Une journée nationale daction était appelée par différentes associations de chômeurs, jeudi 10 décembre, jour de la cérémonie de clôture du cinquantième anniversaire de la Déclaration des Droits de lHomme. Les manifestations à Paris (2000 personnes), à Marseille (3000), nont pas fait le plein. Mais le feu couve sous la cendre. Des rassemblements de chômeurs, différentes actions sont organisés dans diverses villes du pays. Même si pour le moment ces actions sont le fait de minorités, elles expriment un mécontentement profond et largement partagé par tous ceux qui se débattent dans des difficultés extrêmes pour survivre avec le RMI ou lASS (Allocation spécifique de solidarité), ou pas dindemnités du tout comme les jeunes de moins de 25 ans.
Les chômeurs réclament depuis lan dernier laugmentation des minima sociaux de 1500 F et une prime exceptionnelle de 3000 F. Un an après, rien na changé. Aux premiers signes dune reprise dun mouvement des chômeurs, le gouvernement a commencé par réprimer, fermer préventivement les antennes ASSEDIC pour éviter les occupations et a envoyé les forces de lordre brutalement à Marseille où le mouvement était le plus fort pour le désamorcer. Mais il craint malgré tout que la colère explose. Cest pourquoi Jospin a fini par accoucher dune souris. Mardi 15 décembre, il a annoncé laugmentation de 3 % du RMI et de lASS. Cela représente 72 F pour une personne seule qui touche le taux maximum du RMI (2429 F). Un rattrapage rétroactif sur un an est prévu, dun montant de 876 F pour un bénéficiaire de lASS, de 875 F pour un Rmiste célibataire (égal à 2,40 F par jour !), et autour de 2500 F pour une famille de quatre enfants touchant le RMI. Ce nest pas avec ça que Jospin va se faire passer pour le père Noël ! Cest un ballon doxygène pour quelques jours et après ?
Cela ne peut évidemment pas satisfaire les chômeurs. Personne ne peut vivre avec 2500 F par mois ! Et ce nest pas en jetant trois sous aux pauvres que le gouvernement va pouvoir se débarrasser du problème. Comme disent les chômeurs : " Nous ne sommes pas des mendiants ". Ils veulent une véritable augmentation des minima sociaux qui leur permette de se nourrir, eux et leur famille, et se loger dignement. Ils veulent un emploi. Pour faire céder patronat et gouvernement sur ces problèmes de fond, préparons une véritable lutte densemble unissant les travailleurs avec et sans emploi, contre le chômage, contre les licenciements, pour toutes les embauches nécessaires dans le privé et le public.
" Deux francs par jour et les matraques ", merci Jospin !
Jeudi 10 décembre, nous avons occupé lANPE de Bordeaux à 200 après que les CRS nous ont empêchés dentrer dans la DDASS. Comme chaque fois, une délégation des différentes organisations, AC, CGT, APEIS, MNCP, a été reçue à la Préfecture pour sentendre dire que Jospin ferait bientôt une déclaration ! Encore des promesses mais, dans les actes, ce gouvernement nous envoie les CRS et fait fermer préventivement ASSEDIC et ANPE. Dans lANPE occupée, nous avons pu apprécier tout ce que le gouvernement propose pour aider les chômeurs : des emplois ? Non, des " ateliers de recherche de CES " !
Nous avons fait une AG pendant loccupation où, si certains mettent en avant comme lan dernier la prime de Noël de 3000 F, une aide durgence et la revalorisation des minima sociaux de 1500 F, ce qui sexprime cest le refus du chômage : " on ne va pas descendre dans la rue tous les ans en décembre et sarrêter ensuite avec quelques sous. Ce serait accepter létat de précarité ", " il faut refuser cette situation, imposer un partage du travail et des richesses ". Dailleurs, lidée de faire le lien avec les travailleurs les plus précaires, comme les intérimaires ou les CES et avec ceux qui luttent pour lemploi, comme à la SNCF, est de plus en plus reprise et discutée.
Mardi 15 décembre, jour où Jospin nous a jeté à la figure son augmentation du RMI et des ASS de 2 F par jour, nous étions 150 à manifester de la Bourse du travail à la gare pour y rencontrer des délégations CGT de cheminots et de postiers. Même si ces délégations étaient réduites, nous avons fait un joyeux raffut dans la gare où il y a eu des prises de paroles dont celle dun copain dAC dénonçant clairement cette société, ces patrons " qui sen mettent plein les poches depuis 20 ans et quil faut faire payer, eux, les responsables du chômage ". Jospin et son gouvernement de la gauche plurielle, non plus, nont pas été épargnés.
