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" Ça va mieux " ou l’illusion de la croissance retrouvée

Jospin et le gouvernement affichent un bel optimisme et ils trouvent pour soutenir leur propos les statistiques. Oui, la croissance serait revenue. Et miracle de la politique du gouvernement, cette croissance ne serait plus tirée par les seules exportations grâce à une compétitivité gagnée par le chômage et le blocage de salaires, mais bien par la reprise de la consommation. " L’emploi est désormais le premier moteur de la croissance " affirme l’INSEE. Selon l’organisme officiel de la statistique économique, ce seraient les créations d’emplois qui en permettant une progression du pouvoir d’achat relanceraient la consommation. " Tout laisse à penser que l’économie est entrée dans un cercle vertueux de croissance auto-entretenue. Alors que l’an dernier, les exportations étaient le principal moteur de la croissance, la consommation des ménages et l’investissement des entreprises sont venus prendre le relais. " ajoute un observateur économique.

Il est vrai que les usines tournent à plein régime, que les capacités de production sont utilisées à 87 % de leurs possibilités, ce qui entraîne une reprise de l’investissement industriel et même de l’embauche. De là à dire que c’est cette embauche qui entraîne la machine économique, il y a pour le moins un abus de confiance de la part des spécialistes plus soucieux de propagande gouvernementale que de vérité.

La reprise de la consommation des ménages qui représente 60 % du PIB serait la seule façon saine de relancer l’activité économique. Pour cela, il faudrait augmenter les salaires, imposer un SMIC minimum à 8500 F, le relèvement de tous les minima sociaux, interdire les licenciements, taxer les profits pour financer les services publics. Cette politique, seul un gouvernement au service de la population, sous le contrôle des travailleurs et de leurs organisations, pourrait l’appliquer et l’imposer aux classes privilégiées.

La politique du gouvernement en est à l’opposé. Et la reprise actuelle qui semble porter Jospin sur un petit nuage est tout simplement circonstancielle.

La croissance est le contrecoup de la crise en Asie. Paradoxalement, pour l'instant, cette dernière a eu sur les économies occidentales un effet euphorisant. Les capitaux qui ont fui les pays en crise sont venus se réfugier en Europe et aux Etats-Unis, et ont dopé à l'extrême les Bourses des deux zones. Dans le même temps, l’effondrement de leur économie, après de long mois de recul a ouvert des marchés dont la France est à même de profiter. Cette reprise n’est pas entretenue par un développement de la consommation, mais par la ruine des concurrents asiatiques ou les difficultés momentanées de ceux d’Europe.

C'est justement ce qui fait craindre le pire, car cela peut se traduire par un gonflement artificiel des valeurs cotées à Wall Street ou à Paris. Si l'Asie ne se redresse pas rapidement et ne redevient pas un marché pour les entreprises américaines ou européennes, l'évolution de la finance risque de se déconnecter de l'évolution de l'économie réelle, de la production dont la faible croissance ne suffira pas à entretenir l’euphorie boursière, voire cédera le pas à une stagnation.

Autre facteur cause de cette reprise, la chute des prix des matières premières et du pétrole qui, dans un premier temps, est une aubaine pour les pays importateurs, c’est-à-dire essentiellement les grandes puissances dont la France. Une aubaine qui exprime cependant un ralentissement global de l’activité économique et se traduit par une baisse des revenus des pays pauvres, donc des restrictions à venir des marchés pour les biens manufacturés.

Les prix de vente industriels baissent contrairement à ce que pourrait laisser penser l’optimisme du gouvernement et de ses statisticiens. C’est que cela ne va pas si bien que cela.

La situation mondiale est d'autant plus explosive que la Russie, le Brésil, l'Argentine et une kyrielle de pays dits "émergents " subissent en ce moment les contrecoups de la crise asiatique. Déjà, l’Angleterre est au bord de la récession.

Qu’est-ce qui provoquera la prochaine phase de crise et de recul, personne n’en sait rien, mais il est sûr qu’elle est inscrite dans l’anarchie de la concurrence et du bluff des financiers et des gouvernements qui les servent, dont celui de Jospin.

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Dentressangle : recul de la direction

Suite à notre grève contre le nouveau plan social entamée depuis le mardi 23 juin et le blocage de deux dépôts, nous avions été assignés deux fois au Tribunal de Grande Instance de Bordeaux et condamnés à lever les piquets de grève sous peine d’une amende de 5000 F par personne et camion bloqué, et à une amende collective de 16000 F une première fois, plus 2500 F la deuxième fois.

C’est en s’appuyant sur la première condamnation pour " entrave à la liberté du travail " que la direction a voulu licencier 14 d’entre nous pour faute lourde, sans aucune indemnité.

