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La crise financière, résultat, révélateur et amplificateur de la crise de la production capitaliste

Devant l’effondrement de la Russie et de la propagation des ondes de choc nées du séisme financier qui ruine l’Asie, il ne manque pas de voix pour dénoncer le libéralisme et ses excès, dont les ravages risqueraient d’atteindre l’Europe si nos gouvernants n’entendaient pas les sages conseils des apôtres de la bonne raison capitaliste.

Ce à quoi les gouvernants en question répondent " tout va bien Madame la marquise ". Malheureusement, le capitalisme a des raisons que la raison ne connaît pas et les Etats qui le servent quelque soit le gouvernement, s’y soumettent. La crise financière actuelle loin d’être en phénomène superficiel, est le symptôme d’une maladie, la poussée de fièvre d’un organisme malade au plus profond de lui-même.

Cette maladie qui ronge la société c’est la contradiction entre une économie mondialisée, globalisée, socialisée et l’appropriation privée, capitaliste, des fruits du travail.

Cette appropriation privée entraîne une féroce concurrence entre groupes capitalistes pour le partage des richesses pillées sur le dos des travailleurs et des peuples. C’est cette lutte entre capitalistes qui provoque les spéculations, les batailles boursières ou monétaires qui se déroulent au rythme fou des déplacements des capitaux prêts à sucer la moindre goutte de profit.

Dès que ces capitaux vampires du sang des peuples ne peuvent plus aspirer les plus-values dont ils se nourrissent, ils se retirent, à la recherche de nouveaux investissements.

Leurs nervosités, les krachs et les effondrements que leur valse anarchique provoque, reflètent à l’opposé la mollesse du corps de l’économie qu’ils vident de ses forces. Pour faire des profits, il faut vendre, mais aussi s’opposer à une hausse des salaires. Dans les phases de développement économique, tout va à peu prés bien, mais alors que les profits s’envolent, les salaires stagnent, voire même comme ces dernières années reculent. Comme le développement des capacités de production vont plus vite sous le fouet des besoins du capital que la consommation solvable, il arrive un moment où les marchandises se vendent moins, les marchés de biens réels sont encombrés, la tendance s’inverse, les prix industriels baissent comme c’est le cas aujourd’hui, le prix des matières premières ou de l’énergie aussi, comme c’est encore le cas aujourd’hui alors que le chômage s’accroît, que les salaires baissent, mais jamais assez aux yeux des capitalistes.

Alors que la période de croissance a grossi considérablement la masse des capitaux, ceux-ci ne trouvent plus assez de plus-value du fait du simple ralentissement de la production.

Alors, le parasitisme du capital prend toute sa mesure. Pour faire plus de profit, il faut licencier, bloquer les salaires, il faut déclarer la guerre aux travailleurs et aux peuples, pour leur voler de nouvelles parts de richesse. Ce faisant, les capitalistes et les Etats limitent la consommation, aggravant la crise de la production. Le doute devant l’incertitude s’empare des financiers et spéculateurs. La concurrence qui les déchire achève de ruiner l’économie.

C’est ce qui se passe aujourd’hui.

Ainsi le dernier épisode de la crise financière, la baisse du dollar et la hausse des Bourses asiatiques, ne s’expliquent que par le fait que les capitaux qui ont trouvé refuge sur la monnaie la plus forte, le dollar, vendent maintenant pour empocher les bénéfices de la hausse du dollar qu’ils ont eux-mêmes provoquée. Ils vendent pour ensuite investir les bénéfices en achetant à la baisse dans les pays ruinés, d’où la hausse des Bourses asiatiques.

Voilà qui donnent la tendance générale, aujourd’hui, les financiers spéculent à la baisse.

Les biens qu’ils rachètent, ce sont les biens de ceux qu’ils ont ruinés. Ainsi s’opère-t-il une vague de concentration du capital encore plus forte que celle des années de croissance.

Jusqu’où ira le retournement de tendance dans lequel nous sommes aujourd’hui, difficile de le dire. Probablement les puissances les plus riches ont encore suffisamment de force pour éviter un effondrement de l’économie mondiale.

Il est certain par contre que ce réajustement n’est pas fini, qu’il y aura encore beaucoup de casse, de misère, de chômage et que le redémarrage de l’économie ne corrigera pas ce recul dont souffre déjà les salariés et les peuples, simple étape vers une nouvelle crise, encore plus grave et plus aiguë. Dans cette course aveugle, le capitalisme n’a pas d’issue ni d’échappatoire. Seuls les travailleurs pourront mettre fin à cette catastrophe sociale.

 

Ce spectre qui ne cesse de les hanter

Pendant des décennies, les adversaires du communisme ont affirmé que Staline avait bien été le continuateur de Lénine. Aujourd’hui, il ne s’agit plus de montrer que Staline était le continuateur de Lénine mais de montrer que Lénine était le digne prédécesseur de Staline !

