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L'arrestation de Pinochet met dans l'embarras tous les démocrates bourgeois qui ont soutenu et couvert ses crimes

Pinochet, dirigeant du coup d’Etat au Chili de 1973, principal responsable de l’assassinat de dizaines de milliers de Chiliens et dictateur sanglant pendant 17 ans, est rattrapé par son passé. A la surprise générale, il a été mis en état d’arrestation dans une clinique de Londres où il subissait une opération bénigne. Il est poursuivi par deux juges espagnols, Garzon et Castellon, qui demandent l’extradition de l’ex-dictateur en Espagne pour " génocide, terrorisme et incitation à la torture ". Ils ont mené l’enquête sur des dossiers transmis par les associations de victimes, portant sur la mort, l’enlèvement et la disparition de plusieurs dizaines d’Espagnols ou Chiliens d’origine espagnole entre 73 et 90. Ils veulent dévoiler aussi le rôle joué par Pinochet dans la sinistre " opération Condor " lancée par les dictatures d’Amérique latine dans les années 70, accord entre leurs polices secrètes pour se débarrasser des opposants.

Depuis des années les victimes de la dictature au Chili ou réfugiés dans d’autres pays du monde se battent devant le scandale que constitue l’impunité totale dont a bénéficié l’ex-dictateur jusqu’à maintenant. Et l’on comprend leur satisfaction lorsqu’ils ont appris qu’une demande d’arrestation était lancée contre lui. Mais il y a fort à parier que les obstacles vont se multiplier pour retarder et même empêcher la démarche des juges. D’ores et déjà le parquet de l’Audience, représentant officiel du gouvernement espagnol s’oppose à la demande d’extradition formulée par les juges. En effet elle gêne beaucoup de monde parmi les dirigeants des états chilien, américain ou européens.

Elle met en cause les soi-disant démocraties occidentales qui ont soutenu la dictature de Pinochet et qui n’ont bien sûr pas levé le petit doigt ensuite pour que justice soit rendue aux victimes. Thatcher, vieille amie de l’ex-dictateur, a pris le thé il n’y a pas longtemps avec lui. Jospin de son côté, se félicite hypocritement de cette arrestation, alors que son gouvernement s’était débrouillé pour éviter que Pinochet vienne se faire soigner en France. Cela ennuie aussi beaucoup le gouvernement espagnol qui veut avant tout garder les relations économiques privilégiées qu’il a avec le Chili. Quant au gouvernement américain, il fait preuve d’une remarquable discrétion alors que c’est grâce à son aide et à celle de la CIA que Pinochet avait pu fomenter son coup d’Etat.

Et puis, c’est un brûlot lancé au Chili même contre la politique du gouvernement d’Eduardo Frei, de coalition entre les démocrates chrétiens et les socialistes, qui joue la compromission avec l’armée, son ex-chef Pinochet et tous ceux qui, du haut en bas de l’appareil d’Etat ont perpétré la terreur contre la population chilienne pendant la dictature. Il a mis en place les lois qui ont permis que les criminels de la dictature ne soient pas poursuivis. Depuis son départ du pouvoir en 90 et durant ce qu’on a appelé " la transition démocratique ", Pinochet n’a quitté ses fonctions officielles qu’après avoir obtenu des garanties pour lui-même et pour tous ceux qui avaient dirigé avec lui la dictature. Après avoir cessé d’être président, il est resté chef suprême de l’armée jusqu’en 98, reconnu comme un des garants de la Constitution ! En mars dernier, il a démissionné de ce poste mais pour devenir sénateur à vie, ce qui lui permettait de bénéficier d’une totale immunité. Cela avait d’ailleurs provoqué au Chili de nombreuses manifestations réprimées violemment. Ces dix sièges de sénateurs non élus, réservés aux ex-dictateurs leur donnent de fait un droit de veto sur toutes les lois présentes et à venir, verrouillant ainsi toute possibilité de les déloger ou de les mettre en accusation.

La prétendue démocratie chilienne est depuis le début, officiellement, sous surveillance militaire. L’armée accapare près du tiers du budget national et ce montant ne peut pas être modifié sans l’accord des autorités militaires. Mais cela n’a au fond rien d’étonnant. Au moment même du coup d’Etat, à quelques exceptions près, la Démocratie chrétienne s’était ralliée à Pinochet et avait cautionné les massacres. Ces politiciens défendent, avec des institutions baptisées démocratiques les mêmes intérêts des possédants et les mêmes piliers répressifs de l’Etat avec les mêmes hommes que ceux en place durant la dictature. Tous savent que demain la bourgeoisie chilienne peut à nouveau avoir besoin de la répression brutale contre la population laborieuse. Donc il n’est pas question pour eux de remettre en cause l’armée et ses chefs passés ou présents.