Après un pique-nique dans la gare, nous sommes repartis en manifestation jusquà lASSEDIC de Bordeaux, et nous nous sommes retrouvés à une quarantaine devant la porte fermée des ASSEDIC qui na pas résisté longtemps devant notre détermination à rentrer. Mais moins de deux heures après, les CRS en nombre nous ont violemment délogés dune façon volontairement provocante.
Comme nous le disions, après les promesses de Jospin, nous avons eu " deux francs par jour et les matraques " ! Cela ne fait que renforcer notre colère et notre détermination pour continuer à nous mobiliser à travers les actions prévues, notamment la journée nationale du 21 décembre, anniversaire du début du mouvement de lan dernier.
ANPE de Flers : un " tremplin " pour continuer pareil
Nous étions 23 à être convoqués récemment à une " réunion d'information " intitulée " Tremplin ". Cette prestation est destinée aux chômeurs longue durée et " à problèmes " : un accompagnement longue durée de trois mois à raison d'un entretien par semaine, avec un organisme en partenariat avec l'ANPE et diverses entreprises de la région. Ce n'est ni un stage ni une formation, " mais cela peut être très bénéfique et positif pour les chômeurs longue durée RMIstes " prétend l'intervenant de l'ANPE ! Cette prestation est déléguée à un organisme car il n'y a pas assez d'employés à l'ANPE pour accomplir cette tâche (aides à l'entretien, CV, lettres de motivation, etc).
Puis nous avons eu les entretiens individuels : proposition de stages bidons, ou de CES ou autres trucs farfelus mais après tout, comme le disait le conseiller de l'ANPE, " on ne vous a jamais dit que vous retrouveriez un emploi après ". L'arrogance de l'intervenant est telle qu'il fait tout pour intimider et influencer les chômeurs fragilisés, avec menace de résiliation et passage devant la commission RMI ou la Direction départementale du travail et de l'emploi. Tout cela enveloppé de beaucoup de morale, l'oisiveté est mère de tous les vices, etc. Nous avons l'habitude de ce genre de discours puisque nous nous sommes déjà entendu répondre, par exemple à propos d'un emploi précaire situé loin et proposé à quelqu'un qui n'a pas de moyen de locomotion, " vous n'avez pas de mobylette ? Vous pourriez demander à quelqu'un de vous héberger et déménager petit à petit ? ". Ou encore " pour vous, je ne vois que des CES ", ou des formations non formatives " pour faire des lettres, des CV, des jeux de rôle ". On nous propose aussi régulièrement des stages en entreprises " pour voir si l'on connaît toujours son métier ".
Cette fois, nous avons eu droit à des propositions de stages comme le MOR (module orientation approfondie) où l'on doit travailler en entreprise sans être payé mais en recevant 800 francs en liquide versés par l'ANPE et à ne surtout pas déclarer aux Assedic, avec menace, si l'on n'acceptait pas, de se faire radier de l'ANPE.
35 heures : accord ou pas, les banquiers veulent imposer leurs mauvais coups
Les négociations sur lapplication de la loi Aubry dans les banques, qui concernent 200 000 salariés, sont considérées comme terminées. Freyche, le président de lAFB, a déclaré : " il ny aura pas de nouvelle proposition après cette réunion car nous avons atteint la limite des concessions supportables par la profession ". Mais ces propositions sont telles que même les syndicats les mieux disposés à signer laccord ont dû faire part de leurs réticences.
De réduction du temps de travail, il ne sera pas question. Depuis la dénonciation de la convention collective des banques, les banquiers refusent de tenir compte des jours fériés et des jours de congés spécifiques aux banques et les ont inclus dans le temps de travail effectif. A lheure actuelle, les employés de banque travaillent 219 jours par an ; avec lapplication des 35 heures, ils travailleront 218 jours ! En " échange ", les patrons veulent disposer dun contingent dheures supplémentaires de 170 heures par an, soit 40 heures de plus que le maximum autorisé par le Code du travail. Quant aux salaires, si le patronat bancaire a renoncé à établir la double échelle en payant les nouveaux embauchés sur la base de 35 heures payées 35, il maintient le principe de lindemnité compensatrice et paie la différence entre les 35 heures payées 35 et le salaire actuel sous forme dune " prime compensatrice ", soumise, comme toutes les primes, à leur bonne volonté.
Si le 23 décembre, aucun syndicat ne signait cet accord, ce sera vraisemblablement entreprise par entreprise que les banquiers essaieront de faire passer leurs mauvais coups. Ce quils veulent, cest supprimer des milliers demplois - un rapport du ministère du Travail, opportunément publié ces derniers jours, chiffre à 40 000 le nombre demplois qui pourraient être supprimés ces prochaines années - augmenter la flexibilité, diminuer les salaires et bénéficier des aides de lEtat pour remplacer des milliers demployés en fin de carrière par de jeunes embauchés moins bien payés.
