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9 mai : manifestations régionales des enseignants

Les directions syndicales ont la réponse qu'elles souhaitaient, mais le mécontentement reste profond

La grande initiative nationale annoncée par le SNES à l’issue de son congrès, en mars dernier, et par l’ensemble de la FSU, s’est transformée le 9 mai en 3 manifestations régionales, à Marseille, Paris et Toulouse. Beaucoup d’entre nous, encore en vacances la semaine précédente, ont appris lundi qu’ils étaient appelés à manifester dimanche. Tout le monde a bien compris que la FSU ne reprenait que contrainte et forcée l’appel à une nouvelle manifestation nationale, que lui avait arraché le mouvement des enseignants. Au mois de mars, le mouvement des enseignants de la région parisienne contre Allègre, organisé en coordinations, avait contraint le SNES auquel s’étaient joints d’autres syndicats enseignants comme SUD, à appeler à la grève nationale du 15 mars, suivie de la manifestation du 20 à Paris. La journée du 20, dont le SNES en particulier, avait voulu faire un " baroud d’honneur ", sans lendemain, marquant de fait l’essoufflement et la fin du mouvement, avait été un tel succès qu’au congrès qui avait suivi, la direction du SNES s’était sentie obligée d’annoncer une nouvelle action nationale aux alentours du 15 mai. C’est donc à reculons que la direction du SNES et celle du SNUIPP qui n’avaient jusque-là pas donné suite aux grèves de mars massivement suivies dans le premier degré, ont appelé à ces trois manifestations régionales le 9 mai.

Les enseignants des académies du Grand Sud-Ouest étaient appelés à manifester à Toulouse. Bien peu ont répondu à l’appel. Beaucoup de nos collègues, voyant que les directions syndicales ne manifestaient aucune intention de donner réellement suite aux grèves et manifestations de mars, n’ont pas cherché à se saisir de cette manifestation qui, au-delà de la dérobade des directions syndicales, aurait pu être l’occasion d’exprimer leur mécontentement.

La manifestation de Toulouse a regroupé environ 1 500 participants, essentiellement des délégations syndicales départementales. Quelques manifestants reprenaient les slogans qui avaient fait le succès du 20 mars, " Allègre, bouffon, démission ", ou d’autres plus actualisés, " Allègre, fais gaffe à ta paillote ", tandis que la sono des organisateurs s’en tenait à des slogans passe-partout, dont aucun ne citait Allègre, comme " des moyens pour l’école publique ".

A la fin de la manifestation, nous avons eu de nombreuses discussions. Plusieurs militants ou sympathisants du Parti communiste, contents de pouvoir discuter avec des révolutionnaires, nous ont dit que " cette fois, on va voter pour la liste d’extrême-gauche ", plusieurs nous donnant rendez-vous au meeting d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine, à Bordeaux. Dans un groupe, quelques-uns, voyant notre journal, ont dit " tiens, eux, ils ont gardé les outils " (parlant de la faucille et du marteau), l’un d’entre eux ajoutant " moi, de toute façon, sur le journal de ma cellule, je les ai gardés ". Une employée communiste qui manifestait avec son mari enseignant se disait " contente d’être dans la rue plutôt qu’être restée chez elle ; il faut que notre génération aide les jeunes à se battre... ", disant à propos des socialistes et du gouvernement : " on ne voulait pas croire qu’ils étaient comme la droite, mais il n’y a bien que la finance qui compte pour eux ", expliquant que la mise en place des 35 heures dans son entreprise ne profitait qu’au patron.

Les discussions que nous avons eues, fraternelles, exprimaient le fait que les enseignants présents, en même temps qu’ils défendent leurs conditions de travail et l’avenir de l’école, se posent pour beaucoup le problème des perspectives politiques de l’ensemble des salariés et de comment retrouver le chemin des luttes, parce qu’au-delà de la faible mobilisation à cette manifestation, le mécontentement est profond.

