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La loi sur les 35 heures, c’est la flexibilité et aucune embauche, c’est le patron de Peugeot qui le dit dans l’Huma !

" L’Humanité " de mardi dernier a largement ouvert ses colonnes à Jean-Martin Folz, le PDG de Peugeot complaisamment présenté comme ayant " signé le 11 septembre un accord visant à dédommager 169 syndiqués de Sochaux, dont la carrière avait été pénalisée par leur engagement militant ".

Mais, malgré les efforts du journaliste de présenter Folz comme un patron " social " qui aurait rompu avec les objectifs de Calvet, le PDG de PSA a tenu à mettre les points sur les i : " les gains de productivité sont indispensables…Dans les sites de production, il faut avoir des ambitions supérieures en matière de gains de productivité, je dirais 6 % à 7 % ".

Et la loi Aubry s’inscrit parfaitement dans cette logique. Ainsi le dit Folz lui-même : " Mon rêve - et la nécessité -, c’est de réguler par le niveau de production ". La soi-disant réduction du temps de travail peut s’y prêter à condition qu’elle ne soit pas " figée dans un cadre hebdomadaire… je souhaite parler du nombre d’heures faites par année ou sur une base de plusieurs années ". Folz a même dépassé l’horizon de l’annualisation, il en est à " une pluriannualisation de la charge de travail ".

La loi Aubry permettrait donc de réaliser le rêve de Folz. Elle est négociée dans l’entreprise depuis septembre. Folz s’est donné comme but de parvenir à un accord au début de l’année prochaine et se targue que ses objectifs sont " clairement compris par les organisations syndicales du groupe."

Quant à l’emploi, non seulement, il n’est pas question d’embaucher mais bien plutôt de licencier : " compte tenu des gains de productivité qui se poursuivront dans l’ensemble des constructeurs européens, de l’existence des surcapacités qui continuent à croître, l’industrie automobile ne sera pas en état de maintenir l’emploi durablement."

Le gouvernement aide les capitalistes en leur offrant un cadre légal pour prendre leurs mesures antiouvrières et il voudrait nous faire croire que la loi Aubry se donne pour but de réduire le temps de travail. Il suffit d’écouter les patrons parler pour savoir de quoi il retourne !

 

Manifestation des ACH : " ACH, De Carbon, Ralston : tous ensemble, interdisons les licenciements "

Samedi 21 novembre, dans les rues du Havre, il y avait moins de monde que lors des deux manifestations précédentes : 1500 personnes, après l’une à 3000, puis une autre à 2000. Les travailleurs des ACH accusent le coup : le 19, le gouvernement a fait clairement savoir qu’il était pressé d’en finir. Il a envoyé une lettre au PDG l’incitant à présenter avant le 30 novembre un plan d’action sur 6 mois intégrant la perspective de la fermeture. Celle-ci est toujours programmée pour juin 2000, date prévue pour l’achèvement des 3 chimiquiers commandés, achèvement auquel plus personne ne semble croire réellement.

D’autant plus que Pierret, secrétaire d’Etat à l’Industrie, menace : " il est important d’éviter qu’un nouvel accroissement significatif des pertes puisse amener l’Etat à préférer ne pas achever la commande en cours ". En clair, la pression sur les coûts de production et donc sur l’exploitation des travailleurs permet au gouvernement d’anticiper un éventuel retournement : ne pas subventionner la fin de la commande en cours. Le but, rendre les travailleurs responsables de cet éventuel désengagement, alors que tout le monde sait bien que c’est le gouvernement qui veut accélérer la liquidation des ACH et que c’est l’armateur commanditaire des chimiquiers qui semble de moins en moins fiable financièrement. Les travailleurs des ACH ont en tête cette menace du gouvernement et certains disent " manifester, ça ne sert à rien ", et comme c’est la seule forme de lutte que la CGT propose, cela démoralise quant aux perspectives de la lutte. Pourtant, Jegaden, le secrétaire CGT du CE a reconnu que le gouvernement était insensible aux arguments " économiques ", c’est-à-dire aux diverses solutions de repreneurs proposées par les élus ou le syndicat, et que " tout ce que le gouvernement comprend, c’est la pression de la rue ".

