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Nouvelle offensive des banques avec l’arnaque des chèques payants 

Les banques françaises ont en projet depuis bien longtemps déjà le chèque payant. Seulement la pilule n’est pas facile à faire avaler : en 1986, les banques avaient lamentablement échoué dans leur première tentative... Mais avec l’Euro, voilà l’aubaine. En effet, les systèmes bancaires des autres pays européens font payer les chèques. Alors, sous prétexte " d’harmonisation européenne "... C’est donc sur ce thème que planchent ceux qui sont actuellement chargés de préparer l’opinion à ce passage en force. Tout est prévu pour le lancement du chèque payant, de l’argumentaire pour le client à la manière de répondre aux éventuelles questions des journalistes, et même " l’organisme consultatif " qui devra entériner la chose pour que tout soit fait dans les règles. Pour cela, les banques viennent de réactiver un certain " comité consultatif des usagers ", une instance de concertation créée en 1984 et moribonde l’an dernier.

Quant à la date du lancement des chèques payants, il y a un petit problème : le plus logique aurait été janvier, c’est-à-dire en même temps que le passage à l’Euro. Mais la date tombe en même temps que les achats de Noël, ce qui ne rendrait pas la mesure particulièrement populaire. On réfléchit donc, à l’Afecei (le groupement des établissements bancaires) pour trouver le " bon moment psychologique ".

L’argument de l’Euro risque d’être peu convaincant quand on apprend en même temps que les banques françaises comparées aux autres ont une facturation plus élevée sur les incidents de paiements, la consultation des comptes à distance ou sur la carte de débit. Elles sont aussi les seules en Europe à ne pas rémunérer les comptes courants. Mais cet aspect-là aura sûrement beaucoup moins de publicité. Et même si les banques devaient, en contrepartie des chèques payants, rémunérer les dépôts à vue, elles resteraient gagnantes car leur gros problème est celui des chèques. Contrairement aux cartes, virements et prélèvements automatiques, paiements dématérialisés, le chèque reste un moyen de paiement matériel qui oblige les banques à conserver du personnel. Ce sont donc des licenciements importants qu’elles visent à travers cette mesure. Quant à ceux qui continueront à utiliser leur chéquier, ils seront taxés. C’est-à-dire essentiellement les personnes âgées, qui hésitent devant les nouveaux moyens de paiements, et les milieux populaires, puisque le chèque avec sa trace matérielle, reste le moyen le plus simple de gérer un compte à petit revenu. Hypocritement, l'objet du rapport officiel rédigé pour le gouvernement traite de comment " concilier l'amélioration de la compétitivité avec la prise en compte des besoins les plus modestes ". Mais les conclusions du rapport ne concilient rien du tout, puisque la facturation des chèques aboutira à augmenter le profit bancaire, sur le dos des classes populaires.

 

 

La presse et l’extrême-gauche, au-delà de l’hostilité politique, la révélation de faiblesses

En cette rentrée politique, les supputations à propos des futures élections européennes amènent la presse à s’intéresser d’une façon peu habituelle à l’extrême-gauche. Personne ne le regrettera. Cela exprime l’existence de l’extrême-gauche en tant que réel courant politique susceptible de compter tant au niveau politique que social.

Mais la façon dont les journalistes rendent compte des discussions qui se déroulent parmi nous est pour le moins caricaturale, approximative, exprimant leur incompréhension à l’égard de nos préoccupations. Cela n’est pas très surprenant. Notre confiance dans la classe ouvrière, la discipline, la fidélité aux idées, la solidarité sociale ou la camaraderie sont autant de comportements qui suscitent leur ironie méprisante. Parfois, cette incompréhension prend le visage de la franche hostilité, ou de la malveillance. Mais là encore, comment s’en étonner ?

Le numéro de " l’Express " de la semaine dernière a consacré plusieurs pages à Lutte Ouvrière à travers lesquelles sont évoquées les péripéties, à défaut des causes politiques réelles et profondes, de l’exclusion des camarades à l’origine de " Voix des Travailleurs ".

Ces quelques pages sont à nouveau l’occasion pour bon nombre de militants de Lutte Ouvrière de nous attaquer en nous rendant responsables des accusations de sectarisme dont ils sont l’objet. Il y a là encore une curieuse façon de déplacer le problème pour éviter de se poser la véritable question des responsabilités de la direction de Lutte Ouvrière. C’est la politique du bouc émissaire. On accuse les victimes de la politique irresponsable de la direction de Lutte Ouvrière d’être coupables de leur propre exclusion !

C’est une logique bien connue en politique mais dont l’usage ne s’apparente pas aux traditions de la démocratie révolutionnaire, à celle du trotskysme.

