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Kouchner ment quand il justifie la continuation de la politique de fermeture des maternités par un souci de sécurité

Les autorités sanitaires annoncent des mesures pour améliorer la sécurité à la naissance " titrait  Le Monde du 13 octobre, se faisant le relais de la politique des gouvernements qui, depuis des années, sont responsables de la dégradation des services utiles à la collectivité. De 1982 à 1996, 24 % des maternités -250- ont déjà été fermées. Et il faut accélérer le nombre des fermetures selon Kouchner, secrétaire d’Etat à la Santé, qui vient de faire passer un décret décidant que les maternités qui font moins de 300 accouchements n’ont plus lieu d’exister. " Ce n’est pas pour des raisons économiques mais pour la sécurité que nous proposons cela " a-t-il déclaré sur France 3. Il ment, de l’avis même des praticiens, ce chiffre des 300 accouchements minimum par an est complètement arbitraire. " C’est pour diminuer la mortalité maternelle, la mortalité infantile, pour que la santé publique s’améliore ", est la justification de Kouchner à une politique qui, méthodiquement, fait le contraire des objectifs affirmés. Si la France se situe au 12ème rang pour ce qui est des taux de mortalité maternelle et périnatale, ce n’est sûrement pas en contraignant les femmes enceintes à aller accoucher parfois à des dizaines de kilomètres de leur lieu d’habitation que la mortalité pourra régresser. En juillet 97, la fermeture de la maternité de l’hôpital de Pithiviers avait eu des conséquences dramatiques pour le bébé prématuré d’une femme contrainte d’aller accoucher à Orléans et qui était décédé lors du trajet alors qu’il aurait peut-être pu être sauvé. 15 % des nouveaux-nés à risques naîtraient dans des maternités adaptées, toujours selon Kouchner. Cela signifie qu’il faut des moyens pour la santé, embaucher du personnel, moderniser les maternités qui sont sous équipées, le contraire de la politique actuelle du gouvernement qui fait fonctionner les services de santé en sous-effectif permanent. Il y a un an, la revue " Science et Avenir " avait publié une liste de 91 maternités qui, soi-disant, étaient dangereuses, et récemment cette revue a réitéré avec une liste d’hôpitaux où les risques de mortalité étaient soi-disant élevés. Le gouvernement cherche à tromper l’opinion en s’appuyant sur des études paraît-il impartiales pour justifier sa politique d’économie criminelle. Aujourd’hui, ce sont les 81 maternités désignées dans l’article de " Science et Avenir " qui sont dans le collimateur. Cette politique est claire et personne n’est dupe. Devant la détermination du personnel, Kouchner a été obligé, dernièrement, de reculer devant la fermeture de l’hôpital de Bitche, en Moselle. Le gouvernement sème toujours plus largement de quoi alimenter notre refus de sa politique.

 

35 heures : gouvernement et patronat bien d’accord pour ne pas créer d’emplois !

" Pour la première fois peut-être dans notre pays, de vraies négociations s’engagent dans les entreprises " a déclaré Martine Aubry lors de la signature d’une convention entre l’Etat et la région Nord-Pas-de-Calais. La disposition essentielle de cet accord est d’octroyer des millions de subventions aux PME afin qu’elles puissent utiliser les services de consultants pour étudier l’application des trente-cinq heures et les " possibilités de réorganisation des horaires de travail ", c’est-à-dire l’annualisation et la flexibilité.

" Faites preuve d’imagination " a lancé Martine Aubry aux patrons. Ils ne s’en privent pas : sur les 321 accords recensés fin septembre, 269 auraient entraîné la création de 2675 emplois et 42 accords " défensifs " auraient permis d’éviter 800 licenciements. 250 de ses accords ont été signés dans des entreprises de moins de 250 salariés qui ont vu dans la loi Aubry deux avantages : imposer l’annualisation des horaires, notamment dans des branches où l’activité est saisonnière, et bénéficier des primes sous forme d’exonérations de sécurité sociale. Le patron qui a signé en août le premier accord sur les 35 heures a déclaré à propos du gouvernement Jospin : " la gauche, la droite, tout cela n’a plus guère de sens... Jospin a réalisé ce qu’on attendait de Juppé ".

Si les petits patrons profitent de ces dispositions, le grand patronat, lui, fait monter les enchères. Le Bâtiment et le Textile se placent sur la même ligne que l’UIMM : augmentation des heures supplémentaires (de 90 à 220 heures pour le textile, de 130 à 200 pour le Bâtiment), annualisation et pas question de créer le moindre emploi.

Aubry a fait mine de condamner leur attitude en annonçant à l’Assemblée nationale qu’elle n’accorderait pas l’extension de l’accord UIMM aux entreprises de la métallurgie. Le CNPF a pris la chose avec philosophie et a répondu qu’il s’agissait là d’une " déclaration virtuelle ". Dans le même discours en effet, Aubry avait réaffirmé que la deuxième mouture de la loi, qui serait votée à l’automne 99, " tiendrait compte des accords déjà signés ", qui sont tous favorables au patronat.

