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Russie : les propagandistes du capitalisme cherchent à masquer la faillite de leur système

" Le retour de la génération KGB ", titrait Libération le 11 septembre, et la Tribune le 14 : " la vieille garde communiste s’installe aux commandes du gouvernement russe ", ou " le retour du politburo ". C’est ainsi que ces journaux commentaient il y a une dizaine de jours, les nominations de Primakov, le nouveau premier ministre, de Maslioukov, ministre de l’économie, et de Gueratchenko, qui venait de prendre la direction de la Banque centrale russe.

Avant d’être, récemment, ministre des Affaires étrangères d’Eltsine, Primakov avait été, avant la disparition de l’URSS et le coup de force de Eltsine en 1991, membre du Bureau politique de l’ancien parti communiste au pouvoir, pendant quelques mois, et un des dirigeants des services secrets, - ce qui faisait titrer à Libération " l’ancien numéro 2 du KGB devient premier ministre ".

Maslioukov, aujourd’hui député communiste et déjà ministre de l’Economie dans l’éphémère gouvernement de Kirienko, avait dirigé avant 1991 le Gosplan, l’ancien organisme de la planification soviétique. Quant à Gueratchenko, il a été le dirigeant de l’ancienne banque centrale soviétique, avant de diriger la Banque centrale russe de 1992 à 94, puis... sa propre banque privée.

Il a suffi de ces trois nominations, et de rumeurs comme quoi l’Etat pourrait s’orienter vers une politique plus dirigiste, un contrôle des changes, voire une renationalisation d’une partie de l’économie, pour que la presse évoque pendant quelques jours un possible retour au régime soviétique, alors même que Primakov s’empressait d’affirmer dans une de ses premières déclarations officielles : " nous allons créer toutes les conditions permettant d’ouvrir les portes du pays aux investisseurs étrangers. ".

Plus que d’incertitudes sur la politique du nouveau gouvernement, il s’agissait pour la presse de saisir cette occasion de dédouaner le système capitaliste de la responsabilité de la débâcle russe.

La faillite du retour au capitalisme, alors que l’économie russe, après avoir été saignée par les financiers russes et occidentaux, sombre sous les coups de la crise mondiale, est tellement flagrante qu’il fallait en camoufler les raisons, et en rejeter la responsabilité sur l’ancien régime. Comme le faisait le Monde du 16 septembre : " la crise russe marque la fin d’une époque et probablement de l’idée, partout clamée il y a dix ans tout juste, que la démocratie de marché a triomphé comme idéal universel.... il existe bien, sur le long terme, une nette corrélation entre la liberté du marché et celle de la politique. Alors pourquoi le parcours Eltsine-FMI s'est-il achevé par la débâcle actuelle ?... La raison profonde en est le legs du monstre soviétique qui, après son effondrement, a laissé un chaos administratif et économique, sans les structures judiciaires, comptables et policières nécessaires à une société moderne ". C’est le revers de la propagande mensongère passée faisant de Eltsine, qui n’est pas moins ancien " apparatchik " ou membre du Politburo que Primakov, un champion de la démocratie, alors qu’arrivé au pouvoir par un coup de force, il faisait bombarder le Parlement en 1993.

Tout le personnel dirigeant russe, y compris celui de l’actuel parti communiste, dont la plupart des dirigeants sont eux-mêmes propriétaires d’affaires privées, est issu de cette nomenklatura, de l’ancienne bureaucratie soviétique, entièrement ralliée aujourd’hui au capitalisme, à la propriété privée, qui lui permet de s’approprier ouvertement sa part des richesses produites par la collectivité.

Avant la disparition de l’URSS, elle vivait en parasite sur le corps social, en profitant de sa situation à la tête de l’économie, alors étatisée et planifiée, pour s’arroger des privilèges énormes et détourner des richesses, imposant sa dictature pour masquer ses prébendes et son usurpation. Mais elle ne pouvait donner entièrement libre cours à sa rapacité, tant que l’économie restait étatisée et planifiée, tant qu’elle reposait encore sur les rapports sociaux hérités de la révolution de 1917, à savoir ceux établis par l’expropriation des capitalistes réalisée par les masses ouvrières et paysannes.

Elle a fini par détruire entièrement cette économie, dans un premier temps disloquée sous l’effet des luttes entre les caciques des anciennes républiques soviétiques, en en privatisant les morceaux les plus rentables. En même temps qu’ils exerçaient ce pillage, et se transformaient en entrepreneurs capitalistes mafieux, les anciens bureaucrates ouvraient largement la Russie aux capitalistes occidentaux, en leur donnant accès non seulement à un nouveau marché mais aussi à la possibilité d’en exploiter directement les ressources naturelles et la main d’œuvre.

