éditorial



Les politiciens, champions de toutes les démagogies, seuls les travailleurs et les jeunes préparent une société fraternelle

Les fêtes populaires qui ont accompagné la fin de la coupe du monde de football ont jeté les politiciens dans la perplexité. Les girouettes s’agitent pour essayer de saisir ce qu’elles croient être le vent dominant. Gouvernants de gauche ou ex-gouvernants de droite, ils sont tous à l’affût du thème porteur et de l’image de marque flatteuse pour eux-mêmes qui leur permettraient de retrouver du crédit dans la population. Ils font risette aux jeunes qui crient " Zidane Président ! ". En fait ils se préparent déjà à ramasser le plus de voix possibles aux prochaines élections.

Alors, puisque des centaines de milliers de jeunes et de moins jeunes ont agité avec enthousiasme des drapeaux tricolores, ils veulent tous croire que le patriotisme est de retour. Ils espèrent tous qu’ils vont faire un tabac en discourant sur " l’unité nationale " retrouvée et " la fierté nationale " reconquise. Mais il ne leur a pas échappé non plus que les fêtes autour du Mondial ont donné lieu à une fraternisation entre des personnes de toutes origines, censées pourtant, d’après les enquêtes et les sondages, être divisées profondément par le fossé du racisme et de la xénophobie.

Jospin et Chirac en tête, la plupart des politiciens ont donc voulu se faire bien voir en vantant les vertus d’une France multicolore et métissée. Mais sur ce terrain, un vieux politicien retors les a tous coiffés sur le poteau. Pasqua a réclamé la régularisation de tous les sans-papiers qui en ont fait la demande. Il a jeté son pavé dans la mare de la cohabitation, deux jours après le 14 juillet au cours duquel Chirac avait approuvé la fermeté du gouvernement Jospin à l’égard des 70 000 sans-papiers non régularisés et donc menacés d’expulsion. Il a aussi, bien sûr, affiché son naturel réactionnaire en exigeant le renforcement des frontières et l’établissement de quota d’immigrés à l’avenir.

En 1993 Pasqua était ministre de l’intérieur et avait fait adopter une loi particulièrement répressive contre les immigrés. A l’époque, tous les leaders de la gauche plurielle n’avaient pas manqué de dénoncer vigoureusement la loi Pasqua. Le candidat Jospin aux dernières élections législatives s’était même laissé aller à promettre l’abrogation de la loi Pasqua. Chose promise, chose piétinée par Jospin, une fois parvenu au poste de premier ministre.

Aujourd’hui dans l’opposition, Pasqua peut plus facilement jouer les trouble-fête. Il utilise ses états de service en faveur d’une politique réactionnaire pour mieux prendre à revers aussi bien les politiciens de droite en pleine déconfiture que ceux de gauche qui ont avec Chevènement poursuivi la politique de Pasqua contre les immigrés.

Il y a une certaine ironie à voir un expert en hypocrisie et en coups tordus contribuer par ses croche-pieds au gouvernement, au président de la République et tous ses collègues de droite, à démasquer la tartufferie des uns et des autres.

Indépendamment des calculs d’un Pasqua, les sans-papiers et tous ceux qui soutiennent leur lutte ne peuvent être qu’encouragés à poursuivre leur mobilisation pour obtenir totalement gain de cause. Mais il est aussi révélateur dans cette affaire que les hommes politiques au service de la bourgeoisie se sentent obligés à la fois de flatter des préjugés réactionnaires, nationalistes, et aussi des sentiments d’aspiration à une société fraternelle, sans violence et sans mépris de l’autre.

Pasqua, Jospin et Chirac ne font pas partie de notre monde. Ils parlent tous de la France avec des mots plus ou moins chatoyants pour nous berner. Le Pen et Mégret se nourrissent de leur discrédit et rêvent de leur succéder pour faire marcher les travailleurs à coups de trique. Nous n’avons rien de commun avec tous ces politiciens. Chacun à leur façon, ils servent cette minorité de milliardaires qui accaparent les richesses, engendrent la misère et détraquent toutes les relations sociales parce qu’ils ne voient que leurs profits.

Seuls les travailleurs et la jeunesse peuvent être porteurs d’une société fraternelle et défendre la politique qui lui permettra de voir le jour. Il nous faut pour cela repérer toutes les ruses, tous les pièges et toutes les formes de démagogies qui visent à nous paralyser, à nous empêcher de comprendre qui sont nos adversaires et qui sont nos alliés.

Agiter un drapeau tricolore le soir d’un match ne porte pas à conséquence si nous le rangeons ensuite pour nous emparer dans toutes nos luttes de celui des travailleurs du monde entier, le drapeau rouge. Tous ceux qui connaissent le chômage ou l’exploitation, tous ceux qui ne vivent que d’un salaire ou d’une allocation peuvent se considérer comme frères et sœurs : ils font partie d’une même communauté, quelle que soit leur nationalité, la communauté des gens utiles, qui font réellement fonctionner la société et qui peuvent par conséquent la changer.

