éditorial



La politique du gouvernement sifflée a la fête de l’Huma : l’opposition du monde du travail se fait entendre

A l’occasion de la fête de l’Humanité, le week-end dernier, Strauss-Khan, le ministre des Finances, s’est fait prendre à partie par le public et traité de " menteur ", " capitaliste ". Venu de façon provocatrice défendre et justifier une politique anti-ouvrière, entièrement soumise aux intérêts de la minorité capitaliste, devant un public populaire composé essentiellement de salariés, d’ouvriers, de militants, il a eu ce qu’il méritait. On ne peut que se réjouir que certains aient eu l’audace de dire son fait à ce ministre qui, s’il n’est pas lui même un capitaliste, s’est mis à leur service.

Et en sifflant le ministre des Finances, c’est la politique de leur propre parti, du Parti communiste, de ses ministres et de Robert Hue, que ces travailleurs, ces militants ont ainsi désavouée. Ils ont exprimé le sentiment de bon nombre de travailleurs ou de militants y compris de ceux qui étaient à la fête, même si la plupart d’entre eux n’auraient pas eu d’eux-mêmes l’audace d’exprimer aussi clairement leur condamnation de la politique des partis qui sont au gouvernement.

On ne peut que s’en réjouir parce que le seul et unique rôle que joue le Parti communiste c’est d’étouffer le mécontentement, l’empêcher de s’exprimer, le canaliser, le brider, pour éviter que toute lutte réelle s’organise, se développe, voire se généralise dans les entreprises et les bureaux.

Oui, c’est le seul rôle que Jospin se plaît à reconnaître, non sans condescendance et mépris, aux ministres communistes et à l’appareil du parti qui se reconnaît en Robert Hue.

C’est pour leur permettre de jouer ce rôle-là qu’il leur laisse une certaine latitude de critique et de manœuvre, pour en faire une sorte d’opposition du prince, rôle qui exige bien des bouffonneries auxquelles Robert Hue semble trouver un certain plaisir.

Pour le reste, Jospin, comme il l’a dit lui-même fait " la synthèse ", c’est-à-dire sa propre politique, ou plus précisément la politique que lui dictent les intérêts du patronat et des financiers.

Cette politique conduit au désastre. C’est pourquoi l’on ne peut que se réjouir de voir que nous sommes de plus en plus nombreux au sein du monde du travail à la condamner et à rompre toute solidarité avec la gauche gouvernementale dont Robert Hue s’échine à nous vanter les mérites pour sauver les places et les sinécures qu’il obtient en échange.

Tôt ou tard, cette politique qui se plie aux intérêts du " marché ", comme disent les politiciens, c’est-à-dire en fait d’une toute petite minorité de capitalistes, mène à une catastrophe ici, en France, plus largement en Europe, comme cela est en train de se passer dans le reste du monde.

Le gouvernement voudrait que nous nous félicitions avec lui de la croissance dont bénéficierait la France actuellement. Mais de quelle croissance nous parle-t-on ? Qui en sont les bénéficiaires ?

Ce ne sont pas les millions de personnes qui vivent des minima sociaux que le gouvernement refuse d’augmenter. Ce ne sont pas les millions de jeunes condamnés à des salaires de misère ou à la précarité ou tous ceux qui vivent dans l’angoisse permanente d’un licenciement, de fins de mois difficiles, ou de voir leurs propres fils ou filles condamnés à une vie sans avenir.

La croissance, c’est la croissance des profits qui se nourrissent du recul des conditions d’existence de l’ensemble des salariés de ce pays et des mille et un cadeaux dont l’Etat ne cesse de les abreuver. Le dernier en date est la diminution de la taxe professionnelle prévue pour le prochain budget avant que ne se mette en place le projet Aubry de diminution des charges patronales.

Il y a urgence à mettre un coup d’arrêt à cette politique qui conduit à une catastrophe. Contrairement à ce que voudraient laisser croire ministres et dirigeants du Parti communiste, il n’y a pas de réformes possibles et il est ridicule de demander l’accélération des rythmes d’une politique qui, fondamentalement, nous est hostile.

La seule issue, c’est de mettre un coup d’arrêt, par nos luttes tant sociales que politiques, à cette fuite en avant irresponsable.

Cela, il n’y a que nous qui soyons capables de le faire en nous donnant les moyens d’exprimer notre colère, de formuler nos revendications et nos exigences, de les faire entendre par tous les moyens, de dénoncer les mauvais coups tant du patronat que du gouvernement pour éveiller la conscience de tous et contribuer à l’unité des forces du travail.

Non, il n’y a pas de réformes possibles. Patronat et politiciens mènent consciemment la lutte de classe. Ceux qui prétendent l’inverse mentent. Ils voudraient nous paralyser, eux qui ont déjà contribué à ce que nous acceptions un recul de nos conditions d’existence quand ils étaient au pouvoir à l’époque de Mitterrand. Mais nous n’avons rien oublié. Les travailleurs socialistes, communistes et d’extrême-gauche sauront trouver les moyens de déjouer les pièges pour unir leurs forces et se préparer à rendre les coups.

Sex-story et règlement de comptes, la démocratie d’une classe qui fait de ses affaires privées une affaire publique

Le monde entier vient donc d’être informé par tous les médias et sur Internet des détails et circonstances des relations de Clinton avec Monica Lewinsky par la publication du rapport du juge Kenneth Starr, avant de pouvoir probablement suivre sur les écrans de télévision la nouvelle grande production : " le Président et le juge "... Et un débat juridique de petite tenue tient l’opinion en haleine. Toute la question est de savoir où commencent des relations sexuelles pour trancher cette terrible question, le président a-t-il menti ou pas ?

