correspondances d’entreprises



Grève dans des hôpitaux parisiens de l’AP-HP

Boucicaut, Laënnec et Broussais sont trois établissements parisiens de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris dont la fermeture est prévue pour le mois de septembre 1999 (d’autres hôpitaux, tels que Saint Vincent de Paul, Rothschild, Corentin-Celton ou l’Hôtel-Dieu subissent également des restructurations de services).

L'Hôpital Européen Georges Pompidou, actuellement en construction dans le XVe arrondissement, devrait employer 2 400 personnels non médicaux.

Il avait été annoncé que sur les 3 400 postes actuels des trois établissements qui vont fermer, 2 400 personnes bénéficieraient d’une mutation vers l’HEGP, les 1 000 autres devant être " redé-ployés " ailleurs En attendant la baisse d’activité, 560 contractuels ont été recrutés sur des postes vacants. Certains iront à l’H.E.G.P. Mais 400 personnes occupent des postes qui ont vocation à disparaître. Les embauches de contractuels continuent pour remplacer les départs de titulaires, mais plusieurs centaines de titulaires ne savent toujours pas où ils vont être affectés, et ce à quatre mois de la soi-disant date de fermeture. C’est près de 1 000 postes qui risquent d’être supprimés contrairement aux promesses qui avaient été faites de n’en supprimer aucun.

C’est dans ce contexte que la grève a été votée dans les trois hôpitaux : le 15 avril à Laënnec, le 21 à Boucicaut, le 22 à Broussais. Les revendications portaient sur :

·la titularisation de tous les CDD des trois sites,

·l’augmentation des effectifs de l’HEGP d’au moins 400 personnes,

· l’ouverture de concours internes, avec possibilité de formation sur le temps de travail pour les préparer, pour titulariser les contractuels,

·le recrutement d’emplois permanents sur tous les postes vacants.

Deux rassemblements des trois hôpitaux Laënnec, Boucicaut, Broussais ont été organisés devant la Direction générale de l’AP-HP. Le premier a eu lieu le vendredi 23 avril et a réuni une centaine de personnes. Le second qui a eu lieu le jeudi 29 en a réuni plus de 300, dont quelques-uns de Beaujon et de l’Hôtel Dieu, une cinquantaine de Paul Doumer dans l’Oise, et environ soixante de Jean Verdier, qui en est à plus de 50 jours de grève.

Malgré des pressions de nos directions locales qui pèsent, par des assignations et de la désinformation sur nos droits, en faveur de la reprise du travail, on assiste à une extension du mouvement.

Une Assemblée Générale d’une trentaine de personnes a décidé la grève à Beaujon le 30 avril pour le 3 mai. Il semblerait qu’à Bichat et à Broca l’idée de se joindre à nous fait son chemin.

Les bons résultats de la Poste en 98 cachent de nouvelles attaques contre les postiers pour les trois ans à venir !

La Poste affiche pour 1998 un résultat net de 337 millions de francs, cinq fois plus que l’an dernier (58 millions de francs). Cela s’est fait par la réduction des effectifs, 5 à 6000 suppressions d’emplois chaque année et l’accroissement de la précarité : 60 000 emplois précaires sur 300 000 postiers. Cela se fait au prix d’une commercialisation à outrance, les guichetiers devant se transformer dans les bureaux de poste en vendeurs de prêts à poster ou autres produits.

Mais cela ne suffit pas encore. Les dirigeants de la Poste se sont fixés comme objectif d’augmenter de plus de 20 % le chiffre d’affaires d’ici à 2002. Il s’agit pour eux de préparer la Poste à la concurrence européenne puisque la commission européenne a décidé de l’élargir en 2003. Cela signifie qu’il n’y aurait plus à l’horizon 2003 de monopole postal public pour la distribution du courrier. La Poste deviendrait une entreprise comme une autre, soumise à la concurrence. On peut donc facilement imaginer les conséquences : plus que jamais, le maître mot de la Poste sera la rentabilité au prix de coupes sombres dans les effectifs, de la suppression des petits bureaux etc… et de la flexibilité maximum des horaires.