 

Catastrophe au Nigéria : conséquence du pillage et de la misère du pays

Au moins 700 personnes ont été tuées, des centaines gravement brûlées, par l’explosion d’un oléoduc transportant de l’essence raffinée dans le Sud-Est du Nigéria samedi dernier. Cette catastrophe n’a rien d’une fatalité, c’est la conséquence directe de la situation du pays.

Le Nigéria détient 2 % des réserves mondiales de pétrole, mais les gisements sont exploités par quatre grandes compagnies étrangères : la française Elf, l’anglo-néerlandaise Shell, l’américaine Chevron, l’Italienne Agip et la quasi-totalité de la production est exportée. Pour la population, c’est la pénurie d’essence qui se traduit par des coupures d’eau et d’électricité, la hausse des prix des transports et des denrées alimentaires, des licenciements dans le secteur industriel. Cette situation est aggravée par la corruption du pouvoir du général Abubakar qui se révèle incapable d’augmenter les salaires de misère des fonctionnaires et même de faire fonctionner les quatre raffineries du pays dont trois sont hors d’usage et devraient être rachetées par Shell et Total.

D’ailleurs la colère de la population est telle que depuis plusieurs mois des commandos de jeunes multiplient les attaques contre les grandes compagnies pétrolières. Destructions de matériel, occupations de puits et de terminaux d’oléoducs se sont multipliées, ainsi que des affrontements interethniques. La région côtière du Sud où la catastrophe a eu lieu est une des plus pauvres du pays mais en même temps celle qui concentre la plupart des gisements pétroliers. Poussée à bout par cette misère, la population essaye de récupérer ce qu’elle peut d’essence en profitant des nombreuses fuites dues au manque d’entretien des oléoducs qui passent près des habitations pauvres. Des centaines de personnes, surtout des femmes et des enfants, étaient sur les lieux de l’explosion avec toutes sortes de récipients pour récupérer de l’essence qu’ils utilisent ou revendent au marché noir pour survivre. Une simple étincelle, inévitable au milieu de cette foule, a provoqué l’explosion.

Cette catastrophe est le produit de la terrible misère d’un continent dont les richesses sont pillées par la bourgeoisie des pays riches et dont la population laissée à l’abandon doit lutter quotidiennement pour survivre.

 

Crise : quand les États interviennent, c’est pour socialiser les pertes des financiers

La semaine dernière le gouvernement japonais a fait adopter un plan de sauvetage du système bancaire japonais, déjà en discussion depuis plusieurs mois, sous un précédent gouvernement. Plusieurs des plus grandes banques japonaises ont déjà fait faillite, dont Yamaichi Securities au mois de novembre 1997, et en juin dernier la deuxième banque du pays, la Long Term Management Credit. Constamment réévaluées, les créances irrécouvrables des banques japonaises, c’est-à-dire les crédits qu’elles ont accordés et ne pourront se faire rembourser, et les sommes qu’elles ont perdues dans les spéculations, se montent à 35 200 milliards de yens, soit 1514 milliards de francs, et leurs créances douteuses s’élèveraient à 100 000 milliards de yens, 4300 milliards de francs. Le plan du gouvernement consiste à injecter 60 000 milliards de yens dans le secteur bancaire, destinés essentiellement à indemniser les déposants, et recapitaliser après leur nationalisation les banques en faillite, dont les pertes seront épongées et les actifs sains revendus. C’est un plan de sauvetage comparable à celui des Caisses d’épargne américaines en 1987, dans lesquelles l’Etat américain avait injecté 125 milliards de dollars d’argent public, et à celui du Crédit Lyonnais en France d’un montant de 150 milliards de francs. Mais à une échelle autrement colossale, puisque ces 60 000 milliards de yens du plan équivalent à 2800 milliards de francs et 11 % du revenu total du Japon.

Par ailleurs, l’Etat japonais avait adopté en avril dernier un plan de relance de l’économie, le septième depuis 1992, et depuis cette date, ce sont plus de 4000 milliards de francs qu’il a injectés dans l’économie, pour fournir des commandes d’Etat aux trusts de la construction, ou pour racheter des terrains pour éviter l’effondrement des prix de l’immobilier, secteur dans lequel les grandes banques japonaises ont perdu au début des années 90 des sommes colossales au cours de leurs spéculations.

Ces interventions de l’Etat n’ont pas empêché l’économie japonaise d’entrer en récession. Elles consistent, comme en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, à subventionner à fonds perdus les grands groupes capitalistes, tandis que ces mêmes groupes aidés des gouvernements réduisent les capacités de consommation de la population, en réduisant le coût du travail pour augmenter leurs profits.

