éditorial


Vive la révolte de la jeunesse iranienne

En Iran, depuis jeudi dernier, les étudiants manifestent, dans les principales villes universitaires du pays, s'affrontent aux forces de l’ordre et aux groupes paramilitaires islamiques. Parmi eux, de nombreuses femmes se sont jointes aux cortèges. Les manifestations grossissent, se durcissent à travers tout le pays, défiant les autorités tant religieuses que laïques. Le mouvement de contestation parmi la jeunesse - les 2/3 de la population ont moins de 25 ans – s’amplifie malgré la répression très dure qui a fait plusieurs morts et de nombreux blessés. Les slogans criés dans les manifestations," mort aux dictateurs" ," la liberté ou la mort" , attestent de la détermination des jeunes qui combattent pour la liberté.

Mercredi, les mollahs ont organisé une contre-manifestation de soutien au régime. Spécialistes de ce genre de manipulation, les religieux voudraient faire taire la jeunesse. Le président "réformateur" Khatami a choisi de mettre tout son poids pour étouffer la révolte en condamnant les étudiants et en appelant à la répression. Derrière le voile des promesses réformatrices, le sinistre visage du dictateur religieux réapparaît. Rien ne dit que les "réformateurs" volant au secours des "conservateurs" pourront mater la révolte. S'ils y réussissaient, ce ne serait qu'un répit momentané.

Cette révolte couvait, en effet, depuis de nombreux mois dans les universités soumises, comme toute la société, à la pression permanente des religieux islamistes qui imposent leur contrôle réactionnaire. L’interdiction par le pouvoir du journal Salam, partisan de réformes, a été le facteur déclenchant de la contestation étudiante. Face aux revendications des étudiants qui réclament la liberté de la presse et la démission du chef de la police responsable de la mort de leurs camarades, les quelques concessions faites par le pouvoir qui a révoqué des responsables subalternes de la police, sont bien impuissantes à faire cesser les manifestations.

Car derrière les revendications mises en avant, s’exprime une profonde révolte contre la dictature moyenâgeuse imposée par le pouvoir islamiste. La presse rapporte que des étudiants ont attaqué une voiture de police où se trouvaient des femmes arrêtées parce qu’elles étaient jugées insuffisamment voilées selon le code islamiste en vigueur. Le port obligatoire du voile pour les femmes, l’interdiction qui leur est faite d’occuper certains postes de travail, la légalisation de la polygamie, les pendaisons publiques, l’intervention de la religion dans tous les domaines de la vie sociale, la répression des mouvements grévistes comme celui des ouvriers du pétrole en 1997, sont imposés par la violence à toute la population. Et si, vingt ans après l’arrivée au pouvoir des islamistes, la dictature reste aussi féroce, c’est que le régime islamique n’a pas le soutien qui lui permettrait de relâcher sa pression et d’accorder la moindre liberté ; la chape de plomb qu’il est contraint de maintenir est la preuve de sa faiblesse. Serviteurs des classes privilégiées, les mollahs sont les garants de l'oppression et de l'exploitation de la grande majorité de la population. Les prétentions réformatrices de Khatami, le président, étaient là pour donner le change. Sans succès !

La jeunesse reprend le combat pour la liberté mené par les travailleurs et toute la population, en 1979 contre la dictature du Shah, l'ancienne créature de l’impérialisme américain et des trusts pétroliers.

Le soulèvement populaire avait alors été dépossédé de sa victoire par l’ayatollah Khomeiny et les islamistes, qui établirent leur dictature contre ceux-là mêmes qui leur avaient ouvert la route vers le pouvoir, la classe ouvrière et la population pauvre.

La victoire contre la monarchie a été volée à la population par les intégristes religieux. Si la révolution iranienne, qui fut un défi à l’impérialisme le plus riche de la planète fut dévoyée, ce n’est pas parce que la population aurait été fanatisée par l’islam comme aurait voulu le faire croire une presse méprisante pour les peuples des pays pauvres. Mais, parce que les travailleurs et les classes pauvres, privés d'une direction, désorganisés par des décennies de dictature, n'ont pu barrer la route aux intégristes qui se sont nourris de la misère d’un pays pauvre, pillé par les trusts occidentaux. Leur dictature, pas plus que celle du shah dans le passé, ne peut étouffer tout progrès, ni censurer toutes les aspirations à la liberté et au bien-être, qui inévitablement renaissent.

Les soi-disant démocraties occidentales ont toujours, en paroles et hypocritement, dénoncé le régime islamiste et ses attaques contre les libertés. Mais la dictature moyenâgeuse des religieux défend des intérêts très " modernes ", ceux du libéralisme, des Total, Shell, Lasno, qui appauvrissent toute la population pour continuer à engranger une part grandissante de profits. En 15 ans, le revenu moyen de la population a chuté de 50 % et comme partout, la situation de la classe ouvrière empire. Sous l’effet de la crise et de la baisse du cours du pétrole, les contrats précaires de travail se multiplient, les salaires sont souvent versés avec des mois de retard.

Malgré l’étau imposé par le pouvoir religieux et la pression des sociétés capitalistes iraniennes et occidentales, la société iranienne a évolué, par exemple, 50 % des étudiants sont actuellement des femmes. La majorité de la population aspire à une société débarrassée des interdits réactionnaires, à une vie digne et libre où les libertés concrètes soient possibles. Ces libertés, seuls les travailleurs qui, dans la lutte contre la dictature, ont toujours été au premier rang, pourront garantir leur réalité.

Les étudiants iraniens ont commencé à ébranler la dictature et le combat pour la liberté est un combat contagieux.