Editorial


Le drame du séisme amplifié par l'incurie et l'égoïsme des classes dominantes et de la dictature turque, fidèles alliées des grandes puissances

Le tremblement de terre survenu dans la nuit du lundi 16 août dans la région d’Izmit, au nord de la Turquie, a fait 18 000 morts et peut-être bien plus, 33 000 blessés, des milliers de disparus, ensevelis sous les décombres des habitations effondrées et 200 000 sans abri. Face à ce drame humain, le président turc, Suleiman Demirel, a déclaré avec cynisme : " ce tremblement de terre nous a été envoyé par Dieu. Nous ne pouvons pas faire de miracle ". Le représentant des classes dirigeantes turques prêche à la population la résignation, l’acceptation de son sort, au nom du fatalisme, de l’accomplissement inévitable de cet événement imprévisible que serait un séisme. Ces déclarations superstitieuses, réactionnaires, faisant appel à la soumission devant l’accomplissement d’une soi-disant volonté divine vis-à-vis de laquelle les hommes seraient impuissants, servent au responsable de la dictature turque à justifier l’incurie des classes dirigeantes et du régime politique à faire face aux conséquences du tremblement de terre.

Le ministre turc de la Santé, excédé par la présence des secours qui révélait sa passivité et son indifférence, s'en est pris violemment " à l'aide étrangère " pour détourner la colère de la population. Aujourd'hui, les secours extérieurs partis, le peuple turc est seul face à son drame, seul face à l'armée, d'autant plus présente pour encadrer la population qu'elle fut absente pour secourir et aider.

Le prix énorme en vies humaines et en destructions payé par la population est la conséquence de l’incapacité totale du régime, au service exclusif des intérêts des classes riches, à prendre en compte les intérêts collectifs. La dictature turque bénéficie de la solidarité des gouvernements occidentaux qui, derrière leurs discours qui se prétendent modernes sur la démocratie, soutiennent un régime plein de sollicitude pour les intérêts des trusts capitalistes et qui sert à contrôler les travailleurs et la population pauvre.

Malgré la discrétion de la presse sur les témoignages de colère et de révolte de la population turque accusant le régime de la responsabilité du drame qu’elle vit, et non la fatalité, la réalité est tout de même apparue : d’un côté, des dirigeants, affichant leur mépris et irresponsables, de l’autre, la solidarité de toute une population dont le dévouement pour aider à sauver des vies est sans limites.

Car s’il semble qu’il est impossible de prévoir le moment exact où se déclenchera un séisme, par contre, les responsables du régime ne pouvaient pas ne pas savoir que la Turquie, qui a déjà connu plusieurs tremblements de terre, est située dans une zone à risques. Pourtant, les entrepreneurs du Bâtiment ont continué à construire à tour de bras des habitations sans aucun souci de la réglementation prévue pour les constructions situées en zones dangereuses et l’Etat, complice de l’enrichissement privé, a fermé volontairement les yeux sur les risques encourus par la population. Si bien que dans les quartiers populaires, les habitations se sont effondrées instantanément, emprisonnant leurs occupants sous les décombres.

Les secours ont été quasiment inexistants du côté des autorités qui ont laissé la population livrée à elle-même. La dictature turque entretient une armée pléthorique, 800 000 hommes, pour mater la révolte du peuple kurde comme les manifestations ouvrières et imposer la défense des intérêts des classes riches. Son rôle n’est pas de garantir la sécurité des populations. Et lorsque des engins ont été envoyés, cela a été des pelleteuses pour évacuer les ruines des immeubles et non du matériel pour détecter de possibles rescapés et les secourir. Les habitants des quartiers sinistrés, aidés par des habitants accourus de toute la Turquie et des sauveteurs étrangers, ont pris en main l’aide aux survivants, déblayant le plus souvent à mains nues les gravats, persévérant de longues heures, malgré la fatigue et le désespoir.

Prétextant la possibilité d’épidémies pouvant se propager à partir de ceux qui sont restés prisonniers sous les habitations, le gouvernement a donné l’ordre d’arrêter les recherches et aux sauveteurs étrangers de quitter la Turquie. Pourtant, jusqu’au dernier moment, des survivants ont été délivrés et sauvés. Le gouvernement, incapable de mobiliser toutes les ressources pour venir au secours des populations, est pressé de faire cesser une situation qui ne peut que contribuer à ce que la révolte s’exprime ouvertement. Et il continue à afficher son mépris des vies humaines, dévoilant toujours plus son cynisme, en sacrifiant les rescapés possibles qui pourraient encore être secourus.

Ceux qui ont échappé à ce drame survivent comme ils le peuvent, dans des conditions d’hygiène déplorables, campant dans les rues, les jardins, sans savoir où aller, ayant tout perdu. L’indifférence du gouvernement turc à leur égard n’a d’égale que celle des dirigeants des pays riches qui, de la même façon qu’ils n’ont envoyé des sauveteurs expérimentés qu’au compte-gouttes, ne prennent aucune initiative pour aider la population. Ils ont des milliards pour la guerre ou les batailles boursières mais que des miettes pour secourir les peuples.

Leur puissance et leur richesse, leurs prétentions démocratiques, ne suffisent pas à masquer qu'ils sont aussi corrompus que les classes dominantes et l'Etat turcs. Aussi indifférents à la souffrance, aveuglés par leur cynisme et leur peur des masses, la peur qui hante les régimes condamnés.