En ce moment la Poste lance son plan " mini attente " en prétendant réduire à cinq minutes maximum le temps d’attente aux guichets. Mais qualité du service ne rime pas avec rentabilité. Comment diminuer l’attente sans augmenter les effectifs ? Cette opération est en fait une façon de préparer la déréglementation des horaires qu’elle veut mettre en place avec l’application des 35 heures. Des emplois jeunes sont actuellement dans les bureaux de poste pour mesurer les fluctuations de la clientèle. Car les 35h à effectifs constants, cela veut dire bousculer les horaires du personnel, mettre un guichetier de moins de telle heure à telle heure jugée plus creuse, un renfort à un autre moment, l’ouverture de certains bureaux le samedi…

Tout cela est lié et s’inscrit à terme dans un projet de privatisation. Le dernier contrat de plan signé avec l’Etat pour cinq ans (1998-2002) l’autorise à gérer les fonds des 10 millions de comptes chèques postaux jusqu’à présent confiés au Trésor. Le projet est de créer une société d’investissement pour placer ces fonds, spéculer avec. Autre signe d’une autonomie financière plus grande, la Poste se lance en partenariat avec la Caisse nationale de prévoyance des produits d’assurance santé, des mutuelles complémentaires santé qu’elle proposera aux clients.

De service public, la Poste va fonctionner de plus en plus comme une entreprise capitaliste privée au détriment du personnel et des usagers. Les postiers, comme les cheminots et tous les travailleurs de la fonction publique, ont intérêt à préparer la lutte contre ces plans de casse des services publics.

Une réunion publique pour dénoncer l'école au rabais

Plus de 80 personnes sont venues à la réunion organisée par les enseignants, parents et élèves des lycées de Denain (59) pour dénoncer l'école au rabais. Dénoncer tout d'abord les plans du rectorat qui prévoient de supprimer des postes et des filières sur les deux lycées de la ville (voir VdT n°81 et 86), qui limiteront les possibilités d'orientation pour les élèves et qui se traduiront par la dégradation des conditions de travail pour tous. La réunion a été l'occasion de faire le point sur notre lutte et de discuter des suites de notre mouvement, de comment faire reculer le Rectorat qui tente de gagner du temps jusqu'aux vacances pour mettre enseignants, parents et élèves devant le fait accompli, en espérant que nous acceptions de gérer les conséquences de cette politique d'économie.

La réunion a également été l'occasion de dénoncer la réforme des lycées qui sera appliquée à la rentrée prochaine. Limitation des heures de cours, options de seconde qui ne seront plus assurées s'il y a moins de quinze élèves, cette réforme est avant tout un vaste plan d'économies qui se rajoutera à celui du Rectorat de supprimer des filières puisque, s'il est prévu de redéfinir les programmes, la seule chose qui sera appliquée à la rentrée prochaine, ce sont les allégements d'horaires, les cours en moins, ce qui montre clairement les priorités du gouvernement. Derrière les principes ronflants qui ont au moins le mérite de ne pas coûter chers, " la justice sociale "‚ " l'égalité des chances ", c'est la même philosophie du tiroir-caisse.

Aucun moyen supplémentaire n'est prévu dans le cadre de cette réforme si ce n'est le recours systématique à un personnel précaire, notamment les emplois-jeunes, aides-éducateurs en contrats à durée déterminée, de droit privé de cinq ans payés au SMIC. Alors que les élèves réclamaient davantage d'enseignants, le gouvernement répond qu'il y aura plus d'adultes dans les lycées. C'est un recul pour tout le monde puisque les aides-éducateurs sont de fait utilisés partout comme surveillants. Les deux lycées de Denain devraient en compter une trentaine à la rentrée 99.

Parallèlement, les surveillants ne seront plus recrutés sur critères sociaux, ils ne travailleront plus qu'à mi-temps et devront remplacer les enseignants absents. Les aides-éducateurs remplacent les surveillants, les surveillants, les professeurs absents. Quant aux enseignants remplaçants, ils seront amenés si besoin est à remplacer... les surveillants et seconder les aides-éducateurs. La boucle est bouclée. C'est toujours plus de précarité.

