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35 heures : un accord antiouvrier mis en œuvre par le patronat et le gouvernement et cautionné par les directions syndicales

Cette semaine devrait être signé l’accord sur la loi Aubry dans le secteur du textile, cuir et habillement qui regroupe 143 000 salariés. Le contingent d’heures supplémentaires prévu par l’accord passe de 40 à 130 heures dans la plupart des entreprises et de 60 à 150 heures pour les métiers de la teinture et de l’impression. A cela s’ajoute la possibilité pour les patrons de négocier 45 autres heures supplémentaires dans des accords d’entreprise. Les heures supplémentaires ne donneront lieu à majoration qu’à partir de la 90ème heure ! Quant aux salaires, ils ne baisseraient pas - de toute façon, une très grande partie des ouvriers de cette branche touchent le SMIC - mais l’accord ne comporte qu’une déclaration d’intention et un document du patronat précise que le maintien du pouvoir d’achat est "conditionné à la mise en œuvre de solutions permettant de développer la compétitivité des entreprises". Les patrons bénéficieront dans cette branche non seulement des subventions habituelles accordées par la loi Aubry mais aussi des subventions spécifiques accordées aux entreprises de main-d’œuvre. Il n’y a donc pas un seul point de cet accord qui soit favorable aux travailleurs.

Le gouvernement et les syndicats le présentent comme un accord qui respecterait, contrairement à celui de l’UIMM, l’esprit de la loi Aubry. Qu’il respecte cet esprit, c’est indéniable, si on en croit Aubry elle-même qui a rappelé dans une interview à la " Tribune " ce qu’était un " bon accord ". Pour elle, " la première condition, c’est non seulement de ne pas renchérir le coût du travail mais peut-être même de gagner en compétitivité en repensant l’organisation du travail ". Autre condition essentielle aux yeux d’Aubry : que les salariés voient "ce qu’ils peuvent proposer pour aider à la réalisation de ce projet par exemple par une certaine modération salariale ". Flexibilité, gel ou baisse des salaires, ce sont donc les deux objectifs essentiels de la loi réaffirmés par Aubry elle-même.

Mais le patronat, lui, ne cache pas que l’accord dans le textile a été signé dans le même esprit que celui signé dans la métallurgie. Georges Jolliès, responsable du secteur textile et président de la Commission sociale du CNPF, affirme que l’accord UIMM et l’accord signé dans le textile relèvent de " la même philosophie " et il le prouve chiffres à l’appui : le nombre d’heures supplémentaires réclamées par le patronat dans l’accord UIMM est le même que celui réclamé dans le textile : 90 heures. " Les deux accords ont pour objet commun de donner le maximum de latitude aux entreprises. " déclare-t-on au CNPF.

Malgré cela, l’ensemble des syndicats a annoncé qu’ils allaient signer cet accord, notamment la CGT qui jusqu’alors s’était refusée à signer les accords de branches. Dans une interview au " Figaro ", Viannet a découvert à cet accord bien des vertus : " le texte élaboré dans le textile à l’issue d’âpres discussions témoigne des possibilités de faire évoluer la situation. On est loin de l’accord UIMM et les avancées obtenues conduisent notre fédération à porter un jugement favorable malgré des insuffisances qui pourront s’améliorer au niveau des entreprises ". La direction de la CGT est donc prête à cautionner un accord qui comporte autant d’attaques antiouvrières que les accords précédents. Viannet avait déjà fait pression, en vain, sur la fédération de la construction pour qu’elle signe l’accord sur les 35 heures avec les artisans du bâtiment, que le gouvernement considérait comme " un bon accord ". Avec l’accord sur le textile, il semble parvenu à ses fins. Jolliès, le vice-président du CNPF, a confié que la signature de la CGT " le verrait très satisfait ". Les militants attachés à la défense des intérêts des travailleurs ne le seront pas du tout : la direction de la CGT tourne ouvertement le dos aux revendications mises en avant par ses militants.