La grève des cheminots : une étape dans la prise de conscience, et un gage pour l’avenir

La vague de grève entamée le 28 avril par les mécaniciens s’est terminée le vendredi 7 mai. Pendant près de dix jours, cette grève a bousculé bien des calculs. Ceux du PDG Gallois qui, sachant que les directions fédérales de la CGT et de la CFDT étaient prêtes à signer, se félicitait le 26 avril de " l’instauration de la flexibilité " et du " retour du dialogue social " à la SNCF. Ceux du gouvernement qui se frottait déjà les mains d’un nouvel " accord " dans le cadre de la loi Aubry dans un secteur clé. Et d’une manière plus générale, la grève a montré les limites des calculs de tous les stratèges gouvernementaux ou patronaux qui pensent qu’en s’assurant de la complicité des bureaucraties syndicales on se garantit le silence ou la résignation des travailleurs. En confirmant et en étendant jour après jour leur mouvement face à la coalition de la direction, du gouvernement, des fédérations syndicales majoritaires et de la presse, les cheminots en grève ont révélé des fractures profondes et posé des jalons pour l’avenir.

Certes, la grève est restée minoritaire. Elle ne s’est étendue qu’à près de la moitié des mécaniciens et à de petites minorités de cheminots dans d’autres catégories de la SNCF. Certes, elle n’a pas été victorieuse au sens où la direction n’a finalement consenti que quelques reculs mineurs sur son plan. Mais cette grève a fait sauter des digues plus qu’aucune grève de cheminots ne l’avait fait depuis bien des années. Nous venons de vivre le premier mouvement gréviste d’ampleur nationale contre l’application d’une loi qui est considérée comme fondamentale par le gouvernement de la gauche plurielle. C’est une grève qui, à la base, a été voulue et menée par les travailleurs syndiqués et non syndiqués qui s’étaient affranchis des consignes, des recommandations ou des calculs des directions syndicales. Dans pratiquement tous les endroits où la grève a été effective, les militants de la CGT, le plus souvent à la suite de discussions extrêmement vives avec les représentants de la position fédérale de leur syndicat, ont pris toute leur place dans la lutte.

Pour les cheminots grévistes, ce qui comptait, ce n’étaient ni les intérêts catégoriels, ni les étiquettes syndicales. C’était le refus de se laisser imposer par qui que ce soit un plan de régression sociale. C’est pour cela qu’ils ne se sont laissés arrêter par personne : ni par Gallois, Bernard Thibault ou Robert Hue, ni par ceux qui, dans les assemblées, venaient s’en faire les porte-parole. C’est également cela qui explique que, dans bien des endroits, le sentiment qui dominait à la fin de la grève parmi les cheminots du rang, ce n’était pas l’amertume, mais la satisfaction d’avoir donné un grand coup de pied dans la fourmilière, de ne pas s’être plié aux injonctions de tous ceux qui veulent décider à leur place. Avec la conviction que cette lutte n’était qu’une étape et qu’elle en préparait bien d’autres.

Tous ces éléments montrent que cette grève annonce quelque chose d’important et de nouveau. Beaucoup de militants sont tentés de la comparer aux grèves précédentes, et notamment à celle de 1995. Mais ni en 1995, ni lors des nombreuses grèves de l’automne et de l’hiver dernier, les cheminots n’ont eu, pour entrer en lutte et pour étendre leur grève, à affronter autant d’obstacles. La grève de 1995, générale, massive et très combative à la SNCF, a eu lieu contre le plan d’un gouvernement de droite. Elle a été sinon voulue, en tout cas accompagnée de bout en bout par toutes les fédérations syndicales de cheminots, CGT et CFDT comprises. Ce n’est qu’en fin de grève que celles-ci ont mis leur poids pour garantir la reprise du travail. Même là où des comités de grèves se sont mis en place, comme à Rouen, ces comités se sont constitués avec l’accord et la participation des dirigeants syndicaux locaux. Dans les mouvements de l’automne et de l’hiver 98, les revendications n’étaient pas directement tournées contre une mesure gouvernementale, même si de fait elles remettaient en cause sa politique. Et surtout, à chaque fois, bon gré mal gré, les directions syndicales ne se sont pas opposées de front à ces mouvements.

Alors bien sûr, une fois de plus, les bureaucraties syndicales sont parvenues à contenir une vague gréviste. Cette fois encore, l’extension à toutes les catégories de cheminots et à tous les établissements ne s’est pas produite. Mais ce n’est que partie remise. Et les cheminots, les grévistes comme ceux qui n’ont pas cette fois rejoint le mouvement, le savent. Comme ils savent maintenant très clairement où sont leurs faux amis et qui fait barrage à leurs luttes. Cela ne peut manquer d’avoir des conséquences dans les semaines et les mois à venir. Conséquences au sein des syndicats CGT et CFDT bien sûr, mais ce n’est pas là le plus important. Le plus important c’est que des milliers de cheminots viennent de vérifier que le déclenchement et le succès de leurs luttes dépendent d’eux et d’eux seuls. Des milliers de cheminots viennent de constater que lorsqu’il s’agit de se défendre contre les attaques du gouvernement, ils ne peuvent compter que sur leur propre organisation à la base.