Nous avons également dénoncé le scandale des CES (Contrats Emplois Solidarité) payés 2900 francs par mois, sans lesquels aucun établissement ne pourrait fonctionner, qui remplissent des tâches essentielles mais qu'on refuse pourtant de titulariser.

Nous avons conclu sur la nécessité de préparer tous ensemble, parents, enseignants et élèves, un mouvement d'ensemble dans l'Education, idée reprise par un cheminot présent qui a dénoncé le libéralisme à la SNCF et a souligné la nécessité d'une lutte dans l'ensemble des services publics pour mettre fin à la précarité et demander l'embauche de tous les personnels précaires.

Sans attendre, nous avons décidé de boycotter les conseils d'administration qui voudraient nous faire avaliser les suppressions de postes et de filières et de continuer à mobiliser le plus largement possible pour préparer la suite de notre action.

Du boulot, il y en a !

Echo du bulletin Voix des Travailleurs, Recette Principale de Rouen

Nous avons tous vu à la télévision des images sur le concours de recrutement des facteurs qui s’est déroulé au parc Expo du Bourget. C’était ahurissant de voir rassemblés ainsi au même endroit ces milliers de jeunes, dans des halls immenses avec des centaines de tables alignées, tous mis en concurrence pour postuler à un emploi pourtant peu payé et aux conditions de travail de plus en plus dures : 80 000 candidats pour 3 000 postes ! Parmi les candidats, les deux tiers étaient bacheliers, dont un certain nombre de Bac+2, Bac+3. Cela en dit long sur le chômage des jeunes. Et il était évident pour ceux qui tentaient le concours avec le brevet des collèges qu’ils avaient peu de chance. Une telle société, incapable d’offrir du travail aux jeunes, ne tourne vraiment pas rond. Pendant le même temps, on parle d’allonger la durée du travail pour les plus anciens !

Et nous, postiers qui voyons l’envers du décor, les files d’attente aux guichets, les tournées de plus en plus chargées des préposés, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser que la logique de rentabilité est absurde et anti-sociale. Le seul moyen de changer ce système est de nous battre pour obliger les services publics à embaucher comme sont en train de le faire les cheminots.

Hôpital du Havre : les personnels satisfaits de leur grève

A l’hôpital Jacques Monod du Havre le personnel s’était mis en grève reconductible le 19 avril pour protester contre l’absence d’indemnités de remplacement pour les congés d’été, ce qui avait pour conséquence la réduction à 10 ou 15 jours des congés pour certains et l’obligation de revenir sur nos repos pour nous auto-remplacer.

Jeudi dernier, jour du CTE, dans la continuité du mouvement, le personnel s’est rassemblé à la direction. Celle-ci a été accueillie par : " Direction, démission ". Le personnel des transports est venu poser le problème de 4 indemnités pour 57 agents. La direction a répondu qu’ils avaient de la chance d’être 57. Par rapport aux problèmes d’effectifs, la direction répond : " L’effectif global du G. H. H. est supérieur en nombre à la moyenne nationale, mais le problème est qu’il est mal réparti. " Elle ne tient absolument pas compte de toutes les difficultés de terrain et de vie personnelle puisque selon elle, nous devons entière disponibilité aux services : " La vie professionnelle passe avant la vie familiale. "

D’après elle, il y aurait dans certains services du personnel en surnombre. Mensonges et cynisme.

Elle se propose de rencontrer les personnels service par service pour éviter de se trouver face à un groupe qui représente une force.

La direction continue d’appliquer sa politique de gestion de la pénurie et ne répond en rien à nos revendications. C’est pourquoi, à l’A. G. du 3 mai, il a été décidé de reconduire le préavis de grève sur les mois d’été, afin que nous puissions obliger la direction à nous réquisitionner si elle veut nous faire revenir sur nos repos.

Des indemnités de remplacement ont quand même été saupoudrées. Si nous n’avons pas obtenu de réels effectifs en plus, ce mouvement nous a quand même permis de discuter entre nous de la lutte qu’il faudrait mener pour y arriver. Cela nous a permis de comprendre qu’il n’y avait rien à attendre de cette gauche plurielle qui n’a de gauche que le nom. Alors la grève est suspendue mais pour nous le bilan est positif, la direction a été obligée de s’expliquer devant les personnels à deux reprises, elle a été obligée de nous entendre et souvent son embarras nous a remplis d’aise. Nous nous sommes fait respecter !

