éditorial



La course à tombeau ouvert du système capitaliste : Seuls les travailleurs de tous les pays peuvent y mettre fin

Le cyclone boursier qui est en train de dévaster les économies du Sud-Est asiatique, de la Russie et de l’Amérique latine gagne à présent les rivages des Etats-Unis et de l’Europe. La crise profonde du capitalisme se manifeste par des mouvements de capitaux de plus en plus rapides, avec des conséquences de plus en plus brutales pour les travailleurs et pour les peuples du monde entier.

Tandis que l’économie entre progressivement en léthargie et entraîne des millions de gens dans la misère, les hommes d’affaires qui détiennent le plus de richesses commencent à être gagnés par la peur. Ils sont angoissés parce qu’ils ne savent pas d’un jour sur l’autre où placer leurs capitaux pour en tirer le maximum de profits avec un maximum de sécurité.

Les gros actionnaires d’Alcatel viennent d’en faire la désagréable expérience. Ils sont très en colère contre les dirigeants du groupe qui leur avaient promis des profits extraordinaires. La semaine dernière, le PDG d’Alcatel, Serge Tchuruk, leur annonçait pourtant une bonne nouvelle puisque le groupe a dégagé 15,2 milliards de francs de profit net au premier semestre. Mais ce taux record les a laissés de marbre parce que dans la foulée le PDG a précisé que le niveau des profits sur l’année " n’atteindra pas le niveau attendu ".

Cette petite réserve a aussitôt déclenché une tempête boursière contre le titre Alcatel. En une semaine l’action Alcatel a perdu 55 % de sa valeur boursière. En particulier les actionnaires du groupe américain DSC communications pensaient réaliser un gain de 80 % rien qu’en échangeant les actions de ce groupe contre des actions d’Alcatel. Ils accusent Tchuruk de leur avoir caché l’état des affaires du groupe Alcatel.

Parce que les affaires d’Alcatel ne sont pas aussi florissantes que prévues, le PDG d’Alcatel, pris en flagrant délit de promesse non tenue, a dû s’excuser platement. La presse financière lui accorde pourtant des circonstances atténuantes. Comme ses semblables à la tête de toutes les grandes entreprises industrielles, il a fait ce qu’il fallait pour rendre les actions attractives : en trois ans il a provoqué la fermeture de soixante usines et il a supprimé 30 000 emplois en Europe. Seulement les patrons d’Alcatel ne pouvaient pas prévoir que des grosses commandes en provenance de Russie, du Sud-Est asiatique mais aussi de gros clients européens allaient leur passer sous le nez à cause de la crise financière.

Les patrons de tous les pays appliquent tous les mêmes recettes pour satisfaire la soif de profits des actionnaires : licencier, délocaliser des productions pour pratiquer des salaires plus bas, confier des productions peu rentables à des sous-traitants. La réduction des marchés renforce la concurrence entre eux et les incitent à employer ces procédés avec une virulence redoublée.

Dans cette course insensée au profit, tous les Etats des pays riches mobilisent leurs moyens pour aider les patrons et les banquiers. Ici le gouvernement Jospin privatise à tour de bras que ce soit partiellement ou totalement. C’est à coups de dizaines de milliards qu’il dope ou renfloue des entreprises ou une banque comme le Crédit Lyonnais pour les rendre attractives pour les gros actionnaires. D’autres milliards de cadeaux au patronat sont prévus dans le budget de 1999 sous forme de baisse de la taxe professionnelle ou d’exonérations des charges sur les bas salaires.

Le gouvernement actuel, comme les précédents, cache tous ces cadeaux qui sont autant de mauvais coups contre les travailleurs derrière des discours hypocrites et sirupeux sur la " lutte pour l’emploi ". Mais il ne fait que lutter pour les profits d’une minorité, pour la survie de ses privilèges.

