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La manifestation du 1er mai en Iran

Extrait du Bulletin de l'Unité de Gauche Ouvrière d'Iran

Des dizaines de milliers de travailleurs ont manifesté à Téhéran le 1er mai 1999 pour demander le paiement des salaires non versés, l'arrêt des licenciements en masse, l'indexation des salaires sur l'inflation et exprimer leur opposition à un amendement à " la législation du travail " selon lequel celle-ci ne s'appliquerait pas aux entreprises de moins de trois salariés. Certaines radios ont estimé le nombre des manifestants à 100 000. Ceux-ci ont défié l'interdiction de manifester le 1er mai faite par le ministre de l'Intérieur le 26 avril.

Selon des rapports reçus par l'Unité de Gauche Ouvrière, les passants ont applaudi les travailleurs sur le parcours de la place Baharestan à Hassan Abad. Pendant la manifestation, les forces de l'ordre ont attaqué les manifestants alors qu'ils se dispersaient, blessant certains et en arrêtant d'autres. D'après certains témoignages, l'affrontement entre travailleurs et forces de l'ordre a duré jusqu'à la fin de l'après-midi.

D'autres manifestations de ce type se sont déroulées dans d'autres villes iraniennes comme Tabriz et Khoramabad. La semaine précédente, l'Unité de Gauche Ouvrière d'Iran et le Comité de défense des luttes des travailleurs iraniens avaient lancé un appel commun à manifester dans les villes iraniennes à l'occasion du 1er mai.

Cette coopération sans précédent qui unifiait la quasi totalité des organisations révolutionnaires a reçu un écho positif en Iran où les travailleurs et leurs sympathisants ont toujours critiqué les scissions inutiles et la politique sectaire de l'extrême-gauche. Nous n'avions aucune illusion sur la portée de notre appel et nous étions tout à fait conscients que, dans la situation politique actuelle, la " Maison du Travail ", semi-officielle, est tout à fait capable d'encourager des manifestations, comme elle l'a fait d'ailleurs le jour précédant le 1er mai. Toutefois, le fait crucial est que, pour la première fois en 20 ans, les travailleurs iraniens ont manifesté pour défendre leurs revendications légitimes et s'opposer au régime et ont rappelé leur droit de le faire.

Un jour après que des milliers de travailleurs aient manifesté à Téhéran, le Président iranien Mohamad Khatami a condamné ces manifestations en ajoutant que les troubles sociaux mettaient la sécurité économique du pays en danger.

Se faisant l'écho des craintes des capitalistes iraniens, Khatami a déclaré : " L'établissement d'un climat de confiance et de sérénité pour les investissements et la production dans le pays nécessite un élan national ".

Echos de la campagne pour la liste d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine dans le Lot-et-Garonne

Dans le Lot-et-Garonne, nous sommes une dizaine de militants de différentes tendances de l’extrême-gauche, Ligue communiste révolutionnaire, Voix des Travailleurs, l’Etincelle-Fraction de Lutte ouvrière et Alternative libertaire, à nous retrouver pour mener campagne en commun, pour la liste d’Arlette Laguiller et Alain Krivine. Nous avons commencé à nous réunir vers la fin du mois de février, pour discuter et organiser la campagne, mais nous discutons aussi largement et confrontons fraternellement nos interventions militantes et nos perspectives. Dès le départ, ce qui nous a réuni, c’est la nécessité que nous ressentions tous d’unir nos forces sur le département et de militer ensemble, avec l’idée que ce travail en commun ne devait pas durer juste le temps de la campagne, mais se prolonger au-delà des élections. C’est dans ce sens que la plupart d’entre nous mènent cette campagne, en souhaitant qu’elle permette le regroupement des révolutionnaires et de tous les travailleurs et militants de gauche qui veulent défendre leurs intérêts, en toute indépendance du gouvernement.

