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Demain la jeunesse…

Mercredi 7 octobre dans le Sud-Est et particulièrement à Montpellier, élèves et enseignants ont manifesté au coude à coude pour réclamer des postes et des moyens au rectorat. La semaine dernière dans plusieurs villes à Rouen, Alès, Montbéliard, Privas et Créteil les lycéens étaient descendus dans la rue : les plus gros rassemblements ont eu lieu à Nîmes où pendant deux jours, ils ont manifesté contre le manque de moyens. A Arras, en Seine-et-Marne et dans l'Oise, des grèves de lycéens duraient encore au début de cette semaine. Ils se sont mobilisés contre le manque de moyens dans l'Education nationale qui se manifeste concrètement par des manques de tout : manque de profs, de surveillants, de profs remplaçants, sans parler du personnel nécessaire pour faire fonctionner les CDI, les salles de permanences ou les cafétérias. Cette dégradation quotidienne de leurs conditions d’étude se traduit dans les quartiers les plus pauvres par un sentiment d’insécurité et d’abandon.

En revendiquant des embauches de profs ou de surveillants, ils s’opposent à la logique de ce système qui rejette des millions d'hommes et de femmes hors du monde du travail et qui ne trouvent nulle part à employer leur force et leur compétence, devenant inutiles aux yeux d'un système qui ne fonctionne que selon un critère de productivité brutale. Toute la vie sociale s’en trouve gravement affectée. C'est cette brutalité que la jeunesse aujourd'hui refuse. Lorsqu’elle soulève les problèmes d’insécurité à l’école, elle rejette l’insécurité qui est partout autour, l’insécurité de ne pas savoir si demain on aura accès à un travail, à un salaire, et vivre tout simplement comme on le souhaite. Le souci de la jeunesse ne doit pas rester uniquement celui de l’école qui n’est que le reflet de la réalité sociale mais devenir celui de l’avenir de la société dans son ensemble.

La crise actuelle pousse les lycéens comme les jeunes travailleurs à prendre conscience de la réalité brutale du capitalisme. Il s’agit pour eux maintenant de comprendre la logique des mécanismes économiques dans lesquels s’inscrivent les problèmes de l’école comme les choix gouvernementaux. La jeunesse doit soumettre toute la société à une critique impitoyable pour pouvoir s’affronter au système dans son ensemble. Le capitalisme enferme toute contestation dans les limites étroites d’une conscience parcellaire. C’est à la jeunesse elle-même qu’il revient de briser ces limites. Elle ne pourra trouver des idées, des projets et des solutions qu’en allant à la découverte des idées révolutionnaires, en s’emparant d’une compréhension du monde, des analyses de Marx et Engels. Et si elle prend conscience de la force qu’elle représente, elle saura faire siennes les idées dont la classe ouvrière est porteuse et les porter bien plus loin que n’a pu le faire la génération précédente. En apportant son exigence de démocratie et de liberté, la jeunesse peut insuffler à la classe ouvrière son dynamisme pour contribuer à l’organisation des forces de sa classe et partir à l’assaut du vieux monde.

 

A Michelin, le travail 7 jours sur 7, c’est l’exploitation maximum

" Ici, on fabrique des pains de gomme et des pneus. Les installations n’ont pas besoin de tourner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Si la direction le fait, c’est vraiment pour une raison de rentabilité " est le sentiment de beaucoup de salariés de l’usine Michelin. A Roanne, la direction vient d’imposer le travail 7 jours sur 7 pour augmenter sa production annuelle de pneumatiques de 15 %. Pour imposer cette dégradation des conditions de travail et de vie, le patron de Michelin invoque, bien sûr, la possibilité de créer ainsi 80 emplois dont la moitié en CDI et dans l'immédiat a recours largement à l’intérim. A l’usine de Cholet, c’est depuis septembre que les 700 ouvriers postés travaillent déjà 7 jours sur 7 malgré un mouvement de grève avant les congés pour dire leur refus d’enrichir encore plus Michelin par leur travail. Ainsi Michelin passe aux actes dans l’ensemble de ses usines et compte bien être encore plus performant dans la concurrence acharnée qu’il livre avec les autres trusts du pneumatique. Mais les salariés n’ont aucune illusion et le chantage à l’emploi ne marche pas. Ce dont il y a besoin c’est de défendre ses intérêts en tant que travailleurs et d’essayer d’inverser le rapport de force avec la direction. De cela les travailleurs de Michelin sont bien conscients et ce ne pourra être qu’un atout pour l’avenir.