Ni ce gouvernement, ni les partis qui le soutiennent ne peuvent nous aider ou nous protéger face à la catastrophe économique qui s’annonce avec de plus en plus de certitude contre nous travailleurs. Tous leurs actes au gouvernement montrent qu’ils sont totalement dévoués à ceux qui nous exploitent et qui nous licencient.

Les capitalistes ont déjà beaucoup trop saigné l’économie mondiale pour que sa relance soit possible. Mais il y a une issue à cette situation. Des millions de travailleurs sont en train de comprendre que toutes les difficultés que connaît l’humanité viennent du fait qu’une minorité de parasites avides de profits détient le pouvoir. Pour que l’économie ne fonctionne plus de façon absurde et irrationnelle comme maintenant, il y a un remède. Il consiste à ce que les travailleurs la contrôlent à tous les niveaux et exproprient la minorité de bourgeois parasites qui l’asphyxie.

Parvenir à ce but, c’est reprendre le programme socialiste et communiste pour détruire le système capitaliste ; c’est rassembler toutes les énergies du mouvement ouvrier dans ce pays comme dans tous les autres afin d’appliquer ce programme jusqu’au bout.

  

Sécurité sociale : le plan Aubry c’est le plan Juppé

Mardi, la ministre Aubry a présenté ses nouvelles mesures concernant la Sécurité sociale, y incluant de nouvelles attaques contre les retraites et l’annonce de nouveaux cadeaux aux patrons dans le domaine de la baisse de leurs charges. Après avoir mené largement campagne contre le déficit de la Sécurité sociale et les dérapages dont seraient responsables les malades eux-mêmes, elle annonce triomphalement qu’en 1999, le déficit sera résorbé et que pour 1998, il ne sera que de 13 milliards de francs. Avant d’annoncer officiellement les mesures, elle a pris soin de recevoir les directions syndicales pour les solidariser de la politique gouvernementale et s’en servir pour pouvoir dire que ce qui est favorable au patronat le serait pour les assurés sociaux : " cette réforme permet d’améliorer le financement de la protection sociale dans un sens plus favorable à la justice sociale ", a-t-elle déclaré. En fait, il s’agit de poursuivre le plan Juppé avec lequel le Parti socialiste n’a jamais été en désaccord. Ainsi, les médecins sont maintenus sous surveillance, accusés de trop soigner et de trop prescrire de médicaments. Dans le cas où leurs prescriptions dépasseraient les 10 % des prévisions, ils devront payer une surtaxe en fonction de leurs revenus et s’ils respectent les objectifs de restrictions, leurs honoraires seront revalorisés. Comme avec Juppé, c’est le souci des économies qui doit les guider et non assurer les meilleurs soins aux malades. Incapable de s’en prendre aux intérêts financiers des industriels du médicament, Aubry donne la possibilité aux pharmaciens de remplacer un médicament cher par l’équivalent moins cher. Bien évidemment la marge bénéficiaire des pharmaciens sera inférieure, ce qui laisse présager du choix de la plupart des pharmaciens, plus préoccupés de vendre que de faire faire des économies à la Sécurité sociale. Elle se réjouit du fait que 2900 lits ont déjà été supprimés dans les hôpitaux et a annoncé que cette politique allait se poursuivre au pas de course.

 

Asie : chômage, misère, famine, le prix que la faillite du capitalisme fait payer aux peuples

Il y a quelques mois encore, les tenants du système capitaliste citaient les " tigres " et les " dragons " comme exemple de la vitalité du capitalisme et de sa capacité à trouver un nouveau souffle. Que ce développement se soit fait au prix d’une exploitation féroce des travailleurs de ces pays dirigés par des dictatures, était moins mis en évidence. Depuis l’été 97 et le début de la " crise asiatique ", les discours ont bien changé. Ce qui était mis au crédit de la vitalité du capitalisme lorsque les taux de croissance étaient à deux chiffres, est maintenant mis au débit de ces mêmes dictateurs dont on a découvert l’existence, de ces capitalistes locaux qui " ont pris trop de risques " et n’ont pas su avoir une gestion assez " transparente ". Mais tous ces mensonges ne peuvent masquer le fait que c’est le système capitaliste et les pays impérialistes qui sont directement responsables de la catastrophe économique dans laquelle est plongée la région. Cette crise économique, les peuples la payent au prix fort.

