Grève des cheminots dans toute l'Europe : face a la concurrence capitaliste, vive la solidarité des travailleurs
Lundi dernier, dans six pays de la communauté européenne, avait lieu à l'appel des syndicats une journée de grève visant à protester contre les projets de " déréglementation ", c'est-à-dire de privatisation des chemins de fer envisagée par Bruxelles. Ces projets ne sont pas imposés, contrairement à ce que certains voudraient faire croire. Ils relèvent de l'initiative de l'ensemble des gouvernements qui concertent leurs politiques à Bruxelles, mais qui en gardent la pleine maîtrise. Si Jospin feint d'ignorer la lutte des cheminots, le ministre communiste Gayssot voudrait faire croire qu'il a une opinion différente de celle du gouvernement dont il fait partie, qu'il est même favorable aux grévistes. Il veut simplement pour des raisons de concurrence électorale entre son propre parti et ceux de la gauche plurielle, montrer sa différence, tout comme cherche à le faire Robert Hue.
En réalité, les réformes envisagées par Bruxelles ont déjà été mises en route par les gouvernements successifs de ce pays puisque la SNCF a été éclatée en deux sociétés, l'une gérant les infrastructures et le matériel, qu'elle loue à l'autre qui assure la gestion du trafic. Cette première réforme sur laquelle Jospin, comme le ministre communiste Gayssot, n'a jamais envisagé de revenir, ouvre la voie à de possibles privatisations de certaines lignes de chemin de fer. C'est ce qui se fait en Angleterre où le gouvernement travailliste subventionne largement les 46 sociétés privées auxquelles il a été concédé la gestion des infrastructures et du réseau.
Par delà les frontières, les cheminots affirment leur refus de cette politique irresponsable qui privatise les secteurs les plus rentables des services publics au détriment tant des travailleurs que des usagers. Ils ont raison.
Le gouvernement de Jospin se dit de gauche, c'est une imposture. Il est tout entier voué à la défense des intérêts de quelques grands groupes financiers qui ont la main mise sur l'ensemble de l'économie de ce pays.
L'Europe dans laquelle il s'engage, c'est l'Europe de ces quelques groupes financiers qui ne peuvent exister à l'échelle d'un pays. Ce cadre est devenu trop étroit pour faire face à la concurrence américaine. Ces trusts industriels ou ces groupes financiers ont besoin de se concentrer au niveau de l'Europe.
Les gouvernements socialistes de France, d'Allemagne ou d'Angleterre sont entièrement soumis à la défense des intérêts de ces trusts ou groupes qui se regroupent pour construire l'espace économique dont ils ont besoin. Ils en sont les exécutants, Verts et ministres communistes inclus.
Si l'Europe signifiait réellement l'abolition des frontières, la constitution d'une Europe politique, démocratique, fédérant les nations en les intégrant dans une communauté des peuples, elle serait un pas en avant considérable, un progrès, mais l'Europe que Jospin, Blair ou Schröeder veulent construire, c'est une Europe soumise aux décisions de la Banque centrale et des bourses européennes. C'est l'Europe des peuples soumis à la dictature de quelques groupes financiers et industriels constitués par delà les frontières alors que les peuples, eux, restent prisonniers du carcan national que leur impose leur Etat, instrument de ces trusts européens.
Cette Europe des trusts capitalistes, c'est l'Europe de la concurrence et de la guerre économique dont les travailleurs et les peuples sont les premières victimes, c'est l'Europe qui sacrifie les intérêts de la collectivité à l'intérêt d'une infime minorité de financiers. C'est l'Europe du chômage et de l'exclusion, l'Europe où l'on peut mourir de froid.
Les cheminots indiquent l'avenir de nos luttes qui ne pourront plus se limiter à l'échelle d'un seul pays, mais qui seront amenées à se coordonner à l'échelle du continent.
Leur grève participe du même combat que celle des cheminots de Marseille, de Bordeaux ou de Paris.
Au nom de la compétitivité, on voudrait faire accepter aux travailleurs les bas salaires, les licenciements, le travail précaire. Le gouvernement Jospin et ses ministres Verts et communistes mènent cette offensive contre le monde du travail pour le compte des privilégiés de façon sournoise et hypocrite. Prétendant parler au nom du progrès, de la démocratie, ils tentent de camoufler les attaques qu'ils multiplient contre la population laborieuse.
Les cheminots repartent en grève à partir de vendredi pour réclamer l'embauche et imposer que l'application de la loi des 35 heures ne signifie pas une dégradation de leurs conditions de travail. Tous les travailleurs sont solidaires de leur lutte d'autant que la loi sur les 35 heures est un exemple de la politique de ce gouvernement de faux jetons qui prétendent vouloir diminuer le temps de travail dans l'intérêt des salariés alors qu'ils imposent et généralisent la flexibilité tout en arrosant largement le patronat de subventions.
La lutte des cheminots contre la politique de ce gouvernement au service de l'aristocratie financière est notre lutte à tous.
Morts de froid, cynisme et indifférence des pouvoirs publics
Vendredi dernier, un SDF est mort de froid dans la nuit, au pied du mur de l'hôpital Cochin, à Paris, et 10 autres ont péri de froid ce week-end dans plusieurs villes. L'un est mort sous une porte cochère, un autre dans une voiture où il s'était réfugié, une femme est morte de froid, à Toulouse, sous la tente de fortune où elle vivait... La vague de froid qui s'est abattue sur l'Europe a surpris tous ceux qui n'ont plus rien et vivent dans la rue, au jour le jour, hébergés occasionnellement dans des foyers surchargés, souvent pour une durée maximum de trois jours, ou recevant l'aide d'urgence de SAMU sociaux débordés et en nombre insuffisant.