Certains nous reprochent encore d’avoir mis sur la place publique les documents ayant trait à notre exclusion. Sans doute ceux qui voulaient nous éliminer politiquement, auraient-ils préféré que nous acceptions notre propre liquidation en silence. On comprendra aisément que nous ne pouvions avoir le même point de vue. A chacun d’assumer ses écrits et ses actes.

Et si aujourd’hui, Lutte Ouvrière offre une cible si facile à la malveillance de certains journalistes, peut-être serait-il bon d’en rechercher la cause ailleurs que dans les accusations ou les procès.

Lutte Ouvrière est en position de faiblesse parce qu’elle ne prend pas ses responsabilités politiques, parce qu’elle n’affirme pas haut et clair des ambitions et des perspectives à la hauteur de notre passé et de la confiance que lui ont accordée des centaines de milliers de travailleurs par leur vote. Oui, Lutte Ouvrière est en position de faiblesse, parce qu’elle se dérobe, parce qu’elle ne va pas jusqu’au bout de ses responsabilités. Elle s’excuse de ses propres succès.

Lutte Ouvrière est faible de n’avoir pas été jusqu’au bout de l’appel formulé par Arlette Laguiller au lendemain des élections présidentielles. Elle est faible pour les mêmes raisons qui ont conduit à notre exclusion.

Les militants de Lutte Ouvrière sont désarmés. Mis devant leurs propres responsabilités, réalisant enfin la signification de notre exclusion qu’ils ont acceptée et votée, bon nombre d’entre eux sont pris de crainte à l’idée de comprendre et préfèrent pratiquer la politique du bouc émissaire en se solidarisant avec leur direction.

Vaine tentative de se mentir à soi-même. Les faits sont têtus et s’imposeront à tous dans leur logique politique. Il existe aujourd’hui dans ce pays la possibilité de construire un véritable parti d’extrême-gauche, regroupant l’ensemble des tendances du mouvement. C’est non seulement une possibilité mais une exigence et un besoin du point de vue des intérêts du monde du travail. Ceux qui se détournent de cette perspective pourront toujours chercher des responsables à accuser de leur propre faillite, ils n’y échapperont pas. Et Lutte Ouvrière aurait un rôle décisif à jouer, mais cela suppose rompre avec le sectarisme qui se justifie par la politique de la forteresse assiégée.

  

L’euro, un " paratonnerre " qui ne nous protégera de rien !

Lors de l’université d’été du PS à La Rochelle, Dominique Strauss-Kahn a estimé que l’euro était un " formidable paratonnerre ". " On voit bien qu’il nous protège et que grâce à l’euro, les pays qui sont dans l’euro ne sont pratiquement pas touchés par l’ensemble de ces mouvements que l’on voit à la fois en Asie et en Russie ".

Certes, ces derniers mois, les spéculations monétaires n’ont pas visé les monnaies européennes. La mise en place prochaine de l’euro a certainement dissuadé les financiers de jouer sur les écarts entre les monnaies des différents pays, sachant qu’ils s’attireraient une riposte groupée des principales banques centrales européennes.

Mais l’euro ne protège malgré tout en rien l’économie européenne des conséquences de la crise qui touche l’ensemble des places financières. La spéculation contre les monnaies n’est qu’un aspect de cette crise et elle s’est prioritairement exercée dans les pays les plus fragiles. Si l’Europe et les USA ont pu s’en tenir à l’écart, c’est précisément parce qu’ils ont profité des rapatriements de capitaux des financiers qui, après avoir saigné les pays asiatiques et la Russie, ont cherché des placements qu’ils jugent plus sûrs dans les pays capitalistes les plus puissants. Mais cela ne les met nullement à l’abri de l’extension de la crise. Derrière les spéculations financières, les débâcles monétaires et boursières, ce qui est en œuvre, c’est une récession et les économies sont trop dépendantes, trop imbriquées, résultat de cette politique de libre-échange à l’échelle de la planète qui est la nouvelle forme que prend le capitalisme, pour pouvoir y échapper. Ni l’Europe, ni les USA ne seront des îlots protégés de la crise et ne pourront poursuivre paisiblement leur croissance économique.

La crise provoque une concurrence exacerbée entre les trusts pour conquérir des marchés d’autant plus disputés qu’ils se réduisent. Cette concurrence est accrue par les fusions auxquelles se livrent les plus grands trusts américains et européens. Dans cette guerre économique, les principaux capitalistes européens feront tout, quel qu’en soit le prix à payer pour leur peuple, pour mettre en place l’euro, qui est pour eux une arme essentielle dans la bataille économique qu’ils livrent notamment aux capitalistes américains. Pour les pays les plus faibles, maintenir les conditions de la parité se traduira par des sacrifices encore plus importants exigés à leur population, certains même, si les secousses monétaires sont trop rudes, pourront être amenés à s’en décrocher. La Grande Bretagne où une fraction du patronat proteste contre le taux trop élevé de la livre, sera par contre peut être tentée d’y accrocher son wagon. Mais à travers tous les aléas et toutes les crises, les capitalistes européens sont d’autant plus déterminés à mettre en place l’euro que la guerre économique s’intensifie.