L’hypocrisie d’Aubry et du gouvernement apparaît de façon manifeste dans l’application des 35 heures dans les entreprises directement sous la responsabilité de l’Etat : la Poste, France-Télécom, Air-France, les hôpitaux. L’Etat patron mène la même politique que le CNPF dans le secteur privé. Les dirigeants de France-Télécom ont ainsi annoncé la couleur dès la première séance de négociations la semaine dernière : il n’est pas question que l’application des trente-cinq heures entraîne la création d’un seul emploi. Le " directeur des ressources humaines " de France-Télécom a même précisé dans une interview à " l’Humanité " que le rythme de diminution des effectifs qui est de 3 % depuis plusieurs années serait maintenu. La direction de la Poste ne tient pas un autre langage et on voit mal, étant donné la politique menée par Kouchner, comment la négociation des 35 heures dans les hôpitaux déboucherait sur la moindre création d’emplois.

La prétendue guerre entre Aubry et les dirigeants du CNPF n’est qu’un rideau de fumée. Tous sont bien d’accord pour que la loi des 35 heures soit, selon l’expression de Strauss Kahn, un accord " gagnant-gagnant ", c’est-à-dire doublement gagnant pour les patrons !

 

8 octobre, journée d’action des aides-soignants, le ras-le-bol s’exprime

Nous étions environ 200 devant la DRASS de Bordeaux à l’appel des organisations syndicales à manifester notre mécontentement, certains d’entre nous venant du Béarn et du Pays basque. L’ambiance était bon enfant, les copains de Pau et Saint-Jean de Luz avaient concocté quelques chansons qui mettaient bien en évidence notre ras-le-bol du manque de personnel, de nos bas salaires, de nos conditions de travail qui se dégradent de jour en jour.

En attendant une délégation qui était reçue par un représentant du DRH, nous nous sommes fait la voix sur l’air de " Milord ", de la " Mère Michel " ou de " Travailler c’est trop dur ".

Après plus d’une heure, la délégation est revenue pour dire que l’on avait noté nos revendications et que l’on transmettait au ministère. Beaucoup d’entre nous en avaient marre d’entendre toujours la même rengaine. L’une d’entre nous, s’adressant à un représentant syndical, a exprimé le sentiment de l’assemblée : " la dernière fois, on nous a répondu la même chose, on nous amuse. " Certains disaient : " il faut aller dans le hall et se faire entendre " ou " il faut changer de leader, c’est des mous ".

Nous étions au courant qu’un millier de jeunes lycéens manifestaient dans le centre, la majorité de l’assemblée voulait les rejoindre, mais étant à 1h30 du lieu, nous avons décidé de bloquer les boulevards à côté de la DRASS. Pendant une bonne demi-heure nous nous sommes adressés au public. Certains dirigeants syndicaux voulant en rester là ont fait pression pour que le blocage se termine.

Nous nous sommes quittés en s’échangeant nos adresses et tous nous étions d’accord pour nous dire : " à bientôt et tous ensemble ".

 

Les mouvements de grève a la SNCF : premiers signes d’une offensive pour l’emploi ?

Des mouvements de grève à la SNCF se sont poursuivis toute la semaine dernière. Dans les secteurs qui ont démarré la série de grèves, des agressions ont bien été le détonateur. Mais partout, ce qu’exigent les cheminots en lutte, ce sont de vraies embauches au statut, tout de suite. Depuis 15 ans, la SNCF a supprimé 70 000 postes de travail. Les gares, les quais et les trains ont été vidés. Dans bien des cas, les cheminots travaillent seuls des heures durant. Alors pour les cheminots, tous les discours sur la sécurité ne sont que du vent tant que la vapeur n’aura pas été inversée et qu’on n’aura pas rattrapé l’énorme déficit de personnel. Mais pour cela il faudrait changer la politique menée depuis 15 ans par la SNCF et les gouvernements successifs. Y compris par le gouvernement Jospin et le ministre Gayssot, puisque cette année encore la SNCF va perdre 1500 emplois.

Après Jospin, la direction de la SNCF a essayé de calmer le jeu en annonçant la création de 800 emplois en région parisienne. Annoncé sur les média, ça fait de l’effet. Mais sur le terrain, ça ne tient pas le rail. D’abord sur ces 800 emplois, 500 étaient déjà prévus. Ensuite il s’agit en fait de 400 " emplois jeunes " et de seulement 400 emplois de cheminots au statut. En plus, l’application concrète se révèle désastreuse. Ainsi sur Paris-Rive Gauche, et il en va de même dans toutes les régions parisiennes, la direction régionale a annoncé que cela se traduirait par 50 emplois jeunes, envoyés au casse-pipe dans des gares fermées ou sur des trains de nuit qui ne sont plus contrôlés depuis des années. Et par 50 emplois chargés de… l’encadrement des emplois jeunes. Pas un contrôleur, pas un mécano, pas un agent de guichet de plus. Le comble, c’est qu’une partie des " emplois au statut " seront en fait pris ailleurs dans la SNCF et ne seront pas des créations de postes. Apprenant cela, les agents de train d’Austerlitz étaient indignés : " on veut envoyer les jeunes se faire casser la gueule à notre place ", " et c’est un gouvernement qui se dit de gauche qui fait décider ça, pas question de laisser faire ! ". Du coup, ils ont reconduit massivement la grève lundi 12 octobre.

