éditorial



Content et satisfait de lui-même, Jospin voudrait nous convaincre que ça va mieux : bluff et duperie

Oui, il se passe quelque chose en France et cette coupe du monde en apporte sinon la preuve, du moins des images. Celle d’une nation unie et d’une nation qui gagne " écrivait le " Journal du Dimanche " dans un article intitulé " Quand la France s’enivre… ". On ne sait pas trop qui s’enivre et qui se saoule de mots ou plutôt si, on ne le sait que trop, ce sont ces journalistes faiseurs d’opinion, zélés serviteurs du pouvoir. Ils rêvent de galvaniser nos enthousiasmes pour nous faire applaudir, en applaudissant les joueurs, le drapeau tricolore, ainsi que les sponsors et autres affairistes qui se cachent derrière.

C’est à ce même exercice que s’est livré Jospin dimanche dernier à la télé juste avant l’heure habituelle des matchs. Au passage, il a essayé de s’approprier un petit bout de la popularité toute nouvelle de Zidane et de Jacquet. Il pose à l’homme ouvert et sportif et surtout affiche un contentement de lui qui n’est qu’un franc mépris pour toutes les victimes de sa politique.

Lui aussi se met à rêver de cette France qui gagne et se réjouit de voir " ceux qu’on appelle les blacks et les beurs ", selon ses propos, " avec des drapeaux tricolores, chantant la Marseillaise ".

Le même, juste quelques instants après, affirmait sa volonté d’appliquer jusqu’au bout la loi de Chevènement sur l’immigration. Pas question de régulariser l’ensemble des sans-papiers, ce qui pourtant ne poserait pas le moindre problème. Jospin pose à l’homme moderne sans pour autant oublier qu’il faut savoir faire des concessions aux préjugés réactionnaires que cultivent la droite et l’extrême-droite dans ce pays où le racisme sévit plus que dans aucun autre pays d’Europe.

Mais pour Jospin, tout va mieux.

Oui, tout va très bien, pour tous les privilégiés du régime, tout va très bien pour la Bourse et les financiers, alors que pour l’immense majorité de la population, la situation continue de se dégrader. Oh, bien sûr, les dernières statistiques du chômage indiquent un léger recul. Ce recul n’est que circonstanciel et momentané, et surtout insignifiant. Les nouveaux emplois ne sont que des emplois précaires, souvent payés en dessous du SMIC, alors que le chômage longue durée devient de plus en plus important.

Parallèlement à la progression des emplois précaires, un peu partout dans le pays, les licenciements se multiplient, à l’exemple des 3 000 licenciements de GIAT-Industrie, entreprise spécialisée dans l’industrie d’armement. Dans le même temps, les négociations sur l’application de la loi des 35 heures se font au plein bénéfice du patronat. Soutenu et encouragé par le gouvernement, il bloque les salaires, empoche les subventions et se donne la possibilité de maintenir le temps de travail à 39 heures, voire de l’augmenter en augmentant les contingents d’heures supplémentaires.

Le gouvernement vient de ressortir l’éternel déficit de la Sécurité Sociale. Il en profite au passage pour régler quelques comptes avec son prédécesseur Juppé et faire mine d’appliquer une autre politique en annonçant par l’intermédiaire de Martine Aubry qu’il entendait faire payer 1,5 milliard à l’industrie pharmaceutique, et imposer aux médecins la réduction des dépenses de santé.

Parce que ces mesures ne correspondent pas, pour une fois, à une hausse directe des cotisations ou à une diminution des remboursements, le gouvernement voudrait faire croire qu’il mène une politique de gauche favorable aux salariés. C’est faux. Ces mesures sont dans la continuité du plan Juppé. Les prélèvements qui seront imposés à l’industrie pharmaceutique ne représentent qu’une faible part de ce qu’elle reçoit en permanence de l’Etat ou de la Sécurité Sociale, et c’est bien aux salariés que le gouvernement s’en prend quand il veut imposer aux médecins de diminuer les dépenses médicales.

Jospin tente de donner le change. Il voudrait nous faire croire que nous faisons tous partie de la même équipe, l’équipe de France, qui doit serrer les rangs pour affronter la concurrence. C’est une duperie destinée à nous désarmer face à la dégradation constante de nos conditions d’existence comme aux mauvais coups que le gouvernement et le patronat nous préparent. Les succès et les victoires ne seront pas pour nous, ils seront pour les financiers et pour la Bourse et c’est nous qui en paierons les frais. Ne tombons pas dans le piège du nationalisme et du chauvinisme, qui conduisent au racisme que flattent les démagogues qui cherchent à nous diviser.

