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Ralston : la grève avec occupation continue !

Mercredi 7 octobre, les salariés réunis en assemblée générale ont reconduit la grève à l’écrasante majorité. La grève avec occupation en est à son dixième jour. Le dépôt de Martot, qui est le plus important dépôt de Ralston en Europe aussi est bloqué : plus aucune pile ne sort ni ne rentre. Jour et nuit, les équipes de grévistes se relaient devant les portes de l’usine de Caudebec et du dépôt.

Au piquet, les salariés se relaient, dans la bonne humeur et la détermination. Tout le monde est fier de ce qui a été fait jusque là : " Si on m’avait dit il y a quinze jours qu’à 50 ans je serai là, dans un piquet de grève... ". D’autres parlent des plans sociaux qu’ils ont vécus. Certains viennent de Louviers et ont connu la liquidation judiciaire de Wonder, en 1984, le désespoir, et même le suicide de certains copains, puis le rachat pour une somme symbolique de l’usine par Tapie, qui après avoir licencié en masse, l’a revendue au prix fort à Ralston. Et les mêmes racontent la série des galères qui ont suivi : fermeture de l’usine de Louviers, après celles de Lisieux et Vernon, en 1994. A l’époque la direction disait : " Vous verrez, à Caudebec c’est de la haute technologie, c’est l’avenir. " Et quatre ans plus tard, rebelotte : l’usine de Caudebec est frappée par un plan de 334 licenciements. Le groupe Ralston espère faire encore 80 millions de francs de profits supplémentaires dans cette opération. Avec notre mobilisation depuis six mois, la direction a reculé et a assuré que chacun serait reclassé dans d’autres entreprises. Mais chacun sait que ces emplois seront moins bien payés qu’à Ralston et les conditions de travail plus dures. Il s’agit donc de faire payer par la direction de Ralston la différence de salaire avec une somme de dédommagement de 200 000 francs par salarié. Or la direction ne propose que 80 000 francs, en plus des indemnités légales de licenciement. Quant aux salariés concernés par les " mesures d’âge ", plus d’une centaine, ils veulent aussi un chèque de départ. Pour l’instant, ils ont obtenu de toucher entre 85 et 104 % de leur ancien salaire jusqu’à leur retraite. Ils continuent le mouvement, convaincus qu’il n’est pas question de se laisser diviser par la direction.

Jeudi 1er octobre, la direction avait proposé de lâcher 100 000 francs par salarié reclassé. Mais cela ne faisait pas le compte. Tout d’abord, ce chèque ne concernait pas les " mesures d’âge ", d’autre part, c’était à la condition de reprendre une production normale et de ne plus contester le contenu du plan social. Autant dire qu’elle voulait nous faire rentrer dans le rang. Produire " normalement ", lorsque plusieurs dizaines d’entre nous vont être licenciés dans les semaines à venir ? Notre réponse a été unanime : non au chantage patronal !

Depuis, la direction n’a plus fait aucune proposition, comptant sur notre lassitude. Par ailleurs elle a fait envoyer à la direction des magasins Auchan une lettre dans laquelle elle ment carrément en prétendant que si les piles Ralston ne sont pas arrivées dans les grandes surfaces c’est à cause d’un problème informatique !

Pour faire pression, elle envoie des courriers individuels, et elle a assigné trois délégués en référé pour entrave à la " libre entrée " dans l’usine. La justice a décidé une astreinte de 1 000 francs par jour. Les deux procès nous ont donné l’occasion de manifester dans les rues de Rouen et d’Evreux pour faire connaître notre lutte.

Au week-end le piquet a été bien assuré, des grévistes sont venus en famille pour manger tous ensemble. Les gestes de solidarité ont été nombreux : bois et palettes pour entretenir le feu devant l’usine, nourriture, dons financiers... Les grévistes ne restent pas bloqués au piquet, ils distribuent des tracts, sont allés à la mairie d’Elbeuf interpeller le maire PS, proche de Fabius qui est député de la circonscription.