Nous avons organisé une série de réunions publiques dans les différentes villes du département et fait un tract commun, sur la base de la plate-forme LO-LCR, signé des 4 tendances, que nous diffusons sur les marchés et devant les usines. Au moment où le conflit a éclaté en Yougoslavie, nous avons fait un communiqué commun à la presse, pour dénoncer cette sale guerre. Trois réunions publiques ont déjà eu lieu. A Sainte-Livrade, un camarade du PC posait le problème de quoi faire aujourd’hui pour rendre la classe ouvrière plus combative, pour défendre les idées révolutionnaires dans son parti, car il n’envisage pas le quitter aujourd’hui, et souhaitait qu’on puisse faire des choses ensemble, car il se sentait très proche de nos idées. Des jeunes, proches de la LCR, qui militent dans une association écologiste, nous ont demandé pourquoi on s’adresse toujours aux travailleurs, et quelle place on accorde aujourd’hui aux problèmes écologiques, ce qui fut l’occasion de discuter des moyens qu’a la classe ouvrière de contrôler l’économie et de transformer la société. A Tonneins, les camarades présents, de l’extrême-gauche et du PC, ont exprimé leur inquiétude pour l’avenir, après les luttes contre la fermeture de la Seita, dénonçant le chômage et la politique des patrons. Ils s’inquiétaient des résultats d’une possible démoralisation au niveau du vote, tout le monde se rappelant que l’extrême-droite a déjà atteint 30 % localement. Sur la base de l’expérience des luttes locales, contre la fermeture de la Seita, ou encore la grève de Babcock Wanson, une usine de la métallurgie où les travailleurs viennent de gagner une augmentation de salaire, nous avons discuté de comment nous organiser pour lutter contre les licenciements et la fermeture des entreprises, et de comment reprendre l’offensive contre les patrons.

Beaucoup de discussions portent aussi sur la dénonciation de la guerre et de ce gouvernement qui, en même temps qu’il bombarde les peuples, mène ici la guerre contre les travailleurs. Lors de la dernière réunion, à Fumel, les travailleurs et militants présents ont dénoncé la dégradation des conditions de travail dans les entreprises et une camarade de la LCR se demandait comment s’y opposer, ce qui fut l’occasion de discuter de nouveau des moyens de nous organiser pour reprendre l’offensive contre les patrons.

Ces premières réunions sont l’occasion de discuter entre nous et avec les travailleurs et les jeunes présents, de façon démocratique et fraternelle, autour de la liste d’Arlette Laguiller et d’Alain Krivine. Elles constituent les groupes de la campagne de l’extrême-gauche sur le Lot-et-Garonne, qui se poursuit avec d’autres réunions prévues dans les prochaines semaines.

Les propos étranges d'un dirigeant de LO qui dit n'en être plus un, ou la logique de la duplicité et de la dérobade

Les lecteurs attentifs du " Monde " du samedi 8 mai ont pu lire une " correspondance " intitulée " Une lettre de Robert Barcia " en réponse à une enquête du " Monde " intitulée " Lutte ouvrière à mots couverts ", au décours de laquelle était évoquée la personnalité de Robert Barcia. Ce dernier qui a, jusqu'à présent, refusé toute explication directe avec les journalistes, s'est senti obligé de répondre point par point aux " fausses-vraies " informations qui circulent le concernant. Certains esprits simplistes dont nous sommes, pourraient se dire qu'il eût été plus simple de donner les informations de première main, plutôt que de laisser dire, voire inventer, pour ensuite faire semblant de rétablir " la vérité " en accusant les autres de malveillance.

C'eût été, nous semble-t-il, l'attitude de quelqu'un qui se considérerait non seulement comme un dirigeant, mais, beaucoup plus simplement, comme un militant du mouvement ouvrier. D'ailleurs, de cela, il n'est pas question dans la lettre de Robert Barcia.

Peu importe aux travailleurs, comme à tous ceux qui s'intéressent aux idées et à la politique de l'extrême-gauche, la carrière, qui se voudrait exemplaire, de ce modeste cadre. Qu'importe son salaire, sa retraite, ses participations dans on ne sait trop quelles sociétés. Qu'importe à quoi aient servi ces sociétés, couverture ou simple gagne-pain, tout cela n'intéresse strictement personne.