Hélène Carrère d’Encausse, habituée des colonnes du " Figaro " et membre de l’Académie française, a écrit une biographie de Lénine pour démontrer que le stalinisme n’était pas seulement en germe dans le léninisme mais qu’il y était déjà pleinement développé et que la personnalité de Lénine était aussi repoussante que celle de Staline !

Carrère d’Encausse résume son livre d’une phrase : " c‘est frustrant de s’apercevoir qu’il n’y a pas de découvertes à faire ". Alors à défaut de faire du neuf, elle reprend de très vieilles calomnies contre Lénine. Lénine agent de l’Allemagne par exemple : " en 1917, il a l’argent des Allemands. C’est une histoire formidable, il a été acheté pour casser le front qui se dressait contre les Allemands et déstabiliser l’empire ". Lénine est évidemment cruel : " tant qu’il n’a pas le pouvoir, il ne peut détruire personne mais dès qu’il accède au pouvoir, il pratique la cruauté tout court. Il ne faut pas oublier que c’est lui qui a fait gazer des paysans. Bien sûr Hitler était un monstre ! Mais Lénine a fait monter des paysans dans des camions pour être gazés. C’était en 1920 ".

Dès qu’elle se lance dans la discussion des idées de Lénine, Hélène Carrère d’Encausse est moins à l’aise. Lénine est évidemment un " manipulateur de génie ". Curieux manipulateur, dont elle reconnaît quelques lignes plus loin : " toute sa pensée se trouve dans les 56 volumes de ses œuvres complètes…L’important chez lui, c’est ce qu’il a pensé et ce qu’il a voulu, or tout cela, il l’a exprimé ". Le génie du manipulateur ? C’est d’écrire tout ce qu’il pense ! Il est vrai que la pensée de Lénine est assez hermétique à Hélène Carrère d’Encausse qui écrit à propos de 1917 : " c’est en élaborant une stratégie nationale de la révolution, en inscrivant la nation au cœur du processus révolutionnaire qu’il pense y parvenir ". Quel génie de la manipulation, cet homme " qui mettait la nation au cœur du processus révolutionnaire " et qui a créé en pleine guerre civile, la III Internationale, " le parti mondial de la révolution " !.

Ce qu’il y a de réjouissant dans ce genre d’ouvrages, c’est que l’acharnement dont ils témoignent montre à quel point les défenseurs de l’ordre social craignent aujourd’hui les idées communistes et ceux qui les ont incarnés. Quant à leurs méthodes et à leurs raisonnements, qui mêlent ragots ( pensez-donc, Lénine a eu une liaison avec Inès Armand ! ), calomnies et manque total de scrupules dans l’analyse des idées, on pourrait les qualifier de staliniens si Staline ne les avait pas précisément empruntés aux bourgeois et à leurs plumitifs ! En ce sens, Hélène Carrère d’Encausse a bien raison : " il n’y a pas de découvertes à faire ! ". Elle est pourtant douée pour cela : il y a quelques années dans les colonnes du " Figaro " et dans tous les médias, elle avait découvert que Boris Eltsine, dont aujourd’hui elle dit évidemment pis que pendre, était le parangon de la démocratie !

 

Citation : Léon Trotsky, Leur morale et la nôtre, février 1938

" A l’époque de son ascension révolutionnaire, c’est à dire quand il (le parti bolchevique) représenta réellement l’avant-garde prolétarienne, ce fut le parti le plus honnête de l’histoire. Quand il l’a pu, il a naturellement trompé les classes ennemies ; puis il a dit la vérité aux travailleurs, toute la vérité, rien que la vérité. Grâce à quoi uniquement, il a conquis leur confiance comme nul autre parti au monde.

Les commis des classes dirigeantes traitent le bâtisseur de ce parti " d’immoraliste". Aux yeux des ouvriers conscients, cette accusation lui fait honneur. Elle signifie que Lénine refusait hautement d’admettre les normes de morales préétablies par les esclavagistes pour les esclaves – et que les esclavagistes n’observèrent jamais eux-mêmes, cela signifie que Lénine invitait le prolétariat à étendre la lutte des classes au domaine de la morale. Celui qui s’incline devant les règles établies par l’ennemi ne vaincra jamais !

" L’amoralisme " de Lénine, c’est à dire son refus d’admettre une morale supérieure aux classes, ne l’empêcha pas de demeurer toute sa vie fidèle au même idéal ; de se donner entièrement à la cause des opprimés, de se montrer hautement scrupuleux dans la sphère des idées et intrépide dans l’action ; de n’avoir pas la moindre suffisance à l’égard du " simple ouvrier ", de la femme sans défense et de l’enfant. Ne semble-t-il pas que l’amoralisme n’est dans ce cas que le synonyme d’une morale humaine plus élevée ? "