page 4



Corée du sud : l’épreuve de force

En Corée du Sud, l’économie a reculé de 12,2 % durant les six premiers mois de l’année. Le gouvernement procède au dépeçage exigé par le FMI : 55 entreprises ont été mises en faillite, six entreprises publiques ont été privatisées ainsi que 21 de leurs filiales et d’autres vont l’être sous peu. Les groupes capitalistes des pays occidentaux, grâce à la nouvelle loi qui leur permet de posséder 55 % des capitaux d’une entreprise coréenne, viennent à la curée : un des principaux groupes automobile, Kia va être racheté par un des géants américains, la seule incertitude est de savoir s’il s’agira de Ford ou de General Motors.

Les conséquences sociales sont dramatiques. Dans un pays où la protection sociale est quasiment nulle, le chômage toucherait officiellement 1,5 million de personnes mais en fait selon les syndicats, ce sont 4 millions des 15 millions de salariés coréens qui seraient privés de ressources. Les sans-abri se comptent par milliers, le taux de suicide a augmenté de 200 % : trente par jour.

Mais cette crise sociale n’entraîne pas que le désespoir, elle provoque aussi la colère. Les licenciements massifs dans l’industrie et dans les banques -10 % des 100 000 employés sont menacés de licenciements - et les brutales réductions de salaires ont entraîné des réactions. Dimanche, ce sont 50 000 travailleurs qui ont manifesté à Séoul. Mardi, 55 000 travailleurs de 22 usines essentiellement de la métallurgie ont lancé un mouvement de grève pour deux jours. Mercredi, ils ont été rejoints par des travailleurs des services publics menacés de privatisation dont ceux de la Compagnie coréenne de téléphone dont le syndicat appelle à la grève pour la première fois : désormais ce sont 140 000 travailleurs qui sont en grève. Quant aux travailleurs de Hyundai, ils sont 26 000 en grève illimitée contre les licenciements annoncés par la direction de la compagnie et qui toucheraient 10 % des effectifs. Hyundai est la première des grandes compagnies qui procède à des licenciements massifs et les autres attendent le résultat du conflit pour annoncer des plans de licenciements.

Le gouvernement a décidé de faire de cette grève une épreuve de force. Il a fait pression avec succès sur les dirigeants de la " Fédération Coréenne des syndicats ", proche du pouvoir et qui est la première centrale syndicale du pays pour qu’elle annule son mot d’ordre de grève, lancé en commun avec les dirigeants de la Confédération Coréenne des syndicats ( KCTU). Le ministre des Finances a déclaré que ces grèves étaient illégales et qu’elles seraient traitées " avec sévérité ". Son objectif est de briser la grève pour imposer sans résistance les brutales restructurations qui favoriseront le retour des capitaux occidentaux dans lequel le président Kim Dae Jung voit la seule solution pour ranimer l’économie du pays. La police a lancé quinze mandats d’arrêt contre des dirigeants syndicaux, notamment Dan Byung Ho, responsable de la Fédération de la métallurgie et Kim Kwang Shik, responsable syndical à Hyundai. Cela n’a pas impressionné les grévistes : des centaines de travailleurs de la Compagnie de téléphone ont décidé d’assurer la protection de Dan et des autres leaders syndicaux menacés et à Ulsan, dans le sud du pays, 400 travailleurs de Hyundai escortent Kim dès qu’il quitte l’entreprise pour participer à des manifestations.

L’enjeu de cette lutte dépasse la Corée du Sud car dans les autres pays de la région, notamment l’Indonésie, la situation sociale est si dramatique - 40 % des 200 millions d’Indonésiens sont en dessous du seuil de pauvreté - que des explosions peuvent également se produire. L’issue de la lutte des travailleurs coréens aura des conséquences pour tous les opprimés des pays frappés par la crise.

  .

La " vraie finale " : Adidas l’emporte sur Nike

Au lendemain du Mondial, un journaliste du Figaro a recentré l’enjeu de la compétition sur son terrain fondamental, celui des profits engrangés pour quelques groupes financiers et industriels : " quand les Français sautent de joie, les actions de quelques groupes bondissent ".

Le match principal se jouait entre les deux premiers équipementiers mondiaux, Nike et Adidas. En conséquence de quoi, la fin de la finale à peine sifflée, les joueurs de l’équipe de France, en pleine euphorie, ne devaient pas oublier les dernières consignes stratégiques, pas vraiment d’ordre sportif : pour la photo finale sur la pelouse, ce n’étaient plus " les Bleus ", car ils avaient dû tous enfiler prestement un maillot blanc avec l’ultime message publicitaire d’Adidas qui venait de gagner sa finale contre Nike. Barthez, le goal, n’oubliait pas de montrer aux caméras ses gants marqués Adidas bien en évidence sur les doigts faisant le " V " de la victoire.

Car c’est à une véritable coupe mondiale des sponsors que se sont livrées les marques. Adidas ayant comme poulains l’Argentine, l’Allemagne, l’Espagne, la France et la Roumanie, Nike ayant pour sa part investi environ un milliard de francs pour montrer son logo sur les joueurs du Brésil, des Pays-Bas, de l’Italie et du Nigeria.

Ronaldo qui avait des gros problèmes de santé le jour de la finale et n’était donc pas inscrit sur la feuille de match n’y fût rajouté qu’un quart d’heure avant le coup d’envoi (sous la pression de Nike qui le parraine depuis quatre ans, à raison de 20 millions de francs par an, pour qu’il porte le dernier modèle de chaussures de la marque ?... ).