L’économie russe, ainsi ramenée au rang d’une économie sous-développée, ne compte pour ces derniers qu’en tant qu’économie de pays " émergent " : ils se plaignent d’autant plus aujourd’hui de l’insuffisance des " réformes ", jugeant que l’Etat russe est trop timoré dans ses attaques contre la classe ouvrière. Cela ne change pas fondamentalement le fait que la transformation, aujourd’hui irréversible, de l’économie russe en économie capitaliste, guidée par le seul objectif du profit, a plongé brutalement le pays et sa population dans une situation catastrophique de misère et de pénurie, et, c’est à craindre, de famine.

 

Au lycée, jusqu’ici, tout va bien

Au lycée technique les Iris de Lormont, dans la banlieue de Bordeaux, la rentrée s’est " bien passée ", comme dirait le ministre, c’est-à-dire qu’à un ou deux près, chaque poste d’enseignant est pourvu, et que tous les horaires réglementaires sont assurés. Mais, dix jours après la rentrée, le départ en maladie d’une collègue dévoile la réalité : il n’y a pas de remplaçant disponible dans la spécialité sur toute l’Académie de Bordeaux. Au lycée de se débrouiller pour trouver et embaucher un vacataire. Encore heureux que le Rectorat envisage de le payer, car pour les remplacements de courte durée, assurés par les enseignants de l’établissement en heures supplémentaires, nous disposons pour l’année de 119 h pour une centaine d’enseignants. Autant dire que le Ministère a délibérément choisi de ne pas assurer les remplacements. Allègre, malgré tout le mal qu’il dit de nous, fait sans doute confiance à notre résistance à la grippe et à nos vertus citoyennes…

La plupart des collègues n’ont eu connaissance qu’après la rentrée du décret qui réduit la rémunération des heures supplémentaires annuelles de 16,8 %. Du coup, l’annulation de la grève du 10 septembre et son report au 24 par la direction du SNES, ont été pris pour une véritable " déculottade ", et ce qui se dit tout haut, c’est que les dirigeants du SNES ont échangé la grève contre un strapontin face au bureau du ministre. D’autant que le jour de la prérentrée, le 9, dans tous les lycées, tous les personnels, enseignants et agents, étaient présents et quasiment en assemblée générale, et qu’il aurait été facile d’informer tout le monde, de discuter des problèmes de rentrée tous ensemble, et d’organiser la grève du lendemain dans les meilleures conditions possible.

C’est dans ce climat que s’est déroulée la réunion organisée par la section du SNES pour préparer la grève du 18. Dans les revendications " officielles " avancées pour le 18, il n’y avait rien sur le paiement des heures supplémentaires, sous prétexte que ce problème-là serait l’objet de la grève du 24... Il n’a pas fallu longtemps pour saisir la stratégie du SNES, avec ses grèves à " tiroir ". Tout le monde a bien compris qu’il s’agissait de ne rien faire tout en faisant semblant de faire, et avec la possibilité de rendre responsable, en cas d’échec, le " manque de mobilisation " des enseignants inconscients de leurs intérêts. Malgré la colère qui s’exprimait, malgré la proposition faite par le délégué du SNES de voter une pétition demandant la démission d’Allègre, la grève a été suivie par une dizaine d’enseignants seulement, et nous étions quatre du lycée à la manifestation organisée par le SNES, SUD et la CGT. Quant à la grève du 24, personne n’y croit, et ne la feront sûrement, à nouveau, que les militants.

Parmi les personnes les plus remontées, enseignants ou agents, on trouve des sympathisants du PS. Beaucoup pensent que le problème vient de l’individu Allègre et veulent sa démission. Mais quand on développe l’idée qu’Allègre n’est au gouvernement que parce que Jospin l’a choisi, et que la politique qu’il mène vis-à-vis des personnels de l’Education nationale est la même que celle de Kouchner pour les hôpitaux, ou d’Aubry pour le privé, on est écouté avec attention. L’idée que ce gouvernement s’en prend aux conditions de travail et aux salaires de l’ensemble des travailleurs délibérément et systématiquement, qu’il fait en douce ce que Juppé n’avait pas réussi à faire, chemine dans les têtes.

