éditorial



Sur le terrain du nationalisme, les travailleurs et les jeunes ne peuvent être que perdants

Chirac, Jospin, Le Pen, les politiciens de gauche, de droite ou d’extrême droite ont été unanimes pour chanter les louanges de Zidane, de Barthez ou de Jacquet afin de capter à leur profit une parcelle de leur popularité. Ils étaient tous ravis que des foules importantes aient agité ces derniers jours le drapeau tricolore. Eux, ils se croient gagnants parce que le nationalisme a fait un bond, entraînant nombre de jeunes, d’hommes et de femmes des classes populaires à qui ils n’ont rien d’autre à offrir que des préjugés.

Les gagnants discrets mais incontestables du Mondial, ce sont tous ces patrons français ou non qui ont ramassé la grosse mise grâce à l’aide de l’Etat, de ses services et de ses investissements. Au premier rang on trouve le groupe allemand Adidas dont l’action a progressé en une journée de 2,4 % à la fin de la Coupe du monde.

Politiciens et capitalistes tirent chacun leurs dividendes du Mondial, masquant leurs calculs et leurs profits derrière le nuage de fumée de l’euphorie patriotique.

Pourtant il était bien compréhensible que des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes aient saisi l’occasion de la Coupe du monde de football pour s’enthousiasmer aux exploits des joueurs et pour faire la fête. Le Mondial leur offrait une diversion joyeuse dans une vie de grisaille, de soucis et de crainte du lendemain pour la plupart d’entre eux.

Mais tous ceux qui fabriquent l’opinion, notamment à la télévision, à la radio et dans la grande presse se sont ingéniés à faire dériver le plaisir procuré par des matchs réunissant des joueurs de talent du monde entier sur le terrain pourri du nationalisme. Ils ont employé les grands moyens pour dévoyer notre besoin de fraternité. Ils ont voulu nous enrôler derrière " les Bleus " de sorte qu’il devenait difficile d’avouer publiquement qu’on préférait l’équipe brésilienne, qu’on n’aimait pas le football ou qu’on préférait le drapeau rouge au drapeau tricolore.

Que la fête sportive se transforme en " communion nationale solennelle ", avec comme papes Chirac et Jospin, a de quoi mettre les travailleurs sur leurs gardes. Car les prêtres et les dévots du culte de la nation, de la Marseillaise et du drapeau bleu-blanc-rouge utilisent ce type d’opération pour les tromper, étouffer leur conscience, leur faire accepter tous les mauvais coups des patrons et de l’Etat au nom des intérêts de " la France ".

Ce n’est pas seulement pour leur carrière personnelle que Chirac et Jospin célèbrent " la France qui gagne " mais pour mettre au service de la bourgeoisie le crédit qu’ils espèrent retrouver ou consolider ainsi.

Ils veulent faire oublier qu’il y a la France des " perdants " systématiques composée de travailleurs et de chômeurs et une France composée d’une minorité de parasites qui gagnent très gros en exploitant le travail d’autrui, en licenciant et en spéculant à la Bourse.

Quoi de plus écoeurant que d’entendre Chirac et Jospin célébrer au travers d’Aimé Jacquet les vertus du travail, du travail bien fait, alors que la politique du gouvernement actuel comme de ses prédécesseurs a consisté à supprimer massivement des emplois dans la Fonction publique et à aider les patrons du privé à mettre en œuvre sans obstacle leurs plans de licenciements.

Quoi de plus écoeurant que d’entendre les politiciens de gauche et de droite donner Zidane ou Thuram en exemple à la jeunesse alors qu’ils ont encouragé le racisme et la xénophobie en prétendant que les immigrés clandestins étaient responsables du chômage et non les patrons. Le Front national a fait son miel de toutes leurs déclarations bassement démagogiques.

Il n’y a pas de nationalisme pacifiste, humaniste comme voudraient nous le faire croire Jospin et Chirac. Après les festivités populaires célébrant la victoire des " Bleus ", c’était le défilé militaire, la marche au pas cadencé, le déploiement de tous les engins coûteux susceptibles de massacrer des peuples pour défendre les intérêts de la bourgeoisie française. Tout un symbole !

En fin de compte si nous nous laissions assommer par toute cette propagande nationaliste, c’est Le Pen qui ramasserait la mise, lui qui vient de se réjouir au spectacle des jeunes brandissant le drapeau tricolore. C’est un danger mortel pour les travailleurs et pour toute la société.

Ce danger ne peut se combattre qu’en restant sur notre terrain, celui du camp des travailleurs de tous les pays, se battant contre les patrons de tous les pays et contre les politiciens qui veulent nous diviser. Evitons le piège du chauvinisme qui nous est tendu et qui ne pourrait qu’aider les patrons à aggraver encore plus notre situation.

Préparons nous à lutter tous ensemble, pour nos revendications et pour une société fraternelle, sans frontières, sans exploitation et sans chômage.

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 Le FMI tente d’empêcher la banqueroute de l’Etat russe saigné par les pillages des capitalistes russes et occidentaux

Lundi dernier le FMI, la Banque Mondiale et plusieurs banques occidentales ont promis pour 22,5 milliards de dollars de nouveaux prêts à la Russie. C’est un sauvetage en urgence, comparable à celui des pays d’Asie en crise. Une banqueroute de l’Etat russe pourrait entraîner une catastrophe économique qui s’ajoutant à la crise en Asie, menacerait toute l’économie mondiale. L’Allemagne est ainsi engagée à hauteur de 80 milliards de dollars, créancière à elle seule de la moitié de la dette extérieure de Russie. Le FMI a tardé à concéder ce prêt, autant parce qu’il s’en sert comme d’un moyen de pression sur le gouvernement pour lui faire adopter des réformes plus favorables aux capitalistes étrangers, que parce que de l’aveu même de ses dirigeants, il est presque à court de réserves après avoir prêté 35 milliards de dollars aux pays d’Asie. Mais tous les dirigeants occidentaux en commençant par Clinton ont pesé dans le sens de cette décision.