A Sotteville-les-Rouen, c’est l’annonce d’une réduction du nombre de mécanos en formation qui a renforcé la décision de poursuivre la grève. Partis en grève pour s’inscrire dans le mouvement général pour des embauches, les mécanos de Sotteville ont vite retrouvé les réflexes des luttes précédentes. Voyant venir aux nouvelles des cheminots d’autres secteurs, un camarade lançait : " le cheminot, à l’inverse de la marmotte, se réveille à l’approche de l’hiver… ". Lundi 12, les mécanos décidaient de continuer pour imposer les embauches nécessaires pour combler les départs en retraite. Mais au dépôt tout le monde suit les nouvelles, souvent contradictoires, sur ce qui se passe ailleurs. On devait contacter les dépôts de Rouen et du Havre. Mercredi 14 au matin, la grève se poursuivait à Sotteville comme à Austerlitz.

Ce qui caractérise depuis quelques semaines les nombreux mouvements de cheminots, c’est la place grandissante qu’y prennent les jeunes embauchés. Bien souvent, ils n’ont pas connu les grèves de 95 et ils découvrent le monde cheminot après des années de petits boulots et de galère. Ces jeunes sont en pointe dans les piquets et dans les interventions pour convaincre les non-grévistes. Ils ne sont mariés ni avec les corporatismes, ni avec les chapelles syndicales, et n’éprouvent aucune solidarité avec le gouvernement. Ils cherchent une politique juste, qui les renforce et les unisse aux autres salariés.

C’est un des facteurs, et pas le moindre, qui peut permettre de penser que le gouvernement Jospin et la SNCF n’en ont pas fini avec les cheminots. Les luttes de ces dernières semaines mettent à l’ordre du jour la possibilité d’un large mouvement généralisé pour des embauches massives à la SNCF.

 

Sécurite sociale : de nouvelles restrictions en préparation

Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 99 sera discuté à partir du 26 octobre à l’Assemblée Nationale et d’ici là, le rapport de la Cour des Comptes pour l’année 97 qui vient de paraître tombe à pic pour le gouvernement. Toute la presse en a retenu les dépassements des honoraires des chirurgiens-dentistes qui se sont attribué une augmentation annuelle moyenne de 5,1 %, essentiellement en nous surfacturant le prix des prothèses dentaires de 10 à 23 fois leur prix, ce qui incontestablement est abusif quand la Sécurité Sociale ne rembourse que 525 F par prothèse. Mais il y a bien d’autres recommandations qui vont dans le sens des nouvelles attaques que le gouvernement prépare, en essayant comme d’habitude de se couvrir par des rapporteurs indépendants… du genre de Pierre Joxe, président de la Cour des Comptes et socialiste de longue date. Le thème réactionnaire de la sur-consommation médicale est largement mis en exergue par la Cour des Comptes qui regrette que la décision de rembourser un médicament " est presque toujours prise en l’absence d’études médico-économiques ", autrement dit, selon des critères d’économies faites sur le dos des malades. Et de renchérir en déplorant que le remboursement des médicaments les plus anciens " ne fait pas l’objet de réévaluation ", c’est-à-dire ne soit pas revu à la baisse. Le rapport cite à l’appui de sa démonstration les dépenses pharmaceutiques par personne qui seraient de 22 % supérieures à celle de l’Allemagne et de 66 % à celle de la Grande-Bretagne… en oubliant de préciser que les prix des médicaments en France sont parmi les plus élevés des pays européens et que les services de santé ont déjà été démantelés en Grande-Bretagne. Dans le même sens, le directeur de la Caisse Nationale d’assurance-maladie présente un " projet d’orientation stratégique de l’assurance maladie " dans lequel il prend position pour la révision tous les trois ans des prix des médicaments remboursables et part en guerre contre " le principe suivant lequel le patient peut déambuler à sa guise dans l’univers des soins " alors même que toute une partie de la population n’a plus les moyens de se soigner correctement. Quelques chiffres noyés parmi les 1000 pages du rapport de la Cour des Comptes éclairent à l’inverse le problème de l’assurance-maladie : les exonérations portant sur les allégements des charges sociales pour les employeurs ont augmenté en 97 de 82,7 milliards de francs, elles avaient déjà progressé de 67,7 milliards en 96 et les hôpitaux publics ont réalisé, en 97, 10 milliards d’économies ! Oui, il y a de quoi embaucher dans les services de santé, maintenir et même augmenter le nombre des maternités. Mais le gouvernement Jospin fait l’inverse et s’apprête à accélérer les restrictions pour la population pour continuer à servir les seuls intérêts du grand patronat et des financiers.