page 4



Sommet de Kuala Lumpur : pour les États-Unis, le " pouvoir du peuple ", c'est leur droit au pillage

A l'occasion du Forum économique Asie-Pacifique (APEC), réunissant 21 pays, qui se déroulait la semaine dernière à Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie, le vice-président américain, Al Gore, s'est lancé dans un plaidoyer en faveur des " réformes ", dénonçant la corruption et le clientélisme, reprenant à son compte les " appels à la démocratie ", dénonçant ceux qui " s'accrochent à la croyance selon laquelle un régime autoritaire facilite l'imposition de la discipline fiscale et du sacrifice financier nécessaires à contrer les tempêtes économiques et à relancer la croissance ".

Gore discute la meilleure façon d'imposer au peuple de payer le prix des " tempêtes économiques ". Il le dit sans ambiguïté tout en bluffant cependant car, en fait, là n'est pas vraiment le problème des USA. D'ailleurs Gore remplaçait Clinton occupé à préparer en toute démocratie les frappes aériennes contre l'Irak. Comme quoi, ces bons démocrates n'hésitent pas à imposer leurs vues par des méthodes pour le moins brutales…

Non, ce n'est pas la dictature que dénoncent les USA, pas plus qu'ils ne partent en guerre contre la misère qui touche la grande majorité des populations de l'Asie, ou le chômage qui ne cesse de s'aggraver. Ils défendent leurs propres intérêts économiques ou plutôt ceux de leurs trusts. Ils utilisent à cette fin des armes politiques contre des régimes qui voudraient leur résister sur le plan économique. Les USA agissent vis-à-vis du dictateur malaysien comme ils ont agi il y a quelques mois vis-à-vis de Suharto, le dictateur indonésien. Ils ont lâché leur ancien allié parce que celui-ci refusait de se plier aux volontés du FMI, au libéralisme, pour protéger ses propres privilèges derrière les frontières et des réglementations économiques qui sont pour les capitaux occidentaux autant d'obstacles à leur droit à piller les peuples.

Gore, en bon représentant de l'impérialisme, continue la croisade du FMI pour la déréglementation, l'ouverture des frontières aux capitaux occidentaux et en appelle aux peuples pour faire entendre raison aux régimes qui leur résistent. Les prêches de pasteurs démocrates sont dans la tradition de tous les pieux mensonges des colonisateurs pour essayer de voiler leurs véritables motivations. Hypocrisie bien pensante qui ne résiste pas aux faits.

L'Indonésie a changé de dictateur, elle s'est pliée aux exigences occidentales, mais les droits démocratiques ne sont toujours pas plus respectés que par le passé alors que la population s'enfonce dans la misère.

La démocratie pour les grandes puissances, c'est le droit du plus fort à soumettre le plus faible, c'est leur droit à exercer sans entrave ni limite leur domination sur le monde.

C'est en toute démocratie que le sommet des pays d'Asie et du Pacifique est présidé par le représentant de l'impérialisme qui veut dicter sa volonté, s'imposer face au Japon réduit à jouer les seconds rôles et à écouter les discours de morale du maître du monde.

Discours de morale d'un représentant de commerce qui clame sa vertu, indigné en toute sincérité démocratique que l'on veuille lui faire concurrence.

 

Régularisation des sans-papiers en Italie : des espoirs trompeurs révélateurs du désarroi

Depuis un peu plus d’une semaine, des milliers d’immigrés tentent de passer la frontière italienne. Le gouvernement italien a annoncé son intention de régulariser la situation de 38 000 clandestins qui en auront fait la demande avant le 15 décembre. 160 000 personnes ont déjà déposé une demande à Rome. Et ce minime espoir pousse des milliers de travailleurs immigrés clandestins à venir par tous les moyens de Madrid, Berlin, Lisbonne ou Paris pour tenter leur chance, espérant une fois sur place pouvoir acheter au prix fort une carte de séjour et un permis de travail. Dans la seule ville de Modane, en Savoie, 1 500 ont déjà été refoulés par les autorités italiennes qui les ont remis entre les mains de la police française. Ceux qui ont des passeports font l’objet d’une procédure d’extradition, les autres sont relâchés avec ordre de quitter le territoire français dans les 48 h. Des contrôles ont lieu non seulement à la frontière mais au départ des trains dans les gares de Paris ou de Bruxelles. Malgré le froid et la neige, certains essaient de passer par la montagne où patrouille également la police et sont refoulés dans le no man’s land entre l’Italie et la France avant d’essayer à nouveau, certains avec des passeurs qui leur font payer cher.