Après les enseignants qui en mars dernier se sont battus contre Allègre sans attendre les syndicats, les cheminots ont affronté la politique du gouvernement contre la volonté de la CGT et de la CFDT. C’est une étape de plus franchie par une nouvelle catégorie de salariés. C’est une expérience politique qui permet à un nombre toujours croissant de travailleurs de mesurer à la fois les obstacles et les possibilités d’une contre-offensive du camp des travailleurs contre celui du patronat et du gouvernement.

C’est la tâche de tous les militants qui sont prêts à s’opposer à la politique de la gauche plurielle de préparer ces luttes. Qu’ils soient d’extrême-gauche, du PCF, de n’importe quel syndicat ou non syndiqués il est nécessaire qu’ils se regroupent, tirent toutes les leçons de la situation et discutent avec l'ensemble des travailleurs des perspectives.

Campagne contre le Smic pour justifier les milliards versés aux patrons !

Quand le gouvernement veut faire un mauvais coup, il commence par commander un rapport. Le Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts, créé par Balladur, dirigé par le directeur général adjoint de Thomson et qui compte dans ses rangs Charpin, désormais célèbre pour ses propositions sur les retraites, a publié un rapport sur le SMIC. Ces messieurs estiment qu’en France, le SMIC est " relativement élevé au regard de nombre de pays industrialisés " et qu’il a " un effet négatif sur l’emploi surtout de travailleurs peu qualifiés ". Et il engage le gouvernement à " continuer la politique de réduction du coût du travail engagée au début des années 90 ".

Le deuxième acte n’a pas tardé. Dimanche sur Europe 1, Strauss-Kahn, évoquant les projets du gouvernement de nouvelle baisse des charges sociales patronales, a déclaré " qu’il voulait abaisser le coût du travail de 10, 15 ou 20 milliards, les chiffres ne sont pas arrêtés ". Quand il s’agit des patrons, le gouvernement n’est pas à cinq milliards de cadeaux près.

Interdiction des licenciements

400 ouvriers de la fonderie FAPS et de son sous-traitant ATVS à Vernon (27) sont menacés de licenciements. Le 23 décembre 98, 48 heures avant Noël, ils ont appris que l’usine était en dépôt de bilan et menacée de fermeture s’il n’y avait pas de repreneur. La fonderie de Vernon, rachetée par le groupe américain Caterpillar en 74 a été revendue à l’entreprise américaine Bailey (A. B. C.) en 94. Caterpillar constituait toujours, en 98, 89 % des commandes de la fonderie, notamment dans la fabrication des blocs moteurs poids lourds. Mais aujourd’hui, Caterpillar ne veut pas maintenir ses commandes tant qu’il n’y a pas de repreneur. Et les repreneurs ne risquent pas leur argent tant qu’ils ne sont pas sûrs des commanditaires ! Ces industriels ne connaissent qu’une loi, celle du fric roi. Tant pis si les travailleurs de l’usine, eux, perdent leur emploi dans l’opération ! Les gros actionnaires de Caterpillar s’en sont mis plein les poches pendant des années en surexploitant le travail des ouvriers fondeurs de Vernon, immigrés pour la plupart, mais maintenant ils ne veulent surtout pas perdre un centime !

Les travailleurs de la fonderie, depuis plus de quatre mois se battent contre les licenciements. Ils ont multiplié les actions, les manifestations, les démarches auprès des élus locaux, mairie etc… Ils sont allés en car aux usines Caterpillar de Grenoble et de Gosselie en Belgique. Jeudi 6 mai, ils manifestaient encore à 250 devant la préfecture d’Evreux. ce jour-là, à Vernon, ils ont bloqué aussi la route de Rouen. Le lendemain ils ont arrêté durant plusieurs heures les trains sur la ligne Rouen-Paris.

Apportons notre soutien de toutes les façons possibles aux travailleurs de la FAPS en lutte contre les licenciements.