Côté gouvernement en tout cas, ils sont sûrs dun appui total : Strauss-Kahn invité à banqueter avec les banquiers a déclaré : " je me rendrai au grand dîner de lAFB le 16 décembre et ce sera donc pour moi loccasion de la féliciter de cette avancée significative en matière de négociation collective " !
Textile : licenciements et surexploitation
A peine laccord " modèle " sur les 35 heures a-t-il été signé par toutes les organisations syndicales que les patrons annoncent des centaines de licenciements dans le textile. 235 licenciements chez Weil à Besançon, 265 chez Texunion à Mulhouse, et plusieurs centaines de licenciements à lusine Cacharel de Nîmes qui va être fermée. Ces licenciements sajoutent à ceux annoncés par Levis, Benetton. Les licencieurs ont annoncé leur volonté de faire effectuer la production en Hongrie ou en Turquie notamment, où ils paieront des salaires de misère et feront travailler des enfants.
Tandis quils licencient dans certaines usines, dans dautres, cest lexploitation au maximum. Ainsi le patron de Mod8 dans la banlieue bordelaise a-t-il annoncé quil portait lhoraire de travail à 42 heures pendant six mois, puis à 44 heures jusquaux congés et quil envisageait de ne laisser prendre que deux semaines de congés en juillet au lieu des trois semaines habituelles.
Licenciements dun côté, surexploitation de lautre, cest la politique des patrons. Et les dirigeants syndicaux qui ont signé des accords avec eux pour faire plaisir au gouvernement, cautionnent cette politique et désarment les travailleurs !
Militants CGT : la politique de la direction ne passe pas
A la réunion-débat organisée par lUD-Gironde autour des textes du congrès le 9, nous étions 100 à 150 participants le matin. Le débat a été ouvert par les interventions de cadres du syndicat qui reprenaient les deux aspects du topo introductif et le délayaient : au nom de la démocratie, ils sindignaient que les secrétaires de syndicats puissent être les mêmes depuis 20 ans, ou expliquaient les bienfaits de lunité daction syndicale avec la CFDT, " cest ce que veulent les travailleurs, cest la prolongation du Tous Ensemble ". Un militant du Centre dEssais des Landes à Cazeaux a lu une motion adoptée en réunion de militants : ils dénonçaient la politique de licenciements du gouvernement dont ils vont être victimes, " le premier cadeau du gouvernement Jospin, cest la loi Aubry, le deuxième, les subventions aux patrons soi-disant pour lutter contre le chômage ", ils sopposent au rapprochement avec la CFDT et étaient furieux contre la poignée de mains Notat-Thibault, ils rappelaient quils sont à la CGT " parce que cest un syndicat lutte de classe, mais se demandent pour combien de temps encore ".Très applaudi, il a ouvert la vanne à une série dinterventions demandant " quel prix sont-ils prêts à payer pour lentrée dans la CES " (Confédération européenne des syndicats), un militant racontait une assemblée militante où sétaient exprimées deux positions : " bravo à lévolution de la CGT vers un syndicat de négociations " tandis que plusieurs militants disaient que si la CGT poursuit dans ce sens ils rendent leur carte et vont voir à SUD, ou ils ne savent pas bien où. Fournier responsable de lUSTM sest fait chahuter quand il sest indigné de la levée de bouclier contre la poignée de main Notat-Thibaut, il a essayé dexpliquer que cétait anodin et sans signification politique mais que le problème, cest quil faut entrer à la CES qui est anti-communiste comme tout le monde le sait. Plusieurs réactions " on a dénoncé la loi de Robien qui était plus favorable que la loi Aubry et maintenant on sécrase ", " pas un mot contre les fonds de pension dans le document alors quon les avait dénoncés quand Juppé avait voulu les mettre en place ", un retraité de Sud-Ouest disait son " refus de voir des sections rejeter sur les travailleurs des accords quils ont signés sans être daccord sous prétexte que les travailleurs le voudraient " le même parlait de " la pauvreté du texte proposé par la direction, il ny a rien là-dedans ".
Nous sommes intervenus en essayant de relier ce que de nombreux militants disaient, à la nécessité de combattre la politique du gouvernement et de mettre en avant des revendications (interdiction des licenciements et des privatisations, réduction du temps de travail avec embauche et augmentation de salaire), comme objectifs des luttes à venir, car ce nest que par lorganisation et les luttes que les travailleurs pourront répondre aux attaques des patrons et du gouvernement à leur service. Certains ont essayé de nous couper mais dautres militants les ont fait taire, et ce fut lintervention la plus applaudie.