Il n’y a là rien qui puisse nous rassurer, quoi qu’en dise Strauss-Kahn qui s’est fait une spécialité de multiplier les déclarations rassurantes pour mieux nous faire avaler la pilule de la politique gouvernementale : l’euro n’est pas une protection contre la crise économique. Il n’est pas non plus, contrairement à ce que disent les démagogues de tous bords qui spéculent sur les préjugés chauvins, la cause du chômage et de l’aggravation des conditions de vie et de travail des salariés. Tout retour en arrière, tout recours au protectionnisme et aux monnaies nationales est impossible, réactionnaire au sens où il ne pourrait se faire qu’au prix d’une régression. L’euro n’est qu’un des moyens par lequel les capitalistes mènent leur politique, et c’est l’ensemble de cette politique qu’il faut combattre, d’un point de vue progressiste, celui de la perspective d’une Europe des travailleurs.

 

 

La lutte des sans-papiers du Havre ne faiblit pas

Lundi 31 août, une assemblée générale du collectif de soutien et du collectif des sans-papiers a réuni 120 personnes. Cette réunion a fait le bilan de la suite donnée aux entretiens que les sans-papiers ont eu individuellement, chacun étant assisté de leurs parrains et d’un membre du collectif de soutien. Rappelons que pour chaque sans-papier non régularisé, la régularisation coûte entre 2600 F et 3000 F : 1300 F pour la chancellerie, 1000 F pour la visite médicale, et 300 F de timbres fiscaux (dans le n°54 de Vdt, nous n’avions mentionné que les frais de chancellerie et de timbres).

Sept sans-papiers ont été régularisés depuis lundi dernier. Cependant la colère monte parmi les sans-papiers en lutte, dont beaucoup sont mauritaniens, car la préfecture, obéissant à la volonté politique du gouvernement, veut nier la dictature mauritanienne en faisant passer les dossiers des déboutés du droit d’asile pour des malades relevant des services de la DDASS. On voit clairement que le gouvernement français a choisi de protéger ses intérêts financiers et diplomatiques avec la dictature mauritanienne qu’il couvre honteusement. La non régularisation des déboutés du droit d’asile entraînerait leur expulsion et ce retour au pays serait pour eux un arrêt de mort. Les sans-papiers, face à ce mépris, ont provoqué une conférence de presse pour dénoncer les faits et annoncer un durcissement de la lutte.

Les collectifs de Rouen, d’Elbeuf et du Havre, se sont rencontrés et ont fixé le cadre d’un collectif régional dont la première décision d’action est l’appel à une manifestation régionale à Rouen le 12 septembre. La manifestation nationale du 30 août a montré que la combativité est croissante et la création du collectif régional en est aussi une preuve.

 

 

Mobilisations de travailleurs maghrébins contre leur statut de " précaire a perpétuité "

Dans la région des Bouches-du-Rhône, cela fait des décennies que des travailleurs maghrébins sont employés comme ouvriers agricoles par la voie des contrats de l’Office des Migrations Internationales (OMI). A la mi-août, comme ils l’avaient déjà fait l’an dernier à Arles, 500 travailleurs ont arrêté le travail et manifesté dans les rues de Marseille aux cris de " contre l’esclavage des contrats de l’OMI " ou " pour une carte de séjour de 10 ans ". Comme le disait un militant de la CGT : " les Bouches-du-Rhône sont la seule région du monde où les saisons durent de 6 à 8 mois ".

Cette situation de précaire à perpétuité relève d’une réglementation d’exception émanant d’un accord patronat-gouvernement qui n’a cours que dans ce département ! Elle témoigne d’une exploitation patronale forcenée : ces travailleurs effectuent de 250 à 300 heures de travail par mois avec comme seul repos le dimanche et ils ne sont rémunérés que sur la base du SMIC c’est à dire 169 heures ! 17 000 salariés agricoles de la région sont ainsi soumis à cette exploitation patronale de type féodal ne pouvant choisir ni leur employeur, ni leur logement.

La revendication de la transformation du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée devait être examinée au cas par cas au mois de février par le ministère du Travail. Mais alors que la plupart d’entre eux travaille depuis plus de 15 ans, l’Etat leur refuse l’octroi d’un titre de séjour permanent : 3 000 travailleurs de l’OMI ont vu leurs demandes écartées d’office du bénéfice de la circulaire Chevènement. Une fois le contrat terminé, l’administration leur demande de quitter le territoire sous un délai de huit jours. La mobilisation devait se poursuivre dans les prochains jours.