De son côté, le directeur de l’usine, toujours pendu à son téléphone, attend les ordres de Genève, où se trouve la direction européenne du groupe. Il n’arrête pas de dire qu’il ne peut rien décider sans l’accord de ses propres supérieurs. " S’il ne sert plus à rien, sortons-le ! " Et puisqu’il n’a pas bien senti à quel point nous sommes déterminés, on continue la grève et les actions sur la région.

 

Levi’s : manifestation sans frontière contre les licenciements

La direction du groupe Levi Strauss, fabricant de jeans, a annoncé qu’elle allait fermer quatre usines de production, trois en Belgique et une en France. Ce sont 1461 travailleurs qui se retrouvent ainsi jetés à la rue dans des régions, le Nord ou les Flandres, déjà sinistrées par la crise. La direction de Levi Strauss a annoncé que ces fermetures d’usine étaient dues à une baisse du marché en Europe. Mais aux USA, Levi Strauss a fermé onze usines l’an passé et le jour de l’annonce des quatre fermetures d’entreprise, la direction du groupe annonçait la fermeture de deux usines au Texas entraînant 991 licenciements.

La direction du groupe en Europe parle de baisse des ventes et se livre à des digressions sur " l’évolution structurelle du goût des jeunes ". Mais la vérité est ailleurs : les usines fermées " coûtent trop cher " selon la direction. Réduire les coûts de production pour qu’une minorité de parasites fasse toujours plus de profits, jeter à la rue des travailleurs exploités pendant des années dans des conditions de travail particulièrement pénibles, voilà sans phrases les véritables raisons de la décision des dirigeants de Levi Strauss qui ont démenti avoir ouvert une seconde usine en Turquie tout en reconnaissant que l’usine existait bien et qu’elle avait été ouverte sous le nom d’un sous-traitant direct de la firme américaine !

Ces décisions ont provoqué la colère des travailleurs menacés de licenciements. "Jusqu’où iront-ils ? " se sont exclamés des salariés, rappelant, amers, que Levi Strauss avait promis une prime d’un an de salaire en 2001. La réaction a été immédiate dans les usines belges qui se sont mises en grève tandis que des piquets de grève paralysaient le centre de distribution du groupe américain. Une manifestation a eu lieu lundi 5 à Bruxelles. Elle a rassemblé 1500 travailleurs de l’entreprise, belges et français, qui ont exprimé leur refus des fermetures d’usine et des licenciements. Cette unité au-delà des frontières rappelle les réactions qui ont suivi l’annonce de la fermeture de l’usine Vilvorde et d’anciens salariés de Vilvorde se sont d’ailleurs joints à la manifestation.

Face à cette réaction la direction de Levi Strauss fait mine de tergiverser et de négocier les modalités de la fermeture mais affirme dans le même temps qu’une fermeture des usines pour Noël " était possible et même souhaitable ". Elle a pour le moment décidé un délai d’un mois pour décider des modalités des licenciements.

 

Lesieur : grève pour des embauches

Vendredi 25 septembre, les caristes de l’usine Lesieur à Bordeaux ont voté la grève illimitée pour protester contre la sanction infligée par la direction à l’un des leurs qui avait refusé d'assumer le travail d'un poste qu’elle avait supprimé. En plus de la levée de la sanction, les 35 caristes de l'entreprise ont également demandé l’embauche de six CDI, et que le poste de femme de ménage soit permanent. Vendredi 2 octobre, la direction a enfin accepté de négocier et les grévistes ont voulu faire un geste de conciliation en reprenant le travail l'après-midi. Mais en fait de négociation, la direction n’a proposé que l'embauche de quatre CDI selon les besoins, laissant le poste de femme de ménage sous condition d'un certain niveau de production. L'inventaire sera toujours effectué par les caristes, sans prime ni augmentation, pourtant promise par le responsable de production. Chantage : la sanction ne sera levée que si les propositions sont acceptées.