 

Quand des responsables syndicaux " prennent la température "...

A l’hôpital Sud de Bordeaux, nous nous sommes retrouvés une trentaine, lundi dernier, à l’assemblée appelée par la CGT, FO et la CNI. Vu le peu d’entrain qu’avaient eu les syndicats pour inviter à cette réunion où ils se proposaient d’expliquer pourquoi ils venaient de constituer un " collectif syndical ", se retrouver à 30, ce n’était pas si mal.

Les secrétaires de FO et de la CGT nous ont présenté leur toute nouvelle " union ", et nous avons pu vite voir que ce qui les " unit " c’est bien plus des préoccupations d’appareil et la méfiance des travailleurs que l’envie de riposter aux coups portés par la direction. Le secrétaire de FO, dont la préoccupation principale semble être de régler ses comptes avec la CFDT, qui n’est pas membre du collectif, a très vite expliqué que les syndicats ne peuvent rien si les travailleurs ne sont pas " derrière nous ", et d’ailleurs " les gens ne se sentent pas concernés, ce qui se passe ne les intéresse pas ". Certes, la plupart d’entre nous ne se sentaient pas concernés par les querelles et les préoccupations des dirigeants syndicaux, mais nous étions par contre venus pour protester contre les attaques du gouvernement et de la direction, les fermetures de lits, pour s’informer des projets en cours et discuter de comment s’organiser.

La direction essaie de mettre en place un nouveau système d’organisation du temps de travail, remettant en question le calcul des jours de congés, introduisant la flexibilité, les horaires variables en fonction de la charge de travail, planifiant la pénurie en quelque sorte. Pour le moment seuls quelques services " pilotes " sont concernés et les surveillantes elles-mêmes semblent ne pas vouloir aller trop vite, non seulement parce qu’elles maîtrisent mal le système mais aussi par crainte des réactions.

Plusieurs d’entre nous ont affirmé qu’il n’était pas question d’accepter des journées de 10 ou 12 heures et ont posé des questions aux syndicats pour connaître les détails du projet. Mais force a été de constater que les syndicats eux-mêmes qui, pourtant, se vantaient de multiples réunions avec la direction, étaient incapables de donner des informations.

Pour conclure, les responsables syndicaux nous ont " remerciés d’être venus ", nous expliquant qu’ils étaient " venus prendre la température " et allaient réfléchir à quoi faire... Chacun de nous est reparti plutôt content d’avoir pu discuter entre nous et, à défaut d’avoir appris grand chose, nous avons pu voir en direct quels sont les soucis de certains de ces gens-là.

 

30è jour de grève de la faim des sans-papiers de Bordeaux

Les vingt grévistes de la faim de l’église Saint-Paul de Bordeaux sont toujours aussi déterminés malgré la fatigue et les troubles de santé dont certains commencent à souffrir. Gouvernement et Préfecture font semblant d’ignorer le problème, ne craignant pas de faire prendre de très graves risques à ces camarades. Deux représentants de la Préfecture sont bien venus sur place, la semaine dernière, mais c’était pour proposer un médiateur de leur choix -un ressortissant turc, membre d’une association bordelaise- mais à la condition que les membres du Comité de Soutien sortent immédiatement des lieux. Ce que les grévistes et les membres du Comité ont aussitôt rejeté. Les représentants de la Préfecture ont alors quitté les lieux.

Depuis, ils font courir la rumeur que, seuls, quatre dossiers pourraient être pris en considération, mais que, pour tous les autres, il n’est pas question de céder. Bien sûr, ils tentent de démoraliser nos camarades !