La présence de plusieurs délégations d’entreprises confrontées au même problème dans le passé récent (Lipton ) mais surtout, celle de près de 150 travailleurs de De Carbon et quelques-uns uns de Ralston a changé un peu le caractère de la manifestation en lui donnant un certain dynamisme et la CGT des ACH a été obligée d’en tenir compte : à la fin de la manifestation, l’orateur a remercié les manifestants pour cette grande manifestation " pour l’emploi ", et non plus seulement " pour la navale ". Ce n’est pas qu’une nuance, et cela prouve l’utilité de la présence des travailleurs de De Carbon et de Ralston, même si, comme d’habitude, les ACH étaient séparés des autres manifestants par un espace de 100 mètres, occupé par un camion dans lequel 3 militants tapaient sur des bidons.

Malgré cela, les slogans communs des travailleurs de De Carbon et de Ralston ont été entendus au moins par les autres manifestants ainsi qu’au départ et à l’arrivée du cortège. Les slogans " Aubry, Jospin, assez de baratin " ou encore " ACH, Ralston, De Carbon, tous ensemble, tous ensemble, interdisons les licenciements " correspondaient à ce que pensent bien des travailleurs.

Dans le même ordre d’idée, les panneaux communs LCR-VDT n’ont pas laissé indifférent. Des manifestants ont apprécié que nous disions que " les millionnaires et leurs représentants n’ont rien à faire aux côtés des travailleurs ", et surtout que " le meilleur repreneur, ce sont les travailleurs eux-mêmes, nationalisation sous contrôle ouvrier " : " vous avez raison, c’est dans cette voie qu’il faut aller ".

 

CDP Argenteuil : après la forte mobilisation du 21 octobre, minable vengeance de la direction

A l'issue de la journée de grève du 21 octobre où plus de 200 postiers du Val-d'Oise étaient venus manifester leur indignation devant la menace de licenciement de sept jeunes contractuels pour fait de grève (VDT N°61 et 63), le directeur avait promis à une délégation composée d'un responsable départemental CGT et de trois jeunes, l'arrêt des procédures de licenciement, la mise en place de négociation en janvier pour l'attribution de véhicule postal aux distributeurs de publicité, et il avait y compris parlé de déplacer les dirigeants du CDP d'Argenteuil.

Le lendemain, la CGT affirmait dans un tract que " la direction semblait avoir retrouvé la voie de la sagesse ", tout en appelant à rester vigilant.

Une semaine plus tard, un nouveau tract accompagné d'une pétition pour la réintégration des jeunes et l'attribution de véhicules postaux, montrait que l'affaire était loin d'être gagnée.

Le 9 novembre, siégeait une nouvelle Commission Consultative Paritaire chargée de donner un avis définitif sur les sanctions. Après la délibération, la commission se prononçait pour un licenciement par 4 voix contre 4, un licenciement par 4 voix contre 3 (abstention FO) et 5 mises à pied de 1 à 3 mois. Le directeur régional, qui devait rendre le verdict final le vendredi suivant, n'était même pas présent ce jour-là et ce n'est que le lundi qu'il a confirmé l'avis de la CCP.

Même si 5 des 7 jeunes ont évité le pire, les 2 licenciements laissent à beaucoup d'entre nous un sentiment d'amertume. D'une part, nous avons été trompés par la Direction et nous lui avons fait trop facilement confiance. Loin de retrouver une quelconque " voie de la sagesse ", elle n'a fait mine de céder que devant notre nombre et notre détermination, et uniquement pour se donner du temps. On ne peut attendre aucun retour à la " sagesse " de la part de ceux qui n'ont qu'un but : économiser sur notre dos afin de distribuer le courrier au moindre frais, et atteindre les seuils de rentabilité indispensable à la privatisation. Contre cette politique, la révolte des jeunes a constitué un obstacle qu'il fallait tuer dans l'œuf avant que d'autres ne suivent leur exemple.