Ces nouvelles attaques n’ont fait que renforcer notre colère. Si ces condamnations juridiques nous ont obligés à lever les piquets de grève devant les 2 dépôts, nous sommes restés malgré toutes les pressions, jour et nuit, avec notre tente et nos banderoles, à camper sous les fenêtres de la direction. Ce campement a été le lieu de ralliement pour tous nos camarades des différentes boîtes qui sont venus nous apporter leur soutien.

Nous avons décidé de dénoncer le plus largement possible la politique du patron et pour payer les amendes, nous avons organisé des collectes devant des supermarchés et sur différentes boîtes de la zone de Blanquefort et de Saint-Médard et au-delà, le plus souvent avec l’aide des salariés de ces entreprises. Nous sommes ainsi allés devant Ford, Castel, Bardinet, les Docks de France, la SNPE, la SOGERMA, à l’Hopital-Sud. Partout nous avons eu des gestes de solidarité qui se sont concrétisés dans un soutien financier. Nous avons même largement diffusé un tract et collecté lors de la retransmission du match France-Italie sur écran géant à Bordeaux, où il y avait près de 20 000 personnes. Nous avons aussi organisé une conférence de presse à la Bourse du travail qui s’est traduite par des articles et des reportages dans Sud-Ouest, sur FR3 et sur les radios locales.

Nous avons ainsi donné la plus large publicité possible aux attaques de la direction contre nous.

Lundi, ont eu lieu les 14 entretiens individuels préalables aux licenciements au travers desquels la direction a de nouveau essayé de nous diviser, en nous demandant si nous étions bien conscients de nos actes, sous-entendant que nous aurions pu être manipulés. Elle a pu mesurer à nos réponses la solidarité et la détermination de chacun d’entre nous.

Mardi, la direction a dû rouvrir les négociations à la demande de l’Inspection du travail et elle a finalement reculé.

Elle a levé toutes les fautes lourdes, renoncé aux amendes collectives et augmenté les indemnités de licenciements, faisant aussi " bénéficier " l’ensemble des licenciés du plan de conversion.

Même si le plan n’est pas retiré, par notre solidarité et notre détermination, nous avons réussi, à 15, à empêcher la direction de nous licencier sans aucune indemnité, ce qui est ressenti par chacun comme une victoire. Et il est sûr que pour chacun de nous, ce que nous avons appris durant ces 3 semaines de grève, nous nous en resservirons où que nous soyons amenés à travailler.

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Dérisoire

Aux CCP de Rouen, à cause du manque d’effectifs et de la réorganisation de plusieurs services, le 19 juin, à près de 200, nous avions envahi les couloirs de la direction. Le directeur des Chèques Postaux s’était engagé à faire le tour des services pour prendre la mesure des problèmes.

Alors qu’il est flagrant qu’il manque du monde partout, le directeur a évalué à son aune le déficit des effectifs. Ce qui n’est guère étonnant de sa part, il a joué sur deux tableaux. D’une part, histoire de faire un geste, il a décidé d’embaucher quelques contractuels. Il a précisé que ce serait des enfants d’employés des Chèques inscrits à l’ANPE. D’autre part, comme il ne cherche pas à résoudre le manque de personnel, ces jeunes sont embauchés pour six jours avec peut-être une rallonge de trois jours.

Cela ne résout en rien les difficultés que nous avons à résorber le retard accumulé d’autant plus que les vacances commencent.

 

Renault-Cléon : " pas de déserteur sur le front de la production "

A l’usine Renault Cléon près de Rouen, où travaillent 5500 personnes dont 500 intérimaires, la direction fait pleuvoir les sanctions contre les travailleurs et les militants syndicaux. Dernièrement, un travailleur en VSD (équipe fin de semaine), a été mis à pied trois jours pour avoir simplement constaté la réalité suivante : " 1000 moteurs par équipe, c’est trop dur, on nous presse comme des citrons... ". La direction écrit texto dans la lettre de sanction : " Le 15 mai 98, à 13h10, vous tenez un langage démobilisateur auprès de vos collègues de travail et devant votre hiérarchie ". La direction veut transformer l’usine en camp retranché, avec un langage et des méthodes militaires dignes de temps de guerre : elle ne tolère plus aucune critique, elle cherche à nous intimider comme si nous n’étions pas tous conscients de la surexploitation qu’elle nous impose.

