éditorial



La restauration de la propriété capitaliste en Russie, c’est la faillite, le chômage, la misère. La bourgeoisie ruine l’économie mondiale

Depuis plusieurs jours, la crise politique et économique qui secoue la Russie fait la une de l’actualité. Les journalistes occidentaux ne manquent pas une occasion de ridiculiser Eltsine alcoolique et malade qui s’accroche au pouvoir. Mais le ridicule d’Eltsine n’a pas grand-chose à envier au ridicule de celui qui était son hôte, Clinton. Réunion peut-être symbolique de deux hommes au bout de leur course.

La crise politique qui se déroule en Russie est bien à l’image de la vie politique des prétendues démocraties occidentales, une vie conditionnée par les intérêts des politiciens et leur lutte pour le pouvoir.

Seulement en Russie, ces luttes pour le pouvoir se déroulent en pleine débâcle économique et sociale.

Il y a quelques années, il ne manquait pas de journalistes, d’intellectuels ou d’hommes politiques pour vanter les miracles qu’allait opérer la restauration du capitalisme dans ce qui avait été le pays de la victoire de la première révolution des travailleurs. Les uns et les autres vantaient les mérites de la démocratie et du libéralisme, de la propriété bourgeoise, opposés à la collectivisation et à la planification qu’ils identifiaient pour les besoins de leur cause avec la dictature de l’ex-bureaucratie mise en place par Staline.

Ce qui survivait il y a quelques années encore de la révolution d’octobre 1917, dans l’ancienne Union Soviétique avant qu’elle ne soit démantelée, n’avait rien à voir avec le communisme. L’Union Soviétique était dominée par une bureaucratie totalitaire, réactionnaire, empressée de singer les capitalistes. Malgré le pouvoir parasitaire et désorganisateur de cette bureaucratie ayant usurpé le pouvoir dès les années 30, la collectivisation réalisée par les travailleurs russes au lendemain de la révolution, avait permis, certes, au prix d’immenses souffrances pour le peuple, de faire de l’Union Soviétique une grande puissance.

Aujourd’hui, avec la restauration de la propriété capitaliste, l’Union Soviétique a éclaté et la Russie s’enfonce dans la crise. L’Etat, comme les grandes entreprises, sont incapables d’assurer la paye de millions de fonctionnaires ou d’ouvriers. Toute la richesse est accaparée pour financer la dette auprès des banques occidentales, ou garantir les privilèges de leurs associés, les mafias capitalistes.

Le miracle de leur " démocratie " et de la propriété privée, c’est la ruine d’une grande puissance, la misère pour l’immense majorité de la population, la famine même. C’est l’anarchie de la concurrence qui livre le pays aux appétits féroces et irresponsables des financiers internationaux.

La restauration de la propriété privée, c’est une grande puissance bradée aux intérêts des capitalistes, au prix de nouvelles souffrances pour ceux qui avaient déjà payé le prix de la domination de la bureaucratie, les millions de travailleurs qui avaient édifié l’Union Soviétique.

La Russie n’est pas un phénomène isolé. Elle est un des maillons les plus faibles de ce monde, soumis à la domination sans frein des puissances de l’argent. Elle s’effondre après que les pays du Sud-Est asiatique aient connu le même sort, plongeant en une année l’immense majorité de la population, des travailleurs d’Indonésie, de Corée, de Malaisie ou de Thaïlande dans la misère.

La semaine dernière, l’annonce de la chute du rouble de plus de 70 % a provoqué une panique sur toutes les places boursières. Toute l’économie mondiale est menacée d’un krach, d’une récession, parce qu’elle est entre les mains de la propriété privée capitaliste. Nous aurions tort de croire, comme le prétendent les dirigeants de ce pays, que l’Europe est à l’abri de la crise. Nous connaissons aujourd’hui le plus fort de ce qu’ils appellent la croissance sans que cela empêche les conditions de vie et de travail de la grande majorité des salariés de se dégrader, le chômage de persister, alors que la précarité déstabilise la vie de millions de jeunes. Nous ne devons nous faire aucune illusion, demain sera pire.