 

 

La journée de grève des enseignants au Havre

La FSU (fédération syndicale unitaire), syndicat majoritaire regroupant tous les personnels de l’Education nationale appelait à une grève vendredi 18 septembre, contre l’emploi précaire, pour la création d’emplois et un budget conséquent. Le ministère parle de 7 % de grévistes, la FSU estime à 15 % le nombre des grévistes dans les écoles et près de 50 % dans les collèges et lycées. Il est certain que des enseignants en particulier des profs de collèges, dégoûtés par le retrait de la journée de grève du jeudi 10 octobre par le SNES se sont démobilisés mais cela ne veut pas dire pour autant que le mécontentement ne soit pas important.

Au Havre, la FSU proposait une assemblée générale à la maison des syndicats avant la manifestation. Le 18, à 14 heures, la salle était pleine : 120 à 150 personnes, toutes remontées par la politique d’Allègre mais aussi contre la direction du SNES. Les premières interventions ont été pour critiquer l’annulation de la journée de grève du 10. " C’est du passé, parlons de l’avenir " ont répondu certains responsables. Les interventions les plus appréciées, voire applaudies ont été celles d’enseignants mettant en cause l’attitude du SNES dictée par sa volonté de collaborer avec le gouvernement de gauche, comme au temps de Mitterrand, l’a signalé un enseignant. L’assemblée s’est terminée dans une ambiance houleuse. Plusieurs enseignants d’extrême gauche concluaient les interventions de la salle en insistant sur la nécessité de prendre des contacts à la base (ce qui fut fait) pour rompre l’isolement et préparer ensemble les mobilisations importantes que les directions syndicales ne veulent pas pour combattre Allègre et le gouvernement. Le responsable FSU concluait, lui, par la lecture d’une motion à déposer au Préfet dans laquelle la FSU constate l’ouverture de négociations suivie d’une intervention : " On s’en fout des négociations ! Je suis contre la motion, on vote ! " " On vote " ont répété plusieurs voix. Rires dans la salle, chahut. Malaise du responsable qui hésite, bredouille et s’en sort par une pirouette un peu lourde en annonçant le parcours de la manif.

Celle-ci a rassemblé 400 personnes dans les rues du Havre, ce qui, tout compte fait, n’est pas si mal. La combativité l’a emporté sur l’amertume mais les deux sentiments existent. Cela se reflétera forcément dans la participation à la nouvelle journée de grève du jeudi 24 appelée uniquement par le SNES.

 

 

Jospin et Aubry mettent en place les fonds de pension " à la française "…

Dans le cadre du "Projet de loi pour le financement de la Sécurité Sociale ", le gouvernement propose la mise en place à partir de 1999 d’un " Fonds de réserve pour les retraites ". Cette idée, tirée comme d’habitude d’un rapport " d’experts ", le rapport Davanne ( qui préconise notamment le retour généralisé à la retraite à 65 ans ) n’est pas très nouvelle : Bérégovoy en 1992, le député UDF Thomas en 1997 avaient déjà voulu la mettre en place.

Un fonds sera donc constitué à partir d’excédents de la Sécurité sociale et d’argent tiré des privatisations pour pouvoir amortir le fameux " choc démographique " qui à partir de 2005 rendra plus important le poids des retraités par rapport aux actifs. Il ne serait pas évidemment venu à l’idée de l’expert qu’il serait possible de renforcer le poids des actifs et d’assurer la garantie des retraites en mettant tout simplement fin au chômage et en prenant sur les profits patronaux…

Le gouvernement affirme qu’il ne s’agit pas de toucher au système actuel de répartition, qui assure une certaine égalité… dans la misère, ni de verser dans les " excès financiers " des fonds de pension anglo-saxons. Mais au-delà des protestations hypocrites, le cadre se met en place d’un fonds de pension qui sera géré sous le contrôle de l’Etat mais dont il pourrait remettre l’utilisation à des gestionnaires de fonds privés, et qui sous prétexte de garantir les retraites, sera consacré à l’achat de produits financiers dont la nature n’est aujourd’hui pas tranchée mais qui pourraient être des obligations et des actions. Selon la formule d’un journaliste de la Tribune, " le risque de spoliation ne saurait être absent de la réflexion. ". Qu’en termes prudents ces choses là sont dites : du jour au lendemain, selon les aléas boursiers ces sommes pourraient se transformer en fumée et feront de toute façon le bonheur des financiers quel que soit l’avenir de la Bourse.

Car, mobiliser des milliards de francs sous prétexte d’assurer les retraites, diriger des dizaines de milliards vers la Bourse c’est bien, quoi qu’en disent Jospin et Aubry, créer des fonds de pension. Pour le moment seul le cadre en est rendu public. Le reste viendra après, méthode Jospin oblige !