construisant l’une et l’autre. De Bayrou, au centre droit, qui a dit : " si nous ne voulons pas que les Etats-Unis soient les patrons, il faut construire l’Europe et cela passe par une défense et une politique étrangère communes ", à Hollande du Parti socialiste affirmant, sous les applaudissements de Jospin et de Chevènement, lors de son premier meeting électoral : " la force parfois insupportable, mais souvent utile des Américains, c’est le produit de notre propre faiblesse, et [la crise au Kosovo] contrairement à bien des idées reçues, démontre l’utilité d’une Europe forte et d’une Europe politique ". Les uns et les autres expriment ce qui est l’opinion et l’intérêt de la fraction la plus puissante et la plus riche de la bourgeoisie, qui se veut aujourd’hui européenne, parce qu’elle sait que c’est le seul moyen de disputer à la bourgeoisie américaine les sources de ses profits et de sa puissance. C’est pourquoi ce courant rallie aujourd’hui la plupart des adversaires d’hier de l’Europe : de Seguin à Chevènement et à... Hue qui, lors de son premier meeting électoral jeudi 8 avril, a affirmé qu’il fallait " dégager la France et l’Europe de la tutelle américaine ", et dont l’opposition de départ à la guerre, au nom de ce même argument, a semble-t-il disparu si l’on en croit son silence. C’est le courant politique de l’union sacrée Jospin-Chirac.

Il y a ensuite la " bande des quatre ", Le Pen - Mégret - Pasqua - De Villiers, qui s’oppose à la guerre comme à l’euro, au nom du nationalisme le plus réactionnaire, et dont le leit-motiv commun est celui de " l’effacement de la France et de son alignement " derrière les Etats-Unis. Cette extrême-droite est actuellement marginalisée, la bourgeoisie n’a que faire de son chauvinisme, au moment où elle a opté pour l’Europe.

Et il y a enfin l’extrême-gauche, le seul courant résolument contre la guerre, parce que le seul opposé radicalement à la politique de la bourgeoisie qui en est à l’origine.

Les bourgeoisies européennes et leurs serviteurs politiques habillent aujourd’hui leur opération de dévastation de l’ex-Yougoslavie, leurs bombardements des populations, leur mépris cynique de la population kosovar, de grands mobiles humanitaires, de " paix " et de " démocratie ", en prétendant vouloir éradiquer d’Europe la soi-disant dernière dictature. Les politiciens prétendent qu’une Europe politique, à la différence des Etats-Unis, saurait faire régner la paix et la démocratie dans les Balkans.

Mais bien révélateur de leurs mensonges, le fait que leurs projets d’une Europe politique ne reprenne de la vigueur qu’à travers la guerre. C’est pour mener la guerre contre les peuples, comme contre tous les travailleurs, que les bourgeoisies européennes auraient le plus besoin d’un Etat européen, qu’elles sont incapables de construire de façon pacifique et démocratique, empêtrées qu’elles sont dans leurs vieilles rivalités nationales. Et c’est seulement à travers la guerre, et derrière la puissance qui s’imposera aux autres, que les bourgeoisies européennes peuvent cons-truire leur Etat européen.

Face à l’union sacrée des va-t-en guerre européens, face au nationalisme réactionnaire de l’extrême-droite, il n’y a que l’extrême-gauche qui puisse donner naissance au parti potentiel qu’elle représente : le parti contre la guerre, celui de l’intervention des travailleurs et des peuples eux-mêmes pour imposer la paix et la démocratie.

  

 L’ONU, comme l’OTAN, un instrument au service de l’impérialisme et de sa guerre contre les peuples

Lorsque la guerre a été déclenchée contre l’ex-Yougoslavie, plusieurs politiciens ont exprimé leurs réticences en s’abritant derrière le fait que l’initiative en avait été prise par la seule OTAN, sans l’aval en bonne et due forme de l’ONU. Aujourd’hui, alors que l’Etat américain et les Etats européens qui font partie de l’OTAN, font appel à l’ONU, sous couvert de rechercher une négociation diplomatique incluant la Russie, celle-ci est à nouveau présentée comme travaillant à la " paix entre les nations ".

Pour les puissances impérialistes, passer par l’OTAN pour déclencher la guerre avait plusieurs avantages. C’était d’abord éviter les retards causés par la longueur de débats au sein de l’ONU, et le conflit qu’aurait pu causer le veto probable de la Russie, et peut-être de la Chine, à la guerre. Cinq pays seulement possèdent ce droit de veto, les cinq puissances nucléaires reconnues, qui font partie du conseil de sécurité permanent : Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie, Chine. C’était aussi un moyen d’assurer un rôle plus important à l’Allemagne, au moment où celle-ci mène sa première intervention militaire. Membre de l’OTAN, elle ne fait pas partie en effet, du Conseil de Sécurité de l’ONU. C’était enfin mettre tous les Etats des pays pauvres qui ont leur siège à l’ONU devant le fait accompli, une façon pour les grandes puissances d’affirmer leur droit à régenter le monde sans s’embarrasser de fioritures démocratiques.

