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Comment la SAGEM passe aux 35 heures sans créer d’emplois et en augmentant ses bénéfices

Depuis janvier 1998, l’entreprise d’électronique SAGEM de Saint-Etienne du Rouvray (dans la banlieue de Rouen) a adopté les 35 heures dans certains secteurs d’activités. Elle emploie actuellement 700 personnes dont près de la moitié en intérim, et alors qu’elle avait annoncé pour cette année 180 embauches, 40 personnes seulement ont été pour l’instant embauchées, la plupart en CDD. Le changement d’horaires n’a vraiment pas amélioré les conditions de travail et au lieu de créer des emplois la direction s’en est servi pour mettre en fin de mission 80 intérimaires : c’est vrai qu’avec l’intérim la direction peut diminuer le nombre de salariés comme elle veut du jour au lendemain. Ainsi, au secteur métallurgique, sur chaque chaîne qui sera robotisée à la rentrée, deux intérimaires sur trois seront renvoyés.

La direction cherche tellement à nous mettre la pression qu’elle entretient un climat de quasi-terreur. Ainsi, il y a quelques semaines, alors que la production quotidienne avait été largement et en avance achevée, un intérimaire du secteur Compteur bleu qui avait quitté son poste quelques minutes, a été purement et simplement licencié. En plus la direction l’a harcelé au téléphone pour qu’il fournisse une lettre de démission afin de supprimer l’assurance-chômage !

Après avoir clairement licencié un travailleur de toute évidence pour faire un exemple, la direction ne recule devant rien pour accélérer les cadences et ainsi accroître l’exploitation. Ainsi les SD (qui travaillent les week-end) n’ont droit qu’à une demi-heure de pause dans une journée de 12 heures ! Et depuis quelques semaines, dans certains secteurs, c’est tout juste si on a le temps d’aller aux toilettes.

Pour couronner le tout, afin de parer à un éventuel mécontentement, la direction a recours à un chantage en faisant courir le bruit que certains intérimaires qui en font le plus pourraient gagner la sécurité... d’un CDD. En effet de nombreux employés enchaînent des contrats d’intérim renouvelés généralement toutes les semaines et cela depuis parfois plus de deux ans. Il est vrai que pour avoir pu annoncer un bénéfice net de 648 millions de francs pour le premier trimestre 98, il a bien fallu prendre ces richesses quelque part.

Tant que le rapport de forces lui sera favorable, la direction de la SAGEM appliquera les 35 heures à sa façon, c’est-à-dire à son avantage.

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 Grève pour l’embauche à Tati

La semaine dernière, les employés du magasin Tati à Bordeaux se sont mis en grève pour exiger l’embauche de six CDI, six CDD supplémentaires pour l’été et une augmentation de salaire de 500 francs.

Depuis cinq ans que le magasin a ouvert ses portes, les conditions de travail ne cessent de se dégrader. Les départs en congés ne sont presque plus remplacés, de même que les arrêts-maladie ou les accidents du travail.

L’été, les embauches de saisonniers se font rares. La charge de travail augmente et dans le même temps les salaires stagnent : à peine 80 francs au-dessus du smic.

A quatorze sur vingt-six, les employés du magasin se sont mis en grève avec leur section CGT. Le soir du premier jour, le directeur est descendu de Paris en catastrophe. Mais c’était pour menacer les grévistes qu’ils risquaient de faire couler le magasin, expliquant aussi que les résultats financiers sont trop fragiles. Personne n’y croit car jamais la direction n’a rendu des comptes clairs sur les bénéfices de l’entreprise. Les employés savent par contre grâce aux bulletins d’information mensuels que les affaires vont plutôt bien et qu’elles s’étendent aux Etats-Unis et à l’Europe de l’Est.

Dès le début de la grève, la direction a répondu par le recrutement de trois intérimaires pour remplacer les grévistes et aussi de deux caissières des magasins de Paris et du Havre.

