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Lourdes condamnations à la suite des manifestations lycéennes : cette société crée l’exclusion et répond à la jeunesse par la répression

Au cours de la manifestation de jeudi dernier à Paris, 75 jeunes ont été interpellés, certains placés en garde à vue, accusés de vol, recel de vol, violences à agents, dégradation de biens... La justice a su trouver pour eux des procédures rapides puisque le lendemain même de la manifestation, le vendredi, les premières condamnations tombaient, des condamnations lourdes qui sont un aveu de la volonté du gouvernement de leur faire payer cher la contestation de sa politique : peines de prison avec sursis, assorties de centaines d’heures de travaux d’intérêt général... et peines de prison ferme pour certains " casseurs ". Une lycéenne de seconde a été condamnée à deux mois de prison avec sursis pour avoir ramassé quelques paquets de cigarettes sur le trottoir, à la suite du pillage du tabac de la place de la Nation auquel elle n'avait pas participé.

Les condamnations les plus lourdes ont été prononcées contre des jeunes venus des lycées de banlieues ouvrières comme Creil ou Créteil, les plus défavorisés, les premières victimes de la restriction des moyens et de la dégradation des conditions dans les collèges et les lycées. Pour avoir été arrêté en possession de paquets de cigarettes et avoir insulté les flics qui l’arrêtaient, un jeune de seconde du lycée de Creil a été condamné à six mois de prison avec sursis et 120 heures de travail d’intérêt général... Un élève de BEP à Créteil a été condamné lui, à six mois de prison dont un ferme pour dégradation de véhicule.

Parmi les interpellés se trouvaient aussi des jeunes rejetés par le système scolaire, en rupture avec la société, ceux qui sont montrés du doigt comme les " casseurs " et qui manifestent par la violence leur haine d’une société qui les rejette, qui n'a à leur offrir que le chômage, les cités de banlieues plongées dans la misère ou la galère. La présidente du tribunal s’adressant à un de ces jeunes de 26 ans par ces mots : " Vous êtes en situation de précarité, comme on dit aujourd’hui. Votre vie, c’est quoi ? ", s’est entendu répondre : " J’essaie de trouver 60 F par jour pour vivre ".

Plusieurs autres jeunes ont été condamnés à des mois de prison ferme assortis d’une mise à l’épreuve et ont quitté le tribunal entre deux gendarmes pour la prison. Pour l’un d’entre eux, la présidente a déclaré : " C’est un vrai casseur. Ce n’est pas un manifestant qui se transforme en délinquant, mais un délinquant qui reste délinquant ".

Le gouvernement voudrait bien, prétextant les " casseurs " présentés comme étrangers à la jeunesse, comme délinquants, faire diversion et masquer la réelle contestation de cette société incapable d’offrir à la jeunesse un avenir, qu'expriment les lycéens en descendant dans la rue. Mais ces " casseurs " sont une fraction de la jeunesse elle-même, laissée pour compte, rejetée par une société élitiste qui ne connaît comme lois que celles de la concurrence et de l'individualisme. La violence des " casseurs " n'est que le reflet de la violence de cette société qui crée l’exclusion, la misère.

 

Le budget 1999 : un budget de classe contre la population

Mardi 20, a été votée la partie recettes concernant les impôts et taxes du projet de budget pour 1999. Ce budget est tout entier tourné vers la satisfaction des intérêts du patronat avec quelques mesures de saupoudrage vis-à-vis de la population destinées à essayer de faire prendre les vessies pour des lanternes. La principale mesure est la suppression de la taxe professionnelle sur cinq ans qui était jusqu’ici la principale ressource des communes en dehors de la taxe d’habitation payée par la population. Bien évidemment, la justification de ce cadeau au patronat qui se chiffre à 7,2 milliards de francs dès 1999 est de ne pas pénaliser l’emploi ! Le Parti communiste dont seuls trois députés se sont abstenus sans aller jusqu’à oser voter contre, avait pris position, lors de la discussion du budget, contre son " ultralibéralisme " et avait annoncé que ses députés voteraient contre ce cadeau. Bocquet, président du groupe du Parti communiste avait déclaré : " trop de fantômes du libéralisme hantent les bureaux de votre ministère. Nous sommes là pour vous aider à les chasser ". Il s’était aussi prononcé pour le relèvement du SMIC et des minima sociaux et l’intégration des biens professionnels dans l’ISF. Cela fait partie de la répartition bien rodée maintenant des rôles entre le Parti communiste et le Parti socialiste au sein du gouvernement dans la ligne de la justification mise en avant par le PC auprès de ses militants et sympathisants pour justifier sa participation gouvernementale : soi-disant faire pression. Mais ce ne sont pas des fantômes qui hantent le PC mais bien les réalités du pouvoir et, soutenant de fait la politique gouvernementale, en toute logique, il l’avalise et se discrédite ainsi toujours plus aux yeux de ses militants. A côté de cela, les mesures adoptées sur proposition du PC qui sont présentées comme favorables à la population - le doublement du crédit d’impôt pour les dépenses d’entretien des habitations et l’exonération de la TVA sur les terrains achetés en vue de construction d’immeubles- pèsent bien peu alors que de nombreux salariés sont surendettés et qu’une fraction de plus en plus importante de travailleurs vit dans la précarité.