Dans cette lettre, Robert Barcia ne se contente pas d'oublier de parler de ce que nous croyons être ses idées, il ne manque pas, sans même s'en apercevoir, n'en doutons pas, aveuglé par l'obsession de lui-même, de renier les principes qui ont fondé le mouvement dont il se revendique, Lutte ouvrière, et au-delà tout le mouvement ouvrier.

Je ne suis pas un "politicien" vivant ou ayant souhaité vivre de la politique, j'ai toujours dû et voulu gagner ma vie en travaillant… ". Quel étrange langage de la part d’un militant révolutionnaire.

Arlette Laguiller, permanente de FO, serait-elle de ces gens qui n'auraient pas ce qui semble, au regard de Robert Barcia, la plus grande honnêteté, le souci de gagner leur vie ? Serait-elle " une politicienne " ou " une bureaucrate " ? Les intellectuels, dirigeants de Lutte ouvrière ou Alain Krivine et bien d'autres, ayant fait le choix de sacrifier leur éventuelle carrière dans la société bourgeoise, pour consacrer toute leur énergie, leur disponibilité intellectuelle et morale au combat contre l'oppression, seraient-ils " des politiciens " ?

Ou est-ce qu'à l'inverse, ce ne serait pas celui qui, tout en expliquant que le mouvement ouvrier avait besoin de travailleurs entièrement disponibles au combat politique comme d'intellectuels ayant fait le même choix à leurs côtés, avait fait, lui, le choix de préserver son indépendance sociale vis-à-vis de sa propre organisation, de ses propres camarades, qui après avoir pratiqué une malsaine duplicité, à l'ombre de l'incognito dans un petit groupe, serait aujourd'hui dépassé par l'influence de nos propres idées ? Confronté à la lumière et à la publicité, ne serait-ce pas lui qui, pitoyable dans ses propos ridicules de justification, s'effondrerait, plus soucieux de se justifier vis-à-vis de la bonne opinion publique que d'aller jusqu'au bout de ce qui avait été ses idées, de ce qu'il prétendait être son combat ?

Pour notre part, nous avons durant de nombreuses années, milité avec les camarades de Lutte ouvrière, à ses côtés, convaincus des idées qui nous étaient transmises, idées qui appartiennent au mouvement ouvrier, qui survivront puissamment, au-delà des limites des hommes, des faiblesses personnelles, des impostures.

Robert Barcia croit faire de l'humour en terminant sa lettre par quelques phrases de dérision, ironisant sur le fait que s'il avait été capable de faire tout ce qu'on lui prête, il mériterait le pseudonyme de… Davy Crockett. Humour contestable, mais qui au moins a le mérite de rappeler que c'était une imposture que de prétendre à la " confiance absolue ". Ceux qui ont construit Lutte ouvrière, avec ce qu'elle a pu apporter de riche à l'extrême-gauche, ce sont tous les militants dont nous étions. C'est en invoquant cette " confiance absolue ", c'est-à-dire cette imposture absolue, que Robert Barcia a obtenu notre exclusion de Lutte ouvrière. Il le dit lui-même indirectement, dont acte.

Mais cela est un aspect secondaire des choses, les idées qui ont justifié dans le passé l'existence de Lutte ouvrière en tant que tendance de l'ensemble de l'extrême-gauche, gardent pour une part aujourd'hui leur fécondité, à condition de les dégager de ce carcan que, depuis dix ans, leur impose l'imposture de celui qui, s'il n'était certes pas un " politicien ", n'était pas un dirigeant politique capable de faire face aux nouvelles responsabilités de l'extrême-gauche.

Au delà de ces péripéties individuelles, le combat social, nos idées progressent, elles sauront trouver pour les défendre, pour mener jusqu'au bout le combat, des femmes, des jeunes, des hommes capables de se consacrer pleinement à la lutte intellectuelle, politique et sociale, ni politiciens, ni petits cadres soucieux de reconnaissance sociale, mais militants du mouvement ouvrier, pleinement comblés par la lutte, la fraternité et la camaraderie qui unissent tous ceux qui, en toute loyauté, s'y consacrent.