Les grévistes ont fait leur piquet devant le magasin, avec banderoles : " chez Tati les prix sont les plus bas et les salaires les plus bas aussi ! " et distribution de tracts. Une collègue en congé maternité porte une pancarte " enceinte… et en grève ". Beaucoup de discussions avec les clients et la population qui soutiennent les grévistes et signent la pétition (plus de 1100 signatures en trois jours).

Le lundi 13, les grévistes ont suspendu le mouvement mais la direction refuse toujours de négocier, elle propose une réunion pour le 22 juillet. Devant ce mépris, la colère reste là et il est question de reprendre la grève dans les jours qui viennent.

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Elbeuf : les conditions de travail dans les résidences de personnes âgées

Dans l’agglomération elbeuvienne, il y a plusieurs résidences de personnes âgées, rattachées sur le plan administratif à l’hôpital d’Elbeuf (" Les Feugrais " à Cléon). Ces résidences accueillent des personnes valides pour un prix de journée très élevé (de 10 à 15 000 F mensuels en fonction du statut d’accueil), mais aussi des personnes dépendantes ou grabataires prises en charge par la Sécurité Sociale avec, selon les revenus, participation ou pas de la famille. Comme souvent dans ce type de structure, les conditions de travail, et donc aussi d’accueil pour les résidents, notamment dans les services des dépendants, ne cessent de se dégrader. La plupart des employées chargées des soins travaillent à mi-temps (environ 3 000 F/mois), mais il n’est pas rare qu’on leur demande de faire des " journées coupées " : le service se fait en deux temps, matin et après-midi, ce qui fait qu’on a l’impression de travailler toute la journée, mais à la fin du mois, on n’est pas payées plus. Nous sommes censées cumuler les heures supplémentaires pour avoir des jours de récupération mais la plupart du temps, ils sont reportés aux calendes grecques ou accordés quand ça les arrange.

Le manque de personnel est quasiment chronique et devient franchement problématique quand il y a des congés ou des arrêts-maladie. On peut ainsi se retrouver seule pour faire les lits, assurer toilettes, aide aux repas et soins de plusieurs personnes invalides (une trentaine en moyenne). Dernièrement, une employée " prélevée " de son établissement pour aller remplacer dans un autre, s’est gravement blessée au dos et sera arrêtée six mois pour avoir " voulu " lever seule une malade impotente trop lourde pour elle. Il arrive souvent aussi que l’on demande à certaines de se passer de pause pour pouvoir finir à l’heure, de faire des choses qui ne sont pas de leur compétence (par exemple, on a déjà demandé à des employées extérieures qui s’occupent du ménage de donner des médicaments), avec tous les risques et la responsabilité que cela suppose, ou que des CDD sans aucune formation soient embauchées pour faire des remplacements. Pour l’administration, c’est la réputation et le " décor " qui comptent. Elle préfère les résidents en cure médicalisée parce que ça lui permet de toucher des primes de l’Etat et elle affiche un certain " manque d’intérêt " pour les résidents dépendants les moins fortunés...

La qualité du travail et de notre relation avec les personnes, pour lesquelles nous sommes souvent la seule " visite ", s’en trouve souvent compromise. Les chefs jouent notre dévouement envers les malades pour nous faire accepter tout cela. Mais nous sommes pleinement conscients de la responsabilité de l’administration dans cette situation inadmissible.

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 Bon vent monsieur le directeur !