Le Comité ne reste pas inactif et la solidarité continue à s’exprimer. Samedi dernier, à une vingtaine, nous sommes allés interpeller les membres du colloque sur les droits de l’homme qui se tenait au Grand Lac, à Bordeaux. Nous avons distribué un tract et même pris la parole au micro. Mais, sur les 200 congressistes, 20 à peine ont pris la peine de nous écouter ; les autres sirotant leur café au fond de la salle. Il faut croire que bavarder sur les droits de l’homme, entre deux banquets, c’est leur affaire. Mais se soucier de 20 immigrés qui risquent aujourd’hui leur vie pour leur droit et leur dignité... Vous n’y pensez pas !

Quant à Danièle Mitterrand, interpellée aussi par l’un de nous, elle s’est empressée de s’esquiver. Un ambassadeur de l’UNESCO a pourtant promis d’en appeler au Préfet.

Le samedi après-midi une manifestation de 250 personnes, jeune et combative, a parcouru les rues de Bordeaux. La presse reste toujours aussi discrète à notre égard, ne voulant pas gêner en quoi que ce soit le gouvernement. Nous avons tous le sentiment que la mobilisation n’est pas encore suffisante et qu’il faut que la pression s’accentue sur la Préfecture. Et de nouvelles manifestations sont prévues : Rendez-vous jeudi 8 octobre devant l’église Saint-Paul à 18 heures, pour se rendre à la Préfecture à 19 heures où un rendez-vous est demandé. Et, jeudi d’après, le 15 octobre, rendez-vous cette fois directement devant la Préfecture, à 18 heures.

 

Mon lycée va craquer

Jeudi 1er octobre, tous les élèves du lycée Val de Seine de Grand-Quevilly (dans la banlieue de Rouen), sont sortis pour manifester contre l'insécurité. C'est une fausse rumeur de viol qui a mis le feu aux poudres. En réalité, elle cristallisait un sentiment d'insécurité qui concerne non pas le lycée lui-même mais les alentours. Depuis déjà un ou deux ans, beaucoup d'incidents, d'agressions, d'intimidations ont eu lieu et les élèves, qui traversent chaque jour une passerelle isolée menant à la banlieue proche de Grand-Couronne, s'inquiètent, avec le sentiment très net d'être ignorés voire méprisés. Méprisés par le proviseur qui, le lendemain de la manifestation, acceptait de recevoir des délégués d'élèves et, sans écouter leur malaise, les reprenait sur leurs fautes de français. Méprisés par la mairie qui, au courant de tous les problèmes, n'a jamais apporté aucune solution. Et par le Rectorat qui, après les avoir reçus poliment, téléphonait dans leur dos au proviseur pour demander que les " meneurs " ayant parlé à la télévision soient sanctionnés.

Les lycéens sont partis faire le tour des autres établissements et en quelques heures tous les lycées professionnels de la rive gauche de Rouen ont rejoint la manifestation : près de 5000 élèves, tous issus de ces lycées qui accueillent la population de la banlieue rouennaise. Le cortège s'est élancé aux cris de " la sécurité dans nos lycées " mais aussi de " tous ensemble " et quelques centaines de lycéens ont entonné l'Internationale.

Ce n'est pas le rectorat qu'ils sont allés voir en premier mais la mairie, pour parler des problèmes qu'ils vivent dans le quartier. Reçus dans la mairie de Fabius, ils se sont vu proposer… deux ordinateurs pour le CDI ! Ils ont poursuivi jusqu'au rectorat qui a lâché du bout des lèvres la promesse de deux emplois-jeunes et d'une réunion " rassemblant tous les chefs d'établissement d'ici un mois ". ça n'a pas calmé les foules… En attendant et très concrètement, il n'y a même pas de quoi rouvrir la cafétéria du lycée qui, animée l'an dernier par deux appelés du contingent, est maintenant fermée. Le lendemain de la manifestation, les lycéens de Val de Seine ont vu débarquer la police : pas du tout pour assurer leur sécurité, mais pour vérifier qu'ils ne s'agitaient pas trop, et refouler les jeunes venus d'un lycée voisin. Des flics, c'est bien la seule réponse que ce gouvernement est capable de proposer quand la vie sociale craque de partout et que 5000 jeunes descendent dans la rue pour se faire entendre.