" On se moque de nous " ont déclaré les caristes et le lundi 5 octobre, ils ont voté ensuite à l'unanimité la poursuite de la grève. Ils sont déterminés et iront jusqu'à satisfaction de leurs revendications : " Lesieur a les moyens : plus de 32 % d'augmentation pour certains de nos dirigeants, alors que pour nous depuis des années c'est pertes de salaire et suppressions de postes ". Les menaces : " nous mettrons tous les moyens nécessaires pour éliminer le délégué syndical CGT " ne font que les souder davantage. Le secteur production appuie la grève des caristes par des arrêts répétés de machines. La direction pour faire céder les grévistes les a fait assigner en référé jeudi matin pour entrave à la production.

 

Les ACH : 1900 emplois menacés sur la région havraise

Les ACH (Ateliers et Chantiers du Havre) est une entreprise de construction et de réparation navales, répartie sur quatre sites au Havre. Cette entreprise est menacée de fermeture depuis de nombreux mois. Actuellement, elle travaille sur la construction de trois chimiquiers (navires destinés au transport de produits chimiques).

Ce chantier assure aux employés du travail jusqu'à la fin de l'année 2000. A l'heure actuelle, les différents actionnaires qui géraient cette usine ont quasiment laissé tomber l'affaire et c'est l'État qui paie aux fournisseurs les factures en retard et les salaires.

Au début du mois de septembre, suite à un audit, le rapport Gérard Piketty a fait état d’un " travail remarquable effectué par le personnel, d’une compétence professionnelle et d’un savoir-faire exceptionnels, les plus forts de l'Europe ".

Malgré ce rapport, l'avenir des ACH est menacé, et après le lancement des chimiquiers, la fermeture serait inévitable. Le gouvernement demande à la direction de trouver un repreneur, étant prêt pour sa part à faciliter l'opération en passant de nouvelles commandes.

Politiciens et syndicalistes sont sur la même longueur d'onde, ils déplacent le problème sur la recherche d'une " solution industrielle ". Face à cela, la CGT a demandé aux élus du Havre de venir sur place pour " être en contact avec la réalité des travailleurs ". Rufenacht, maire RPR, ne s'est pas fait prier en bon politicien. Il n'a pas raté l'occasion de faire la Une du journal local, photographié avec un casque de chantier sur la tête.

Suite à une rencontre entre le secrétaire du CE des ACH et le ministère à Paris, un tract très mou a été distribué, qui expliquait qu'ils maîtrisaient la situation et que le ministère avait des propositions intéressantes.

L'accueil des gens fut hostile : " De quel côté est le syndicat ? " A part cela, la CGT se déclare en désaccord avec le rapport Piketty et ne croit pas à l'éventualité d'un repreneur mais elle s'est contentée d'appeler à quelques heures de débrayage, à des distributions de tracts et des prises de parole.

Il y a dix jours, les ouvriers ont bloqué l'entrée de l'usine toute une journée et fait sortir ceux qui y étaient entrés. Vendredi 2 octobre, une journée portes ouvertes a été organisée. Les ouvriers sont décidés à poursuivre et à durcir leur lutte. La retransmission au journal télévisé a laissé entendre que le gouvernement laissait tomber les ACH. Les travailleurs se posent des questions, non seulement sur le ministère qui se paie leur tête mais aussi sur la riposte à avoir. Ils doivent se méfier de tous ceux qui font tout pour calmer leur colère et s’organiser pour lutter contre les licenciements, combat dans lequel ils trouveront le soutien de milliers de chômeurs, de salariés menacés par le chômage et de ceux qui ont encore un emploi.