Mais cela ne fait pas pour autant de l’ONU un instrument au service de la paix entre les peuples. Bien au contraire.

Créée après la deuxième guerre mondiale pour succéder à la Société des Nations, qui avait dirigé le nouveau partage du monde né de la guerre de 14-18, et que Lénine appelait une " caverne de brigands ", l’ONU joua également ce rôle, mais cette fois, sous l’égide de l’impérialisme américain, devenu hégémonique après la guerre. Sa composition a évolué sous l’effet des transformations qui se sont opérées dans le monde impérialiste, mais elle a toujours été au service des grandes puissances occidentales et en particulier de l’impérialisme américain. C’est elle, dans l’immédiat après-guerre, qui organisa le partage de la Palestine, prélude à l’expropriation des Palestiniens de leur territoire par l’Etat israëlien. Pendant la guerre froide, alors que l’URSS se maintenait à l'écart, c’est l’ONU qui donna une base juridique à la guerre menée par les Etats-Unis contre la Corée en 1950, puis à leur intervention contre l’Egypte qui voulait nationaliser le canal de Suez, en 56. C’était l’époque où, chacun dans sa zone, le bloc occidental et le bloc " soviétique " faisaient régner l’ordre contre les peuples. La bureaucratie écrasait la révolution hongroise, tandis que l’impérialisme cherchait à écraser la vague révolutionnaire des peuples coloniaux. Sans pouvoir en venir à bout, si bien qu'à partir de la fin des années 50, l’ONU intégra dans ses rangs les nouveaux Etats nés de cette révolte, une reconnaissance qui avait pour but de les associer au maintien des nouveaux rapports de force qui consacraient la toute puissance américaine.

L’URSS reprit sa place pleine et entière dans l’ONU, à la fin des années 50, sans empêcher pour autant les menées des puissances impérialistes contre les peuples, quelles qu’aient été les résolutions qui avaient pu être prononcées contre. Mais depuis la réintégration complète de l’URSS dans le monde impérialiste, à la fin des années 80, c’est au nom de l’ONU, et en les couvrant de " valeurs universelles ", telles que le droit international, le droit des peuples, etc, que les puissances impérialistes ont mené la plupart de leurs expéditions guerrières : dans le Golfe, contre l’Irak en 91, en Somalie en 92, et au Rwanda en 94. Là, c’est sous le couvert d’une opération soi-disant humanitaire que l’armée française a pu intervenir pour créer une zone où se sont réfugiés les auteurs du génocide que l’Etat français avait lui-même armés.

Aujourd’hui, l’intervention de l’ONU, par la voix de son secrétaire général, Kofi Annan, ne diffère pas, dans les objectifs qu’elle s’assigne, de ceux des membres de l’OTAN. Elle compte seulement y arriver, avec toutes les parties concernées, par les voies de la diplomatie. C’est du moins ce qu’on nous dit. Et c’est tout à fait improbable, tant c’est une véritable fuite en avant que les grandes puissances ont engagée dans cette guerre. Il s’agit plus sûrement de tenter d’obtenir l’approbation de la Russie, et des opinions publiques, pour la continuer, au risque de l’intensifier.

  

 Les paroles justes... tribune de Janos

… ne suffisent pas. Oui, il faut affirmer : arrêt des bombardements de l'OTAN ! Milosevic hors du Kosovo ! Droit à l'autodétermination, donc à l'indépendance du Kosovo ! Oui ; il faut désigner ce gouvernement de " gauche " comme responsable de cette tuerie et exiger le retrait des troupes françaises ! Dépasser les paroles est difficile quand les bombes tombent, quand on massacre et persécute à l'échelle d'un pays. Que faire quand on nous propose le choix entre applaudir les canons et/ou faire de la charité ? Pourtant le mouvement ouvrier doit et peut se ressaisir. Il en va de son avenir. Et ceux qui se réclament de la révolution, ceux qui veulent utiliser les élections européennes pour propager les idéaux du socialisme démocratique ont une grande responsabilité. Il est de leur devoir d'aider à développer une solidarité active. Avec les démocrates persécutés par Milosevic, avec les civils victimes des bombes de l'OTAN en Serbie, et avec le peuple Kosovar, victime directe de Milosevic et indirecte de l'OTAN. L'Appel, dont nous publions des extraits, a été lancé, quelques jours avant le début des bombardements, par les syndicalistes Kosovars. Depuis, l'horreur prend chaque jour une nouvelle dimension. Pourtant l'Appel, quant au fond, n'a pas pris une ride. Ce sont nos frères de classe qui appellent leurs frères d'Europe pour les aider, pour être solidaires, pour faire revivre l'internationalisme prolétarien. Le projet de " Workers' Aid for Kosovo ", en collaboration avec ces syndicats, est de lancer des convois avec des vivres et médicaments. Pour apporter une aide, certes une goutte dans l'océan des besoins, mais apporter le soutien des travailleurs des autres pays, imposer, à terme, un corridor humanitaire. Plusieurs camions partiront de Grande-Bretagne le 20 avril. Ils veulent atteindre la ville minière de Mitrovica, où la plupart des mineurs sont restés sur place. Dans une deuxième étape, il est prévu un convoi vers les mineurs de Serbie, dont la ville a été touchée par des missiles de croisière de l'OTAN. Peut-être les convois ne passeront-ils pas, il s’agira alors de distribuer l'aide parmi les réfugiés au Monténégro. En tous cas, ce sera au moins un acte symbolique de solidarité ouvrière... et par les temps qui courent ces symboles comptent.