 

Etat belge et patrons français contre les travailleurs des deux pays

Usinor, le principal groupe français de sidérurgie, vient d’annoncer le rachat de 53 % des actions de Cockerill Sambre, société belge du même secteur. Depuis 17 ans, Cockerill était à 78 % la propriété de la région belge de Wallonie, qui a financé la restructuration de l’entreprise et tous les investissements pour qu’au premier semestre 1998, Cockerill puisse annoncer un bénéfice net d’un milliard de francs.

Cela ressemble trait pour trait à l’histoire de la nationalisation de la sidérurgie en France, quand dans les années 80, les gouvernements de Mitterrand faisaient payer à l’Etat la modernisation de la sidérurgie, et faisaient assumer les milliers de suppressions d’emplois dans ce secteur aux partis de gauche qui devaient justifier cette politique auprès de la population. Une histoire que connaît bien Usinor, nationalisée, puis reprivatisée quand elle était redevenue intéressante pour des actionnaires privés.

Bien sûr, la région belge a essayé de faire jouer la concurrence entre les principaux groupes mondiaux du secteur de l’acier pour vendre au plus cher, mais finalement la situation s’est retournée contre elle. Au mois de septembre, en pleine tempête sur les Bourses du monde, il ne restait plus qu’un seul postulant, Usinor... qui a pu acheter au moment où le prix de l’action était au plus bas (150 FB contre 270 FB en juin). Pour ce groupe au chiffre d’affaires de 34 milliards, la Wallonie ne touchera que 4,2 milliards, quand elle en espérait sept.

Une partie de la presse belge a dénoncé " Cockerill bradé ", tandis que d’autres se félicitaient que la région wallonne conserve 25 % des actions pendant cinq ans encore, prétendant que cette " minorité de blocage " permettrait à la région de s’opposer à tout plan de type Renault Vilvoorde.

En vérité, les suppressions d’emplois ont déjà été planifiées, tant par la région que par Usinor. Côté belge, 20 % de l’effectif des 8000 salariés de Cockerill Sambre, soit 1600 salariés, doivent disparaître. L’inquiétude gagne aussi les travailleurs du côté français, car des réorganisations auront lieu dans l’ensemble du groupe, sous prétexte que des services feraient désormais double emploi. Cela n’empêchera pas la Wallonie de continuer à investir dans le groupe près de quatre milliards de francs jusqu’en 2003. Usinor de son côté investirait 1,7 milliard pour moderniser les centres de production de Liège et de Charleroi.

Pour Usinor, habitué à avoir l’Etat français à son service, tout cela n’est que du très normal.

Quant à nos camarades des sites de Belgique, de Lorraine ou de Fos près de Marseille, nul doute qu’ils savent à quoi s’attendre. C’est toujours au nom de la concurrence mondiale que les actionnaires essayeront de faire passer leurs mauvais coups ; une propagande contre laquelle les travailleurs de Renault du Portugal, d’Espagne, de France et de Vilvoorde en Belgique avaient trouvé la seule réponse : lutter tous ensemble dans la solidarité internationale.

 

Rouen : mille employés de la Sécurité sociale aux Prud’hommes

Jeudi 15 octobre, se tenait une séance exceptionnelle au Conseil de Prud’hommes de Rouen. De 9 heures à 18 heures, plus de mille employés de la CPAM, de la CRAM et le Contrôle médical sont venus confirmer la plainte qu’ils avaient déposée six mois auparavant.

En 1993, une nouvelle classification est entrée en service dans les caisses de Sécurité sociale. Dans un de ses articles (le 6. 1) était prévu le calcul des échelons d’ancienneté à attribuer lors du reclassement. Les directions comme l’UCANSS (l’organisme patronal) ne l’ont jamais appliqué car ils se sont aperçus qu’il était favorable aux employés ; mieux, ils l’ont modifié cinq mois après (en accord avec la CFDT et FO principalement) dans le sens qui était favorable aux patrons de la Sécurité sociale.

Nous avons été nombreux à l’époque à réclamer, mais nous n’avons eu que des réponses négatives. Dans quelques caisses des employés se sont adressés aux Prud’hommes et ont fini par obtenir raison après quelques années de procédure. Du coup, des dizaines de milliers d’employés (avec le soutien de la fédération CGT et l’hostilité de la fédération CFDT) ont fait de même dont un millier à Rouen. Il faut dire que les rappels de salaire varient en moyenne de 4000 à 13 000 francs selon le coefficient.