Les cheminots en grève se libèrent de la tutelle des dirigeants syndicaux complices des mauvais coups du gouvernement

Les cheminots, principalement les mécaniciens, ont engagé à la base et de front la bataille contre les plans de la direction et du gouvernement. Et cela, malgré l’opposition des deux plus puissantes fédérations syndicales de la SNCF, malgré les injonctions des ministres du gouvernement de la gauche plurielle et les exhortations du secrétaire national du PCF. Tout au long de la semaine, la grève s’est frayée un chemin, en dépit des freins serrés par les bureaucrates syndicaux et des mensonges à répétition de la presse. La grève est encore loin d’être générale à la SNCF, mais chaque jour de la semaine écoulée, elle a gagné de nouvelles forces.

Alors que les fédérations CGT et CFDT s’apprêtaient à signer l’accord de flexibilité, les mécaniciens de nombreux dépôts, qu’ils soient syndiqués CGT, SUD, CFDT, FO ou non syndiqués, profitant de l’appel à la grève lancé par la FGAAC, ont posé le sac et engagé la lutte dès le mercredi 28 avril.

Le front de ceux que cette grève surprenait et dérangeait considérablement s’est tout de suite formé. De Gallois, PDG de la SNCF à Robert Hue, en passant par Bernard Thibault et les dirigeants de la CFDT, ils se sont tous relayés pour minimiser la grève, mentir sur les intentions des grévistes et défendre le magnifique projet concocté dans le cadre de la loi Aubry par la direction. La presse leur faisant bien entendu écho pour calomnier les cheminots jamais contents qui osent s’opposer aux 35 heures alors qu’ils n’en font que 31h30.

Mais les cheminots sont comme les faits, ils sont têtus. Depuis des années, ils dénoncent la dégradation des conditions de travail et du service public à la SNCF. Depuis des mois, ils multiplient les grèves pour obtenir des embauches. Et le gouvernement, la direction et leurs fédérations syndicales majoritaires veulent leur imposer un plan qui sous couvert de réduction du temps de travail va multiplier la flexibilité, instaurer dans de nombreux secteurs le travail en 2x8, voire en 3x8, augmenter la journée de travail des roulants, bloquer les salaires, le tout sans pratiquement créer d’emplois ! Et tout ce beau monde de mentir à qui mieux- mieux. La palme revenant à Robert Hue qui se félicitait de la présence des ministres communistes au gouvernement qui permettait d’avoir un " excellent accord à la SNCF qui allait créer 25 000 emplois ". Les cheminots savent compter : quand on retire les départs en retraite (19 500), les 15 % de temps partiel prévus et le simple passage au statut de cheminots déjà embauchés, on arrive à moins de 1000 emplois qui seront réellement créés en trois ans. Soit 0,5 emploi par an et par établissement de la SNCF ! Robert Hue qui a déclaré que " s’il était cheminot, il ne ferait pas grève " fera bien de rester dans les couloirs des ministères et de ne pas pointer sa barbe dans un dépôt avant longtemps.

Quand à leur temps de travail, les mécanos en font plus qu’assez, seuls sur leurs machines sur des centaines de kilomètres. Ils savent, eux, que l’attente entre deux trains, les découchés et la multitude d’incidents qui émaillent leur journée, c’est du temps de travail et qui compte double. En tout cas, les cheminots qui veulent se battre contre cet accord pourri ont d’un coup démasqué tous les faux amis de la classe ouvrière. Et la minable manœuvre de la direction de la fédération CGT qui a déposé un préavis pour dimanche soir, alors que des centaines de militants cégétistes sont déjà en grève, n’y changera rien.