Il y a de quoi s’étonner de l’ampleur prise par cette affaire, de la logique terrible de cette machinerie judiciaire, de l’acharnement de ce juge à la mentalité de petit collégien voyeur doublé d’un inquisiteur, qui semble ravi de son rôle et flatté d’avoir obtenu la une avec son rapport, la méthode policière appliquée à la description de relations sexuelles, " pornographie de puritain ".

Quelle occasion aussi pour politiciens et journalistes de faire la morale, chacun à sa façon. Les rigoristes condamnent, les esprits larges soutiennent. Chirac fait preuve de grande liberté d’esprit en soutenant Clinton, Aubry s’indigne de cette " impudeur et cette indécence ", Simone Weil fait l’éloge du " cran inouï " d’Hillary Clinton face à ce pauvre président qui " n’a même pas vécu une belle histoire d’amour " plutôt victime de " harcèlement sexuel "…

Toute cette pantalonnade ridicule n’est qu’un bien faible révélateur de toutes les médiocres ambitions, rivalités, cupidités qui se livrent de féroces batailles dans les allées du pouvoir ou les hautes sphères de la société du fric. Chacun se bat avec ses armes, mu par l’arrivisme et l’individualisme forcené, idéologie de cette société de classe, du libéralisme déchaîné dont tous nos petits curés ou politiciens réactionnaires ou progressistes font aujourd’hui l’éloge. Elle est l’expression de la morale d’une classe où tout est soumis à la réussite personnelle, et où la femme n’a guère d’autres moyens de gagner sa place, quels que soient ses talents, qu’en tant que " maîtresse " légale ou illégale du pouvoir. La morale d’une classe qui a fait de tout une marchandise.

L’obstination et l’acharnement à démolir Clinton relèvent d’une haine qui, au-delà du cas personnel, exprime l’opinion et les sentiments d’une fraction de la bourgeoisie américaine, celle qui se retrouve derrière les plus réactionnaires des Républicains. Elle n’a jamais pardonné à cet intrigant de s’être opposé à la guerre du Vietnam qu’il n’a pas faite et d’avoir flirté avec la contestation à la fin des années soixante. Face à cette bourgeoisie réactionnaire, influente et présente dans tous les rouages de la machine d’Etat américaine, une large fraction de l’opinion publique préfère afficher sa solidarité avec le président. Plus un désaveu de l’inquisition qu’une solidarité politique, mais un désaveu impuissant si les travailleurs américains ne viennent pas mettre de l’ordre dans cette démocratie corrompue.

Pour la bourgeoisie, tout doit servir ses intérêts privés, sa propriété, son pouvoir, ses profits, elle soumet tout à son égoïsme de classe et corrompt toute la vie sociale, aveuglée par ses propres ambitions. Une démocratie saine, vigoureuse et dynamique ne peut venir que du monde du travail quand chaque travailleur considérera, à l’opposé de la bourgeoisie, les affaires publiques comme des affaires privés dont dépend sa vie et son bien-être et qu’il doit lui-même prendre en main.

Budget 99 : rien pour l’emploi, plein de cadeaux pour les patrons

Le gouvernement Jospin a une rengaine : quelque mesure qu’il prenne en faveur des patrons, il s’efforce de démontrer qu’il s’agit d’une " mesure pour l’emploi ". Ainsi le budget 99 a-t-il été qualifié par Jospin et Strauss-Kahn de " budget favorable à l’emploi ".

Un budget favorable à l’emploi prévoirait des crédits importants pour la création d’emplois dans tous les services publics. Or le nombre de fonctionnaires civils prévus en 99 est exactement le même qu’en 1998. Mais si les postes de titulaires stagnent, le nombre d'emplois précaires, essentiellement des emplois jeunes, est en forte augmentation : 100 000 en 99, ce qui portera le chiffre total à 250 000. Le budget prévoit aussi 425 000 CES (Contrats Emplois Solidarité) dont la rémunération est inchangée et toujours aussi dérisoire. Cela fait donc près de 700 000 salariés en situation précaire : l’Etat est le plus gros employeur de travailleurs précaires du pays.

Par contre, au nom de la " lutte pour l’emploi ", les cadeaux pour les patrons abondent. Le plus substantiel est une baisse de près de 8 milliards de francs de la taxe professionnelle : le ministère des Finances a supprimé la part des salaires de l’assiette servant de base au paiement de l’impôt, énième mesure qui permet de faire baisser le " coût du travail " sous prétexte de baisse de la fiscalité. Sur plusieurs années, le cadeau de la " réforme de la taxe professionnelle " se monterait entre 25 et 35 milliards de francs.

Quant à l’exonération de charges sur les bas salaires jusqu’à 1,3 fois le SMIC, elle progresse de 10 % : elle passe de 38,8 milliards à 43 milliards en 99. Le total des exonérations de charges prévues dans le budget atteint 46 milliards de francs contre 43 milliards en 98.

Et c’est sans compter les mesures de la loi Aubry : le gouvernement a provisionné 7,5 milliards de francs de baisses de charges sociales et il s’est engagé à financer tous les accords qui seraient signés même si le montant des exonérations était supérieur aux sommes prévues dans le budget !

C’est ce qu’on appelle mener une politique à fonds perdus ! Enfin, pas perdus pour tout le monde…