 

Dentressangle : croissance du chiffre d'affaire = dégradation des conditions de travail

Après le rachat d'UTL (505 millions de chiffres d'affaires) en décembre dernier, le groupe Norbert Dentressangle a racheté deux nouvelles sociétés : Seroul (350 millions de francs de chiffre d'affaires) et Mani (76 millions). D'autres rachats devraient suivre en Allemagne et en Europe centrale ce qui permettra au groupe de se hisser parmi les leaders européens de la logistique et du transport spécialisé. Déjà son chiffre d'affaire est en hausse de 27 % par rapport à l'an dernier et devrait atteindre 4,2 milliards de francs en 1998. Tout va donc pour le mieux pour Norbert Dentressangle et les actionnaires du groupe mais pour nous qui travaillons dans un de ses dépôts, la réalité est tout autre. Un des directeurs du groupe s'est vanté que la rentabilité générale des activités logistiques avait dépassé celle du pôle transport, nous, nous savons ce que cela signifie.

Dans les entrepôts de la banlieue bordelaise il y a eu deux plans sociaux en moins de 6 mois contre lesquels nous avions fait grève à une quinzaine. La direction a essayé de licencier les grévistes pour fait de grève, et voudrait aujourd'hui faire appel de la décision de l'inspection du travail qui avait refusé le licenciement de notre déléguée syndicale.

La direction voudrait avoir les mains libres pour faire ce qu'elle veut. Ainsi elle a réembauché en toute illégalité autant d'intérimaires qu'elle avait licencié de salariés ; elle a de plus voulu nous imposer des heures supplémentaires, et nous oblige à changer sans arrêt de poste pour faire face à la demande de travail. Aujourd'hui elle voudrait nous imposer la modulation du temps de travail. Les horaires varieraient de 34h à 44h par semaine, les changements d'horaires pouvant n'être annoncés que 48h à l'avance. La direction voudrait ainsi pouvoir se servir de nous comme elle le veut, en fonction de l'activité de l'entrepôt, sans avoir à payer des heures supplémentaires, ni avoir besoin de faire appel à des intérimaires.

Pour nous cela ne peut vouloir dire qu'une dégradation de nos conditions de travail et de nos salaires. Cette nouvelle inquiétude ne fait que se rajouter au ras le bol général qui s'accumule depuis plusieurs mois.

 

Cofrablack : les 35 heures selon la direction, nous faire travailler plus sans embaucher

A l'usine Cofrablack dans la banlieue de Bordeaux, où nous fabriquons du noir de carbone pour l'industrie pneumatique, la direction nous a informés de ses projets sur l’application de la loi Aubry. Au nom de la compétitivité et de " l’impossibilité d'augmenter les coûts de l'entreprise par des frais de personnel ", elle a annoncé qu’elle appliquerait les 35 heures sans embaucher. Dans ces conditions, la réduction du temps de travail à 35 heures pour nous qui sommes à 38 heures selon les conventions collectives de la chimie, se traduira par un alourdissement de la charge de travail.

La direction veut même que nous lui donnions des idées pour l’aider à mieux nous exploiter. Elle veut mettre en place des " groupes de travail " et compte sur notre " créativité " et notre " inventivité " pour l’aider à réorganiser les services ! La direction a même le culot de vouloir nous faire croire qu'il sera tenu compte des désirs que nous exprimerons dans ces réunions !

Mais personne n'est dupe, tout le monde a bien compris où la direction veut en venir. Beaucoup d'entre nous qui voyaient dans la réduction du temps de travail l'occasion d’embaucher, veulent passer à l'offensive en mettant en avant nos revendications : embauches de CDI, pas de flexibilité et d'annualisation, pas de gel des salaires.

C’est ce que nous irons dire dans les réunions des " groupes de travail " et si comme il est prévisible, il n’est pas tenu compte de nos revendications, nous boycotterons les réunions suivantes. Les négociations ne seraient entamées qu'au début 99, mais bon nombre d'entre nous savent déjà qu'il faudra lutter pour obtenir de l’embauche.