éditorial



 

Les travailleurs ne se laisseront pas anesthésier par tous les dévots du système capitaliste

Les risques d’une crise brutale frappant l’économie mondiale se précisent. Parallèlement dans ce pays, les politiciens, les sondeurs et les commentateurs cherchent à nous rassurer. D’après eux, il n’y aurait pas d’inquiétude à avoir : la France serait un îlot de prospérité en mesure d’échapper à la récession qui a déjà frappé durement le Tiers monde, le Japon et la Russie et qui menace à présent les pays impérialistes en Amérique et en Europe.

Ces gens-là veulent nous endormir en répétant que " les Français sont optimistes ", que l’économie française connaît " une embellie " et que Jospin a " une cote formidable " dans l’opinion. Cela ressemble au blabla d’un Jean-Pierre Foucault cherchant à faire croire aux téléspectateurs de TF1 que le concert de Johnny Halliday aurait bien lieu comme prévu, malgré une pluie battante. Les 80 000 spectateurs du stade de France ont été déçus mais au moins ils ont pu se faire rembourser.

Mais sur le terrain social, les politiciens de droite ou de gauche aimeraient bien embobiner les travailleurs et leur faire payer la note chèrement. Ces saltimbanques veulent nous faire croire que l’économie française détient des atouts particuliers, lui permettant d’échapper au recul général de l’économie. Nous, travailleurs, nous n’avons aucun crédit à accorder à un tel conte à dormir debout qui a pour but de nous désarmer face aux coups sévères que la bourgeoisie et son Etat se préparent à nous assener.

Le capitalisme est un système mondial chahuté par la logique anarchique des mouvements de capitaux à la recherche du profit maximum. Il n’est contrôlé par personne et aucune de ses parties, pas plus l’économie française qu’une autre ne peut rester longtemps à l’écart du marasme général, voire de l’effondrement général.

Le gouvernement actuel n’est un atout que pour les patrons et les riches qui voient la vie en rose et expriment leur optimisme irresponsable. Il peut tout juste espérer que la conjoncture économique maintiendra une certaine croissance, sans rien y pouvoir.

Depuis plus d’un an la gauche gouvernementale applique des mesures qui réjouissent les nantis, appauvrissent les classes populaires et accompagnent la fuite en avant de tous les patrons et banquiers à la recherche de profits rapides et substantiels.

Les privatisations partielles ou totales d’entreprises publiques très rentables marchent toujours bon train. Cela alimente encore plus la spéculation boursière la plus démente et favorise les suppressions de postes et les licenciements. La loi Aubry sur les 35 heures a ouvert les vannes de la flexibilité et de la dégradation des conditions de travail et elle sert de prétexte à la distribution de grosses sommes aux patrons pour les " inciter " à passer plus rapidement aux 35 heures sans que cela ne crée des embauches réelles. Le gouvernement prépare bien d’autres cadeaux au patronat.

Les politiciens de droite ont beau trépigner et prétendre que la politique de Jospin n’est pas assez " libérale ", ils ne parviennent même pas à convaincre les éditorialistes du " Figaro ", consternés par leur nullité et se demandant avec une ironie mordante si les gens de droite ne vont pas finir par rejoindre le Parti socialiste.

Cela a au moins le mérite de mettre en lumière le niveau de servilité du Parti socialiste à l’égard des classes riches, parti qui entraîne dans son sillage les Verts et le Parti communiste. Les dirigeants du PCF mentent aux travailleurs en prétendant que le gouvernement actuel est un atout pour eux et qu’il pourrait exister un bon capitalisme, industriel et non spéculatif, soucieux de croissance et du bien être général.

Ce sont des arguments de charlatans qui veulent nous persuader que seule une économie basée sur la propriété privée peut exister. En fait ils ont tous peur de ces millions de travailleurs qui ne vont pas supporter longtemps le sort qui leur est fait.

Il est temps pour les plus conscients d’entre eux de reprendre l’initiative sur tous les terrains, de rompre toute solidarité avec les politiciens de gauche, de préparer leur offensive contre tous les apôtres du capitalisme. Parmi eux, les politiciens démagogues et arrivistes du Front national se dégonfleraient comme une baudruche face aux travailleurs et aux jeunes les plus déterminés. Nous avons à dégager la voie de la lutte collective, de la lutte de classe, en renouant avec des idées et un programme authentiquement communiste et internationaliste.