Dans toute l’Europe, des centaines de milliers de travailleurs sont contraints de vivre de façon clandestine, sans aucune protection sociale, fuyant les polices, dans la crainte permanente d’un contrôle ou d’une rafle, tributaires de ceux qui exploitent leur travail avec des salaires misérables, dans les pires conditions.

Une fraction croissante de la classe ouvrière est ainsi dépourvue de tout droit, corvéable à merci, victime du profit et de la barbarie d’une société hérissée de frontières que seuls les capitaux franchissent librement.

 

Les zones franches urbaines : on ne prête qu'aux riches

Dans les communes de Cenon, Lormont et Floirac, situées sur la rive droite de Bordeaux, surgissent depuis quelques mois, comme des champignons, au pied des immeubles des cités, des bâtiments tous neufs et de jolies constructions en verre ou en alu. Le paysage change quasiment tous les jours. Surpris, les habitants étaient en droit de se demander s'il se construisait enfin les logements sociaux, les crèches, les gymnases qui nous seraient bien utiles.

Pas du tout ! Ce sont des entreprises qui s'implantent. Nouvel espoir de la population de ces cités qui cumulent de 18 à 26 % de chômeurs : des entreprises qui s'implantent, cela peut vouloir dire des embauches...

Nous avons enfin compris les raisons de cette effervescence : dans les derniers mois de son gouvernement, Juppé avait institué dans quelques coins de l'hexagone, les ZFU (Zones Franches Urbaines), qui sous prétexte de " dynamiser " certaines communes sinistrées, permettaient en fait à des PME-PMI de s'installer sur ces zones, en échange d'avantages financiers conséquents : exonérations d'impôt sur le bénéfice à concurrence de 400 000 F, exonération des charges sociales sur les salaires ne dépassant pas 1,5 fois le Smic, exonération de la cotisation maladie pour le chef d'entreprise, exonération de la taxe professionnelle..., un vrai petit paradis fiscal et social pour 5 ans, tout ceci avec pour seule obligation, en cas de création d'emplois, d'embaucher... 20 % de la population locale (le CDD est permis bien sûr). Cenon, Lormont et Floirac avaient été choisies pour la région Aquitaine.

Le petit et le moyen patronat ont vite fait leurs comptes : ceux qui étaient déjà sur place se frottent les mains et les beaux bâtiments tout neufs sortent de terre pour accueillir des entreprises des communes voisines, qui ne sont pas en ZFU, entreprises qui tout simplement transfèrent leur activité sur ces trois communes (385 installations en un an). Un vrai succès ! Les maires de ces communes (socialistes) exultent.

Quant à la population de ces cités, la seule exonération qui lui soit reconnue, c'est celle de travailler, car comme vient de l'indiquer une enquête de l'INSEE : " le dynamisme ne se répercute pas sur le chômage qui recule de 0,5 % seulement et diminue moins que dans les autres zones "....

Pour beaucoup de travailleurs du coin qui paient leurs impôts, leur assurance maladie et leur taxe d'habitation, il est clair qu'une fois de plus, l'argent de l'Etat est encore parti dans les poches des patrons.

 

La défense de l’entreprise : le Parti socialiste à l'unisson avec le RPR

Le week-end dernier se sont tenues des réunions sur le thème de l’entreprise organisées par le Parti socialiste comme par le RPR. Si les mots utilisés n’ont pas été les mêmes, le fond n’a guère été différent. Et pour cause, la gauche et la droite se suivent et se ressemblent au gouvernement pour servir les mêmes intérêts, ceux des patrons. La situation des salariés continue à se dégrader et les partis de gauche et de droite en portent la même responsabilité. Alors que les profits s’envolent parce que les travailleurs connaissent une situation de plus en plus difficile, le Parti socialiste comme le RPR se félicitent du fait que " l’entreprise est un lieu irremplaçable de création de richesses " comme l’a déclaré Aubry tout en faisant semblant d’être préoccupés par " l’emploi, la protection sociale, l’avenir des retraites ", comme l’a dit Seguin.

Le Parti socialiste avait soi-disant un compte à régler avec l’entreprise dont on nous dit qu’il aurait méconnu le rôle, ayant plutôt des préoccupations sociales. Mais déjà dans les années 81, il s’était fait le champion de la défense de la Bourse, des profits et sa politique n’avait aucune ambiguïté sur le camp social qu’il défendait. Désormais, les choses sont encore plus claires : il n’y a plus de malaise et l’unanimité est faite sur la nécessité pour les entreprises d’être efficaces et performantes en aggravant l’exploitation. La Gauche socialiste déclare que la politique de Jospin est excellente et quand son porte-parole, Mélenchon, déclare : " ce qu’il faut inventer quand on est au pouvoir, c’est quels pas nouveaux la civilisation humaine peut faire quand les socialistes dirigent ", Aubry lui répond : " le scepticisme n’est pas une valeur de gauche ". Derrière les mots creux, le fond est cynique.