La direction de la SNCF a essayé de présenter la grève comme une action catégorielle, se déclarant même prête à renoncer à son projet pour les mécaniciens. Les mécanos ont répondu en poursuivant et en amplifiant la grève. Ils ne veulent pas de " statu quo ", ils ne se battent pas pour des revendications catégorielles. Comme la grande majorité des cheminots, ils rejettent un plan scandaleux de régression sociale qui annonce d’autres attaques, notamment sur les retraites. Ils savent qu’ils engagent un combat qui peut avoir une très grande portée, car c’est à toute une politique qu’ils s’attaquent.

Pour l’instant, la grève s’est surtout étendue dans les dépôts de mécaniciens, à Paris et dans toutes les régions. Mais dans de très nombreux secteurs, les assemblées générales se multiplient. Un peu partout des minorités de grévistes s’emploient à étendre la grève dans leur propre secteur et à d’autres catégories. A chaque fois, c’est une dure bataille pour convaincre les camarades hésitants, déçus des échecs des grèves de ces derniers mois ou inquiets de l’attitude des fédérations syndicales. Bataille pour contrer les arguments démobilisateurs ou les manœuvres des bureaucrates syndicaux qui militent contre la grève. Si la grève trouve de nouvelles forces, si les cheminots déjà en grève parviennent à s’organiser démocratiquement à la base et à établir entre eux toutes les liaisons nécessaires, ils peuvent entraîner une majorité de cheminots dans la lutte. Mardi soir on n’en était pas encore là, mais la possibilité en avait été ouverte par la détermination et le niveau de conscience des cheminots grévistes.

La grève des cheminots à Rouen, la lutte pour son extension

Sur l’agglomération rouennaise, la grève a démarré le mercredi 28 au dépôt de Sotteville. 70 mécanos décidaient à une écrasante majorité, à l’appel des sections syndicales CGT, SUD et FGAAC de se mettre en grève. Un tract d’appel à la grève a été adopté et diffusé dans tous les autres services. Depuis, la grève n’a pas cessé de se renforcer au fil des jours au dépôt. Le nombre des grévistes et de participants aux AG atteignant vite des chiffres comparables à la grève de 1995. Certaines AG du début de la grève ont été houleuses, de nombreux mécanos reprochant notamment au principal responsable de la CGT de la région, lui-même mécano, de s’opposer en fait à la grève. Celui-ci s’est fait de plus en plus silencieux dans les AG et s’abstient lors des votes sur la grève.

Aux ateliers de Quatre Mares, tout proches du dépôt et qui regroupent 700 cheminots, la grève a fini par démarrer le lundi 3 mai, après des assemblées quotidiennes la semaine précédente où, contre l’avis de la majorité des militants de la section syndicale, certains responsables de la CGT avaient fait feu de tout bois pour empêcher que la grève démarre. Le jeudi 29, alors que la majorité des quelques 250 cheminots présents avaient voté en faveur de la grève, ils avaient réussi à reporter le vote au lendemain sous prétexte " qu’on n’était pas assez nombreux ". Le vendredi, ils ont essayé d’imposer un vote à bulletin secret. Proposition qu’ils ont dû remballer devant le tollé général. L’assemblée du vendredi avait finalement décidé un nouveau report du vote pour le lundi, mais cette fois avant de commencer le travail. Entre temps, ceux des militants CGT qui se faisaient les porte-parole de la fédération avaient multiplié les calomnies et les menaces contre les militants, souvent d’extrême-gauche mais aussi certains proches ou membres du PCF, qui militaient à fond pour la grève. Le lundi, la grève a été votée à une écrasante majorité et les responsables CGT qui étaient sur la ligne fédérale, ont dû s’y rallier lundi et mardi. Mais à l’AG du mercredi 5 au matin, ils ont refait une offensive pour " suspendre la grève ". Bien qu’une courte majorité des quelques 300 présents ait voté pour la poursuite de la grève, ces mêmes représentants de l’appareil ont convaincu une bonne partie des travailleurs d’arrêter la grève. La bataille n’est pas terminée, une nouvelle assemblée est prévue à Quatre Mares, jeudi 6.

