éditorial



La guerre des gangs déchire le Front national mais seuls les travailleurs pourront en finir avec la menace de l’extrême-droite

Les chefs du Front national et leurs bandes s’insultent à qui mieux mieux, se volent du matériel et des fichiers, saccagent un local concurrent et sont prêts à en venir aux mains pour le contrôle des fonds. Le spectacle a un côté réjouissant pour tous les travailleurs conscients du danger que représente l’extrême-droite. L’affrontement entre le gros César et le petit Brutus ou plus exactement entre la grosse Brute et le petit César crée le désarroi dans les rangs du FN. Il se terminera de toute évidence par son éclatement en deux partis rivaux. Au moins momentanément, cela devrait affaiblir l’extrême-droite.

La guerre entre Mégret et Le Pen contribue à crever les baudruches, à dévoiler la vérité sur leur compte aux yeux de tous ceux qui s’étaient laissé impressionner par eux dans les milieux populaires. Ils tombent le masque et montrent leurs visages d’arrivistes de bas étage, élégamment costumés comme le sont toujours les chefs mafieux. Ils ont fait du racisme, de la xénophobie et de l’anticommunisme leur fonds de commerce politique. Ils se sont nourris des reniements des partis de gauche au gouvernement et de leurs attaques contre les travailleurs pour attirer par leur démagogie réactionnaire un électorat de plus en plus nombreux.

Aujourd’hui Le Pen et Mégret ne se battent pas seulement pour accaparer le butin politique et financier du FN. Ils s’affrontent à propos de ce que pourrait leur rapporter leur prochain " casse " politique, c’est-à-dire les élections européennes. Ils rêvent d’en faire un marchepied vers le pouvoir ; mais ils ont peur de rater le coche si leur score à ces élections venait à reculer.

Tous ces notables minables du FN, qu’ils soient anciens de l’OAS ou transfuges de la droite traditionnelle se demandent qui de Le Pen ou de Mégret est le mieux placé pour satisfaire leurs appétits. Ils se battent à visage découvert pour des postes et des sinécures qui rapportent. Les plus ambitieux se demandent qui pourrait rapprocher le Front National de la mangeoire gouvernementale.

Avec son allure de Mussolini d’opérette, ancien para fort en gueule et fier de ses sinistres exploits, Le Pen n’a pas le profil respectable qui permettrait au Front national d’arriver au gouvernement. Bien des notables et des bailleurs de fonds du FN semblent lui préférer Mégret pour cette raison.

L’hystérie nationaliste et antiouvrière de Mégret n’est pas moins aiguë que celle de Le Pen. Mais il l’assaisonne des froides " bonnes manières " qui lui viennent de son passé de polytechnicien et de politicien RPR. Son profil est meilleur pour débaucher des hommes de droite qui voudraient goûter le plus vite possible aux charmes du pouvoir en faisant équipe avec le FN.

La guerre des gangs au Front national traduit une certaine peur des politiciens d’extrême-droite de perdre des positions ou de piétiner. Cela s’explique par un début de retour du balancier politique depuis trois ans. La confiance commence à renaître progressivement dans les rangs des travailleurs, ce qui s’est traduit par des grèves, les luttes des chômeurs et récemment par une mobilisation de la jeunesse lycéenne. Les scores de l’extrême-gauche ont révélé et confirmé le début d’une radicalisation au sein du monde du travail.

Ce sont autant de signes encourageants qui doivent nous inciter à renouer avec les idées de notre camp, les idées socialistes et communistes auxquelles le PC et le PS ont tourné le dos depuis longtemps. Cela doit nous amener à renforcer nos syndicats, nos associations et à jeter les bases d’un mouvement politique démocratique et révolutionnaire, regroupant tous ceux qui veulent s’attaquer aux causes du chômage et de la misère, en s’en prenant à la propriété des capitalistes et à leur pouvoir.

Faute de quoi, si la crise actuelle s’approfondit, le patronat sera prêt à tout pour sauver ses profits, y compris à aider un parti aux méthodes musclées à parvenir au pouvoir pour briser nos organisations. Des paniers de crabes actuels de l’extrême-droite et de la droite, émergerait alors un parti capable d’étrangler toutes les libertés et de permettre aux milliardaires de la finance et de l’industrie d’exploiter sans limites les travailleurs.

