dans les entreprises et dans les quartiers


 


Sécu - Les 35 mesures de la CNAM : querelles de forme

La CNAM, par l’intermédiaire de son conseil d’administration, s’est auto-votée son plan de réformes. Même si la CGT et FO ont voté contre, il n’empêche qu’ils trouvent satisfaisante une partie des propositions.

Du coté des défenseurs absolus, c’est l’euphorie. Le MEDEF y voit : " un moment historique... fabuleux ", Nicole Notat : " une chance inouïe ", Jean-Marie Spaeth, lui, rêve " d’une petite révolution " (on a les révolutions qu’on peut). Bref, tout va bien.

Mais Martine Aubry fait la tête. Pour elle, ce plan n’est " qu’une contribution au débat ". En fait, cette soi-disant divergence entre la CNAM et la ministre ne cache rien de très important. Ce que Martine Aubry digère mal, c’est que Johanet et consorts veuillent lui dicter sa conduite pour la prochaine loi sur le financement de la Sécu en octobre. De plus, elle craint que les déclarations tonitruantes des uns et des autres ne suscitent des inquiétudes, voire de la colère, notamment dans le secteur hospitalier. Elle préférerait faire passer les mêmes réformes contre les assurés sociaux en douceur.

Mais la douceur, ce n’est pas le souci du MEDEF et de ses soutiens et ils entendent bien rappeler à la ministre qu’elle est là pour faire ce qu’ils veulent et rien de plus. Et ce n’est pas la seconde loi Aubry sur les 35 heures qui peut les faire changer d’avis.

Gilles Luca

CRAM de Rouen - ras l’bol au service social

Depuis plusieurs mois, le mécontentement régnait au service social de Rouen. Les absences de longue durée ne sont pas remplacées et l’on doit assurer en règle générale les permanences de deux postes avec en conséquence beaucoup de retard dans le traitement des dossiers individuels, voire l’impossibilité de les traiter. Devant cette situation, les assistantes et les secrétaires ont demandé maintes et maintes fois des embauches. " Impossible a répondu la direction, on ne trouve pas d’assistantes sur le marché du travail. Il faut organiser le travail autrement ". Lassées d’être menées en bateau, les secrétaires et les assistantes ont décidé de créer un " Collectif des secrétaires et assistants sociaux en colère " dont la première décision a été de s’adresser directement à l’ensemble du personnel du siège. Ainsi, une dizaine d’assistants et de secrétaires sont venus un matin distribuer un tract et discuter avec les employés du siège. Ils étaient soutenus par la CFDT et la CGT, même si la CGT regrettait que son sigle ne figure pas sur le tract. Pendant la distribution, les encouragements et la solidarité n’ont pas manqué. Et quelque temps après, miracle ! La direction trouvait des assistantes sur le marché du travail, des postes étaient pourvus et d’autres sont en cours de recrutement.

Ce que des mois de parlotes n’avaient pu faire, l’action décidée et démocratique du personnel l’a fait.

Les agents recenseurs ne s’en laissent pas conter

Alors que le gouvernement s’intéresse aux résultats du dernier recensement du siècle en France, les agents recenseurs de Paris, Nantes, Nîmes se sont organisés en collectifs pour exiger le paiement d’heures dues. Ceux de Lille veulent déposer une plainte contre la mairie pour non respect du contrat de travail. Etudiants, RMIstes ou chômeurs pour la plupart, ces 160 agents avaient été recrutés par la mairie pour deux mois. On leur avait promis d’abord, vu leur situation très souvent précaire, que leur contrat leur permettrait de conserver leurs prestations sociales dans la mesure où il ne dépasserait pas 50 heures de travail. Or, beaucoup ont reçu des fiches de paie déclarant 52 heures ! Ils avaient été recrutés pour un salaire moyen d’environ 3 000 francs, soit … 4 francs de l’heure, étant donné le nombre d’heures de travail qu’ils ont réellement effectuées parce qu’ils ont dû faire beaucoup de travail non compris dans le contrat. Par exemple, le repérage des immeubles, payé 106 francs, s’est révélé beaucoup plus long que prévu puisque, en fait, il fallait effectuer le repérage systématique de l’ensemble des habitations d’un quartier. Cela leur a pris 4 jours ! Leurs frais de transport n’ont pas été remboursés, le crédit téléphonique de 25 unités qui leur avait été chichement accordé a été rapidement épuisé. La mairie leur a fait faire aussi la relance des habitants absents, méfiants ou refusant de se faire recenser et c’est cela qui a le plus occupé, à leur corps défendant, les agents recenseurs. " Il nous a souvent fallu travailler jusqu’à 23 heures. On nous a interdit d’être accompagnés. L’une d’entre nous a été séquestrée par un habitant, une autre a fait l’objet d’une tentative de viol " a expliqué une femme agent recenseur qui s’est faite accompagner par un ami, malgré l’interdiction. Ils ont ainsi été contraints de faire " un boulot de flic : il fallait obtenir le plus de renseignements possibles sur l’habitat des gens, leur intérieur, leur standing. On ne nous a pas caché que cela servirait, éventuellement, à réévaluer les taxes d’habitation " comme le disait un agent en colère.

