Les 35 heures ne suppriment pas lintérim mais lencouragent
" Le jour où on a prononcé les mots " trente-cinq heures ", toutes les formes de flexibilité du travail ont explosé. Et la profession y a gagné au moins un tiers de son volume dactivité " : cette affirmation du directeur-adjoint de lagence dintérim Manpower est confirmée par les chiffres. Pour lintérim, devenu premier employeur privé en France en 1998, ces dernières années ont été excellentes. Et le lancement des 35 heures, une aubaine. En augmentation de + 23 % en 1997 et de + 28 % en 1998, le marché de lintérim se porte très bien avec 10 millions de contrats signés en 1998 contre 8,3 en 1997, soit léquivalent de 445 500 emplois à temps plein.
Les patrons ont intérêt à employer des intérimaires dans le cadre des 35 heures et ils le disent. Selon un sondage BVA-Manpower de mai 1999, 73 % des patrons pensent que le passage aux 35 heures naura pas dimpact sur le recours aux intérimaires. Sur les 27 % qui ont répondu que les 35 heures auraient un effet sur le recours à lintérim dans leur entreprise, 70 % ont déclaré quils prendraient davantage dintérims. Et 70 % pensent que les 35 heures ne les empêcheront pas de recourir aux CDD. Quant aux autres, ils anticipent, dans les trois quarts des cas, un recours accru aux contrats précaires. Le directeur des ressources humaines dIBCT déclare : " Si je signe un accord de RTT prévoyant des recrutements, je continuerai à utiliser des CDD comme période dessai ". Ford Aquitaine, qui se vante de se préparer à faire 190 embauches compensatrices en CDI sur les 3 000 personnes en production parmi les 340 intérimaires qui ont tourné dans lentreprise dans les douze derniers mois, va recourir encore au travail temporaire. Les accords sur les 35 heures prévoient dailleurs que les embauches compensatrices, si elles ne peuvent pas se faire en intérim, peuvent lêtre sous CDD.
Les patrons sexpliquent très bien ce rebond de lintérim et du travail précaire et son augmentation prévue dans le cadre des 35 heures. Ils disent que " le contexte politico-économique ne contribue pas à débloquer lattentisme ambiant ". En clair, lintérim et le travail précaire leur permettent davoir de la main doeuvre disponible toute lannée ou seulement au moment où ils en ont besoin en attendant de voir venir les affaires, que ce soit au niveau national ou international. Ils disent de plus que lintérim est facile à mettre en place pour 76 % dentre eux, plus facile que lannualisation du temps de travail qui impose un délai de prévenance dans lorganisation du travail. Enfin, les patrons tablent sur des " changements de mentalités " entraînés selon eux par lintérim et encouragés par les 35 heures. Ils disent que " peu à peu, lintérim sest installé dans le paysage social comme une forme honorable demploi au point que 62 % des entreprises du sondage en font un véritable outil de préembauche, à linstar du CDD ". Les patrons voudraient que les bas salaires, la modulation et lélasticité des horaires des contrats en intérim, grâce aux accords sur les 35 heures " sinstallent et concernent les salariés maison. On ne fera plus la différence entre les permanents et les autres ". Et le DRH de lagence dintérim Védior-Bis se met à rêver : " Tout le monde sera logé à la même enseigne ! Demain, nous ne parlerons plus demplois précaires mais demplois flexibles. Les intérimaires ne seront plus des soupapes dajustement mais un potentiel dintégration dans la nouvelle organisation du travail ".
Les patrons énoncent ainsi clairement leur politique ; ils ont besoin, pour continuer à faire des profits dans le contexte de crise et de concurrence exacerbée actuel, de réduire au maximum " le coût salarial " et de nous faire travailler seulement quand cela les arrange. Pour ne pas devenir tous flexibles, nous voulons devenir, embauchés comme intérimaires, unis et inflexibles contre les intérêts du patronat.