Dans les deux caisses de Rouen, l’ensemble des syndicats organise cette action. Des groupes de travail sont faits pour préparer des dossiers, des permanences sont tenues, des délégués assurent la défense.

Jeudi, tous les plaignants sont venus, ce qui a beaucoup impressionné et les conseillers prud’homaux et les directions des caisses. La presse aussi était là. La séance pour plaider aura lieu en juin 99. D’ici là, tout le monde peaufine son dossier bien décidé à obtenir son dû. Mais dès maintenant, cette démarche collective a contribué à resserrer les liens entre les employés.

 

Fonderie de Leroy-Somer : un travailleur gravement brûlé

Jeudi 15 octobre, un grave accident s’est produit à la fonderie de Leroy-Somer à Angoulème. Un camarade de la fusion a été gravement brûlé au cours d’une manœuvre de transvasement de fonte entre deux fours. Cette opération se fait avec une poche contenant deux tonnes de métal liquide transportée au fenwick à environ 2,5 mètres de hauteur. Au moment de se mettre en position sur le four, le fenwick a roulé sur un bout de ferraille et il s’est produit un fort balancement, le métal liquide a débordé et est tombé en partie sur notre camarade qui était au volant de son engin. Secouru sur place par les travailleurs, il a été emmené à l’hôpital, puis transporté à Bordeaux dans un service spécialisé. Il est gravement brûlé sur 25 % du corps et les médecins attendent trois semaines pour se prononcer sur l’évolution de ses blessures.

Aussitôt après l’accident, la direction s’est empressée de faire nettoyer devant les fours et de remettre une tôle de protection qui manquait sur le fenwick. Ni le CHS-CT qui n’a pas été prévenu aussitôt de l’accident, ni l’inspecteur du travail venu faire son enquête deux heures plus tard, n’ont donc pu faire de constatation par eux mêmes ! Ce dernier a dû se contenter de la version patronale comme quoi ce serait notre camarade qui aurait " oublié " de remettre la tôle de protection !

Il n’en est rien bien sûr et le patron porte l’entière responsabilité de l’accident. En fait, une heure auparavant, le fenwick de la fusion avait été " réquisitionné " pour décharger une grosse machine d’un camion, car c’est le seul suffisamment puissant pour cela. La direction pratique cette " polyvalence " de matériel pour des raisons de rentabilisation qui aujourd’hui conduisent au drame. Car c’est pour faire ce déchargement que la protection avait été enlevée. Et le patron de la fonderie ne pouvait l’ignorer puisqu’il dirigeait l’opération en personne !

Ensuite, tout s’enchaîne : l’absence de fenwick à la fusion provoque l’arrêt d’un gros chantier de production que les chefs n’ont de cesse de remettre en route au plus vite sans se préoccuper de rendre l’engin tel qu’ils l’avaient pris, c’est-à-dire avec sa sécurité. Voilà comment notre camarade a été victime de l’incurie de la direction et de sa hâte à faire rentrer les bénéfices.

 

ACH du Havre : pas question " d’ union sacrée ". préparons l’union de tous les travailleurs

" Sans-papiers, ouvriers, lycéens, chômeurs, solidarité " fut un slogan repris dans une partie de la manifestation des travailleurs des chantiers navals des ACH, le samedi 17 au Havre. Il mettait en évidence que les 3000 participants à la manifestation, ACH, sous-traitants, délégations d’autres entreprises, sans-papiers, lycéens sont en butte aux mêmes adversaires : les patrons, le gouvernement et ses ministres, qu’ils s’appellent Strauss-Kahn pour les ACH, Chevènement pour les sans-papiers ou allègre pour les lycéens. Ce slogan, il venait en fin de cortège de la délégation des sans-papiers dont la banderole de tête proclamait : "c’est pas les immigrés qu’il faut expulser, c’est le chômage et la précarité ". C’est bien de ce cortège de 300 personnes où se retrouvaient au coude à coude des sans-papiers, des militants d’extrême gauche, d’autres du Parti communiste ou du Parti socialiste en rupture avec la politique de leur parti, des militants d’AC ! ou d’autres associations, que partaient les slogans mettant en évidence que toutes les luttes actuelles étaient liées. Dans le reste de la manifestation c’est la CGT des ACH qui donnait le ton. Contrairement à l’engagement pris par le secrétaire de ce syndicat à l’assemblée générale des sans-papiers, l’allocution de départ n’a pas fait état de la lutte des sans-papiers.