Notre France à nous, c’est celle des travailleurs, de quelque origine ou nationalité qu’ils soient et elle a des intérêts opposés aux privilégiés et aux politiciens qui plastronnent, baignent dans l’euphorie de l’argent qui coule à flot dans leurs poches et nous prennent pour des gogos qui applaudirions à notre propre défaite. Notre drapeau est rouge, nos alliés, ce sont les travailleurs d’Allemagne, d’Italie, d’Angleterre ou de Croatie…, les travailleurs de tous les pays avec lesquels nous construirons une Europe et un monde débarrassés de l’exploitation.

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La provocation des minorités loyalistes en Ulster contre la paix et pour défendre leurs petits privilèges

Les parades annuelles de l'ordre d'Orange, confrérie protestante réactionnaire qui défend le rattachement à l'Angleterre, ont été cette année encore l'occasion de provocations et de violences, l'occasion pour ces ultra-loyalistes d'occuper le terrain contre les négociations de paix.

Les incidents ont commencé le week-end dernier à Portadown, à trente kilomètres de Belfast, lors de la première parade qui a rassemblé plusieurs milliers d'orangistes pour leur procession à l'église de l'Ascension, dans le quartier de Drumcree. Ces parades commémorent chaque année la victoire du roi anglais Guillaume d'Orange sur les " papistes " irlandais en 1690, et se veulent une " démonstration de puissance " des protestants, et sont en fait une véritable provocation puisqu'elles traversent traditionnellement les quartiers catholiques, et ont provoqué ces deux dernières années de véritables émeutes et des affrontements violents entre orangistes et catholiques.

Cette année, les orangistes se sont heurtés à la décision des autorités d'interdire à la parade la traversée du quartier catholique de Gavarghy Road, et le gouvernement de Blair, au nom du respect de l'accord de paix, a envoyé en renfort de la police locale un millier de soldats anglais, contre un éventuel coup de force des loyalistes. Ce n'est pas la première fois que les autorités tentent d'empêcher la traversée du quartier catholique, et l'année dernière, 4 jours d'émeutes étaient venus à bout de l'interdiction, la police (en grande majorité protestante) avait cédé, évacué les quartiers catholiques pour le passage de la parade. En 1996, cinq jours d'affrontements violents avaient fait plusieurs morts.

Qu'en sera-t-il cette année ? Les loyalistes semblent décidés à mener le bras de fer comme les y a appelés leur leader, le réactionnaire révérend Ian Paisley. Dans la nuit de dimanche à lundi, dans toute la province et à Belfast, des commandos de jeunes loyalistes ont provoqué des affrontements qui ont fait plusieurs blessés.

Ces ultra-minoritaires de l'ordre d'Orange, appuyés par des milices para-militaires, sont opposés à l'accord de paix et au partage du pouvoir avec les catholiques. Leurs méthodes sont celles du terrorisme et de la provocation pour faire taire, essayer d'enfermer les deux communautés dans une haine réciproque, en s'appuyant sur les préjugés religieux, les craintes et le désarroi d'une fraction de travailleurs protestants touchés par le chômage et le développement de la misère, et à qui les travailleurs catholiques sont présentés comme des concurrents.

Lors des dernières élections à l'assemblée d'Irlande du nord, le DUP (Parti Démocratique d'Ulster), le réactionnaire parti de Paisley, avait comme objectif d'atteindre les 30 députés lui permettant de bloquer le fonctionnement de l'assemblée. Il a été loin d'atteindre cet objectif. Les travailleurs protestants ont voté pour l'accord de paix, car ils aspirent comme les catholiques à en finir avec la violence entretenue par les loyalistes, le nationalisme protestant leur apparaissant tout autant comme une impasse.

Mais les travailleurs, catholiques et protestants, ne peuvent pas faire confiance aux politiciens des partis parlementaires qui se partagent aujourd'hui le pouvoir dans la nouvelle assemblée, et qui leur promettent la paix et le retour à la prospérité.