Sophie Candela
Explosion du travail domestique salarié : lEtat subventionne les riches pour les aider à exploiter les pauvres
A la question " où se crée lemploi en France ? ", la revue Alternatives économiques, dans un dossier intitulé " lEldorado des emplois domestiques " répond : " chez vous ", et démontre que les emplois de femmes de ménage, gardes denfants ou aides aux personnes âgées ont explosé ces dernières années.
Le nombre de ces emplois domestiques, précaires et mal payés, a progressé de 360 000 entre 1991 et 1997, passant de 467 000 à 830 000, les femmes de ménage représentant 90 % dentre eux. " On assiste au retour dune classe servile ", selon les mots dun sociologue, par le recours devenu massif au travail salarié domestique.
Depuis la fin des années 80, lEtat a inventé des systèmes de réduction dimpôts et dexonération de charges sociales pour les particuliers employant des salariés à domicile. Il dépense aujourdhui 36 milliards de francs par an (léquivalent des budgets du ministère de la Justice et de la Culture réunis) à subventionner ces emplois dits " de proximité ", cest-à-dire à transformer les tâches domestiques en travail salarié, au service des riches. Seguin, ministre du Travail, avait inauguré cette politique en 1987 en créant lallocation de garde denfants à domicile (Aged) ; la gauche la poursuivie en létendant à tous les travaux domestiques, quels quils soient : un foyer peut déduire de ses impôts 50 % des sommes consacrées au versement dun salaire de domestique et réaliser une économie qui peut atteindre 12 500 F de limpôt sur le revenu. Les 1,6 millions demployeurs (contre 630 000 en 1991) se comptent chez les ménages les plus aisés : 40 % des couples dont les revenus dépassent 400 000 F annuels emploient du personnel domestique, de même quun couple de cadres sur 3, que la femme travaille ou non.
Les emplois domestiques sont des boulots précaires et mal payés, dans lesquels les salariés, dont la majorité sont des femmes, nont quasiment aucun recours, le patron étant maître chez lui. Il existe bien une convention collective des employés de maison depuis 1980, mais il est rare de pouvoir la faire respecter, les inspecteurs du travail ne pouvant intervenir chez des particuliers. Lemployé reste à la merci de la volonté du patron qui peut le licencier comme il lentend, en toute impunité. Les relations entre patron et salarié sétablissent dans la majorité des cas " de gré à gré ", que ce soit pour le salaire ou la définition des tâches.
Les salaires sont rarement supérieurs au Smic horaire. Une partie des heures peut même nêtre rémunérée quau deux tiers du Smic, lorsquil sagit dheures de " présence responsable ", non considérées comme du travail effectif, comme cest le cas pour les gardes denfants ou de personnes âgées, durant lesquelles lemployée est censée pouvoir faire autre chose.
Un quart des salariés est employé moins de 2 heures et demie par semaine ; la moyenne sétablit à 9 heures. Moins de 5 % des employées de maison travaillent à plein temps. Les horaires sont souvent morcelés, obligeant à chercher plusieurs employeurs pour se faire un salaire minimum.
La politique de subvention aux particuliers sétend aussi aujourdhui à des milieux moins aisés, pour les gardes denfants par exemple ou laide à domicile aux personnes âgées, palliant à la carence de lEtat en matière de budgets sociaux et de service public. Les infrastructures collectives daccueil des enfants par exemple sont très largement insuffisantes : il nexiste aujourdhui que 210 000 places de crèches pour 2,1 millions denfants âgés de 0 à 3 ans, situation qui oblige beaucoup de femmes de milieux modestes à accepter des temps partiels mal payés, et les fait plonger dans la précarité.
Catherine Aulnay
A l'hôpital J. Monod au Havre, les mauvais coups pleuvent en plein mois d'août
La direction a décidé de procéder à une
restructuration qui, dans une première vague, supprimerait une centaine
de postes équivalent temps plein (ETP) sur létablissement.