Le Parti socialiste propose de faire passer la prime de précarité qui est de 6 % actuellement à… 8 % pour lutter contre ce qu’il appelle les abus du recours à la précarité. Selon les déclarations de la Ministre de l’Emploi elle-même, ce sont 90 % des embauches qui se font avec un contrat précaire. Et le nombre des CDI est en baisse continuelle, les entreprises qui licencient se servant de l’intérim ou plus rarement des CDD pour faire face aux commandes. Le parti socialiste propose d’envisager " une forme de contrôle administratif des plans sociaux ", n’osant pas prendre position même pour le rétablissement de l’administration administrative de licenciement… mise en place en 75 par Chirac. Aujourd’hui, avec la multiplication des licenciements, les patrons ne veulent aucune entrave au droit qu’ils exercent de licencier et les socialistes s’inclinent. Il n’y a que le Parti communiste pour réclamer un " moratoire " sur les licenciements dont il se garde bien de discuter de comment il pourrait s’appliquer, sachant que son rôle au sein du gouvernement consiste à avancer des mesures qui peuvent paraître favorables aux salariés tout en étant solidaire du Parti socialiste. Jospin a répondu clairement : il est contre la précarité, pour " le besoin de souplesse des entreprises ". Autant dire pour laisser les patrons utiliser un rapport de force qui leur permet d’imposer la dégradation des conditions d’existence des travailleurs au nom de la défense des intérêts de la France. Le RPR, quant à lui, ressort la vieille idée de " la participation " des salariés à l’entreprise, mise en avant par De Gaulle, voulant faire croire que les travailleurs peuvent devenir actionnaires à l’égal de leurs patrons.

 

La retraite à 50 ans pour les travailleurs contaminés par l’amiante une mesure qui ne coûtera rien aux patrons responsables

Jeudi 19, la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité a annoncé à grands renforts de publicité que les travailleurs atteints d’une maladie professionnelle dont la cause reconnue est la contamination par l’amiante pourraient partir à la retraite à 50 ans. Environ 4 000 travailleurs seraient aujourd’hui concernés. Pour les travailleurs des industries de transformation de l’amiante qui sont toujours en contact avec ce matériau hautement cancérigène, ils pourront prendre leur retraite en déduisant de la date légale de départ à la retraite, 60 ans, un tiers des années passées en contact avec l’amiante. Ce qui fait que pour partir à 50 ans, il faudra avoir commencé à travailler à 20 ans. C’est ce que Aubry appelle agir " rapidement ". face à " un drame humain insupportable ". L’interdiction totale de l’amiante n’est pas prévue avant 2002. Pourtant, depuis le rapport de 1996 de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, on sait que l’exposition à l’amiante va entraîner chaque année 2 000 décès et que ce chiffre va aller en augmentant dans les années à venir puisque les maladies concernées sont à évolution lente, se déclarant souvent une vingtaine d’années après l’exposition.

C’est dès le début des années 1900 que la nocivité de ce matériau cancérigène est pourtant connue mais les profits qu’il génère pour les industriels de l’amiante passent avant la santé de ceux qui en sont victimes. Si bien qu’en France, les années 70 ont été l’âge d’or de l’amiante. Et il a fallu le scandale de l’université de Jussieu à Paris, en 1996, pour que le scandale ne puisse plus être étouffé. En même temps, des travailleurs contaminés et leurs proches ont porté plainte contre des entreprises comme Eternit pour essayer d’obtenir l’augmentation des indemnités versées par l’assurance-maladie en se battant pour faire reconnaître la responsabilité du patronat. Beaucoup de dossiers n’ont pas abouti, nombre d’obstacles étant mis en avant pour empêcher la reconnaissance des cancers de l’amiante comme maladies professionnelles et les patrons utilisant toutes les procédures juridiques à leur service pour refuser de payer. Désormais, les dossiers qui avaient été enterrés pourront être réexaminés dans les deux ans, et c’est bien la moindre des choses.

Le gouvernement fait un geste plus publicitaire que réellement efficace et il n’a pas voulu que cette mesure remette en cause la responsabilité des patrons : les 600 millions de francs qui vont être débloqués pour indemniser les travailleurs partant à la retraite seront financés par l’Etat et la Sécurité Sociale. Comme l’a dit Aubry : " je n’ai pas souhaité ouvrir un conflit avec le patronat sur ce sujet ".