Car tous ces politiciens, représentants de l'une ou l'autre des communautés, s'apprêtent à mener au pouvoir une politique qui sert les intérêts de la bourgeoisie et du patronat irlandais, anglais ou américain contre la classe ouvrière, en offrant aux investisseurs étrangers, selon les mots d'un directeur de la chambre de commerce " une main d’œuvre moins chère que dans la plupart des pays d'Europe... aussi bon marché que celle du Portugal ". C'est leur même intérêt à lutter contre la politique du patronat et des financiers qui les réduit au chômage et à la misère, qui peut unir les travailleurs des deux communautés, catholiques et protestants, pour assurer demain une véritable paix, qui respecte les droits de chacun.

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 Le gouvernement désigne pêle-mêle les médecins et l’industrie pharmaceutique comme responsables du déficit de la sécurité sociale

Le gouvernement Jospin, jusqu’ici, tout en se gardant bien de l’affirmer à haute voix, se situait dans la droite ligne du plan Juppé, - lui-même préparé par un précédent plan Rocard -, remettant en cause le droit à se soigner pour la population au nom de la nécessité de respecter des critères de maîtrise des dépenses pour empêcher de creuser le déficit budgétaire. Mais si les recettes de la Sécurité Sociale baissent, c’est avant tout parce que le chômage frappe de plein fouet les salariés et que le nombre des cotisants ne cesse de décroître. Martine Aubry, relayée par plusieurs ministres, avait lancé une campagne destinée à culpabiliser les assurés sociaux. Elle vient d’annoncer une série de mesures pour équilibrer les comptes de la Sécurité Sociale en attendant d’autres mesures en préparation pour les mois prochains. Elle a choisi de ne pas augmenter les cotisations des assurés, ni baisser le montant des remboursements, l’un des plus bas des pays européens. Ce qui ressort clairement des Comptes nationaux de la Santé publiés le 7 juillet : la croissance de la consommation médicale - soins hospitaliers, médecine, médicaments - est en baisse en 97 par rapport à 96 et elle est même " la plus faible depuis 1970 ". " Rien ne permet de justifier que nous demandions un effort supplémentaire à nos concitoyens " a déclaré la ministre, ce qui est bien le moins. Prenant une pose ferme et responsable, elle prétend remettre en cause le plan Juppé qualifié " d’acte courageux " mais " d’échec financier, psychologique et juridique " et désigne pêle-mêle les médecins et l’industrie pharmaceutique comme responsables de l’envolée des dépenses. Le plan Juppé, ce sont les manifestations de novembre-décembre 1995 qui l’ont rejeté, il a fallu plus de deux ans au gouvernement Jospin pour oser dire, à mots couverts, qu’il n’était pas une bonne solution et tenter un geste vis-à-vis de son électorat de gauche. Pour l’année en cours, le déficit de la Sécurité Sociale doit être réduit de 12 milliards dont 1,5 à deux milliards seront demandés à l’industrie pharmaceutique, 450 millions aux radiologues, 400 millions aux biologistes ; la consommation d’anti-dépresseurs et d’antibiotiques doit baisser de 10 % d’ici fin 1999. " Que les médecins ne s’y trompent pas, il n’y aura pas de relâchement. Le gouvernement ne tolérera aucun dérapage des dépenses d’assurance-maladie " selon Aubry qui, en désignant les trusts pharmaceutiques et les médecins comme responsables, a recours à l’arme de la démagogie, car les profits mirobolants et opaques des uns sont sans commune mesure avec le niveau de vie des autres. Elle agite la menace de limiter la consommation de certains médicaments ne cachant pas que d’autres pourraient être visés d’ici septembre, date à laquelle sera voté le financement de la Sécurité Sociale pour l’année prochaine. En ce qui concerne la participation financière des trusts pharmaceutiques, rien ne dit qu’elle sera effective : déjà, en 1996, le plan Juppé prévoyait 2,5 milliards de francs de participation de leur part, décision qui avait soulevé un tollé de leur part et dont la réalité, par manque de contrôle sur les profits, est restée inconnue. Une fois de plus, il y a de fortes chances que le contrôle s’exerce davantage sur les prescriptions des médecins que sur les bénéfices des grands groupes pharmaceutiques dont le chiffre d’affaires en 97 de 100 milliards de francs montre que les 2 milliards de réduction de leurs dépenses ne sera pas pour eux un gros handicap. Les mesures annoncées ne suppriment pas la menace de nouvelles attaques contre les dépenses hospitalières désignées par les industriels du médicament, les généralistes et le gouvernement comme exorbitantes, et par ce biais, c’est l’ensemble des assurés, et notamment les plus démunis, qui sont visés.

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