Par ailleurs, durant le recensement déjà, un agent recenseur avait été licencié sans préavis par la mairie de Boulogne-Billancourt. Elle lui reprochait de ne pas être " assez rentable " et d’être une forte tête. Ce travailleur, auparavant chômeur et toujours responsable d’une association de chômeurs, avait tout simplement fait son travail à son rythme et revendiqué que les agents disposent au moins d’un local à la mairie pour se retrouver et travailler. Comme il ne s’est pas laissé faire, qu’il a dénoncé le fait que ces contrats de droit privé, même pour un mois ou deux, ne comprenaient aucune clause concernant la procédure de licenciement et qu’il a voulu continuer son travail, la mairie l’a tout simplement fait arrêter par ses gendarmes.

Des délégués du recensement s’étaient déjà organisés pour le paiement de toutes les heures effectuées dans plusieurs villes. La mairie de Lille, pour l’instant, se lave les mains. Elle a expliqué au collectif des agents que les problèmes ne relevaient pas d’elle, mais de l’Insee avec lequel elle travaillait ! Mais les ex-agents, aujourd’hui pour la plupart chômeurs, recomptent leurs heures et demandent des comptes aux deux, considérant que, comme tous les travailleurs, ils ont des droits à défendre collectivement.

Grève à la Sovab : les travailleurs obtiennent de ne pas faire de samedis imposés avec les 35 heures

500 ouvriers, 50 % du personnel de la production de cette usine de Batilly, en Meurthe-et-Moselle, qui compte 3 000 personnes, dont 850 intérimaires qui fabriquent des véhicules utilitaires du type Trafic et Master, se sont mis en grève le 1er juillet à l’appel de l’intersyndicale. Dans le cadre du passage aux 35 heures, lors de la quatrième réunion sur la RTT, la direction a essayé d’imposer 8 samedis de travail en plus par an pour chacune des trois équipes. Pour la direction de cette filiale de Renault, si l’accord-cadre signé en avril par tous les syndicats sauf la CGT mettant en vigueur les 8 samedis travaillés dans le cadre de la flexibilité ne s’appliquait pas " obligatoirement " à la Sovab, ces samedis travaillés devenaient impératifs " pour répondre au marché " ! Elle voulait, de plus, revoir le calcul de l’intéressement en passant d’un critère qualitatif à un critère de " productivité ". Les ouvriers, qui veulent avant tout que les 35 heures se traduisent par des embauches, ont vu que 8 samedis travaillés par an, c’était 24 journées " gagnées par la direction ". Les syndicats ont fait une simulation qui a montré que les samedis travaillés ne seraient récupérables qu’à partir de 2001/2002 !

Alors, les travailleurs ont bloqué avec des déchets les ronds-points conduisant à l’usine et empêché l’entrée de tout camion livrant du matériel des équipementiers. La direction a multiplié les pressions ; le directeur du site a envoyé au début de la grève un courrier à chaque salarié expliquant que le " conflit n’était dû qu’à une minorité de salariés ", des chefs ont téléphoné aux familles de grévistes leur disant que " si cela continuait, elles allaient avoir du mal à boucler les fins de mois "... Il y a même eu un jeune cadre qui a annoncé, juché sur un conteneur, qu’il avait obtenu 1100 signatures, essentiellement d’intérimaires, à une pétition pour la levée des barrages et qu’il les transmettrait au préfet ! Un intérimaire a alors dit : " nous, on ne peut pas faire grève mais on est solidaire du mouvement. Ce qu’on vise, c’est l’embauche ". " S’il faut qu’on mobilise plus large, on le fera, a repris un délégué CGT, on aura avec nous la population du secteur, les retraités, les équipementiers qui se font du souci ". Et lorsque mercredi 7 juillet, 11 salariés, dont quelques délégués syndicaux, ont reçu des lettres d’entretien préalable à un licenciement pour faute lourde, la détermination n’a pas baissé.