 

Allègre sur TF1 : tentatives de récupération

Allègre était l’invité dimanche dernier de l’émission de Michel Field, " Public ". Le ton de l’émission a été donné d’emblée par Field : " nous avons une heure pour convaincre les lycéens de rentrer au bercail ". Tout avait été fait pour qu’Allègre ne soit pas contesté : les lycéens présents sur le plateau avaient été soigneusement sélectionnés par Field lui-même qui ne voulait pas " se faire piéger par des militants qui se font passer pour des lycéens de base ". Ainsi les lycéens de la coordination bordelaise, " infestée de militants professionnels ", ont été réduits au rôle de poseurs de questions, sans pouvoir intervenir dans le débat et les enseignants n’ont carrément pas eu leur mot à dire ! La connivence entre le ministre socialiste et le présentateur de TF1, ancien leader lycéen, ancien "militant professionnel " d’extrême gauche qui avait jadis mis à mal un ministre de l’Education nationale lors d’un débat télévisé, était telle que des lycéens dans la manif de Bordeaux de mardi dernier, la dénonçaient par un slogan vengeur : " Field-Allègre, même tombeau ! ".

Allègre avait donc le champ libre pour défendre sa politique. Toute son argumentation s’est résumée à dire que les problèmes de l’Education nationale ne sont pas des problèmes " quantitatifs " mais des " problèmes qualitatifs ". En somme, il y aurait suffisamment de moyens mais ils seraient mal utilisés. Mais quand une lycéenne lui a demandé quel était le chiffre de profs qui n’étaient actuellement pas en situation d’enseigner, Allègre a fouillé dans ses papiers, sans trouver la réponse ! Sur les sujets les plus divers, il a aligné mensonges sur mensonges : il faut plus de surveillants a-t-il dit mais le ministère a supprimé 3 300 postes à la dernière rentrée ! Des profs il faut en nommer, notamment en langues, mais il y a des matières où on n’en trouve pas faute de candidats, a déclaré Allègre. Les maîtres-auxiliaires d’espagnol à qui l’on donne des postes de surveillant depuis des années parce qu’il n’y aurait pas de postes dans leur matière apprécieront à sa juste valeur le culot du ministre. Quant à la baisse du nombre de postes offerts aux concours de recrutement, il a préféré éviter là aussi les précisions chiffrées en prétendant qu’il y avait plus de postes aux concours que de départs à la retraite.

Allègre fait le calcul que le mouvement lycéen va s’essouffler, que les vacances de Toussaint arrivent à point nommé pour mettre un terme à la lutte. Et s’appuyant sur ce qui vient de se passer, il veut en tirer prétexte pour faire passer sa politique, comme cette mesure sur la décentralisation qui va se traduire par un arbitraire plus grand dans les mutations. Abaisser les horaires des élèves, alléger les programmes, modifier les horaires des enseignants, comme le préconise Allègre qui veut mettre en application ces mesures le plus vite possible, ce n’est pas améliorer les conditions d’enseignement, c’est aggraver la politique d’austérité et de réduction des effectifs, c’est aggraver les inégalités dans l’accès à la culture. Mais comme Allègre se livre à ses manœuvres avec la légèreté d’un mammouth non dégraissé, nous ne serons en tout cas pas pris au dépourvu !

 

Les agents de service des écoles de Bordeaux en grève pour des embauches

Depuis trois semaines, le personnel municipal des écoles de Bordeaux a entamé un mouvement pour exiger 40 embauches afin de pouvoir travailler dans des conditions correctes.

Depuis septembre 97, nous sommes passées à 35 heures, mais sans aucune embauche et donc avec une augmentation de la charge de travail. La mairie s’est contentée de faire 35 CDD de 16 heures hebdomadaires à des collègues qui se retrouvent à travailler pour 2 800 francs par mois, et bien sûr, sans savoir si elles vont garder ce travail. Nous réclamons donc l’embauche à plein temps de ces camarades et cinq embauches supplémentaires qui sont nécessaires.

La mairie gère au coup par coup, elle a ainsi " bouché les trous ", en mutant des collègues des écoles maternelles (où nous étions un peu plus nombreuses) vers les primaires où les manques d’agents de service étaient les plus criants. Autre " solution " trouvée par la mairie : elle décrète que des bâtiments n’existent pas et refuse donc de créer des postes. Mais nous faisons le travail tous les jours, car les bâtiments qui " n’existent pas " sur leurs plans, existent bel et bien et sont utilisés tous les jours.

Quand l’une d’entre nous est absente, nous devons assumer son travail en plus du nôtre car il n’y a pas assez de remplaçantes. Là aussi la mairie a eu une idée " géniale " : plutôt que d’embaucher du personnel pour les remplacements, elle a créé une " prime de présence ". Depuis le début de l’année 98, en cas d’absence nous ne touchons plus la totalité de notre salaire. On nous retient 30 francs par jour, y compris les jours non travaillés normalement (samedi, dimanche et un mercredi sur deux), pour, paraît-il, constituer la prime qui serait repartagée entre le personnel qui n’a pas eu d’absence.

C’est parce que nous en avons ras le bol de cette situation que nous avons entamé un mouvement pour obtenir des embauches. Nous faisons une heure de grève pendant le service du repas, ce qui nous permet de rencontrer les parents d’élèves et de discuter de nos problèmes. Et nous trouvons la solidarité de nombreux travailleurs qui connaissent eux aussi, l’augmentation de la charge de travail, la précarité et les mauvais coups des patrons pour diminuer nos salaires par tous les moyens. C’est pour cela que nous avons pu organiser plusieurs pique-niques devant chez Juppé avec les parents d’élèves et les enfants.

Nous avons imposé un premier recul à la mairie qui a promis la titularisation à plein temps de deux collègues contractuelles en CDD de 16 heures. On est loin des quarante que nous demandons et donc le mouvement continue.