La direction a tenu à montrer son mépris jusqu'au bout pour qu'on ne se méprenne pas sur le sens de sa décision. Quelques jours plus tard, elle a fait livrer à chacun des 3 CDP du Val d'Oise 4 vélos de facteur, en guise de réponse au problème des véhicules. Sans commentaire !

L'attitude de la direction a montré qu'elle n'accepte de céder que contrainte par le rapport des forces en notre faveur.

Lors de la dernière réunion départementale de la CGT, l'annonce de la création d'un " comité de réintégration " composé de personnalités et de postiers, d'une opération de solidarité financière et de la saisie des Prud'hommes pour imposer la réintégration n'a pas déclenché l'enthousiasme. Et l'idée de profiter de la journée de grève nationale unitaire (avec SUD) pour organiser un rassemblement de protestation devant la direction nationale à Boulogne n'a pas fait recette non plus. Pourtant si l'enthousiasme des premiers jours suivant la grève ne s'est pas maintenu, cette expérience peut nous servir dans les prochaines luttes pour tenter d'organiser un fonctionnement plus démocratique. Il sera alors plus difficile à la direction de nous mener par le bout du nez.

 

Renault-Cléon : premières ripostes au projet de vente de la fonderie

En annonçant officiellement le 9 novembre la vente de ses 6 fonderies au n°1 mondial Teksid (lié à Fiat), Renault comptait réaliser une confortable opération financière. Actionnaire à 33 % de Teksid, il espère empocher sa part des 11 milliards de chiffre d’affaires estimés pour 99. Mais c’était sans compter avec la réaction des principaux intéressés, les 36 000 salariés de la branche Fonderies de Renault que la CGT appelait à faire grève le 19 novembre, jour du CCE.

L’usine de Cléon près de Rouen a une fonderie d’aluminium. Elle emploie 360 salariés et Renault compte d’abord filialiser le secteur au 1er mars 99 pour ensuite tout transférer chez Teksid au 1er mai 99.

Dès le lundi 16 novembre, la CGT avait décidé de mettre Cléon en " état d’alerte " avec barrages filtrants, feux de pneus et de palettes aux différents ronds-points d’accès pour appeler les 5000 salariés de l’usine à un débrayage le jeudi suivant.

A la Fonderie, une assemblée générale a réuni 25 personnes le matin et 35 l’après-midi. Les délégués CGT ont dénoncé la politique de la direction de dépeçage de l’usine, argumentant que les bâtiments Moteurs et Boites de vitesse pourraient aussi être cédés au plus offrant par la suite. La crainte de voir scinder Cléon en 3 inquiète l’ensemble des ouvriers qui redoutent à terme les révisions à la baisse des salaires et des conditions de travail. La CGT met en avant la défense du statut Renault : la vente à Teksid serait " un mauvais coup porté à Renault en le fragilisant ", du coup " le savoir-faire va partir à l’extérieur ". D’après la CGT, le fait que le siège social de Teksid se trouve en Italie, à Turin, rendrait les travailleurs plus vulnérables. L’argument paraît bien mince au regard de ce qui s’est passé à Vilvorde. C’est bien Renault qui a rayé cette usine de la carte ; la décision a été prise à… Billancourt et confirmée par Jospin dès son élection. Les délégués CGT de la Fonderie ont mis en avant l’urgence de réagir, jouant sur les ambiguïtés des dates de filialisation entre le 1er janvier et le 1er mars 1999. En conséquence, les salariés de la Fonderie ont cru que tout serait fini fin décembre. Depuis, c’est bien la date du 1er mars qui a été confirmée par la direction de Cléon lors d’un CE tenu le vendredi, ce qui laisse le temps de s’organiser et de riposter.