 

Les sans-papiers de Rouen occupent une église a Grand-Quevilly

Le collectif des sans-papiers de Rouen et de l’agglomération occupe la salle paroissiale de la chapelle Sainte-Lucie à Grand-Quevilly depuis le jeudi 1er octobre. Quinze sans-papiers sont présents et il y a 70 demandes de régularisation déposées à la préfecture. Le choix de Grand-Quevilly n'est bien sûr pas étranger à son maire Laurent Fabius. Samedi 4 octobre le collectif organisait une fête qui a regroupé 300 personnes. Dimanche une réunion de toutes les associations et organisations politiques qui soutiennent le mouvement des sans-papiers était convoquée dans l'après-midi. Il y avait plus de 60 personnes présentes dont de nombreux habitants du quartier qui souhaitaient connaître les sans-papiers et les motifs de leur combat. Un sans-papier qui vient d'être régularisé la semaine dernière a raconté ce que veut dire vivre sans papier : galère, angoisse, pas d'argent... Plusieurs personnes insistaient sur la nécessité de contacter et d'obtenir le soutien des syndicats ouvriers. Les sans-papiers se sont ensuite réunis pour discuter et décider eux-mêmes de leur mouvement et notamment de l'attitude par rapport à la préfecture. Les entretiens commencent jeudi matin.

 

Retour aux lycées-casernes ?

Avec la disparition du service militaire traditionnel, le gouvernement s'est inquiété de savoir qui allait maintenant " sensibiliser la jeunesse à son devoir de défense " avant de trancher pour... l'Education nationale. Quoi d'étonnant quand on connaît le zèle des socialistes à promouvoir l'armée bourgeoise sous le prétexte hypocrite qu'elle " garantirait la paix " et quand on se souvient de la malheureuse tentative de Chevènement dans le passé de faire chanter la Marseillaise aux enfants des écoles !

Cette décision votée en même temps que la loi réformant le service militaire en octobre 1997 est prévue pour s'appliquer dans les lycées et les collèges dès cette année et les établissements scolaires ont reçu un bulletin officiel spécial, sur le thème de " l'éducation à la défense ", donnant des directives aux enseignants, en même temps qu'un document pédagogique pour leur donner des pistes pour approfondir leurs connaissances en la matière. Et pour ceux qui renâcleraient à marcher au pas et à jouer le rôle de militaires, Allègre précise bien dans une préface que cette tâche revient à tous les professeurs " au-delà des choix personnels de chacun ".

Après sa campagne pour les lycées-entreprises, le voilà qui part maintenant en guerre pour les lycées-casernes... avec tous les risques de mutinerie qu'il pourrait bien avoir à affronter !

 

Un film a voir : " La Vie rêvée des anges "

Isa et Marie ont vingt ans. Marie a été serveuse avant de travailler dans un atelier de couture. Isa a la bougeotte, elle vient d’arriver à Lille, sac au dos, où elle pensait retrouver un ami qui est parti. Elle se débrouille, vend des cartes avant de se faire embaucher dans l’atelier où travaille Marie. Très vite, elles deviennent complices, partagent leur appartement, leur galère, leur révolte contre la société et les bourgeois, et leur soif de vivre. Isa sait se faire des alliés partout, elle a naturellement de la sympathie pour ceux de son camp, leurs problèmes deviennent les siens, elle est généreuse et attentive aux autres. Marie est une écorchée vive, sa révolte est à fleur de peau, elle veut une autre vie, mais elle a du mal à reconnaître ses alliés et ses amis, elle reste dupe et victime de ceux qui la méprisent.

" La vie rêvée des anges " est un film à la fois gai et violent, dur. La violence, c’est celle de la société, des rapports d’exploitation et de domination qui écrasent les individus jusqu’à les briser. En face, il y a la lucidité libre et joyeuse d’Isa et de ses amis, la solidarité qui donne la force de résister. Et à la fin du film, lorsque la caméra suit la chaîne où travaille Isa et s’arrête sur le visage de chaque ouvrière, c’est cette force qu’on ressent.