Du point de vue des capitalistes, l’économie ne produit pas assez de profits au regard des masses énormes de capitaux qui veulent exercer leur droit au pillage du travail humain. Cela veut dire à plus ou moins long terme une dépréciation de ces capitaux, des faillites, de nouvelles vagues de licenciements.

Loin de nous laisser endormir par le baratin des politiciens de gauche qui, " tranquillement ", gardent " le cap " de la défense de leurs propres intérêts et de ceux des classes dominantes, nous devons nous préparer à des combats futurs qui déboucheront sur un affrontement avec la bourgeoisie et son Etat et poseront inévitablement la nécessité de la transformation de cette société.

Oui, pour pallier aux ravages qu’opère la domination de la propriété privée bourgeoise, pour garantir la démocratie, la paix, le bien-être et la sécurité à tous, il faut en finir avec un système où une minorité parasite se joue du sort de l’immense majorité des producteurs.

 

D’accord sur l’essentiel, Jospin et Hue feignent des désaccords pour tenter de faire accepter leur politique

La rentrée politique du gouvernement de la gauche plurielle s’est faite sous la forme d’une fausse discussion entre Jospin et Hue portant sur leur appréciation différente du rythme des mesures gouvernementales à venir. D’accord sur le fond, Jospin et Hue, font semblant d’engager le fer. La perspective des élections européennes oblige Hue à marquer sa différence tout en justifiant sa politique et donc celle du gouvernement ! Exercice difficile qui ne pourrait se faire si l’un et l’autre n’étaient pas complices.

Jospin, à l’occasion de l’université d’été du Parti socialiste à la Rochelle le week-end dernier, s’est posé en chef de file de la gauche plurielle, se vantant de tenir ses promesses, et discourant sur sa capacité d’être, non plus seulement le dirigeant du Parti socialiste, mais celui de la France. Ce à quoi Hue lui a répondu dans une interview au journal " le Parisien aujourd’hui " sur la nécessité d’" aller de l’avant ". Ainsi, quand Jospin déclare : " il n’y aura ni recentrage politique, ni dérive. Le cap sera maintenu ", Hue répond : " je persiste dans l’idée qu’il faut un rythme plus soutenu dans la mise en œuvre du changement. Il en va de la réussite ou de l‘échec de la majorité plurielle ". Assuré de la solidarité gouvernementale des ministres du Parti communiste, Jospin dialogue avec Hue en faisant comme s’il y avait une réelle différence politique entre eux, et il répond : " pas la peine de forcer l’allure si c’est pour avoir le souffle coupé ".

Ainsi, sur l’application des 35 heures, Jospin, après Aubry, fait semblant de critiquer les patrons de la métallurgie qui ont dit haut et fort qu’il n’y aurait aucune création d’emplois. Et en dame patronnesse, il fait la morale aux travailleurs reprenant à son compte les préjugés de ceux qui leur reprochent de préférer le chômage à la précarité. Le Parti communiste qui fait campagne pour les 35 heures se sent obligé de poursuivre dans cette voie et appelle à la rentrée à " un grand mouvement social pour la réussite des 35 heures sans réduction de salaire et avec création d’emplois " 

Démagogiquement, Jospin fait semblant d’ouvrir le débat sur les moyens d’un changement : " La réforme est notre méthode de transformation sociale, entre l’immobilisme et le passage en force " déclare-t-il pour justifier à nouveau son opposition à la régularisation de tous les sans–papiers, la poursuite des privatisations et l’économie de marché… au nom d’un " socialisme réformiste ". Il est clair que la gauche plurielle est dans le camp du patronat et cette appréciation est en train de faire son chemin dans la conscience de nombreux militants de gauche et de travailleurs qui ne pourront rester fidèles à leurs idées et à leur classe qu’en se posant le problème de contribuer à ce qu’un parti vraiment socialiste et communiste voit le jour.