La veille, le jeudi 19, la CGT organisait de nouveau la même opération que le lundi aux portes de l’usine. L’équipe de nuit de la Fonderie était en grève dès 4 heures du matin. La décision avait été prise le mercredi à l’A. G. où s’étaient réunies 80 personnes sur les 3 équipes. Sur l’ensemble de l’usine, il y a eu au total 300 grévistes le matin et 120 l’après-midi. Le vendredi, 60 grévistes de la Fonderie ont envahi la salle où se tenait le CE extraordinaire de Cléon, obligeant la direction à recevoir une délégation de 15 personnes. Au passage, les responsables de la CFDT et de FO, qui ne s’étaient pas joints à la grève, se sont fait interpeller par les grévistes. La CFDT appelle déjà à négocier et FO a entériné la décision de la direction, critiquant au passage la grève des travailleurs de Cléon.

Pour le moment, seuls les ouvriers des ateliers sont mobilisés contre les projets de la direction mais depuis le débrayage du 19 novembre, les professionnels de la Maintenance et les techniciens envisagent aussi de se manifester. D’ores et déjà, d’autres actions sont envisagées. Des travailleurs de la fonderie doivent participer aux différentes réunions d’informations syndicales qui vont se tenir dans les autres ateliers de l’usine.

C’est en faisant bloc tous ensemble que les travailleurs de l’usine auront tous les atouts en main pour faire remballer aux patrons leurs projets anti-ouvriers.

 

Les employés de la sécurité sociale menacés par la loi Aubry

L’UCANSS, l’organisme patronal de la Sécurité Sociale, a demandé au cabinet de Bernard Brunhes un " diagnostic " sur l’application de la loi Aubry au personnel de la Sécurité Sociale.

Bernard Brunhes, c’est l’ancien conseiller " social " de Mauroy lorsqu’il était Premier ministre en 81, il est intervenu dans les grèves SNCF en 86, à la RATP et lors de celle de la CRAM de Rouen en 1995. Il a donc une solide réputation de briseur de grève ( de gauche). Depuis l’annonce des 35 heures, il a multiplié les déclarations sur les dangers que les 35 heures feraient courir à l’économie et que les salariés se trompaient s’ils croyaient qu’en réduisant le temps de travail, ça irait mieux !

Autant dire que l’annonce de son étude a été regardée d’un mauvais œil par les personnels de la Sécurité Sociale. Ses envoyés sont donc venus dans quelques caisses pour " tâter " le terrain.

A la Cram de Rouen, il était attendu d’un bon pied. Il faut dire que l’entrée en matière de son " commis-voyageur " était on ne peut plus claire : " les 35 heures c’est donnant-donnant, qu’est-ce que vous êtes prêts à lâcher pour les obtenir ". Les réponses des employés ont été à la dimension des propos : " Pas question de rien donner, et ne croyez pas qu’on se laissera faire. "

Le 6 novembre, Brunhes a présenté son " diagnostic " à l’UCANSS. Pour lui, les horaires de travail actuels sont insuffisants. Il ajoute que les horaires seraient de façon générale " aménagés " en fonction des demandes des personnels alors que les horaires pour le public sont limités, et que " les nécessités de service sont faiblement prises en compte dans la gestion du temps de travail. " Il suggère donc de profiter de la loi Aubry pour modifier tout cela. Il souhaite des négociations " décentralisées dans chaque caisse " (il en existe près de 600).. Tout cela devrait aboutir à " une plus grande performance dans les caisses ".

Bref, un rapport qui va dans le sens souhaité par les directions des caisses, qui, il est vrai, ne l’ont pas attendu pour augmenter la productivité depuis des années et supprimer des postes.

Il n’y a guère que la fédération CFDT qui a vu dans ce rapport " la confirmation de ses analyses ". Brunhes, lui, reste plus prudent puisqu’il écrit dans le chapitre " contraintes " … au sujet des réactions du personnel : " peu d’entre eux sont disposés à des sacrifices sur les salaires ou les avantages consentis dans la négociation. "