Ce prêt ne suffira même pas, d’après les experts à éviter une banqueroute de l’Etat russe, étranglé par une dette colossale. Ce sont cinq milliards de dollars qu’il doit payer chaque mois à ses créanciers, alors que ses rentrées sont amoindries par la chute du prix du pétrole, et que la dernière compagnie pétrolière à privatiser, Rosneft, n’a pas trouvé acquéreur, même à un prix revu à la baisse après un premier échec de sa mise en vente. Depuis 1996, l’Etat russe a emprunté sur les marchés financiers en vendant des obligations à court terme, les GKO, pour lesquelles il a payé des intérêts de plus en plus importants puisque c’est pour lui le seul moyen d’attirer les capitaux. Financiers russes et occidentaux ont ainsi empoché des bénéfices faramineux, de 30 à 50 % sur quelques mois seulement, mais doutant aujourd’hui de la capacité de l’Etat russe à rembourser ces emprunts, ils ne les achètent plus, et l’Etat russe est asphyxié. Ils se désengagent également du marché des actions qui ont perdu 67 % de leur valeur depuis le début de l’année, et du marché du rouble dont la banque centrale russe, presque à court de réserves, n’a plus les moyens d’empêcher la dépréciation. Certains experts pensent que contrairement à leurs promesses et leurs affirmations, Eltsine et Kirienko seront obligés de dévaluer le rouble.

Dans tous les cas, c’est à la population que les dirigeants russes font payer le pillage de l’économie qu’ils ont fait au profit des capitalistes russes et occidentaux. C’est l’objectif de leur plan anti-crise que les députés de la Douma n’ont pas encore voté en entier, et qui combine les mesures favorables aux entrepreneurs capitalistes comme la baisse de 50 % des tarifs du gaz et de l’électricité pour les entreprises, et de 5 % de l’impôt sur leurs bénéfices, avec des mesures qui vont aggraver la situation déjà insupportable de la population, comme le relèvement des taux de TVA sur les produits alimentaires, la fin de l’indexation des retraites et leur suppression pour les personnes âgées qui continuent à travailler. Sans compter les licenciements, plus de 200 000 déjà annoncés dans la Fonction publique.

Sous la pression du FMI qui a réclamé que les dépenses publiques soient encore réduites, Kirienko a eu le culot d’affirmer mardi dernier que les Russes avaient trop longtemps " vécu au-dessus de leurs moyens ", et qu’il fallait en finir. Un mépris qui pourrait mettre le feu aux poudres et précipiter l’explosion sociale que craignent les dirigeants russes, au moment où des dizaines de milliers de mineurs ou de salariés du complexe militaro-industriel qui ont été licenciés ou qui ne sont plus payés depuis plusieurs mois, continuent à manifester, en exprimant une haine du gouvernement qui est partagée par une grande partie de la population.

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Sixième semaine de grève chez General Motors

Depuis le 5 juin dernier, 9200 travailleurs des deux usines General Motors de Flint près de Detroit, fabriquant des pièces de carrosserie et des composants, sont en grève pour protester contre le licenciement de 6000 d’entre eux, la précarité de l’emploi (travail sous forme de contrats horaires), et les normes de sécurité au travail. 80 % des 2800 employés de l’usine de Dayton dans l’Ohio ont aussi voté en faveur de la grève et déposé une demande de préavis à la direction nationale de l’UAW (United Auto Workers), le syndicat américain des travailleurs de l’automobile. Après 39 jours de grève, le " géant " est au bord de la paralysie et tente de s’approvisionner auprès de fournisseurs extérieurs. La production de 26 usines GM sur 29 en Amérique du Nord est bloquée. 165 000 employés sur 224 000 ont été mis au chômage technique et General Motors menace de suspendre leur assurance-maladie pour faire pression sur les grévistes de Flint. La compagnie prétend que le conflit lui a déjà coûté 1,5 milliard de dollars mais d’un autre côté elle dispose de 13 milliards de profits accumulés grâce à des ventes records depuis deux ans.

Dans sa concurrence avec Ford et avec Chrysler (qui s’est renforcé en fusionnant avec Daimler), General Motors veut se redonner les moyens d’être le groupe le plus attractif pour les actionnaires. Les experts de Wall Street, la Bourse de New York, dictent à GM sa conduite et exigent en particulier la suppression de 50 000 emplois sur les 224 000 restants alors que le groupe en a déjà supprimé 64 000 depuis 1992. L’un d’eux a fait remarquer méchamment aux patrons de GM qu’ils faisaient 978 dollars de moins de bénéfice sur chaque véhicule par rapport à Ford.

Pour mener à bien ses projets contre les travailleurs qui comportent également des fermetures d’usines, la direction de General Motors est déterminée, si ce n’est à briser les reins du syndicat UAW, tout du moins à lui infliger une sévère défaite. Elle vient d’attaquer en justice l’UAW pour avoir déclenché une grève " illégale ". Elle exige une procédure en référé et menace de demander à l’UAW des dommages et intérêts.

GM s’attendait à une reprise du travail lundi 13 juillet et devait lancer la production de ses nouveaux modèles 1999. Ses attaques et ses menaces contre les grévistes indiquent qu’elle est quelque peu aux abois. Wall Street a beau conseiller la fermeté à General Motors, l’issue du conflit est loin d’être évidente car il peut faire tâche d’huile et encourager d’autres secteurs de la classe ouvrière à résister fermement à l’offensive des patrons contre eux.

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