Nous devons nous donner les moyens d’exproprier la minorité qui possède les capitaux et a ainsi le pouvoir d’exploiter, de piller et d’acculer à la misère une part grandissante de l’humanité. C’est une nécessité vitale à laquelle le monde du travail doit se préparer dès maintenant.

 

Grève des routiers : vive la limitation du temps de travail et le salaire maximum a l’échelle de l’Europe !

Mardi 8 septembre, les chauffeurs routiers se sont mobilisés dans plusieurs pays européens pour dénoncer leurs conditions de travail et affirmer leur solidarité par-delà les frontières. Depuis le 1er juillet dernier, l’ouverture des frontières entraîne la possibilité pour les patrons européens du transport de faire travailler leurs salariés dans n’importe quel pays d’Europe avec pour conséquence l’exacerbation de la concurrence pour s’approprier les marchés en imposant une dégradation constante des conditions de travail. Le 18 septembre prochain, un accord sur une législation commune en matière de conditions de travail pour l’ensemble du transport doit être signé à Bruxelles et si d’ici le 30 septembre, cet accord s’avère impossible, le parlement européen tranchera.

" La fatigue tue ", tel était le titre de tracts diffusés par des chauffeurs qui réclament que la semaine de travail soit fixée à 38 heures. Alors qu’en France, les salariés ont fait des mouvements durs dernièrement pour exiger que le temps de chargement et de déchargement soit compté dans le temps de travail, que les heures supplémentaires soient limitées et que les salaires soient corrects, les promesses faites ne se sont pour la plupart pas concrétisées et ils savent qu’ils ne peuvent compter que sur leur propre pression. Le temps de travail reste de 60 à 90 heures et les salaires proches de 5000 F pour certains. Dans les autres pays, les conditions sont parfois pires à tel point que 2800 chauffeurs sont tués tous les ans à l’échelle de l’Europe. L’internationale des salariés du transport est déjà une réalité : les conditions de travail elles-mêmes les mettent en contact quotidiennement et les différences de langue ne font pas obstacle à la comparaison des bulletins de salaires entre eux. Le sentiment qu’il faut imposer les meilleures conditions de travail et de salaires pour tous fait son chemin et les différentes actions à l’occasion du 8 septembre en apportent la preuve : des barrages filtrants ont été organisés en commun par des chauffeurs français, belges ou allemands. La pression exercée par les chauffeurs des différents pays européens s’exerce aussi sur leurs directions syndicales obligées d’emboîter le pas et de prendre position pour " une harmonisation sociale par le haut " comme l’a dit le secrétaire de la CFDT. Et jusqu’à Gayssot, le ministre des Transports qui, recevant les responsables syndicaux, a dit, démagogiquement, comprendre " les préoccupations à l’origine de cette journée d’action européenne ". Ce qui sera déterminant, c’est l’évolution de la conscience des routiers de leur force à l’échelle de l’Europe.

Le capitalisme provoque la débâcle économique et sociale en Russie

La tourmente financière qui s’est déchaînée sur la Russie il y a trois semaines a provoqué la panique de la population. Elle s’est précipitée pour acheter ce qu’elle pouvait avant que le rouble ne perde toute valeur. Les reportages télévisés ont montré les étals vides, les queues d’acheteurs angoissés et leurs réactions de haine à l’égard de tous les politiciens affairistes. De son côté Eltsine est toujours à la recherche d’un chef de gouvernement susceptible d’être intronisé par la Douma et les puissances occidentales commencent à s’inquiéter de l’absence d’un pouvoir central susceptible de reprendre la situation en mains.

En fait la déroute actuelle a été le résultat des décisions imposées par le FMI à la Russie accompagnées d’une spéculation financière furieuse qui a pompé une grande partie des ressources de l’Etat et des richesses du pays. Eltsine, ses ministres et ses conseillers ont joué le rôle d’huissiers complaisants qui ont permis aux trusts et aux spéculateurs occidentaux de piller l’économie du pays. Ces anciens bureaucrates brejneviens reconvertis en quelque sorte en bourgeois compradores s’en sont mis plein les poches au passage et ont fait fructifier leurs comptes en banque à l’étranger.