Appuyons-nous sur cette initiative dans nos syndicats pour élargir la solidarité active en France !

" Aux peuples d'Europe, en particulier aux syndicats, associations, organisations d'étudiants, organisations de défense des droits de l'homme et organisations humanitaires. (Extraits)

Chers amis,

Le peuple du Kosovo a désespérément besoin de votre aide. Le nettoyage ethnique a chassé des centaines de milliers de citoyens albanais du Kosovo de leurs maisons. Cette violence et injustice sévit depuis 1989 quand les troupes serbes ont occupé le Kosovo, qui avait auparavant un droit de veto à l'échelle fédérale, depuis qu'elles ont illégalement écrasé son parlement, sa constitution et toutes ses institutions légitimes, et ont fermé l'accès des écoles, collèges, universités et hôpitaux aux albanais et ont licencié des ouvriers albanais de leur travail. Nous appelons les peuples d'Europe à nous défendre contre cette violence fasciste. Nous vous en prions, venez, comme vous l'aviez fait pour la Bosnie, avec des convois humanitaires, venez montrer votre solidarité, venez voir vous-mêmes ce qui se passe chez nous. Nous avons besoin de vous, sinon le génocide pratiqué par le régime serbe continuera jusqu'à ce qu'il arrive à créer un Etat " ethniquement pur "...

Nous avons besoin d'un corridor humanitaire qui relie le monde extérieur au Kosovo. Pour permettre que les victimes du nettoyage ethnique puissent échapper à leurs tortionnaires. Pour que de la nourriture, du matériel pour les écoles, tout ce qui est nécessaire à une vie humaine puissent arriver aux communautés qui résistent au nettoyage ethnique. Laissez vivre le Kosovo !...

Nous demandons à tous ceux et celles chez qui notre appel arrive d'organiser un convoi d'aide et de solidarité. Votre action sera un signal pour montrer que les peuples d'Europe ne permettront pas le nettoyage ethnique et ne laisseront pas les politiciens se contenter de promesses creuses, comme " plus jamais la Bosnie ". Votre action donnera espoir et force à tous ceux qui au Kosovo veulent établir une société juste et démocratique, où tout le monde puisse vivre et travailler en paix. ...

Notre avenir est entre vos mains.

Agim Hyseni, de la part de SBASHK - Syndicat de l'Education, de la Science et de la Culture du Kosovo

Ardian Kastrati - Syndicat indépendant étudiant de l'Université de Pristina

Nediha Grapci - Association humanitaire du Kosovo " La main qui aide " et Syndicat indépendant des travailleurs de la santé du Kosovo

Xhafer Nuli - Syndicat indépendant des mineurs de Stari Terg - Kosov

contact France : Secours Ouvrier pour la Bosnie

B.P. 51; 75861 Paris Cedex 18

E-mail: ’SOB’ <bor@club-internet.fr>

" Résolution du Conseil Général du TUC d’Ecosse " (centrale syndicale unique) du 7 avril 1999 (extraits). 

" ...Nous appelons à une action urgente pour assurer les besoins immédiats des réfugiés en Albanie, au Monténégro, en Macédoine et en Serbie; pour que leurs droits de retourner dans leurs foyers fassent partie de tous les accords futurs... Le Conseil Général apprécie que des milliers de syndiqués à travers l’Ecosse aient déjà répondu à des appels lancés par différentes organisations d’aide. Néanmoins, c’est le rôle du mouvement syndical organisé en Ecosse de réunir des fonds, et nous lancerons immédiatement un appel, sous le nom de " Aide Syndicale Ecossaise pour le Kosovo " (" Scottish Trade Union Aid for Kosova "). Cet appel prendra la même forme que celui déjà lancé par le mouvement ouvrier en Italie, appelant les travailleurs de contribuer en offrant une heure de salaire et en appelant les employeurs à égaler les contributions réunies par les travailleurs. Cela a été accepté par les organisations patronales d’Italie... sachant que n’importe quelle action menée par le mouvement syndical sera beaucoup plus forte si elle est adoptée et menée sur une base internationale... "

Janos