Les instances (Comité Technique dEtablissement et Conseil
DAdministration) nont même pas été réunies.
La direction agit
sur demande de lAgence
Régionale dHospitalisation, daprès les résultats
dun audit, concernant le pourcentage doccupation des lits et
un rapport entre lactivité et le nombre de personnels comparés
aux moyennes nationales. Elle a demandé aux patrons des services et
aux encadrants de leur proposer des scénarios de fonctionnement avec
pour les urgences -20 équivalents temps plein, pour la cardiologie
-12, pour la neurologie -8, pour la pneumologie -5.
Les services de gastro et de pédiatrie seront également concernés mais pas de chiffre pour linstant. Par ailleurs sont déjà effectives les fermetures des services de neurochirurgie, dermatologie, hospitalisation de courte durée. Le nombre de lits supprimés est encore imprécis. La direction pour linstant ne parle pas de licenciements secs. Les seuls postes proposés aux agents de J. Monod qui devront partir sont la gériatrie, la psychiatrie, la rééducation fonctionnelle. Elle espère ainsi voir beaucoup dinfirmières démissionner ou accepter un chantage au temps partiel pour ne pas partir. Mais ses plans peuvent être déjoués !
Sur le coup, pour le personnel, cela a été le coup de massue sur la tête. Mais maintenant les agents commencent à parler de se battre pour faire reculer ce plan de suppressions de postes qui vise à rentabiliser ce qui ne peut pas lêtre : un service public de santé.
Une intersyndicale (CGT-FO-CFDT-SUD CRC) sest réunie et a demandé à la direction pour le 2 septembre la réunion dun CTE extraordinaire. Pour ce même jour, un préavis de grève est déposé. Lintersyndicale appelle à un rassemblement devant les locaux de la direction.
Conscients que cette politique de suppressions demplois dans la Santé au Havre sintègre dans un plan de politique nationale déconomies sur la Santé, de nombreux agents expriment la nécessité dune bagarre à léchelle nationale.
CHU de Bordeaux : prescriptions médicales sous surveillance
La Direction fait ventiler dans tous les services des étiquettes autocollantes qui devront être obligatoirement apposées sur toutes les ordonnances prescrites par un médecin de lhôpital lors du passage dun patient en consultation, aux urgences sans hospitalisation ou lors de la sortie dun malade hospitalisé. Cest ce qui est appelé la mise en uvre des " ordonnances protégées ". Et la Direction ne fait quappliquer un décret et des textes réglementaires pris par le gouvernement en mars 99, sinscrivant tout à fait dans la campagne démagogique menée par Aubry, Kouchner et ceux qui les ont précédés contre notre soi-disant surconsommation de médicaments et de soins.
Dans les instructions données par le gouvernement, il est dit quà compter du 1° janvier 2 000 chacune de ces ordonnances devra mentionner le nom du service, le nom du chef de service et le nom du praticien qui a prescrit. Et, dans la note explicative, sil est précisé dabord que lobjectif cest de mieux contrôler lusage des substances vénéneuses et des drogues, quelques lignes plus loin, on peut lire :
" CONTENU DES PRESCRIPTIONS VISEES : - les médicaments, - les pansements, -les indemnités journalières, - les frais de transports, - les frais dauxiliaires médicaux, - les analyses et prélèvements, -les cures thermales et autres postes divers "
Comme on le voit, nous sommes loin de la drogue ! Il sagit, là encore, de surveiller et si possible de restreindre tout ce qui est indispensable à notre santé et dont nous sommes sans cesse accusés dabuser.
Après les médecins libéraux, cest sur ceux des hôpitaux que le gouvernement veut mettre la pression pour faire de nouvelles économies sur la santé. Et en obligeant chaque médecin à signer ses prescriptions, cest un avertissement clair qui leur est donné : attention à ceux qui pourraient se montrer trop généreux.
Serge Constant