La SOREVI est une usine qui produit du mousseux pour le groupe MARIE-BRIZARD. Comme partout ailleurs nous avons droit à la propagande patronale sur la productivité et la compétitivité, et dans la période actuelle le langage sportif, " challenge ", " compétition " n’arrête pas d’être utilisé. Notre particularité à nous, c’est que le nouveau directeur est féru de voile et qu’il se prend pour un capitaine de vaisseau. Il vient de mettre en place le projet CARENAGE dont l’objectif est de préparer " la grande course du redressement qui nous attend dans les cinq ans à venir " et dont la principale force selon le directeur est " l’équipage : nos hommes et nos femmes ". Plein de générosité il termine par ces mots : " merci de ce don de vous-mêmes, à vos postes de navigation, courage et bon vent ". Pour nous cela signifie depuis maintenant trois mois qu’il faut être " polyvalent ", c’est à dire pouvoir occuper n’importe quel poste en fonction des besoins. Chaque jour c’est un casse-tête pour les remplacements car tout est calculé au plus juste en personnel, d’autant que le rendement augmente. Autant dire que la propagande du patron a du mal à passer et que nous lui retournons tous son compliment : bon vent !

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Dentressangle : la direction veut se venger de la grève

Mercredi avait lieu une réunion du Comité d’Entreprise qui devait se prononcer sur le licenciement de notre déléguée syndicale, élue par nous avant le début du conflit et dont la direction a demandé le licenciement auprès de l’Inspection du Travail.

La direction veut non seulement se venger de la grève mais elle veut se débarrasser du syndicat pour avoir les coudées franches et imposer sans résistance ses conditions de travail et de salaires, voire de nouveaux licenciements. Elle a pour cela mené campagne en s’appuyant une nouvelle fois sur les délégués du CE, " sans étiquette ", qui avaient voté les licenciements dès la première réunion du CE et ont montré pendant la grève qu’ils étaient prêts à faire toutes les basses besognes du patron. Leur tentative de faire circuler une pétition auprès des non-grévistes pour demander le licenciement de notre camarade s’est soldée par un fiasco total. Ce qui ne les a pas empêchés de voter pour son licenciement en lui attribuant la responsabilité des amendes que Dentressangle a dû payer à son client Ginestet à la suite de la grève !

Pour montrer à la direction qu’elle n’en avait pas fini avec nous, même si elle nous avait jetés à la porte, nous étions une douzaine qui attendions à la porte de l’entreprise le résultat de la réunion toujours solidaires et " tous ensemble ". C’est désormais l’Inspection du Travail qui doit trancher. En attendant, notre camarade est en " mise à pied conservatoire ", ni réintégrée ni licenciée, et privée pour le moment de toute ressource. Mais là aussi, nous avons su et nous saurons faire preuve de solidarité.

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Citation : Lénine, Les tâches des Unions de la jeunesse, octobre 1920

" Qu’est-ce qu’un communiste ? Communiste est un mot latin. Communis, cela veut dire : commun. Société communiste veut dire société où toute chose - la terre, les fabriques - est possédée en commun, et le peuple travaille en commun ; voilà ce qu’est le communisme ".

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 La CGT dans le piège des 35 heures

L'application de la loi des 35 heures est en discussion. Cette loi, gouvernement et patrons voudraient bien l'appliquer avec l'approbation des syndicats.

C'est pourquoi les syndicats ont désormais la possibilité d'entrer dans toutes les entreprises où il n'y a pas de syndicat, d'y réunir les travailleurs et de parrainer un ou plusieurs d'entre eux qui pourront alors signer avec le patron un accord sur ces 35 heures. Les Unions Locales ont ainsi un rôle important. A cette occasion, elles vont être dotées, avant la rentrée de septembre, du matériel informatique le plus moderne et financé, paraît-il, par l'Etat.

Que chaque syndicat soit aujourd'hui doté de matériel moderne et indispensable, on ne peut qu'être pour. Mais quelle étrange sollicitude soudain du gouvernement pour les syndicats ouvriers !

Derrière le " cadeau ", le piège est bien visible : si l'opération est réussie, patrons et gouvernement pourront se targuer d'appliquer leur loi avec l'accord des travailleurs ou de leurs représentants. En sachant que de toute façon, au 1er janvier 2000, signature ou pas, la loi sera appliquée, les patrons empocheront les subventions et les travailleurs subiront les attaques qu'elle contient.