 

Soudan : la famine organisée par la dictature

Une famine terrible s’abat actuellement sur le sud du Soudan : 1,2 million de personnes y manquent de nourriture, entre 50 000 et 100 000 sont déjà mortes de faim depuis le début de l’année et 350 000 sont d’ores et déjà condamnées d’ici la fin de l’année. Des villages entiers se " nourrissent " de feuilles, de glands, de termites et attendent les largages hasardeux des sacs de sorgho des avions de l’ONU... qui ne suffiront pas de toute façon : il faudrait 6000 tonnes par mois et seules 2000 tonnes sont acheminées ainsi. Des milliers de réfugiés (18 000 pour les seuls mois de mai et juin) se dirigent vers la capitale Khartoum après avoir marché des dizaines, des centaines de kilomètres avant de trouver un camion pour les déposer dans un des quatre grands camps de réfugiés à la périphérie de la ville, où il n’y a guère plus à manger.

Les réfugiés ne fuient pas seulement la faim. Ils fuient aussi la guerre : celle qui oppose depuis quinze ans le pouvoir en place à Khartoum à l’Armée de Libération des Peuples du Soudan (le SPLA) qui revendique l’autonomie et la liberté religieuse pour les populations chrétiennes et animistes du sud du pays et la création d’un Etat laïque. Depuis son indépendance en 1956, le Soudan n’a connu que dix ans de trêve (entre 1972 et 1982) dans cette guerre civile opposant le Nord et le Sud, guerre dont les motifs religieux et linguistiques cachent mal d’autres enjeux, notamment le contrôle d’une région au sous-sol extrêmement riche en pétrole. La dictature du général El-Béchir, au pouvoir depuis 1989, qui a rendu obligatoire l’usage de la charia (la loi islamique) et qui exerce sur toute la population une oppression féroce a réactivé la guerre civile mais n’est pas parvenue, malgré les forces engagées toujours plus nombreuses, à éradiquer la guérilla sudiste du SPLA. Depuis 1983, le conflit a fait plus de 14 millions de morts et trois fois plus de personnes réfugiées ou déplacées. Le sud du pays a été systématiquement dévasté et désertifié. La famine actuelle n’est pas due à la sécheresse ni aux sauterelles : c’est le résultat d’une politique délibérée du pouvoir afin d’affamer les populations de la région, qui fournissent toujours plus de combattants au SPLA. L’armée bombarde les villages, détruit les routes ; les outils et les semences ne parviennent plus jusqu’au Sud. Le ravitaillement de l’armée cantonnée au Sud s’effectue par une unique voie ferrée entre Khartoum et Wau : le voyage aller-retour dure trois mois. Le train est surveillé par les milices islamistes, les PDF (forces de défense populaires) qui ne touchent pas de solde et se paient donc directement sur la population en organisant des razzias sur les villages les plus proches de la ligne : les maigres récoltes sont pillées, les troupeaux volés et les jeunes enlevés pour être enrôlés ou vendus comme esclaves.

Devant la gravité de la famine le SPLA a demandé une trêve des combats de trois mois que Khartoum a fini par accepter le 20 juillet mais pour un mois seulement. L’ONU s’en est félicité, sans contester le contrôle de Khartoum sur l’essentiel de l’aide humanitaire. Le sort de millions de Soudanais en sursis ne tracasse personne parmi les puissants de ce monde, surtout pas l’impérialisme français qui a été, depuis la mise au ban du Soudan par les Etats-Unis (qui l’accusent d’être " la plaque tournante du terrorisme islamiste international "), le plus empressé à établir de bonnes relations avec Khartoum.

 .

Projet de budget 99 : 40 milliards de francs de cadeaux au patronat

Mercredi, le gouvernement a annoncé pour le budget 99, un projet d'allégement de la taxe professionnelle qui revient à faire cadeau aux entreprises qui paient cet impôt aux communes, de 40 milliards de francs, dont 5 à 6 dès 99. Il suffit pour cela d'enlever les salaires de l'assiette sur laquelle est calculé cet impôt. Ainsi, les communes verront se tarir une de leurs rares sources de revenus autres que celles provenant des impôts locaux, tandis que le gouvernement qui ne cesse de répéter qu'il faut encore réduire les déficits publics, et qui devra bien combler ce nouveau trou, puisera un peu plus dans les poches des contribuables et diminuera encore les dépenses utiles à la population.

Il y a peu, Hue déclarait à propos de l'ISF (impôt sur la fortune) sur lequel le Parti communiste a fait campagne : " je vois bien les obstacles qui se dressent et la vigueur de l'opposition du CNPF qui se fait le porte-parole virulent d'une poignée de privilégiés mais en dépit des obstacles, des choses commencent à bouger ". Et il se réjouit des deux milliards qui ont été imposés en plus aux grosses fortunes. Mais il n'a jusqu'ici rien dit, pas la moindre protestation, sur les dizaines de milliards de cadeaux offerts aux patrons par l'allégement de la taxe professionnelle, une mesure en préparation depuis plusieurs semaines.

L'agitation sur l'ISF, les protestations d'abord du patronat puis le soi-disant conflit entre Hue et Jospin ou Strauss-Kahn, tout cela, en fin de compte n'aura été qu'une campagne de diversion, tandis que se préparait une mesure offrant un nouveau pont d'or au patronat.

 .