En construisant notre propre force politique, nous pourrons en même temps accélérer la décomposition de l’extrême-droite et briser les ambitions monstrueuses des chefs du FN et de leurs émules. Nous avons encore le temps de construire toutes les formes d’organisations nécessaires pour faire face aux attaques du gouvernement et du patronat, pour coordonner nos luttes et préparer une offensive audacieuse contre la bourgeoisie et son Etat. Mais personne ne le fera à notre place et nous n’avons pas de temps à perdre pour nous y mettre.

 

Toulouse : la mort d’Habib, abattu par un policier, la violence de la police complément de la violence de la société contre la jeunesse ouvrière

" on veut du boulot, pas des balles dans le dos "

Ce week-end à Toulouse, un jeune d'origine algérienne, Habib, a été abattu d'une balle par l'un des quatre policiers de la patrouille municipale qui l'avait interpellé en pleine nuit avec un copain, au volant d'une voiture volée. Touché par l'un des policiers, Habib est sorti de la voiture en titubant et s'est réfugié plus loin sous une autre voiture, où une habitante du quartier l'aurait découvert quelques heures plus tard, vidé de son sang. A leur retour au commissariat, les policiers n'ont rien signalé dans leur rapport des coups de feu tirés, ne révélant les faits qu'après la découverte de la mort d'Habib, obligés.

L'annonce de sa mort et le récit des faits, rapportés par son copain qui a réussi à échapper à la police en prenant la fuite et qui depuis se cache, ont provoqué dans le quartier de la Reynerie, au cœur de la cité du Mirail où vit la famille d'Habib, une flambée de violence et deux nuits d'émeutes au cours desquelles des bandes de très jeunes adolescents se sont affrontées à la police et aux CRS, envoyés sur place en nombre. Jets de pierre contre les CRS, cocktails Molotov, voitures et bus incendiés, incendie du commissariat local et d'une antenne de la CAF, la mort d'Habib a provoqué la révolte et mis le feu aux poudres dans cette immense cité du Mirail dont près de 40 % des 40 000 habitants est au chômage et où le climat entre jeunes à la dérive, organisés en bandes, et flics est explosive.

Au Mirail, auprès de la famille et des amis d'Habib, les explications tardives et embarrassées des policiers révoltent et pour tous, il s'agit bel et bien d'une bavure, Habib ayant été tué à bout portant, alors que la police et le procureur chargé de l'enquête en ont de suite écarté la possibilité et parlent d'un accident, version des faits qui apparaît comme une véritable provocation. Dans le quartier, la police est connue pour ses méthodes expéditives et discriminatoires, un jeune étant avant tout un suspect.

Lundi, la révolte des jeunes a obligé le ministre de l'intérieur Queyranne à suspendre le responsable de la patrouille et à placer les policiers responsables en détention préventive, et à s'empresser d'affirmer " avant même les résultats de l'enquête ", que " les lois de la République s'imposent à tous et qu'il n'est pas supportable qu'un adolescent soit tué pour un vol de voiture ".

Habib est la victime de l'engrenage dans lequel est poussée une fraction de la jeunesse en galère, que la société rejette et qui n'a d'autre avenir que le chômage et les petits boulots, la misère et le désespoir. Pour un jeune né au Mirail : " le destin d'Habib est un peu celui que tous les adolescents redoutent ici. Pour eux, cette mort n'est pas une fatalité mais la conséquence d'un enchaînement de petites haines ".

Depuis, comme pour désavouer les paroles hâtives du ministre de l’Intérieur, le policier a été libéré sous caution pendant que cinq compagnies de CRS aidées d'escadrons de gardes mobiles occupaient la cité du Mirail. Jospin quant à lui, a donné toute sa confiance à la police et à la justice, et demandé aux jeunes d'en faire de même. La jeunesse, lucide sur cette police et cette justice au service d'un ordre social inhumain, saura en tirer les conclusions. C'est contre cette société qui ne lui fait pas sa place et la relègue dans les banlieues, véritables ghettos de misère, avec comme seule réponse la violence policière et la répression, que la jeunesse ouvrière se révolte. Une fraction d'entre elle ne manquera pas de se donner les moyens d'aller jusqu'au bout de sa révolte, la lutte consciente.