Les responsables du FMI et de la Banque mondiale savaient pertinemment que leurs milliards de dollars de prêts à l’Etat russe le mettait sous leur férule et ne faisaient qu’alimenter les canaux de la spéculation et de la corruption. En particulier l’Etat a employé 10 à 12 milliards de dollars uniquement pour verser des intérêts vertigineux à ceux qui spéculaient sur les titres d’Etat à court terme, les GKO. Tout ce montage financier aberrant est en train de s’écrouler.

La dévaluation du rouble de 34 % le 17 août dernier n’était qu’un prélude à son effondrement actuel. Dès le 26 août la Banque centrale russe n’était plus en mesure de soutenir le rouble qui désormais n’est plus convertible en dollar qu’au marché noir. La plupart des transactions entre banques, entreprises et particuliers sont bloquées. Les experts estiment que sur 1500 banques, seules une trentaine échapperont à la faillite. Les autres vont licencier une bonne partie de leur personnel tandis que les petits épargnants ont perdu toutes leurs économies dans la tourmente financière. Les conséquences sont aujourd’hui fulgurantes sur la vie quotidienne de la population russe. La flambée des prix sur la plupart des produits de consommation s’est accompagnée rapidement d’une pénurie sur une série de denrées. Plus de la moitié des produits alimentaires sont importés. Leur prix a doublé. L’inflation du rouble a permis à l’Etat d’éponger une grande partie de sa dette à l’égard de ses fournisseurs russes et surtout de millions de travailleurs à qui il devait plusieurs mois de salaires et qu’il paiera peut-être un jour en monnaie de singe.

Tous ces mécanismes qui se retournent contre la population et plongent les trois quarts d’entre elle en dessous du seuil de pauvreté sont ceux de l’économie capitaliste. S’imaginer que les ressorts de l’ancienne économie soviétique continuent à fonctionner sous prétexte qu’un marché national cohérent ne s’est pas mis en place serait totalement ridicule. Au Congo non plus un tel marché n’existe pas. Dans de telles situations il faut bien que la population ait recours au troc et à divers expédients ce qui n’est en rien un progrès ou une protection par rapport à des pays où existent un marché, une économie monétaire avec des possibilités de comptabilité minimum.

La suppression de la planification, du monopole du commerce extérieur et de la plupart des mesures de protection sociale s’est accompagnée depuis le début des années 90 de la restauration de la propriété privée par de nombreux pores de l’économie. Cela n’a évidemment pas permis d’instaurer un capitalisme développé mais cela a permis aux grandes puissances financières occidentales de piller la Russie en connexion étroite avec la mince couche de bourgeois russes issue de la bureaucratie. Et c’est pourquoi l’économie russe a été affectée très brutalement par la crise financière internationale.

Il y a en fait des liens étroits entre la crise du régime, la paralysie de l’Etat et le délabrement de la situation économique et sociale. Le crédit d’Eltsine dans l’opinion publique russe a suivi la courbe du rouble en chute libre. Du côté des puissances occidentales il n’y a plus guère que Chirac pour encourager aimablement Eltsine à poursuivre ses " réformes " comme il vient de le faire la semaine dernière au cours de son voyage en Ukraine. Les candidats " sérieux " au poste de premier ministre ont tendance à se défiler car être proposé par Eltsine, c’est automatiquement recevoir " le baiser de la mort ", politiquement s’entend. Les personnalités les plus prépondérantes au sein de ce que la presse russe appelle les oligarques préféreraient accéder au pouvoir dans un meilleure contexte et sans l’aval d’Eltsine en qui plus personne n’a confiance. C’est pourquoi chacun s’efforce de dicter à Eltsine des conditions draconiennes pour lui et agite comme moyen de pression le risque de guerre civile. Plusieurs dont le général Lebed ou le maire affairiste de Moscou Loujkov aimeraient bien se faire passer pour des "sauveurs de la patrie". Les puissances occidentales appellent de plus en plus de leur voeux un pouvoir réellement fort, et si nécessaire dictatorial. Capitalistes étrangers ou bourgeois mafieux russes, ils ont tous peur que la crise sociale qu’ils ont provoquée ne prenne un tour dangereux et que les travailleurs ne se contentent pas de faire grève, de manifester mais renouent avec les idées de la révolution bolchévique de 1917. C’est dans cette voie que réside l’espoir pour les travailleurs de Russie de sortir de la crise actuelle.