 

A Rouen arrestations de sans-papiers

Mardi à Rouen deux sans-papiers ont été arrêtés pour être expulsés. L’un des deux est parvenu à s’enfuir mais il a tout perdu, ses affaires et ses papiers. Le deuxième, un turc marié à une française, a été transféré dans la nuit de mardi à mercredi vers un centre de rétention à Paris. Son expulsion mercredi était imminente. Une délégation d’une quinzaine d’organisations est allée protester à la préfecture, qui a immédiatement fait fermer les grilles d’accès au public. La délégation a dû sortir sous le chantage : " si vous ne dégagez pas immédiatement la préfecture, nous annulons tous les entretiens prévus dans la journée avec les sans-papiers ". Les arrestations n’ont pas eu lieu au hasard et prouvent que la police avait enquêté sur leurs habitudes pour savoir quel café et quels lieux ils fréquentaient à cette heure précise. Tous les deux sont membres du collectif des sans-papiers de Rouen. Après avoir déposé un dossier de régularisation qui a été refusé par la préfecture ils étaient sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière.

Ces deux arrestations correspondent à la période de fin d’application de la circulaire Chevènement. Pendant plusieurs mois les préfectures ont dû, sous la pression des luttes menées par les collectifs, accepter des réexamens de dossiers et repousser les dates de clôture. Maintenant la circulaire Chevènement arrive à son terme et le gouvernement fait appliquer le couperet des expulsions. Depuis le début il était évident que la procédure engagée par le gouvernement : " déposez vos dossiers en masse, vous ne craignez rien, nous procéderons aux régularisations ", était une menace puisqu’ainsi les sans-papiers étaient fichés. C’est d’ailleurs pourquoi au début beaucoup avaient hésité à se signaler, méfiants. Fabius, venu à Grand-Quevilly (banlieue rouennaise) au local occupé par les sans-papiers la semaine dernière, assurait encore : " vous ne craignez rien, après examen les dossiers seront détruits. " Et comme nous insistions : " ils sont brûlés par les préfectures ", avait-il affirmé.

En réalité un peu partout en France les expulsions se multiplient, depuis quelques jours des milliers de recours sont rejetés, les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière tombent en masse. Lundi la police parvenait à expulser un sans-papiers à Strasbourg. Vendredi après-midi les forces de l’ordre ont dégagé avec violence la place du Trocadéro où plusieurs centaines de manifestants réclamaient la régularisation de tous les sans-papiers et demandaient à rencontrer Jospin. Cinq sans-papiers africains ont été arrêtés, une française blessée. La politique du gouvernement se durcit et il semble vouloir en finir avec ce dossier brûlant des sans-papiers. Le collectif de Rouen appelle à la vigilance face à cette offensive brutale, puisque maintenant le piège se referme et tous ceux qui ont déposé un dossier sont menacés. Chaque fois c’est la mobilisation qui a obligé le gouvernement à reculer : le collectif appelle à venir massivement à la manifestation régionale vendredi 23 à 17h30 à l’Hôtel de Ville de Rouen.

 

Journée mondiale du refus de la misère : un aveu d’impuissance... Et une accusation

A l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre, un rapport de l’ONU a dressé un état de la misère dans le monde qui est une véritable condamnation du capitalisme et des ravages qu'il produit à l'échelle de la planète. Le rapport fait état des 32 % de la population des pays sous-développés qui vivent avec moins de 6 francs par jour et des 80 millions d’êtres humains victimes de la famine dans le monde. 1,3 milliard d’êtres humains les plus démunis de la planète vivent concentrés dans les bidonvilles des grandes villes qui ne cessent de s'étendre, comme celui de Tunis qui couvre un tiers de la ville, ou celui de Caracas qui constitue plus de la moitié de la ville. Mais la misère n'est pas le lot des seuls pays sous-développés ; elle touche les grandes métropoles industrielles, au cœur des pays riches où le capitalisme génère aussi misère et exclusion à grande échelle : l’Alliance mondiale des villes contre la pauvreté estime qu’en 2015, dans les villes, plus d’une personne sur trois vivra dans la misère. Aujourd'hui, des régions entières, des villes, dans les pays les plus riches comme l'Angleterre, ravagées par les effets de la crise, voient se développer la misère et la sous-alimentation ; le rapport cite la commune de Norwich en Angleterre, dont un tiers des 170 000 habitants vit en ne disposant d'aucun revenu ou de revenus très bas.

Pour permettre à tous les hommes d’accéder aux services de base de santé, à l’eau potable, à l’éducation, il suffirait d’y consacrer 0,2 % du revenu mondial, soit 40 milliards de dollars... une somme dérisoire comparée aux 133 milliards que représentent les dix plus grosses fortunes du monde.