En tête de la manifestation se trouvaient environ 1300 travailleurs des ACH et leurs familles, séparés des sous-traitants par une centaine de mètres occupés par une camionnette et une voiture sono, plus un camion avec des tam-tams, puis séparés encore du reste du cortège par une autre camionnette sono, les autres manifestants : les travailleurs de Total et d’Auchan . Venaient ensuite les délégations du PCF, du PS, les élus avec écharpe tricolore en bandoulière, dont le maire RPR Rufenacht... et des conseillers municipaux Front national !

Car si la CGT a voulu à tout prix éviter que cette manif prenne l’allure d’un " tous ensemble " des travailleurs contre les fauteurs de chômage, les lois du capitalisme et le gouvernement, elle avait choisi un axe de mobilisation très consensuel : " Le Havre derrière la navale ". Comme le titrait un journal local, c’était "l’Union sacrée ". Rien d’étonnant dès lors à ce que des ennemis patentés des travailleurs se soient sentis à leur place dans ce défilé, alors que leur présence en choquait plus d’un parmi les manifestants qui se sont rendus compte de leur présence.

La CGT locale ne veut rien faire qui puisse gêner le gouvernement. Elle veut avant tout négocier avec lui et un éventuel repreneur une " bonne solution industrielle " plutôt que de s’appuyer sur la force de tous les travailleurs du Havre contre les responsables du chômage. Ceci dit la manifestation exprimait aussi et avant tout la force des travailleurs des chantiers et l’existence d’un fort sentiment de solidarité autour des ACH. De plus les luttes des sans-papiers ou des lycéens, des enseignants et des travailleurs d’ELF-Atochem, en grève depuis 5 jours contre la loi Aubry, montraient concrètement qu’il faut aider à la convergence des luttes.

Si le délai pour l’acceptation d’un repreneur des ACH expire jeudi 22 octobre, la lutte a des chances de se poursuivre pendant plusieurs mois pour empêcher leur fermeture, car des chantiers sont encore en cours. Un délai utile pour que la lutte des ACH puisse s’orienter dans une perspective d’une lutte entraînant l’ensemble des travailleurs et des jeunes de l’agglomération.

 

Extrait du bulletin VDT de la Raffinerie Total du Havre

Accident à la Raffinerie de Provence

Samedi 10 octobre, une tuyauterie de la DGO2 de la Raffinerie de Provence a été déchirée par une fissure de 17 cm de long sur 2 cm de large. Cette ligne sous pression a laissé échapper un nuage toxique contenant du gazole, de l'hydrogène et de l'H2S. On a frôlé une catastrophe car le nuage est passé près d'un four mais ne s'est pas enflammé et n'a pas provoqué de conséquences graves sur l'environnement.

La tuyauterie en question serait inspectée régulièrement comme toutes celles contenant de l'H2S. On est donc en droit de se demander quelle est l'efficacité du plan d'inspection dans nos raffineries.

La politique d'entretien et d'inspection est-elle destinée à faire durer le matériel le plus longtemps possible ? Il ne suffit pas d'augmenter le nombre de mesures, encore faut-il arrêter les unités et rénover le matériel suffisamment tôt. Mais avec des cycles d'arrêts à 5 ans au lieu de 3 ans, l'usure du matériel est plus grande et les risques d'accident sont multipliés. Le personnel de la Raffinerie de Provence a eu peur, d'autant plus que tout le monde garde en mémoire l'accident du Craqueur en 1992 qui avait fait 6 victimes.