Dans la continuité de la répression anti-syndicale, dans le but d’interdire la distribution des tracts dans les ateliers, la direction a convoqué en l’espace de deux jours, deux militants de la CGT à un entretien préalable avant de probables mises à pied. Déjà, plusieurs militants ont eu un jour de mise à pied pour avoir distribué aux postes de travail des tracts CGT, compte-rendus de réunions de délégués du personnel ou du CHS. Dernièrement, un autre militant syndical CGT, connu et apprécié de tous, a eu un avertissement écrit pour avoir, d’après la direction, proféré des insultes portant atteinte à la dignité de deux salariés d’une entreprise chargée d’alimenter les appareils à boissons, ainsi que des menaces de représailles à leur égard. Cette affaire montée de toutes pièces, est destinée en fait à monter un dossier dans le but de se débarrasser des militants ouvriers gênants. Elle a entraîné un arrêt de travail massif sur les chaînes de montage et une pétition signée par plusieurs centaines de travailleurs.

C’est dans ce contexte d’attaques anti-ouvrières que la fête du Comité d’entreprise pour les quarante ans de l’usine de Cléon a été l’occasion pour certains dirigeants syndicaux CGT ou CFDT de montrer leur " sens des responsabilités ". Le directeur de l’usine, flanqué de deux hauts cadres, s’est rendu à la fête : des travailleurs présents ont vu les représentants de la direction à la buvette en compagnie de responsables syndicaux, discuter amicalement de la prestation du groupe Kassav. Le lendemain, Fabius, président de l’Assemblée nationale et député de la circonscription où se trouve Cléon, a été officiellement invité par le CE à venir faire un tour des stands. Un autre député PS est venu à l’invitation cette fois de la CFDT débattre de Mai 68 !

Si pour ces dirigeants syndicaux l’heure est plutôt au consensus politique avec le gouvernement et à la collaboration de classe avec le patronat, il n’en demeure pas moins que pour l’ensemble des travailleurs et militants ouvriers en butte à la répression, la seule alternative possible est de serrer les coudes face aux ennemis de classe, et préparer les futures luttes de la classe ouvrière.

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 Ralston : dernières actions... avant la rentrée

Des délégations de l’usine ont été invitées dans diverses réunions syndicales de la région pour présenter notre lutte. Les uns sont allés au conseil syndical CGT de l’hôpital psychiatrique de St Etienne du Rouvray, d’autres se sont rendus au congrès CGT de la SNCF à Rouen, d’autres encore au tri PTT à Sotteville, au syndicat SUD de France Télécom, au congrès de l’Union Locale CGT, ou enfin à la fête du CE de Renault Cléon.

Pour cette fête du CE de Cléon, le 27 juin, nous avions un stand. Avant de nous l’accorder, les responsables de la CGT, syndicat qui organisait les festivités, nous avaient demandé de ne pas faire de " bazar ". Il faut dire qu’en même temps, ils avaient reçu un appel de Fabius, qui acceptait de se rendre à la fête si la CGT pouvait lui assurer sa protection physique. Sans doute Fabius avait-il peur d’être pris à partie par des camarades en colère ! A chacune de ces occasions, nous avons pu prendre des contacts, diffuser des tracts et raconter les différentes étapes de notre lutte.

Dans l’entreprise, malgré les vacances qui approchent, la combativité est toujours là. La semaine dernière, le patron faisait visiter l’usine à un autre patron qui envisage de reprendre une petite partie du personnel. Lorsqu’il est entré dans le secteur de l’emballage, secteur qui pourtant n’est pas officiellement visé par le plan de 334 licenciements, tout le monde a " déposé les marteaux " spontanément et apostrophé le visiteur pour lui demander des comptes, sur les conditions de reprise en matière de salaires, d’ancienneté, etc. Ni lui ni notre patron n’ont pu apporter de réponse claire. Nous continuons à exiger " zéro licenciement à Ralston ".

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 Retour de bâton pour la direction de la poste

Créée il y a seize mois à Saint-Etienne-Du-Rouvray (76), Dilipack est une filiale de la Poste qui s’est spécialisée dans la distribution de colis aux entreprises J+1. La direction de la Poste crée de telles filiales un peu partout par souci de rentabilisation maximum en espérant en plus faire de ces entreprises des centres anti-grève. Elle se comporte comme le pire des patrons privés dans ces petites filiales avec les salariés, les embauchant exclusivement sous contrat précaire, les licenciant au gré de l’humeur des encadrants, se croyant tout permis, usant et abusant de l’accumulation des contrats au mépris de toute réglementation.

Mais les salariés de Dilipack se sont révoltés. Ils se sont mis en grève du mercredi 1er au vendredi 3 juillet pour exiger des emplois à temps plein et non plus précaires. Ils ont fait nettement reculer la direction : sur les 42 CDD ou CDII (contrat à durée indéterminée, intermittent), il ne reste que quatre CDII, tous les autres ont été embauchés en contrat à durée indéterminée de 30 à 39 heures, la majorité à 35 heures ou 39 heures.

La direction de la Poste, dans ce cas, en a été pour ses frais. Malgré les chantages au licenciement, les travailleurs précaires n’ont pas hésité à faire grève pour faire respecter leurs droits.

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