A Toulouse, Marie-Christine Soulard, morte de froid ce week-end, avait 40 ans et vivait avec son ami depuis plus d'un an sous une tente-igloo de 3 m2, installée en bordure de Garonne. Bénéficiaires du RMI, ils n'avaient pas réussi à trouver un logement. Avant d'arriver à Toulouse, elle travaillait en Vendée dans une usine de chaussures qui a fermé, son compagnon travaillait dans le bâtiment avant d'être réduit au chômage puis au RMI.
La perte d'un travail, puis la galère, l'exclusion, c'est la même situation que celle de Marie-Christine et de son ami, que partagent les 200 000 sans-abri que compte aujourd'hui le pays.
Face à la révolte que suscitent ces morts dans une société qui regorge de richesses, le gouvernement voudrait camoufler la responsabilité de sa politique en nous appelant à la solidarité. Martine Aubry a déclaré " Chacune de ces morts m'accable et me révolte... " Ne sachant que faire la leçon, elle a ajouté : " ce ne sont pas les moyens et les places d'hébergement qui manquent "... et conseillant d'appeler le SAMU social : " je suis convaincue, a-t-elle dit, que si chacun d'entre nous faisait cela, ces morts n'existeraient plus. Aujourd'hui, c'est à chaque citoyen d'avoir le bon réflexe, c'est-à-dire celui d'un homme ou d'une femme normale... " Elle ne manque pas de cynisme !
Quant à Kouchner, il a invoqué le " devoir d'ingérence qui s'impose à tous ", poussant le cynisme jusqu'à appeler les personnels hospitaliers à être vigilants, à faire des tournées aux alentours des hôpitaux, à pied ou même en voiture, pour repérer les situations d'urgence, alors que depuis des années la réduction des moyens dans les services d'urgences des hôpitaux ne leur permet plus d'accueillir les exclus comme ils le faisaient jusque-là.
Chacun juge où est l'indifférence !
Sans-papiers : la lutte révèle la politique de chacun
Des milliers de personnes ont défilé dans de nombreuses villes et à Paris (10 000 selon les organisateurs) samedi dernier. Partout, les manifestants plus nombreux que les semaines précédantes ont dénoncé le gouvernement qui, tout au long de la semaine, a multiplié les petites phrases réactionnaires et les interventions de CRS contre les sans-papiers.
Si, dans les cortèges, quelques représentants de la majorité demandaient la régularisation " des sans-papiers qui en ont fait la demande " ou la " révision " de leurs dossiers, la banderole de tête de la manifestation parisienne " Pour une vraie régularisation de tous les sans papiers " donnait le ton, de même que les slogans " Le cas par cas, on nen veut pas " ou " Des papiers pour tous ".
Le combat et la détermination des sans-papiers ont gagné lestime dune grande partie de la population et des travailleurs, et dans le même temps, ils amènent chacun à prendre position et à se révéler un peu plus. En premier lieu, le gouvernement " pluriel " qui a recours aux mêmes discours réactionnaires que dans leur temps Debré ou Pasqua, et agite le même épouvantail que Rocard quand il déclarait quon " ne peut pas accueillir toute la misère du monde " ; mais également ceux qui, dans la majorité, se veulent des " soutiens ". Cest ainsi que Mamère, qui sétait invité jeudi dernier à Bordeaux à un rendez-vous du comité de soutien des sans-papiers avec le préfet, déclarait le lendemain dans la presse : " Le Premier ministre a de la chance davoir des gens comme nous [...] Si on dégage, comme il nous le dit, il va se trouver en face de groupuscules qui ont des intentions manipulatoires et malhonnêtes "...
Du côté du Parti communiste, on se répartit les rôles, en restant toujours raisonnable. Hue bégaie et redemande un " signe fort ", cette fois pour sortir de " cette impasse politique pesante ", et il insiste " on nen sortira quen refusant et lenfermement dans une logique administrative et les facilités de la démagogie ". Léditorial de lHumanité du 23.11 explique que Jospin a reçu " le douloureux héritage du pouvoir de droite [...] une bombe à retardement contre la cohésion nationale " ; la situation des 63 000 déboutés étant " indigne de la République " alors " quils souhaitent participer à notre destin "... Tandis que pour Braouzec, député-maire P.C. de Saint-Denis, " on ne peut pas avoir une position qui soit assujettie aux remontrances du Premier ministre ou aux sourcils qui se froncent. Nous ne sommes pas des petits garçons " et il se dit " pour la régularisation de tous les sans-papiers qui en ont fait la demande. Ni plus ni moins ".
Quant à Bernard Thibaud, pour la CGT, il demande audacieusement " une vraie politique de gauche vis-à-vis des sans-papiers "...
Tous ceux qui se battent pour la régularisation des sans-papiers font ainsi lapprentissage de ces " soutiens ", perdent des illusions en même temps quils prennent confiance dans la lutte collective. Les comités de soutien aux sans-papiers qui existent un peu partout regroupent des militants dextrême-gauche, de gauche, des syndicalistes, des militants dassociations mais aussi des jeunes et des travailleurs qui étaient jusque là isolés et découvrent une forme dorganisation au coude à coude avec les travailleurs immigrés. De rassemblements en manifestations, des liens se renforcent et de nouveaux se créent.
Dans plusieurs villes, des sans-papiers continuent la grève de la faim, les occupations, les rassemblements et les manifestations se poursuivent et une manifestation européenne est prévue en décembre.