Dans les autres secteurs, la grève a du mal à démarrer. Dès le mercredi 28, des militants ont diffusé les appels du dépôt, fait signer la pétition contre l’accord ou tenté d’organiser des AG. Aucun syndicat n’a relayé ces efforts, mais les discussions s’amplifiaient. Le lundi, à la direction générale, à la gare et chez les contrôleurs, des minorités de cheminots se sont mis en grève. FO et SUD ont appelé à des AG pour le lendemain. Le mardi et le mercredi, les AG ont regroupé un peu plus de monde et ont voté la grève à la majorité des présents. Mais le mouvement reste très minoritaire dans tous ces secteurs, ainsi qu’au triage. Mercredi, seul le dépôt était très majoritairement en grève.

Le Havre, ACH : les représentants de l’Etat ont peur de la colère ouvrière, la CGT tente de donner le change en organisant le 1er mai aux chantiers, mais les travailleurs n’ont d’illusion ni dans les uns ni dans les autres

Vendredi 23 avril, les travailleurs tenaient à rendre concret pour la population du Havre ce que représente le gâchis économique de la fermeture de l’entreprise. Dans plusieurs endroits de la ville, des tôles de 100 kilos qui devaient servir à la fabrication du 3ème chimiquier ont été dispersées sur la chaussée dans plusieurs carrefours du centre ville. L’argent public qui n’a pas été perdu pour tout le monde, qui a arrosé de subventions les actionnaires, les salariés voudraient bien en voir la couleur : ils en réclament leur part sous forme de primes de licenciements conséquentes ou d’emplois créés. Pendant leur manifestation un " camion fou " a quitté le cortège pour se diriger – sans conducteur – sur les gardes mobiles qui gardaient l’entrée du siège social de Delmas. Dans les jours qui ont suivi trois plaintes ont été déposées : par les ACH pour vol de matériel, par Delmas pour les dégradations matérielles et par le Procureur de la République pour " violences avec armes ", ce représentant de la loi considérant que le tracteur était une arme par destination. Après les Starsky de la Mobile, ce sont les as de la Criminelle, reconvertis dans le renseignement, qui ont convoqué une trentaine de travailleurs au poste. Certains ont été cueillis à la sortie de chez eux, à l’heure du laitier. Un travailleur qui avait refusé la convocation est resté en garde à vue 11 heures. Mais tous ont fait la même réponse : on n’a rien vu, vous devriez vous renseigner auprès des syndicats. Certains mauvais esprits trouvaient comique le manque de sang-froid des autorités ce jour- là.

Les actions des dernières semaines, vécues et présentées comme plus " dures " correspondent à l’état d’esprit d’un nombre de plus en plus conséquent de travailleurs, prêts à se faire entendre. Elles n’empêchent pas, au contraire, un petit groupe de travailleurs, de s’exprimer à la marge, comme ce fut le cas il y a plusieurs semaines, lorsque des affiches mettant en cause la gauche plurielle avaient été collées sur les murs des chantiers. Ces actions plaisent à un bon nombre de travailleurs car elles leur permettent d’exprimer leur ras-le-bol. La CGT en tient compte en étant plus offensive, notamment dans son discours vis-à-vis du gouvernement. Mais il n’y a pas non plus d’illusion : quand ce discours pseudo-radical sert à l’auto-célébration de la C. G. T. et à la grand-messe, comme ce fut le cas pour le 1er mai, beaucoup de travailleurs restent chez eux. Et si l’organisation du 1er mai aux ACH a été médiatisée nationalement, peu de travailleurs des chantiers y ont assisté, si ce n’est pour faire voir leur lieu de travail aux familles et aux amis, pour ce qui était peut-être la dernière opération " portes-ouvertes ". Bien des travailleurs ont le sentiment que c’est l’an dernier, lorsqu’ils n’étaient pas encore assommés par les plans successifs et que beaucoup étaient prêts à en découdre, qu’il fallait " faire quelque chose ". Mais la CGT cultivait alors le mirage d’un repreneur et de l’union sacrée avec le patronat, le gouvernement et les politiciens locaux, politique qui a paralysé les travailleurs. Les semaines et les mois à venir avant la fermeture permettront de vérifier si la seule politique possible, celle de la grève des chantiers avec comme optique la mobilisation des travailleurs de toute l’agglomération pour l’emploi, peut être encore à l’ordre du jour. Les travailleurs des ACH n’ont pas dit leur dernier mot.