 

 

Russie : ex-bureaucrates, politiciens, maffieux et capitalistes se bousculent auprès de l’impérialisme pour obtenir ses faveurs

C’est dans une Russie en pleine crise financière et politique que Clinton est arrivé mardi, après avoir hésité, dit la presse, à maintenir cette visite à Eltsine, qui était prévue bien avant le déclenchement de la crise provoquée par la dévaluation du rouble le 17 août. A la Douma, les députés viennent de voter massivement contre l’investiture comme premier ministre de Tchernomyrdine, qu’Eltsine avait rappelé la semaine dernière, après l’avoir brutalement congédié il y a cinq mois. Alors que samedi dernier, un accord avait été signé entre les principaux partis politiques représentés à la Douma et le gouvernement, lundi, seuls 94 députés sur 450, pas même le total des voix des députés de son propre parti et de ses alliés, ont soutenu Tchernomyrdine. Il n’y a donc pas de gouvernement, et si Eltsine a maintenu la candidature de Tchernomyrdine, les députés ont affirmé de leur côté qu’il n’était pas question de voter pour son investiture lors de sa deuxième présentation à la Douma.

A l’approche de la visite de Clinton, les politiciens ont multiplié les surenchères en vue de marchander leur place au gouvernement, et du même coup et surtout, auprès des dirigeants de l’impérialisme. Alors qu’en fin de semaine dernière, les députés communistes avaient fait assaut de revendications, telles que la démission de Eltsine, le contrôle des prix et de la monnaie, et même une renationalisation de l’économie, il n’en était plus question dès le lendemain, alors que le dirigeant du FMI, Camdessus, ainsi que les dirigeants américains et européens multipliaient les mises en garde contre une politique qualifiée de " populiste ". Ils n’ont même pas eu l’ombre d’une critique à l’égard des propos d’allégeance aux représentants de l’impérialisme de Tchernomyrdine qui venait de déclarer : " Nous sommes déjà entrés dans l’ère de l’économie mondiale, et il n’y aura pas de retour en arrière ".

Comme toutes les formations politiques, le Parti communiste est un parti bourgeois, et même ses revendications " radicales ", destinées à utiliser le mécontentement de la population contre le gouvernement, n’effrayent pas les représentants de l’impérialisme. Témoin cet interview du vice-président de Goldman Sachs, une des plus grosses sociétés d’affaires américaines, réalisé par le journal patronal La Tribune : " Il est clair que les communistes vont jouer un rôle beaucoup plus important car ils sont le parti majoritaire à la Douma.[…] Un retour à une économie plus étatique paraît donc inévitable. Cette évolution aurait eu lieu même en l'absence des communistes, puisqu'on la constate aussi dans les pays asiatiques en crise, où les gouvernements sont bien forcés d’intervenir. Le gouvernement russe va s’orienter vers un contrôle des prix et des salaires, pour éviter l’hyperinflation. Les communistes ne sont pas les seuls à demander de telles mesures, le général Alexandre Lebed les préconise aussi... "

C’est impossible de dire quelle sera la composition du futur gouvernement russe, Clinton devait rencontrer mercredi la plupart des politiciens russes, mais une chose est sûre, ce gouvernement sera à la botte de ceux qui ont pillé l’économie russe et l’ont ouverte également à la rapacité des trusts impérialistes.

Ce sur quoi la population, aux prises avec la hausse des prix, n’a guère d’illusions. D’après ce que rapporte la presse, ce sont tous les politiciens qui sont traités de voleurs. Si la crise financière ruine ceux dans la petite bourgeoisie qui n’ont pas eu le temps de retirer des banques leurs économies en dollars, pour la grande masse de la population, elle se traduit par une réduction brutale de son pouvoir d’achat, et la certitude de manquer à très court terme des produits les plus indispensables, la nourriture en particulier.

Tous les politiciens ont, au cours de leurs marchandages, agité la menace d’une explosion sociale, et il est évident que la majorité de la population n’éprouve que de la haine à l’égard de tous ceux qui dirigent la Russie aujourd’hui. Mais il n’y a pas d’autre issue possible à sa situation que la renaissance des idées authentiquement socialistes et communistes, et l’organisation du monde du travail sur cette base.