Les grévistes ont repris le travail lundi 12, après avoir obtenu pour l’ensemble des salariés que le travail des samedis, limité à 8 par an, se fasse en respectant un délai de prévenance de trois semaines avec un appel au volontariat pendant la première semaine de ce délai. Il y aura une prime de 150 francs pour les volontaires et de 600 francs fin juillet dans les départements de la fabrication et des services concernés par le problème. Les travailleurs ont aussi obtenu l’annulation du licenciement de leurs camarades pour fait de grève.

Non aux expulsions de logement !

Cet été à Bordeaux, en réponse aux difficultés financières croissantes de certaines familles, pour la plupart vivant en HLM, les expulsions vont bon train. Depuis quelques semaines, AC ! a ainsi reçu de dizaines de familles désemparées, des demandes d’aide, suite à un avis d’expulsion de leur logement. Plusieurs familles lourdement endettées, qui rencontrent les difficultés du chômage ou qui ont encore à leur charge des enfants qui galèrent sans travail, ont été expulsées de leur logement ou vont l’être. Si beaucoup de cas sont connus, parce que ces familles osent s’adresser aux associations comme AC !, pour refuser les expulsions et trouver des réponses collectives, beaucoup sont expulsés, impuissants, et se retrouvent dans des situations encore plus précaires et critiques. Actuellement, parmi les cas d’expulsion connus, une famille de trois enfants dont un bébé de quelques mois, se retrouve devoir vivre dans une chambre d’hôtel, sans perspective de relogement. Les organismes de HLM, les principaux " expulseurs ", n’ont que faire des situations des familles. L’Habitation économique a ainsi expulsé une famille à qui la CAF devait un rappel d’APL de plus de 40 000 F. Mais voilà, le premier versement de 23 000 F n’a pu suffire à éponger la dette et l’Habitation économique, sans même attendre le deuxième versement, a expulsé la famille. Une autre famille de Mérignac a reçu de la Maison girondine son arrêté d’expulsion pour le 26 juillet. Cette famille, qui a quatre enfants à charge, risque de se retrouver à la rue alors que depuis plusieurs mois, la Maison girondine fait prélever sur le salaire du foyer des mensualités pour rembourser les arriérés de loyer, et que la situation de cette famille peut lui permettre aujourd’hui de recommencer à faire face aux charges de son logement. Mais la procédure est lancée, le préfet a signé l’arrêté d’expulsion et la Maison girondine ne veut plus rien entendre. La mairie de Mérignac, alertée, n’a rien trouvé de mieux que de proposer un relogement d’urgence dans un hôtel meublé de Gradignan, à l’enseigne bien choisie " enfin un vrai chez-soi " ! et qui coûtera du 26 juillet au 31 août, " tous frais compris ", la somme de 7 511 F, pour quatre membres de la famille. Les services du maire PS, Sainte-Marie, avaient aussi une autre solution : la mère des enfants n’avait qu’à se faire héberger quelque temps par sa sœur qui vit à 500 km de Bordeaux, pendant que le père prendrait une chambre sur Bordeaux pour conserver son travail... Un jeune travailleur d’une trentaine d’années vient lui aussi d’être expulsé de son logement, et n’a retrouvé qu’une chambre d’hôtel à 1 800 F par mois.

D’un côté, le gouvernement fait des discours contre l’exclusion et fait semblant d’y remédier en faisant grand tapage autour d’une loi dont on n’entend plus aujourd’hui parler, de l’autre, les organismes de HLM expulsent en toute impunité. Les familles expulsées ont besoin de toute notre solidarité, car on ne peut s’opposer au cynisme et à la brutalité des logeurs qu’en luttant pour notre droit au logement collectivement.