L’économie indonésienne est en pleine débâcle : le FMI prévoit une contraction de 12 à 14 % du PIB. Les prix ont augmenté de 80 %, notamment ceux des produits de première nécessité : la farine de blé a augmenté de 300 % en un an et en quinze jours, le prix du riz a doublé. La population est frappée de plein fouet par cette augmentation. Un ministre indonésien estimait à 17 millions le nombre de familles qui ne pouvaient plus faire qu’un repas par jour et il déclarait qu’à la fin de l’année plus de la moitié de la population, soit 100 millions de personnes, seraient en dessous du seuil de pauvreté, incapables de consommer plus de 2100 calories par jour. Les enfants sont les premières victimes de cette catastrophe sociale : le taux de mortalité infantile qui avait été réduit de deux tiers durant les 25 dernières années, a augmenté de 30 % depuis le début de la crise. Le taux de scolarisation est passé en quelques mois de 78 % à 54 %. Des milliers de gosses ont dû quitter l’école pour mendier dans les rues de Jakarta ou subir les pires formes d’exploitation dans des verreries, des cimenteries ou des usines de textile. Dans les zones rurales les plus pauvres, les maladies comme la diarrhée, les anémies, les maladies respiratoires, conséquences de la malnutrition, se développent : les médicaments sont, comme la nourriture, hors de prix et les plus pauvres sont obligés d’avoir recours aux plantes médicinales.

En Corée du Sud, la consommation intérieure s’est effondrée de 28 % pendant la première moitié de l’année, c’est la baisse la plus dramatique enregistrée dans un pays selon l’Institut de recherche économique Daewoo (les chiffres sont de 14,2 et 20,5 % pour la Thaïlande et l’Indonésie) : en 1930 et 1931, au plus fort de la crise commencée en 29, le taux de consommation intérieure aux USA avait chuté de 6,4 et 13,4 %. Le gouvernement a fait voter en février dernier une loi qui autorise les entreprises à licencier dans un pays qui ne connaissait pratiquement pas de chômage. Des centaines de milliers de salariés ont été licenciés et le taux de chômage a atteint en juillet son niveau le plus élevé, 7,6 %, alors qu’il n’existe pratiquement pas de protection sociale. A Séoul par exemple, des dizaines d’infirmières et d’employés des hôpitaux qui avaient continué à soigner les malades alors qu’ils ne touchaient plus leurs salaires, n’ont pas eu d’autres ressources lorsque leur hôpital a fermé et qu’ils ont été licenciés et privés de ressources, que de squatter l’hôpital désaffecté. La brutale chute du niveau de vie frappe d’abord les enfants : le gouvernement coréen a été obligé de verser des subventions pour les enfants qui ne pouvaient plus payer à l’école leur seul repas de la journée. Il vient également de passer une loi autorisant les parents qui ne sont plus en mesure de nourrir leurs enfants, de les confier à des orphelinats d’Etat.

C’est à ce prix que les Bourses européennes et américaines ont prospéré en profitant du retrait des capitaux occidentaux des pays asiatiques. Mais les capitalistes américains et européens n’ont pas déserté la région : ils exigent qu’en échange des prêts du FMI et au nom d’une " restructuration économique " rendue nécessaire par la crise, les économies de ces pays s’ouvrent encore plus aux capitaux étrangers. Ils en profitent pour dépecer les meilleures parts des entreprises et des banques, rendues particulièrement vulnérables par les restrictions de crédit provoquées par la crise financière et le resserrement des marchés à l’exportation. Ils imposent ainsi encore plus de licenciements et de misère et préparent de nouvelles révoltes.