Adidas avait prévu toutes les éventualités en déboursant 300 millions de francs pour être " partenaire officiel " de la Coupe du monde. La marque détient déjà 40 % du marché du football mais l’opération Coupe du monde visait à disputer à Nike un marché dix fois plus grand : le juteux marché des vêtements de sport estimé à 200 milliards de francs. Selon un des patrons d’Adidas, la victoire de l’équipe de France va faire vendre 500 000 maillots supplémentaires. De quoi faire encore monter le chiffre d’affaire et les bénéfices du groupe qui étaient déjà en progression de près de 50 % en 1997.

  .

Torture légale, prison et condamnation a mort : l’Etat américain fait la guerre aux pauvres

Récemment, pendant un procès, un juge de Californie a infligé à un accusé un choc électrique de 50 000 volts pendant 8 secondes. La ceinture électrique qui a délivré la décharge était portée directement par l’accusé, elle a été commandée à distance par un agent sur décision du juge. Le procès a dû être ajourné pendant un mois, l’accusé n’arrivant pas à se remettre du choc. Cet homme de 48 ans est de plus sous la menace d’une condamnation à perpétuité, car selon une loi en vigueur en Californie, c’est la peine encourue à la troisième récidive d’une infraction, même mineure.

Aux USA, le taux des prisonniers est un des plus élevés au monde : 1 million et demi de personnes en 1995, un Américain sur 200. En vingt ans, le nombre de prisonniers a triplé et les premières victimes de la justice et de la police américaines sont les Noirs qui forment la moitié de la population carcérale.

Plus de 3000 prisonniers sont des condamnés à mort.

L’Etat américain mène la guerre à tous ceux qui, selon lui, menacent la sécurité, l’ordre et la propriété privée, à commencer par les " délinquants ", ceux qui, dominés par la folie que provoquent la misère et la violence de l’ordre social, réagissent par la violence individuelle.

Mais les armes de la justice de l’Etat servent contre tous les pauvres. L’Etat de la bourgeoisie, des riches et des privilégiés, mène la guerre contre tous ceux qui veulent se révolter contre lui, contre tous ceux qui voudraient s’en prendre collectivement et consciemment à son autorité, et à la propriété privée. Ce sont les mêmes lois et moyens qui sont utilisés contre les grévistes, les militants ouvriers et des minorités opprimées, comme il y a 70 ans Sacco et Vanzetti, et aujourd’hui Mumia Abu-Jamal.

C’est pour tout cela et pour flatter les couches les plus réactionnaires que l’Etat américain crée un climat de terreur, par la prison, la répression, la torture et les exécutions.

 .

 Assassinat de trois enfants catholiques en Irlande du nord : l'indignation hypocrite de ceux dont le nationalisme et les préjugés arment les criminels

Depuis maintenant près d'une semaine, deux à trois mille loyalistes protestants de l'Ordre d'Orange campent et font le siège du quartier catholique de Portadown pour tenter de forcer l'interdiction qu'ils ont reçue des autorités de traverser ce quartier, lors de leur parade annuelle d’un autre âge qui commémore une victoire contre les catholiques, vieille de trois siècles.

Ce bras de fer avec les autorités et la police a servi de prétexte aux extrémistes loyalistes, adversaires de la paix et dont certains sont opposés au cessez-le-feu préalable à l'accord de paix, pour provoquer dans toute la région de violents affrontements, des tirs à balles réelles contre les forces de l'ordre, et des actes provocateurs contre des membres de la communauté catholique.

Dans la nuit de samedi à dimanche, trois jeunes enfants, catholiques par leur mère et de père protestant, qui vivaient dans un quartier d'habitations mixtes à Ballymoney, un bourg protestant au nord-ouest de Belfast, ont été assassinés dans l'incendie criminel de leur maison, par des terroristes loyalistes qui l'ont incendiée avec des cocktails Molotov.

Ce meurtre ignoble révèle les méthodes de groupes paramilitaires loyalistes proches de l'extrême droite, comme les LVF (les forces des volontaires loyalistes) qui cherchent, au moyen d'assassinats qui visent la population civile catholique, à creuser un fossé de haine entre les deux communautés, et à faire échouer le processus de paix, pour le maintien de leurs petits privilèges. Ces dernières semaines, plusieurs églises catholiques ont été incendiées et des dizaines de familles et de commerçants ont été forcés de fuir les quartiers protestants où ils résidaient, faisant dire à un responsable d'association catholique : " La protestation de Portadown s'est transformée en pogrom anticatholique ". A Belfast, à la limite des quartiers catholique et protestant séparés par un mur, véritable rideau de fer, une catholique raconte : " L'an passé, au coin de cette rue, un voisin a été tué par un tireur et il y a deux jours, une centaine de loyalistes ont tenté de franchir le mur pour nous attaquer. Les jets de cocktails Molotov sont presque quotidiens. "

L'assassinat des enfants de Ballymoney a suscité la révolte de toute la population et a été condamné par les leaders politiques des deux communautés, et en particulier par les leaders protestants, jusqu'au réactionnaire chef de file des opposants à l'accord de paix, le révérend Paisley qui a parlé de " crime diabolique commis par des individus malfaisants ". Quant à Blair, il a dénonçé " cet acte barbare " qui remet en cause la paix en Irlande du Nord.

Tous cherchent à se démarquer de ces groupes paramilitaires incontrôlés qui perpétuent leurs crimes. Mais c'est leur politique, l'exploitation des préjugés religieux et nationalistes qui arment ces meurtriers, les divisions créées et entretenues par l'Etat anglais et les politiciens locaux au service des intérêts des privilégiés. La classe ouvrière irlandaise, catholique et protestante, n'a rien à attendre des dénonciations indignées et de la morale des politiciens. Elle seule est capable, en s'unissant sur un terrain de classe, en surmontant les divisions créées par ceux qui l'exploitent, de venir à bout du terrorisme loyaliste et d'imposer une véritable paix démocratique.

 .