Cette situation n'est pas sans poser problème aux militants de la CGT. Certains pensent que l'on ne peut rater une telle occasion de mettre le pied dans des entreprises qui nous sont fermées depuis toujours. N'est-ce pas l'occasion d'entrer en contact avec des travailleurs et peut-être de créer de nouveaux syndicats ?

A Pioneer, par exemple, usine de la banlieue bordelaise connue pour le zèle de ses patrons contre les syndicats, des camarades de l'Union Locale de Pessac ont pu ainsi, tout à fait officiellement entrer dans l'usine et y organiser une réunion de 25 ouvrières. Cela bien sûr est positif et exprime le besoin d'un certain nombre de travailleurs de s'organiser.

Mais dire que cette loi n'est ni bonne ni mauvaise, que c'est aux travailleurs de s'en emparer et de créer le rapport de forces à l'intérieur de leur usine, c'est leur mentir et préparer des désillusions.

C'est désarmer les travailleurs que de leur laisser croire qu'il leur est possible, localement, d'imposer qu'une loi entièrement défavorable puisse devenir un accord qui leur soit favorable.

La gauche plurielle et les patrons veulent associer les syndicats à leur attaque en règle contre les travailleurs. Les militants qui se prêteraient à une telle opération, au lieu d'aider la minorité de travailleurs qui recherche les moyens de se défendre, les désarmeraient.

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35 heures chez Leroy-Somer : la direction manœuvre et prépare les mauvais coups

Il y a quelques semaines, la direction de Leroy-Somer convoquait un par un les délégués syndicaux centraux pour discuter avec eux de l’application de la loi sur les 35 heures. Les syndicats se sont prêtés à ce petit jeu de discussions particulières et de cachotteries car aucun n’a jugé bon d’en faire un compte rendu écrit aux travailleurs.

Personne n’ignore pourtant dans les ateliers les intentions de la direction. Il s’agit pour elle de toucher le maximum de fric des primes de l’Etat et d’introduire la plus grande flexibilité possible des horaires. Quant aux embauches, aucun de nous ne croit qu’il y en aura vraiment.

De fait, le patron a posé aux syndicats le problème " du financement des 35 heures " : les primes ne suffiront pas à couvrir le surcoût de la réduction des horaires. Comment faire pour " tous ensemble " financer ce manque à gagner de l’entreprise, dit le patron avec le culot qu’on lui connaît ! Il veut aussi " étudier " ce que serait la réduction d’horaires pour les travailleurs en faction, en 3x8, en continu, dont l’horaire de travail " effectif " est déjà inférieur à l’horaire légal (38 h 30 dans la métallurgie). Et bien sûr, il veut discuter de la flexibilité et de l’annualisation du temps de travail !

Depuis le début du mois de juillet, la direction a pris les devants : dans trois départements de l’usine, elle a demandé des " volontaires " pour travailler en VSD (vendredi-samedi-dimanche) sur des machines en production. L’horaire est de 10 heures par jour, avec un repos de 11 heures. Les 30 heures de travail sont payées 45 heures, rien de plus que ce que ne prévoit la loi. Les premiers qui ont expérimenté le système terminent leur " semaine " épuisés !

Dans un autre département, à Sillac, le patron impose de travailler une heure de plus par jour (ou les samedis correspondants) en juillet, dans le cadre de la loi sur la flexibilité. Malgré une forte protestation, la direction a réussi son mauvais coup.

Toutes ces mesures sont prises parce que " la charge de travail est importante ". Mais justement, ce serait le moment d’embaucher, à commencer par les quelque 150 intérimaires qui sont dans l’usine depuis des mois ! Au lieu de cela, la direction augmente les heures de travail… préfigurant ce qu’elle pourrait faire au moment du passage aux 35 heures !

Autant dire que nous voilà prévenus : pour les 35 heures sans perte de salaire, sans annualisation, sans flexibilité et avec des embauches en conséquence, il faudra nous battre !

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